LEXIQUE
D'INSTRUMENTS CUBAINS
(percussions, aérophones, cordophones)
par
Daniel Chatelain
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évolutive commencée en 2010. Dernière modification de la
page : 20/05/2021.
N.
B. : Cette page ne prétend pas traiter de
l'ensemble des instruments afro-cubains traditionnels,
mais des instruments joués dans la musique populaire, qui a
intégré dans les dernières décennies certains de ces
instruments (batas, chékérés...). Dans la musique
cubaine populaire cubaine, ne sont traités que les
instruments propres à Cuba ou ayant des caractéristiques ou
usages spécifiques dans l'île.
(Voir
quelques éléments sur les instruments afro-cubains
traditionnels dans la colonne de droite)
1.
PERCUSSIONS
Les
instruments de percussion cubains énumérés et décrits
ci-dessous comprennent
des tambours à une peau (bongo, conga, bocú, timbalès)
ou deux peaux (batas, bombo) et des idiophones variés :
cloches (campana), hochets (maracas, chékérés),
racleurs (güiro), ou encore idiophones entrechoqués (claves)
et pincés (marimbula).
PRÉCISIONS
PRÉALABLES :
1.
Les percussions cubaines figurant dans ce lexique sont des
instruments de la musique populaire cubaine, par
essence métissée. Des instruments restés proches de leur
origine africaine y figurent également, du fait de leur
intégration assez récente à cette musique populaire cubaine, à
la salsa ou au latin jazz (batas, chékérés...).
De nombreux autres instruments afro-cubains, rituels ou
d'usage profane localisé, n'y figurent pas. Pour une
description quasi exhaustive des centaines d'instruments de
percussions cubains, nous renvoyons à l'ouvrage en espagnol :
Alén, Olavo (dir.), Instrumentos de la música
Folclórico-popular de Cuba, 2 vol. et atlas, CIDMUC /
Ciencas Sociales, La Havane, 1997.
Le
grand nombre d'objets domestiques ou d'ustensiles agricoles
récupérés dans l'usage de la musique cubaine n'a pas permis de
les intégrer à ce lexique, qui doit garder un caractère plus
synthétique qu'exhaustif ; nous avons fait exception pour la
"campana" de la conga oriental, jante de camion ou
tambour de frein qui a gagné un nouveau nom dans son usage
musical.
2.
Précisions orthographiques : Le site www.ritmacuba.com
adopte plusieurs innovations orthographiques, telles qu'elles
ont été proposées par Michel Faligand, fondateur de la revue PERCUSSIONS
et du site mespercussions.org. Leur principe est de mieux
mettre en accord la prononciation francophone de ces
instruments et la façon dont ils s'écrivent, d'où :
- timbalès
(au lieu de timbal, timbales en espagnol),
l'accent grave permettant de mieux distinguer cet
instrument des timbales classiques ;
- très
(au lieu de tres pour la petite guitare à trois
cordes doubles).
- chékéré.
Espagnol : chekeré, portugais (Brésil) : xequerê,
anglais (Nigeria) : shekere.
- bata
(espagnol : batá au singulier, batas au
pluriel ; yoruba bàtá - ton grave puis aigu -
invariable).
En ce qui concerne ces deux derniers mots, leur orthographe
espagnole (ou autre langue européenne) est une adaptation
cubaine de mots de la langue yoruba (Afrique de l'Ouest),
laquelle est une langue à tons. L'orthographe yoruba ne peut
pas être adoptée en français sans provoquer de mauvaises
interprétations : en particulier, les marques tonales des
Yoruba sur les voyelles n'ont rien à voir, malgré les
apparences, avec les accents graves et aigus du français.
Par exemple les voyelles du mot yoruba pour chékéré
s'écrivent avec la marque tonale (`), ce qui donne trois
fois (è) pour marquer qu'il s'agit de trois tons bas
successifs. Autre exemple : bàtá implique en yoruba
un ton grave suivi d'un ton aigu (alors que le á de
l'espagnol batá est un accent tonique, on pourrait
dire "de tonicité"). Une fois francisés comme nous le
faisons, ces mots peuvent alors être accordés au pluriel
(comme ils le sont d'ailleurs en espagnol et autre langues
européennes).
Quant à la marque d'accent en espagnol, elle a une fonction
différente de l'accent français, dès lors pourquoi la
reprendrait-on à propos de ces instruments dans un texte
français?
-
Les batas
(singulier
français bata, espagnol : batá au
singulier, batas au pluriel ; yoruba bàtá
- ton grave puis aigu - invariable) sont des tambours à
deux peaux de provenance africaine (population yoruba)
reconstruits à Cuba pour continuer la tradition
cultuelle de l'orisha Changó, roi divinisé du royaume
yoruba d'Oyó. Encore couramment à Cuba, on dit au
singulier "El batá" pour parler de l'ensemble des trois
tambours. En Afrique comme à Cuba, leur caisse est soit
conique, soit, le plus fréquemment, d'une forme propre à
ce tambour, avec un cintrage délimitant deux parties
inégales (forme souvent assimilée de manière
simplificatrice à celle des tambours en sablier, par
définition divisés en deux parties symétriques). Ils
sont joués sur leurs deux peaux, de dimension inégales,
le cintrage étant plus proche de la petite peau. A Cuba,
ce sont les proportions (diamètre, longueur) et des
détails du laçage traditionnel, qui ont évolué par
rapport à l'instrument africain d'origine.
Le mode de tension traditionnel des peaux joue sur un
double système de lanières en cuir (ou ficelles). Les
instrument d'usage exclusivement rituel ont
traditionnellement ce mode de tension, ce sont des
tambours "de fundamento", consacrés.
Le système de clés, apparaît dès 1915 sur un jeu
destiné de manière hétérodoxe à un contexte
rituel*. Ses créateurs l'ont nommé "panderetas
lucumi", les associants à des tambourins
européens pour mieux échapper à la stigmatisation des
tambours africains.Le fondateur de l'afrocubanité,
Fernando Ortiz refusera de les faires figurer dans son
chaître sur les batá, malgré leur intérêt historique. En
effet cette tentativre précède d'une trantaine d'années
l'adoption des mécaniques sur le bongo et la conga.
Quand la fabrication avec mécaniques refera surface,
leur usage sera réservé à l'usage profane apparu
entretemps. Des tambours batas non consacrés peuvent
être joués dans des cérémonies de santería,
se sont alors des tambours "aberikula" (qui
peuvent être de facture de tension traditionnelle
ou à mécaniques).
Le musicien joue le plus souvent en position assise,
l'instrument posé sur ses cuisses, chaque main frappant
une peau.
Tambours batas consacrés (añá). On note la
fardela bien visible sur la peau grave de l'itotele.
© photo
Frédéric Vigneau
Dans
le mode de construction fidèle à l'origine les batas sont
creusés manuellement dans un tronc d'arbre (les trois dans
le même tronc). C'est ce mode de construction qui est en
principe le seul conforme à la tradition rituelle.
D'autres modes de construction sont apparus. Le mode de
construction en douve a introduit une tendance à élargir
le diamètre de la peau grave (accentuation de graves) et à
diminuer la distance entre les deaux peaux (moindre effort
dans le jeu).
Les batas cubains forment un ensemble polyrythmique de
trois instruments nommés, du plus grand au plus petit, iyá,
l'instrument soliste, itótele (ou omelé)
et okónkolo* (respectivement : "(la)
mère", "celui qui suit" (= qui répond) et "(celui
qui bégaye/qui joue en staccato") en langue yoruba).
Les peaux des deux premiers peuvent être entourées, selon
les circonstances, d'une ceinture mobile munie de
clochette, appelé comme en Afrique chaworó (Actuellement
l'usage du chaworó a tendance à se réduire à l'iyá).
Les peaux graves de l'iyá et de l'itótele
peuvent être munies d'un emplâtre de couleur rouge, la fa(r)dela
mode traditionnel pour obtenir la qualité de grave
désirée.
Dans le contexte traditionnel, les batas ne sont pas
accompagnés d'un idiophone métallique contrairement aux
autres tambours afro-cubains. Soit ils se suffisent à
eux-mêmes, comme dans le répertoire non chanté oro
seco, soit ils sont accompagnés d'un petit chékéré
ou d'une maraca appelée alors acheré et de
claquements de mains jouant une clave.
*okonkolo est
aussi utilisé une expression vocale rythmique chez les
Yoruba. Des musiciens traditionnels utilisent kon-ko-lo
pour transmettre vocalement le rythme 12/8
inter-africain : "kon-ko-lo, kon, kon-ko-lo".
(Source : Darius Thieme)
Trio de tambours batas consacrés (añá).
Les chaworos sont séparés des instruments, à droite.
(le tambour symbolique à gauche, elekotó, n'est
pas joué). Il s'agit ici du jeu de Mililián Galis,
premier jeu consacré de Santiago de Cuba,
photo Daniel
Chatelain.
Traditionnellement, les
trois instruments sont joués par trois
percussionnistes différents, mais il arrive, dans la
salsa ou le latin jazz, que les trois tambours soient
assemblés et utilisés par un seul instrumentiste. Cet
usage, supposant une adaptation du jeu rythmique
traditionnel, a été utilisé systématiquement dans la
musique dansante par Oderquis
Revé (1949) dans l'Orquesta Revé et suivi, selon
les dires du précédent, par Oscar Valdés (Irakere). Ce
dernier groupe ayant à la fois un répertoire de
musique dansante et de jazz, si on accepte la version
d'Oderquis Revé, ce serait quand même Oscar Valdés
(fils) qui introduirait cette façon innovatrice, de
jouer les batas dans le latin jazz et le jazz tout
court (il a appris les rythmes des tambours batas dès
1949). Mais la première utilisation - ponctuelle - des
trois batas dans la musique dansante semble revenir à
la Sonora Matancera ("El nuevo ritmo Omelenkó"
- 1953). De son côté les orchestrations de Bebo Valdés
n'utilisaient qu'un seul bata dans le ritmo
Batanga (1952) élaboré avec la collaboration
du percussionniste Candido Camero (né en1921).
L'orchestre de Bebo valdés avait aussi pratiqué aussi
un rythme
"batacún batá" joué aux percussions par Oscar Valdés
(père).
Utilisation
de la chancleta
(lanière de cuir avec la forme de deux doigts dans un
jeu traditionnel de Matanzas. Gilbert Rouget avait
montré que cette pratique était liée à un usage
comparable yoruba en Afrique (sans la forme de doigt) et
non une fantaisie locale comme il était crû.
Tambours
bata avec mécaniques, 1915. www.ritmacuba.com/02_Havane_Histoire-des-tambours-Bata_C-P-Banchereau.html
-
Le bocú
(pluriel esp.
: bocues, bocuses) est un tambour conique
allongé joué en bandoulière dans la conga
oriental, rythme carnavalesque caractéristique
de l'Est de Cuba (provinces de Santiago et
Guantánamo). Sa sonorité est proche de la conga
(instrument). La conga orientale utilise des groupes
de bocues (de 6 à 16) et distingue des
sous-groupes : quinto (soliste), repicador,
plusieurs fondos et bocues
(sans autre précision). Il sont associés dans le
carnaval d'Oriente aux bombos, souvent à une
conga et aux campanas ou llantas.
A l'époque où la rumba est arrivée en Oriente (premier
quart du vingtième siècle), elle était souvent jouée
sur les bocues des congueros.
Instruments de conga
orientale. Photo 1 : en premier plan campanas,
en 2e plan bocues, en 3e plan bombos.
Stage Ritmacuba, photo Marcel Roy. Photo 2. De droite à
gauche : bocues,
campana (llanta), corneta china et bombo
(Museo del Carnaval de Santiago de Cuba) ©
photo Daniel
Chatelain
-
Le bombo
(ou tambora) est
un tambour cylindrique portatif à deux peaux. Le
musicien frappe sur l'une des faces avec une batte
et contrôle la vibration de l'instrument en
étouffant périodiquement la seconde peau avec sa
main libre, ce qui lui permet de varier les timbres.
Les rythmes joués sur les bombos (conga,
mozambique), sont issus du répertoire associé
au carnaval.
Dans l'Est de Cuba ("Oriente") on utilise
plusieurs types de bombos. Dans la conga orientale on
utilise ainsi, selon la taille des instruments et leur
fonction musicale :
- le pilón (le plus grand diamètre) ou
tambor mayor,
- la galleta ou redoblante (dit aussi
bombo redoblante), de plus faible épaisseur que le
pilón ainsi que l'indique le terme "galleta"
(galette),
- la tambora (de plus petit diamètre) ou requinto.
Cette dernière est probablement issue de l'instrument
du même nom commun à la tumba francesa et à
l'ancienne tahona (formation
de défilé d'influence franco-haïtienne).
Elle a été introduite dans la conga
avec l'apparition dans la conga de Los Hoyos du rythme
masón influencé jusque dans son nom par le rythme de
la tumba francesa qui utilise la tambora.
bombos de la Conga de Los
Hoyos. Sevran 1992 (1 & 2), Santiago
de Cuba 1997 (3) (premiers plans) ©
photos Daniel
Chatelain
Les deux
plus grands bombos des congas d'Oriente auraient été
empruntés eux, à une autre tradition antérieure, celle
des cabildos carabalí d'Oriente.
Si la Conga de Los Hoyos utilise uniquement ces trois
bombos de taille et de hauteur différente, on peut aller
jusqu'à cinq bombos de hauteur différente dans une conga
comme celle de San Pedrito. Tous ces instruments sont
aujourd'hui accordés avec un système à clé.
- Le bongo
est constitué de
deux petits tambours à une peau accolés : macho
("mâle", tambour le plus aigu) et hembra
("femelle", grave). On joue habituellement le macho
à gauche et la hembra à droite (mais
c'est l'inverse, en principe, dans la tradition du changüí).
Les peaux sont montées sur des fûts coniques ou
cylindriques, grâce à un système de clés. On en joue
généralement assis, l'instrument maintenu entre les
genoux, ou posé sur un stand métallique. Dans la
musique cubaine, le bongocero joue avec les
doigts et les paumes. Dans le son et la
salsa, il utilise alternativement cet instrument et la
cloche campana. La figure basique du bongo
dans le son est le martillo (apport
havanais).
Comme l'a écrit Michel Faligand dans la
page bongo de son
site mespercussions : "le bongo désignant une paire
de tambours, on doit donc écrire le mot sans "s"
final, sauf à vouloir désigner plusieurs paires de
bongos."
Bongocero (stage Ritmacuba à
Santiago) © photo Frédéric Vigneau
Les proportions du bongo
de changüí ou "bongo de monte" sont
différentes du bongo que nous à légué le son.
Les peaux sont collées, accordées à la chaleur d'une
flamme et jouées moins tendues. La conception du jeu est
différente et il n'y a pas de martillo.
Dès les années '30, à Cuba, le bongo de son commence à
se voir doté de mécaniques d'accordage (cf des photos
d'époque d'Anacaona ou de Gloria Matancera), précédant
en cela les congas (qui n'arrivent dans la musique
populaire orchestrée qu'à partir de 1937). Mais cela ne
se généralise dans le pays qu'à la fin des années '50.
Les proportions du bongo de son
ont varié avec le temps : fûts plus grands
qu'aujourd'hui dans le bongo de monte
d'origine, diamètres plus petits qu'aujourd'hui au début
du son urbain (dans la recherche de sons plus aigus),
corps de l'instrument plus haut à l'époque des premières
mécaniques, tentatives postérieures d'obtenir une hembra
plus large et plus grave (cf "Rolito"...).
Le bongo comme tambour double est d'ailleurs le résultat
d'un processus précédant le son urbain :
tambour portatif joué entre les jambes , association de
deux tambours entre les jambes sans lien entre eux, deux
tambours reliés par une lanière joué de part et d'autre
d'une cuisse, réunion physique des deux fûts jusqu'à la
fixation latérale entre eux par une pièce de bois ou de
métal.
Parmi les premiers bongoceros répertoriés : Alfredo
Boloña (1889-1964), pionnier du son à
La Havane dès les années 1908-1910, qui était aussi
chanteur tresiste et guitariste), Joaquin
Velazcos (Quinteto Tipico, 1911), Andres
Sotolongo, (Sexteto Habanero 1920), Oscar
Sotolongo (1900-1974) parmi les premiers
bongoceros havanais, José Manuel "El Chino"
Incharte (fondateur du Sexteto Boloña, 1923 ; il
introduit le bongo sur le continent sud américain -
Venezuela, Colombie - en 1926), Ricardo Lón Dueñas "El
Niño" (1937),
également timbalero : Orquesta Jorrín)
, Clemente Piquero "Chicho"
(fondateur de l'orchestre de Benny Moré en 1953,
orchestre de Perez Prado, mentor de Mongo Santamaria), Papa
Kila (Antolin Suarez, bongocero de
Arsenio Rodríguez)...
Autres pionniers : Agustín "Manana"
Gutierrez joue le premier l'instrument à New-York en
1925 à l'occasion d'un enregistrement du Sexteto
Habanero, suivi de Manuel Reinoso en
1926 (Sexteto Occidente). Le bongo est joué à Paris en
1931 (Mariano González dans le Sexteto
Cuba) et en 1932 par Florentino Frontela
(orchestre d'Emilio Bareto) et dans la même période par
le bongocero de Don Aspiazu. En 1938, le bongocero Alejandro
Rodríguez est le premier à jouer dans une
formation de jazz afro-américaine, l'orchestre de Cab
Calloway, dans lequel il a été introduit par Mario
Bauza, précédant de plusieurs années le premier
bongocero de Dizzy Gillespie, Guillermo Romero.
La
première bongocera,
autrement dit femme jouant le bongo, connue fut Argimira "Millo"
Castro, principale attraction de l'Orquesta Anacaona à
partir de 1932, alors qu'elle n'avait que 15 ans
(également batteuse).
Mongo
Santamaria au bongo. Le bongo et les deux tumbadoras sont
des Vergara (cf colonne de droite)
D'autres
personnalités se distinguent comme Orlando
Soto "Rolito" (inventeur de
caractéristiques personnelles de son instrument : hembra
plus grande, macho très tendu grâce,
cinquième clé...) : Orquesta Rumbanava, Orquesta
Mazacote de Los Angeles), Ricardo León Dueñas "El
Niño" (1937) de la Orquesta Jorrín,
également bongocero et conguero ou Roberto
Garcia Valdés "El
caballero del bongo" (1932-2010) qui termina
sa seconde carrière avec le Buena Vista Social Club.
Curiosité
: la marque LP commercialise un "tribongo", ajoutant un
troisième fût plus petit que le macho.
Article
détaillé : "Du bongo" par Michel Faligand
Vidéo
: technique du bongo del monte (et marimbula)
Article
: Lino A. Neira Betancourt : "Roberto
Garcia Valdés, un antes y después del
bongó en la música cubana". Revista Clave Año 15 n°1.
2013
Bongo
de monte © photo Daniel Chatelain
Le cajón
(pluriel : cajones) est
un substitut de tambours constitué d'une caisse de bois.
Il est emblématique de la rumba et de l'esprit qui lui est
propre consistant à utiliser des objets quotidiens comme
instrument de percussion (cuillères, portes, escalier). Le
cajón aigu, tenu entre les genoux est réputé pour
être la récupération d'une boîte de bougie, tandis que le
cajón grave serait issu d'une boîte de morue.
Dans la rumba, les tumbadoras se substituèrent souvent au
cajones.
L'innovation de l'usage simultané d'un cajón et d'une
tumbadora est attribuée à Justo Pelladito (père) dans les
années '40 (source : Tata Güinés). Postérieurement le cajón,
fabriqué en tant qu'instrument a été décliné en trois
instruments complémentaires, l'instrument intermédiaire
s'approchant des dimensions d'une conga, en plus ramassé.
En dehors de la rumba, ces instruments ont aussi une
utilisation rituelle : cérémonies de cajón spirituales
("spirites") ou de cajones de muertos (pour les
esprits des morts). Même les batas ont été imités sous
forme de cajón.
Par contre, le cajón qui affirme une présence
internationale à travers le flamenco n'est pas un cajón
cubain : c'est le cajón d'origine péruvienne, qui
diffère sur plusieurs points des précédents.
Au début du XXIe siècle des luthiers d'origine
géographiques diverses ont étendus le principe du cajón
comme équivalent de différents membranophones cubains,
avec une terminologie encore à fixer : cajones de bata /
batá cajones / batajones, sinon "wood
conga" (ce dernier décliné en quinto, segundo,
"tumba" dans le cas d'un fabricant français) et même "wood
bongo".
Cajones et tumbadoras
(groupe
Folkloyuma, Santiago de Cuba) ©
photo Daniel Chatelain
La
campana
(ou le cencerro) est,
à l'origine, une cloche de vache dont le battant a été
ôté et qu'on frappe à l'aide d'une baguette. Tenue à
la main par le bongocero - ou par le campanero
spécialiste de la musique de carnaval - elle peut
aussi être posée sur un support par le timbalero
ou servir comme l'un des accessoires d'une batterie.
La cloche de vache aurait été introduite dans la
musique cubaine de danse soit en 1912, soit en 1923
selon les sources, par le percussionniste Manengue,
Antonio Orta Ferrol, qui prétendait, dans la deuxième
hypothèse, avoir détourné dans le feu de l'action
d'une improvisation dans le cabaret Bohemia de La
Havane une cloche destinée à une vache dont il était
propriétaire (cf article : MORALES CABEZAS, Obdulio.
1999. "De como el cencerro nacio a la música".
Tropicana n°8). Que cette origine soit mythifiée ou
véridique, qu'elle soit unique ou non, la campana
de Manengue renouait avec les divers
idiophones métalliques employés dans la musique
afro-cubaine traditionnelle : outils agricoles tels
que guataca, lame de faux, ou encore cloches
ekón des abakuá et oggán
des arará.
Gladys
"la campanera" & joueur de corneta china
(remerciements à Miké Charropin)
Dans
le contexte de la conga orientale, on désigne sous le
terme campana une jante (llanta) automobile de
récupération. Celle-ci est soulevée du plat de la main
à hauteur d'épaule et est frappée par une tige
métallique de l'autre main. Des rythmes
complémentaires de fort impact sonore sont joués sur
trois campanas ou llantas de hauteurs différentes.
Gladys Linares, de Los Hoyos, défraya la chronique en
devenant la seule femme à jouer la campana de conga
(elle a aujourd'hui de jeunes émules).
bocues (cloutés) et
campana à Santiago de Cuba en 1952
© photo Carlos Berenguer
(cliquer pour agrandir)
Il est utilisé de manière polyrythmique dans la santeria
ou régla de Ocha en trio de trois tailles différentes :
dans les cérémonies "bembés de güiro", "güiro",
désignant alors le chéquéré par sa calebasse. Dans ce
cas le trio est joué seul, ou avec unimembranophone(s).
Il accompagne les unimembranophones dans les
bembés de San Lazaro (16 et 17 décembre) en honneur à
Babaluayé.
Un petit Chequeré est souvent joué dans la rumba
(pulsation et variations). Il est souvent bienvenu dans
le latin jazz, promu vers 1980 par Irakere.
La
première tentative d'intégrer un chékéré dans un orchestre
date du XIXe siècle (Orquesta de Raimundo
Valenzuela vers 1885), mais une campagne anti-africaine de
la presse retira cet instrument des salons à ce moment.
Les esprits de la bonne société cubaine n'étaient pas
prêts.
Chékérés HC ©
ritmacuba.com
Dans
la tradition yoruba en Afrique le shekere
désignait autrefois uniquement l'instrument entouré de
cauris, seuls ou associés à d'autres percuteurs
d'origine locale (attesté dès le 18e
siècle), comme les perles rondes ou tubulaires ou
encore des minéraux, à la différence de l'agbe
ayant pour percuteurs des graines dures de baobab. Les
joueurs de shekere étaient liés à l'orisha aje*,
orisha féminin associé à l'argent et la fortune
(n'oublions pas que le cauri a été une monnaie de
cette société, mesurant la richesse). Le shekere a pu
évoluer à partir de l'utilisation musicale de la
calebasse, elle-même antérieure à la fondation de la
ville d'Ifè, attribuée par la tradition à Oduduwa,
père de la civilisation yoruba. Mais elle a pu aussi
évoluer à partir de l'usage domestique des grandes
gourdes et du bruit créé par des objets gardés à
l'intérieur. Les joueurs affirment que le premier
joueur de shekere s'appelait Arowora (musicien de la
Cour de l'Alafin de Old Oyo, dont ils descendent). Son
usage serait répandu à travers le yorubaland à
partir de l'utilisation royale de l'alafin d'Oyo et
d'autres grands Oba, par l'imitation de rois plus
petits et autres chefs.
En Afrique, la popularité du shekere a fait
pratiquement oublier l'usage de l'agbe. A Cuba les
deux noms ont été conservés comme synonymes, quelques
soient les percuteurs sélectionnés (perles, graines
dures locales).
Les Yorubas connaissent encore un autre
instrument de cette famille, le Shakara, sans
restriction d'usage comme a pu en connaître le shekere,
et d'utilisation à la fois plus populaire (marriages,
enterrements, sortie de masques) et plus localisé. Le
shakara a pour percuteur des perles de bois et de
verres, ainsi que des graines (un nom d'un des
instruments de l'ensemble laisse entendre que la graine
de baobab est/a été utilisée). Son nombre de joueur est
habituellement six. (Source : thèse non publiée de
Darius Thieme. Michigan, 1969).
*aje (ou "aje
shalunga", comme dans le culte cubain d'Olokún)
est considérée comme l'épouse d'Olokún, lequel fut
compagnon d'Oduduwa lorsque celui-ci a pris le pas
sur Obatala et ses partisans Igbo à Ifè, divinisé
à sa mort comme orisha des profondeurs marines.
- Les claves
sont constituées
de deux cylindres de bois dur. L'une des pièces
frappe l'autre, tenue horizontalement, alors que
la main forme une caisse de résonance.
La formule rythmique appelée la clave (la
clave de son, la clave de guaguancó
etc...), terme dérivé du nom de l'instrument, sert
de guide rythmique pour l'ensemble des instruments
de l'orchestre. L'orthographe "clavé" est
incorrecte pour cette formule, c'est une invention
nord-américaine. Dans le son traditionnel,
ou la rumba (guaguancó, yambú,
columbia), les claves sont jouées par un
chanteur soliste. Dans la rumba columbia elle peut
ête substituée (ou complétée) par un idiophone
métallique jouant la formule inter-africaine.
Note : Le mot espagnol clave(s)
dans ce sens est un archaïsme pour clavija,
"cheville" utilisée dans l'ébénisterie et la
construction navale (clavija est un dérivé
de clave). Ne pas confondre, malgré ce
qu'on peut lire ici ou là avec la clave
(clé) de sol ou de fa.
De nombreux bois cubains sont aptes pour les
claves, parmi lesquels le dagame, l'acana (ou
ayacan), le granadillo, caguairan ou, moins connu,
llava.
-
Les
"claves
africaines" se
distinguent des "claves cubaines", qui
sont celles qui viennent d'être décrites. Dans une
paire de claves dites "africaines" de Cuba, la
clave percutée est creuse, autrement dit elle
possède une caisse de résonnance et a en
conséquence un diamètre plus important que la
clave qui la percute. Les claves africaines se
sont imposées dans les orchestres de salsa à
partir des années '80.
-
La
conga ou tumbadora
est un tambour tonneau
(constitué de lattes collées) à une peau,
jouée en général à main nue. Conga vient d'un
adjectif féminin et il est à proscrire de le mettre
au masculin comme il arrive malheusement en français
"il joue du conga"). L'origine de ce tambour a été à
plusieurs reprises associées au ngoma du
congo. Mais sa construction en lattes plaide pour
une origine endo-cubaine du tambour*. A
l'origine, la peau était cloutée et il fallait la
chauffer pour l'accorder ; aujourd'hui elle est fixée
par un système de clés inventé à Cuba** (ce système a
servi de modèles pour le bocú). L'invention de
ce système de clés a longtemps été attribuée à Carlos
"Patato" Valdés" (La Havane 1926 - New York 2007),
lequel, dans son jeu qualifié de "mélodique", faisait
d'ailleurs un usage immodéré, y compris en cours
d'éxécution, de sa clé d'accord. Elle est aujourd'hui
créditée au joueur de conga de la charanga de Arcaño,
Eliseo Pozo "El Colorao", aidé dans la conception par
le timbalero Ulpiano Díaz (1900-1990).
Il l'a utilisé dès 1944.
Tumbadora
de 1944 de Eliseo Pozo "El Colorao" (revue Tropicana,
La Havane)
Lorsque
le joueur défile, il n'utilise qu'une conga, tenue
en bandoulière, il peut également jouer debout une
paire de conga disposée sur un un stand
métallique. Enfin, il peut jouer en position
assise d'un nombre variable de congas posées à
même le sol. Le terme conguero pour
celui qui joue l'instrument n'est pas un usage
cubain et est venu par les Étas-Unis.
L'instrument conga a connu son premier
développement dans les formations de carnaval
cubain - aussi nommées congas - et a été adoptée
dans les rumbas (congueros des défilés et
rumberos étant souvent les mêmes) dans
les années '20 du XXe siècle.
Le terme tumbadora est relativement
récent, mais a remplacé (au milieu du XXe
siècle) l'usage du terme conga à Cuba. Tandis que
ce dernier terme a continué à être diffusé à
travers la fabrication industrielle de
l'instrument à l'extérieur de Cuba. Le terme
tumbadora a son origine dans les milieux de la
conga de carnaval et de la rumba, où on a appelé
tumbador certains instruments, d'où l'adjectif tumbadora
employé dans l'expression "conga tumbadora". Quant
à tumba, c'est une appellation générique pour
tambour, en particulier dans les régions centrale
et orientale de l'île. Cette appellation vient du
terme polysémique bantou tumba (fête, danse,
tambour...).
A Cuba, lorsqu'il y a trois tumbadoras
de différents diamètres, on les nomme différemment
en distinguant le quinto (aigu), le tres
dos (medium) et le salidor (grave).
Dans la rumba, où le tres dos est
considéré comme "l'esclave" du salidor,
celui qui le suit, qui doit y répondre, tandis que
le quinto est l'instrument improvisant
sur la base rythmique fournie par les deux autres
et les idiophones (claves, guagua, shekere),
plusieurs appellations se disputent chacune des
trois tailles des tambours :
- salidor :
llamador / tumba / tumbador / bajo / caja... (salidor
signifie celui qui entre en premier. Dans d'autres
styles, le salidor n'est pas forcément un
instrument grave...)
- tres dos : segundo
/ seis por
ocho / tres golpes...
- quinto : repicador...
Les
catalogues des marques états-uniennes ont utilisé
des noms qui déplacent l'usage de l'île, si bien
qu'il y est appelé requinto ce qui est
ni plus ni moins un quinto cubain. Dans la
nomenclature imposée par LP par exemple, un jeu de
trois congas sera constitué de quinto, conga et
tumba, mais ce quinto est plus large qu'un quinto
cubain (où on ne joue pas de rythme stable) et les
deux autres seraient qualifiées à Cuba de
tumbadora (grave et aigüe)
La conga fut introduite pour la première fois dans
une formation de son dans un septeto
(le Septeto Afrocubano de Santos Ramirez, créé en
1933), par un percussionniste nommé Vidal
Benítez***. Auparavant, le bongo était le seul
tambour utilisé dans le style cubain son,
profondément lié à l'identité cubaine. Cet exemple
fut suivi par le conjunto La Llave (il utilisait
la conga en 1934 selon Candido Camero), le sexteto
féminin Anacaona, par la Sonora Matancera et dans
certaines occasions par le Sexteto Bellamar où
Arsenio Rodríguez était entré en 1934. La
direction du Sexteto Bellamar lui étant offerte en
1940, Arsenio Rodriguez le transforme en conjunto
sous son nom.
C'est
avec le format orchestral conjunto de son que
s'impose définitivement la tumbadora dans le
contexte du son. Arsenio Rodríguez
associe la désignation "conjunto" (qui avait déjà
été employée dans les années '30****), à son choix
d'amplifier les ressources sonores et harmoniques,
incluant la conga, le piano et trois trompettes,
pour jouer le son et les styles hybrides
qu'il a agglutiné. Le septeto Casino utilise la
même année la conga, le piano et deux trompettes,
mais n'adoptera de manière systématique
l'appellation de "Conjunto Casino" qu'en 1942.
L'essor des conjuntos avec deux ou trois
trompettes, piano, conga et contrebasse peut
apparaître comme une réponse à la cubanisation
instrumentale des big bands de Cuba, qui tendent
dans les années '30 à intégrer les percussions
cubaines, dont la conga.
En 1940, la conga entre aussi dans une charanga,
celle de Arcaño, rapidement imitée par d'autres
charangas, pour jouer le danzón de nuevo
ritmo alors en essor. En 1941, elle
s'introduit dans le jazz avec Diego 'Mofeta'
Iborra (qui sera aussi le premier conguero
de Dizzy Gillespie, avant Chano Pozo).
Le premier conguero cubain à faire carrière aux
USA est Francisco "Chino" Pozo
(1915 - 1980), qui entre en 1937 dans l'orchestre
de Machito (également bongocero et batteur).
Il est suivi par Carlos
Vidal Bolado (1914 - 1996) arrivé
aux USA en 1943, qui rejoint à son tour
l'orchestre de Machito avant d'enregistrer le
premier album commercial de rumba (autour de
1948).
Luciano Pozo Gonzalez, "Chano Pozo"
(La Havane 1915 - New-York 1948) est la
figure-clé de la rencontre de la musique
afro-cubaine et du jazz, symbolisée par son
jeu de conga soliste au Carnegie Hall de
New-York devant l'orchestre de Dizzy
Gillespie en 1947. Il marque aussi les
esprits dans la tournée en Europe de 1947 où
l'orchestre de Dizzy fait découvrir le be
bop, à une epoque où la presse et le public
ne distinguent pas trop bongo et conga! Au
début des années '40 il est pionnier dans
l'utilisation de plusieurs congas, par trois
ou par six. Pour ce faire elles sont
enserrées dans un cadre métallique qui
dispose en ligne des congas de différentes
hauteurs. Il nomme cette invention pour
shows "marimba de congas" (cf
livre biographique en espagnol de
Chano Pozo par Rosa Marquetti).
Il ne l'utilise pas dans sa carrière aux
Etats-Unis à partir de 1946 écourtée par son
assassinat. Cette solution technique
contemporaine des premiers trépieds ne fut
pas reprise.
Mongo
Santamaria (La Havane 1922- Miami
2003) a eu une influence extraordinaire, une
fois entré aux USA une première fois en 1943
puis établi à New-York sur les traces du
succès de Chano Pozo, et ce aussi bien dans
le jazz, le latin jazz que dans la salsa,
enregistrant aussi à Cuba dans les années
'60 avec une profonde imprégnation
afro-cubaine traditionnelle.
Candido
Cámero,
(San Antonio de Los Baños, 1921-2020), initialement
tresiste et contrebassiste passe aux congas et bongo
en 1946, année de son arrivée aux USA et, à partir de
1953 enregistre avec les plus grands jazzmen. Il
a été pionnier à jouer sur deux puis trois congas,
associer bongo et congas en set et a créé un système
pour jouer la campana au pied.
Armando Peraza (1924-2014)
lie sa carrière à de grandes figures de jazz aux USA à
partir de 1949. Il enregistre, semble-t-il le premier,
du moins en tant que véritable conguero latin, la
conga dans le rock en 1968 (ou serait-ce Francisco
Aguabella?), avant de rejoindre la carrière
internationale "latin rock" de Santana en 1972.
Tata Güinés
(Aristides Sotó, Güinés
1930- La Havane 2008) a systématisé le jeu sur les
timbres dans la tumbadora, symbolisé par son
utilisation des ongles (la "machine à écrire") et fait
école auprès des congueros des générations suivantes.
Il a ainsi popularisé le solo de conga, auparavant
considéré comme instrument d'accompagnement dans la
musique populaire.
Tata
Güinés et le jeune Lucumi dans le film "Lucumi
l'enfant rumbero" de Tony Gatlif (coll. Daniel
Chatelain)
Ricardo
Abreu, "Papín" (La Havane, 1933 - La Havane
2008), excellent "quinto", a fondé avec ses frères Los
Papines, un orchestre de percussion de grande
popularité, basé sur les tumbadoras et les
polyrythmies de la rumba.
Photo d'archive de Los Papines
Francisco
Aguabella
(Matanzas
1925 - Fayetville 2010) joue
un set de 5 congas dans un contexte rock à la fin des
années '60. Autour de 1980, Jorge "El Niño"
Alfonso se fait remarquer dans Irakere en
jouant 5 congas avec virtuosité. Miguel Aurelio "Anga"
Díaz (1961-2006), qui a d'ailleurs succédé à El
Niño dans Irakere, a porté à son sommet ce jeu simultané
sur cinq congas.
Ray
Barreto (1929,
New York - 2006,
Hackensack). Conguero phare de la salsa, du latin jazz
et du jazz, il est probablement celui qui a le plus
enregistré sur la planète. Il se situait lui-même dans
la lignée de Chano Pozo, accordant dans le grave
convenant mieux disit-il au jazz qu'un accord tendu de
musique de danse.
Giovanni
Hidalgo (1963, San Juan, Porto Rico),
entretient des liens avec les meilleurs
percussionnistes à Cuba à partir de 1981. Il
applique des techniques de baguettes au jeu
manuel des congas, prenant place parmi les
plus grands virtuoses de l'instrument de
tous les temps.
En Europe, les
percussionnistes de la musique savante occidentale
rangent la conga dans les « digitaux » bien qu'il ne
soit pas rare que les compositeurs qu'ils interprètent
aient indiqué de jouer la ou les congas (tumbas) avec
des mailloches, des baguettes ou des balais. Il semble
que la première partition de musique savante occidentale
dans laquelle la conga ait un rôle à jouer soit Orpheus
(1925-1931) de Carl Orff et à la suite l'Ouverture
cubaine (1932) de Georges Gershwin.
*
des observations de Patrice Banchereau à propos
d'un tambour de yuka type tonneau en douves,
très allongé, sur une photo datant de 1895
tendraient à montrer qu'il n'a pas été le
premier instrument à expérimenter à Cuba la
construction en douves (issue d'une réduction du
nombre de douves utilisées sur un tonneau), bien
que les tambours yuka conservés dans les musées
soient fabriqués directement à partir d'un tronc
d'arbre. Ce savoir faire pourrait avoir commencé
dans les centrales sucrières du XIXe
siècle qui devaient avoir recours à des
tonneliers...
** Les antécédents utilisés localement furent
les timbales et les tambourins ("panderetas")
qui servirent à nommer les tambours
batas avec tirants photographiés dès 1915 (donc
bien antérieurs aux tumbadoras avec tirants)
puis tombés un temps dans l'oubli au profit de
tambours batas plus orthodoxes (cf. www.ritmacuba.com/02_Havane_Histoire-des-tambours-Bata_C-P-Banchereau.html).
*** Jesús Blanco.1992 80 años del son y
soneros en el Caribe. Ed Trópikos,
Caracas.
**** Pour les utilisations de la dénomination conjunto
avant 1940 et son adoption par le Conjunto
Casino : José Reyes Fortún. 2009. "El Conjunto
Casino" éd. Museo de la Música, La Havane.
-
Le güiro
(parfois mal orthographié "guiro") ou güayo
est une calebasse de forme allongée dont la surface
striée est frottée à l'aide d'une baguette fine (Cuba,
Mexique, Colombie, pays andins). C'est un
idiophone râcleur. La calebasse peut être remplacée
par du bambou, ou, plus récemment, du plastique, ce
qui en change le timbre initial.
Le
jeu du güiro (calebasse), vidéo avec Carlos
Kutimba
Le güiro peut avoir également l'aspect d'une
râpe de métal. En République Dominicaine,
cet instrument métallique indispensable au merengue
est appelé güayo (mais aussi : güira).
Comme dans l'Oriente cubain lorsqu'il est utilisé dans
le changüí et styles apparentés : nengón,
kiriba, regina. Si dans le premier cas il et
systématiquement frotté avec un peigne métallique, cet
usage n'est pas exclusif dans le contexte cubain.
Il peut arriver que le güayo métallique de changüí ou le
güiro de calebasse soient substitués par une carapace de
tortue convenablement striée dans des groupes ruraux d'Oriente.
En dehors du contexte cité, les deux noms güiro
et güayo sont souvent interchangeables à Cuba,
quelque soit la matière dont est fabriqué l'instrument.
Dans les années '90 le santiaguero Harlem
Campos (HC) a inventé un güiro
en peau rigidifiée, avec le même principe
de fabrication que les maracas en peau et de sonorité
plus chaude que le plastique.
Adalberto
Alvarez joue sur son güiro en peau naturelle HC. Il en
a été le premier utilisateur. Photo Roger Humbert -
The Live Music Report
Le
güiro est fréquemment utilisé par un chanteur soliste
ou faisant partie du choeur (dans le boléro, le son
etc.). C'est également le cas du güayo métallique dans
le changüi ; dans ce dernier cas un autre chanteur
utilise systématiquement des maracas de manière
synchronisée.
A Cuba, les orchestres de danzón ont vu éclore de
brillants joueurs de güiro depuis le dernier tiers du
XIXe siècle virtuosité qui est passée dans
le jazz à travers les célèbres sessions de descargas
dans les mains de Gustavo Tamayo.
Un équivalent de Puerto Rico est la guichara
ou marimbo. Les stries sont plus fines et
plus serrées, frottées par un peigne métallique.
Au Brésil, l'équivalent est le
reco-reco (en bambou ou métallique et dans ce cas muni
de ressorts frottés à la place des stries) ; et au Pérou
la carrasca.
Une référence
bibliographique : Laurent Lamy.
"Notes pour le güiro". revue Percussions
n°46 (1ère série).
le
son du güiro en peau, vidéo avec Carlos Kutimba
Changüí Santiago
|
Steel Band del Cobre
|
Guayos.
Photos Daniel Chatelain
- Les
maracas sont
constituées d'une calebasse évidée contenant de
petites particules (graines...) et d'un manche. La
calebasse peut-être remplacée par du cuir moulé et
cousu, ou du plastique. Cet idiophone secoué est le
plus souvent secouées en paires, chaque main
secouant une maraca. Les maracas sont utilisées
traditionnellement par un chanteur soliste ou
faisant partie du choeur.
Le jeu des maracas a été développé dans les
traditions du boléro cubain, du son et du
changüi.
La maraca traditionnelle cubaine est en calebasse
(plus précisément la güira). C'est au
Vénézuela que l'usage de la maraca en peau s'est
d'abord développé autour des années '70, gràce au
percussionniste et fabricant d'instruments de
percussion Carlos Landaeta ("Pan Con Queso"). Cet
usage a été complétement adopté à Cuba, en
particulier grâce aux excellents instruments de
l'artisan santiaguero Harlem Campos
(marque HC).
Dans
le contexte rituel afro-cubain, une maraca
utilisée seule - ou autre hochet - est
appelée acheré (nom venant d'un
idiophone secoué yoruba similaire : shere).
L'acheré peut avoir des perles commes
percuteurs externes. Est considéré aussi comme
acheré le fruit du
flamboyant, une gousse dans laquelles sont
alignées des graines allongées, lorsque, dans
la santería, il est agité pour saluer l'oricha
Oya.
Les
maracas - typiques de la musique populaire
cubaine - prennent place parmi d'autres
idiophones secoués propres à la musique
afro-cubaine : cha chá métalliques
de la tumba francesa, erikundi
(idiophones coniques de matière végétale
tressée) de la musique abakuá et carabalí, ces
derniers étant joués par paire, comme les
maracas.
- La
marimbula
est idiophone par
pincement*, apparenté à la sanza, qui comporte un
nombre variable de lames. Le jeu ne consiste pas
seulement à varier des hauteurs, mais également des
timbres, aussi la marimbula n'est pas accordée "au
diapason". Pour en jouer, le marimbulero
s'assoit sur la caisse en bois de l'instrument à
comme on le fait pour d'autres instruments en forme
de caisse, tels certains cajones, les mains
à hauteur des lames. Quand il est droitier, la main
gauche alterne la frappe du bois de l'instrument et
le pincement des lames, tandis que la main droite
n'utilise généralement que le pincement.
*plus
précisément appartenant aux lamellaphones (du latin
lamella), sous-famille des idiophones.
Photos
: autres marimbulas de changüí (Gallerie)
Marimbula
de Guantánamo © photo
Daniel
Chatelain
La
marimbula dérive des lamellophones africains.
Selon Kubik, le passage de petit instrument portatif à
un "lamellophone géant" produisant des basses se
serait effectué dans les Caraïbes. Mais ce type de
grosse sanza produisant des sons graves se retrouvent
aujourd'hui, et sous différents noms, en plusieurs
points d'Afrique. En particulier : "pimbinzua" ou
"prempensua" des Akan (Ghana), kongoma des Vai, chez
les Mahi de la République du Bénin -qui pratiquent la
même alternance du jeu sur les touches et la frappe du
bois-*, chez les Fon, les Yoruba. Les lamellaphones
sont aussi attestés chez plusieurs peuples du Sud-Est
du Nigeria tels les Ibo, Ibibio, Efik...
Dans la partie occidentale de Cuba, avec la fondation
des sociétés abakuá cubaines originaires de ces
différents peuples de la Cross River, ces instruments
furent de leurs premiers instruments, sinon le
premier. Ils ne sont aujourd'hui plus joués par les
abakuá, mais il y a eu des pratiques dans un contexte
rituel avec différentes tailles de ces instruments,
par exemple un jeu à trois lamellaphones de tailles
différentes.
Gerhard Kubik, ne trouvant pas de preuve que les
"lamellophones géants" aient existé avant le 19e
siècle en Afrique les attribue à une influence
caribéenne.
La
marimbula était utilisée dans les formes anciennes du
son cubain, rurales puis urbaines,
d'abord dans l'Est du pays puis à l'Ouest mais elle y
fut remplacée par la contrebasse (ce qui pourrait
d'ailleurs expliquer la propension typiquement cubaine
à frapper le bois de celle-ci, cf Cachao,
Cachaito...), elle a aussi été attestée dans la rumba
originaire de l'Ouest du pays. C'est un instrument
obligé du changüí traditionnel de l'Est de Cuba, dans
lequel son jeu est intriqué avec celui du très et du
bongo.
Marimbula d'Anacaona (jouée en sexteto) © coll.
Daniel Chatelain / Museo de la Música (La
Havane)
Les
lames pincées des marimbulas de changüis sont souvent
au nombre de 5, mais ce nombre varie de 3, pour des
instruments les plus anciennement connus, à 9, ce qui
est le cas de l'instrument du groupe professionnel
Changüí Guantánamo (innovation de José
"Nino" Olivares, 1920-2010).
Mais il y avait déjà eu une augmentation du nombre de
lames dans
un contexte sonero pour quelques exemples
de formations avant leur remplacement par la
contrebasse : elles étaient monté à 9 et
même à 10 en 1930 dans le Sexteto
Habanero. Il y a même un cas de 14 lames dans le
"Terceto Yoyo" qui a enregistré un 78t. en 1925
(repris en CD), joué par Chucho Aristola. Le
compositeur Gilberto Valdés possédait une marimbula
expérimentale de... 128 lames disposées sur 10 rangées
(cf. catalogue du Musée de la Musique de La Havane).
Marimbula
dans le sucu sucu de l'île des Pins. Photo de Olga
Fernández (détail)
La première femme marimbulera dont nous ayons
mention est Juanita Montejo du Sexteto féminin Casiguaya
(Las Villas) fondé en 1928. Dans Anacaona, elle est jouée,
seulement quelques mois semble-t-il, par Flora Castro (née
en 1914), soeur des fondatrices du groupe
féminin Anacaona avant que celui-ci ne devienne
septeto adoptant la contrebasse.
Dans
le registre des sons graves, la marimbula a parfois
remplacé un aérophone, la botija, ou botijuela
(voir ci-dessous), mais dans d'autres cas s'est
ajoutée à cette dernière (comme actuellement dans le
groupe Changüi Santiago).
Accord de marimbula
de changüi © photo Daniel
Chatelain
On
retrouve la marimbula en Haïti (sous
le nom de "manuba", "manouve" ou "manimbula"), en
Jamaïque ("rumba box", d'origine
cubaine, utilisée dans la tradition du
mento), en République Dominicaine
(marimba portative accompagnant le merengue), à
Puerto Rico ("marimba", "marimbola"), Trinidad,
Tobago, à partir de ces deux îles au Venezuela,
en
Colombie et dans les Antilles
néerlandaises (Aruba, Bonaire**)
où elles sont arrivées par les mouvements migratoires
agricoles. Elle a disparu en Guadeloupe où ellle était
appelée manouba. Sa descendance la plus importante est au
Mexique, où elle arrive à Vera Cruz en
1928 par la diffusion de la mudique des sextetos
cubains. Elle y devient marimbol,
qui subit à l'occasion différentes variation de taille, de
facture et de disposition des lames ; répandues dans
différents Etats du Mexique, elle est associée à la
tradition du son
jarocho et à d'autres traditions rurales et
urbaines. Une variante portative de marimbol sépare les
lames entre mains droite et main gauche, jouées de côté
(comme les touches d'un accordéon). Le marimbol est aussi
transporté aux Etats-Unis dans les États
de forte immigration mexicaine. Elle doit paradoxalement
son succès (populaire) à être un "instrument de pauvres",
moins coûteux qu'une contrebasse et beaucoup plus facile à
fabriquer et transporter...et même modifier! (Source
pour le Mexique : Richard Graham). Dans les
Antilles anglophones la marimbula a été parfois surnommée
"the poor's man bass".
En
principe, il ne faut pas confondre la marimbula
avec le marimba, qui est une percussion à clavier.
L'origine étymologique pour les deux instruments serait
cependant la même selon Aka Konin, soit le radical bantou
imba "qui se rapporte à tout ce qui a trait au chant et
à la mélodie. Le terme ma-dimba ou marimba
étant le pluriel de di-dimba, soit "touche"
d'un xylophone, il, peut donc se traduire par les
touches". A. Konin ajoute que différentes langues
bantoues indiquent par ce même nom des lamelles de
xylophone ou des touches de lamellaphone. (in 2007 :
Héritage de la musique africaine dans les Amériques et
les Caraïbes, p.101, éd. L'Harmattan). Cette
origine linguistique commune de deux instruments
différents explique que dans le vocabulaire des changuiseros
on appelle, selon le locuteur, l'instrument marimbula
et marimba et celui qui en joue marimbulero
et marimbero...
Avant la Révolution cubaine, le terme courant était
marimba dans le changüi. L'influence des musicologues a
ensuite rendue l'appellation marimbula la plus
courante.
Vidéo
: technique de la marimbula (et du bongo de monte)
La
marimbula a été source d'inspiration pour créer un
lamellaphone électrique, invention locale de l'ingénieur
Carlos
Pérez, puis commercialisé aux USA, avec un
grand nombre de lamelles organisées à partir du do
le plus grave du piano, le long d'un support allongé
tenu en position verticale, sans caisse de
résonnance, le cubajo.
Celui-ci occupe la même fonction d'une contrebasse
avec ses lamelles accordées, mais ne permet pas des
effets de frappe sur la caisse qui existent sur la
marimbula et parfois sur les contrebasses à Cuba. A
Guantanamo il est joué en particulier par le groupe
Sincopa 1.Un autre dérivé, acoustique, lui est le caberchelo
aussi d'invention récente (cf. colonne ci-contre).
*
Pratique aussi notée chez les Akan. Source pour les
Mahi : communication personnelle de Julien Sinzogan.
Les Yoruba et les Fon distinguent par un nom
spécifique les instruments grands et graves en les
distinguant des autres instruments type sanza plus
petits : soit "agidigbo" en yoruba et "guidigbo" en
langue fon. L'agidigbo se joue souvent assis sur la
caisse, comme la marimbula cubaine. L'ancienneté de
ces instruments est mal connue. Il est possible qu'ils
aient eu des antécédents locaux avec des lames non
métalliques... Dans les Sud-Est du Nigeria et l'Ouest
du Cameroun coexistent des lamellophones de lames
métallique et lamelles de bambou. Pour cette origine
et les lamellophones abakuá voir Ivor Miller : http://www.lameca.org/dossiers-et-articles/cuban-abakua-music/2-styles-of-abakua-music-nyankue-rites-efo-and-efi-lineages-the-lamellophone-percussion-instruments/
** A Bonaire elle est jouée suspendue par une courroie
au cou de l'éxécutant (comme chez les Mahi).
Autres informations
sur les lamellophones : groupe "lamellophones" de
Richard Graham sur facebook.
- La
quijada est
une machoire d'équidé (âne, mulet, cheval) qui était
utilisée dans les styles traditionnels (son
et styles apparentés). Elle était jouée selon
différentes techniques (basiquement frappe latérale du
poing, mais aussi technique de friction sur les dents
avec une baguette etc). Elle a été récemment
réutilisée par un groupe de Santiago de Cuba, la
Botija. Elle a été remplacée internationalement, pour
la première technique de jeu citée, par le vibra-slap.
On la retrouve toujours actuellement dans la musique
afro-péruvienne.
Comme instruments d'esclaves afro-américains, elle a
été jouée dans d'autres pays américains, dont aux
Etats-Unis sous le nom de jawbone
(attesté par ex. au Kentucky). On ne peut en conclure
une origine africaine, aucun instrument semblable
n'étant connu dans l'histoire musicale africaine.
- Le
nkembi
(mot
d'origine bantou) est un bruiteur comportant des
sonnailles (clochettes, grelot) attachées sur un
bracelet. A l'origine le bruiteur de ce nom était
d'origine végétale (fait à partir du même fruit que
les maracas, mais de taille plus petite). D'où le
nom alternatif de "maraca de muñeca" (maraca de
poignet). Il est utilisé par certains
percussionnistes dans la rumba, la conga et des
musiques traditionnelles afro-cubaines.
Nkembi
porté par un campanero de conga oriental
© Michel
Faligand/Ritmacuba
- Les sartenes
sont deux poëles à frire
récupérées, fixées à un stand lui-même attaché au
niveau de la taille d'un musicien ambulatoire. Elles
sont jouées dans la conga occidentale
(elles ont disparu de la conga orientale,
où elles avaient un rythme régional spécifique, au
profit des llantas) et dans les paseos
de carnaval (Occidente et Oriente).
Sartenes
(remerciements à P. Banchereau)
- Les
timbales créoles
(timbales criollas, timbalitas criollas) :
Instruments inspirés des
timbales classiques, aux dimensions plus réduites,
utilisées par paires dans les formations appelées estudiantinas
au début du XXe siècle. Elles auraient
été fabriquées à partir de récipients domestiques,
étaient posées sur des supports métalliques et
reprenaient les clétages des timbales classiques de
l'époque, qui elles, étaient jouées par les
formations de danzón depuis l'origine de celui-ci
(dernier 1/3 du XIXe siècle).
Timbalitas
criollas de la Estudiantina
Invasora ©
Daniel
Chatelain. 2010.
On les retrouve dans quelques formations type
septeto dans les années 20 (en place du bongo) : cf
une photo du grupo oriental en 1927 et en
conjunto de son (Conjunto Matamoros) dans les années
'40. Elles ont été remplacées dans les formations
postérieures par les timbalès de forme cylindrique.
On peut encore les voir jouer à Santiago de Cuba par
la dernière Estudiantina survivante
(Estudiantina Invasora) et par le groupe La Botija. Le
timbalero de la Estudiantina Invasora, Euclides
Roberto Videaud, disparu au milieu des années '90 et
dont le jeu était une merveille de décontraction
teintée d'humour, reste le plus mémorable éxécutant
des timbalitas criollas à ce jour. Également
de la Estudiantina Invasora : Victor Rize Carvajal "Papitín".
Timbaleros de la Estudiantina
Invasora : années '90
et 2010. 1. Papitín ©
Patrick Glaize :
Cuba et la Musique Cubaine. Editions du Chêne,
Paris, 1999. 2.©
Daniel Chatelain
Les
timbalès (à
l'origine el
timbal, la
paila en
espagnol, "timbales" venant de l'influence de l'usage
nord-aléricain). Elles sont
aussi appelées en français "timbales latines",
"timbales cubaines". A Cuba, on utilise de
préférence le terme paila.
Les timbalès sont jouées par paire
posées sur un stand métallique. Les fûts de diamètre
différents sont en métal, et les peaux tendues par
un système de clés. Les joueurs, disposant le gros
fût grave à gauche et le petit fût aigu à droite
(s'ils sont droitiers), les frappent avec des
baguettes sans olive sur la peau et sur le fût (la cascara).
Le timbalero joue en fait sur un ensemble de
percussions : outre les timbalès, il utilise aussi
une ou deux cloches campanas, une cymbale,
une caja china (un woodblock à l'origine, à
présent en matière plastique), et éventuellement une
grosse caisse. Le nom cloche "mambo" de la plus
grosse des deux cloches est une dénomination US,
elle est nommée à Cuba par sa fonction de contracampana.
De leur côté, les batteurs, dans la musique latine,
utilisent les timbalès comme une élément de leur set
situé près de la pédale charleston, selon une
habitude issue des formations orchestrales cubaines
d'un nombre réduit d'instrumentistes appelées combos.
Les
origines de la paila sont liées aux timbales classiques
utilisées dans le danzón, aux timbalitas
criollas des Estudiantinas, à la
cubanisation de la batterie des jazz bands dans l'île,
sans oublier une proximité (de forme et de fonction)
avec le bongo du son. Les pailas sont
attestées autour de 1910 dans une des premières
charangas où elle substituait les timbales classiques
dans les danzones.
L'utilisation de la cloche et de la caja
ou cajita china comme accessoire des timbalès a été une
innovation du percusionniste Manengue (Antonio Orta
Ferrol) dans le cadre des charangas*. Cependant cette
innovation a aussi été attribuée à Ulpidio Diaz (opinion
de Amadito Valdés) ou Guillermo Garcia (opinion de
Changuito).
* cf : Padura,
Leonardo (2014). "Réquiem por Manengue". El viaje
más largo.
Il y a peut-être proportionnellement autant de timbaleros
remarquables en musique latine que de batteurs dans le
jazz. Citons Ulpiano Díaz (Pinar del
Rio 1920 - La Havane 1990), Guillermo Barreto
(La Havane 1929 - La Havane 1991), pionnier du jazz
cubain, Walfredo
de Los Reyes III (La Havane), par ailleurs un des
grands de la batterie, Manny
Oquendo (New-York 1931- New-york 2009) au
sein de La Perfecta et de son Conjunto Libre, Tito
Puente (New York 1923 - New-York 2000) "El Rey de
las timbales" (qui développa l'usage de "timbalitas"
en complément des timbalès) avec plus de 100 disques à
son actif,, qui systématisa l'usage du solo pour cet
instrument, Willie
Bobo (William Correa, New-York 1934-1983), le guantanamero
Elio Revé (1930-1997), qui utilisait une
configuration rustique : la campana posée à même la peau
du fût grave), José Luis "Changuito" Quintana
Fuerte (La Havane 1948), inventeur d'une batterie ou les
timbalès prennent la place centrale occupée jusque là
par la caisse claire, le showman Silvano "El
Chori" Shueg (Santiago de Cuba 1900 -
La Havane 1974), Calixto Oviedo (La
Havane 1955), Amadito Valdés Jr. (La
Havane 1946), timbalero entre autres du Buena
Vista Social Club, Orestes
Vilato (Camagüey 1944), Nicky Marrero
(New-York,1950), un innovateur qui a joué avec
Willie Colón, Eddie Palmieri, Fania All Stars, Dizzy
Gillespie etc. ou encore Emilio del Monte.
Le premier timbalero a avoir fait sensation fut Acerina
(Consejo Valiente Robles), à Mexico (1924).
Les timbalès s'introduisent dans un sexteto avec Manuel
Sanchez (Sonora Matancera (1924). Dans les
années '30, la technique de l'instrument est enseignée
en dehors de Cuba, en particulier par José
Montesinos à New-York, un professeur du jeune
Tito Puente.
Un
roulement caractéristique du style cubain aux pailas est
l'abanico (éventail), joué traditionnellement
sur le fût aigü. Elio Revé
(1930-1997) le jouait sur le fût grave, obtenant un
rendu plus proche du changüi et de la tumba francesa,
styles à l'origine de son jeu particulier.
La première timbalera connue est Irene
Laferté, virtuose qui dirige sa charanga dès
1929.
Les timbalès furent jouées pour la première fois en
commun avec les congas et le bongo dans le conjunto de
Machito à New-York en 1941. Cette conjonction fut plus
tard un modèle pour les orchestres de salsa, qui la
systématisèrent.
La tumbadora
: voir Conga
La
viola
: sorte
de banjo sans corde, membranophone qui était percuté
avec les doigts dans les "coros de clave" où il était
joué en complément de claves et de guitare pour
accompagner le chant soliste et les chœurs. La viola,
percussion à l'apparence de cordophone, a probablement
été une ruse pour contrer les interdictions de
tambours qui ont suivi la période coloniale.
Une vidéo où on voit jouée la viola (& aussi la
botijuela) dans un coro de clave (film de
1968)
vidéo
Violas dans un
spectacle du Conjunto Folklorico Nacional - 1988 ©
photo Daniel Chatelain
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INSTRUMENTS
DE A à... V.
Accéder
directement sur cette page à :
A
achéré,
agbé
armónico : entrée guitare-très
B
baksin
banza : entrée
guitare-très
bocú
bombo
bongo
bonkó
botija
botijuela
C
cajón
campana
cencero
chékéré
claves
conga
corneta china
cuatro
cubajo
F
flûte à 5 clés
G
guamo
güiro
guitare-trés
güayo
K
kinfuiti (cf. bas de page),
L
laúd
M
maracas,
marimbula
N
nkembi
P
paila,
Q
quijada
R
requinto
S
sartenes,
T
timbales créoles
timbales/timbalès
tambora
tres/très
tumbadora
tingotalango
tumbandera
V
viola
Annexes :
Tableau 1.
Composition
instrumentale des formations de son
Tableau 2. Classification
des instruments de percussion cubains
Pour la
dénomination des instruments afro-cubains, voir
ci-dessous dans la colonne : 2. MUSIQUE AFRO-CUBAINE
TRADITIONNELLE
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Autres
pages sur ce site |
1.
MUSIQUE POPULAIRE CUBAINE
|
2.
MUSIQUE AFRO-CUBAINE TRADITIONNELLE
|
-
Dossier
Tambours batas
- Les
Instruments de la santería (partie 2 de la page en
lien)
- Addendum
à l'Histoire des tambours batá : Les tambours du Musée de
la Musique de La Havane par Patrice Banchereau
- Traditions
musicales rurales de la Province de Matanzas
Contient :
- tambours arará : arará dajomé, arará sabalú, d'Agramonte, du
cabildo yonofón de Cardenas.
-
tambours de bembé : bembé de güiro, bembé omo layé, bembé
macagua, bembé bakosó, bembé ará oko et bembé mahino
-
tambours de cañamo (disparus à Matanzas)
- tambours d'eau jicara de jobá
-
tambours egbado, tambours de Olokún
-
tambours gangá longoba
-
tambours iyesa
-
tambours kuele
-
tambours de makuta
-
tambours yuka (dispârus à Matanzas)
-
Dossier
- "Traditions musicales Haïtiennes dans
la région orientale de Cuba". Contient
parmi les instruments des traditions haitiano-cubaines :
instrumentarium du gagá, tambours de congo layé, nago,
petro, rada, de tahona, tambujé...
-
Le
tambour des tonadas trinitarias (article traduit et
dossier documentaire)
La
page avec tous les textes du site
Bongó
et bonkó : une question étymologique
Il est
tentant, et de bons connaisseurs le font, de
rapprocher deux instruments, le bongo (en espagnol
bongó) de la musique populaire et le bonkó, instrument
abakuá (instrument soliste de l'ensemble biankomeko,
de nom complet bonkó enchemiya). D'autant plus que la
plupart des premiers bongoceros à La Havane étaient
d'appartenance abakuá. Pourtant, l'Atlas des
instruments cubains du CIDMUC de La Havane, après
d'autres spécialistes, donnent des étymologies sans
lien entre elles :
-
Bongó
comme terme issu de peuples du Nord Congo où on
emploie ce mot à la fois pour une pirogue et un
tambour (même technique pour creuser un arbre).
-
Bonkó
: une contraction soit de bo nkpo
soit bo ekpó. Dans le premier cas :
lit. "parler chose" dans le deuxième : lit.
"parler poisson", d'où on retire que le bonkó est
un tambour parleur ou un esprit/ un poisson qui
parle (ce qui fait allusion à un mythe fondateur
de la tradition abakuá).
-
Le
bongo cubain est quant à lui au départ
souvent un tambour clouté (mais d'autres modes de
tension ont existé parallèlement), comme d'autres
tambours d'origine bantu (ngoma, makuta). Il est
clairement venu d'Oriente à La Havane et on ne
peut donc pas faire de lien avec les petits
tambours abakuá du biankomeko d'Occidente (mode de
tension utilisant des coins pariétaux). L'origine
en Oriente est certes confuse. Il était parfois
appelé aussi tahona, tahonita
en Oriente (parmi d'autres appellations) et il est
possible que les petits tambours mobiles de tahona
aient servi de référence dans sa création quant à
la taille (d'ailleurs supérieure à l'origine à
celle d'aujourd'hui). Ceci dit, la dérivation -
avec nouvelles dimensions - d'un tambour congo
n'aurait rien d'étonnant sur une terre -l'ancienne
province d'Oriente- où ces esclaves étaient
anciennement majoritaires. Mais au final le bongo
est, comme le disait Fernando Ortiz, un tambour
créole et non un tambour afro-cubain.
Le bongo comme tambour double, ce n'est pas
immémorial, plutôt récent, sans doute pas beaucoup
avant qu'il n'arrive à La Havane dans les années '10
du 20e s. Avant qu'ils soient réunis par
une corde ou une matière textile, ils ont été joués
par deux, non liés entre eux, entre les cuisses des bongoceros.
Le modèle d'un tambour double serait la timbale
classique présente en paire dans les orchestres à Cuba
dès la première moitié du XIXe siècle.
Bongó
et tbîlât :
une différence morphologique
Curieusement le résultat est analogue sur ce point au
tambour double connu de longue date en Afrique du
Nord, tbîlât, d'ailleurs appelé parfois
abusivement bongo marocain, mais assez ignoré des
organologues (absent de la Bible des instruments, le
Grove). Il y a de fait plusieurs différences avec le
bongo : le
tbîlât est fabriqué en
poterie et les peaux (de chèvre) fixées par un laçage
de lanières de cuir. Mais pas seulement...
tbîlât
(mot arabe féminin pluriel diminutif, dérivé du
terme tabl qui signifie tambour).
Comme le remarquait Michel Faligand, les deux fûts qui
le constituent entrent chacun dans une catégorie
différente, analogue en cela aux tablas indien (et non
au bongo) : "Le
plus gros fût est de forme plus hémisphérique (comme
un mortier) que tronconique, avec un petit pied,
ceci inciterait à le ranger dans les timbales, alors
que le petit fût a la forme d'un cylindre (très
légèrement ventru) qui lui vaudrait une place chez
les membranophones cylindriques" (fermés). Il
rentrerait ainsi à la fois dans deux catégories
morphologiques. Pour le bongo, ce sont les deux fûts
qui sont cylindriques (ouverts).
|
Pedro
Carverdos & son "caverchelo"
Des instruments d'apparence traditionnelle peuvent être
d'invention récente, on en a l'exemple dans le güiro en peau,
des années '90.
Pour
sa part, un architecte proche des milieux du changüi de
Guantánamo a lui inventé une percussion synthétique portée à
l'épaule, rassemblant des caractéristiques de la marimbula,
du cajón et du güayo (Il peut de plus,
en utilisant sa dimension cajón remplir des
fonctions du bongo de monte propre au changüi). Il
l'a appelé caberchelo, ce qui, convenons-en est un
nom qui, en faisant honneur à son inventeur, n'a rien
d'organologique. lien vidéo : https://youtu.be/lyaxz_c6GLI
IDIOPHONES,
MEMBRANOPHONES
& LAMELLOPHONE
à Cuba
- idiophones
:
Achéré,
agbé, cajón, campana, cencero, chékéré, claves, güiro,
güayo, maracas, nkembi, quijada, sartenes, viola
- unimembranophones
:
Bocú,
bongo, conga (ou tumbadora), paila, timbales créoles,
timbales/timbalès, tumbadora, tambours arará, tambours
egbado (d'Olokún), tambours yuka & ngoma
("congos), biankomeko
abakuá avec son bonkó enchemiya et ses enkomo, tumbas
des société de tumba francesa, tambours
d'origine haïtienne,
- unimembranopone
à friction
kinfuiti
- bimembranophones
:
Batá/bata,
tambours
Iyesa (Matanzas), tambours de cañamo (Trinidad &
Palmira), tambours Ganga Longoba (Perico, Matanzas), bombo
(pilón, galleta, redoblante...), tambora.
Les
tambours de bembé cubains rassemblent sous ce nom diverses
traditions locales et peuvent être soit unimembranophones soit
bimembranophones.
-
lamellophone
:
Marimbula
(secondairement idiophone)
LES DÉBUTS DE LA
COMMERCIALISATION DES CONGA ET BONGOS
à Cuba puis aux USA
Les marques créées au niveau international dans
les années '60 et '70 ont fait disparaître aux
yeux des non spécialistes qu'il y avait une
commercialisation et une standardisation des
congas et bongos avant la révolution cubaine.
A la suite de l'expérimentation de l'adjonction de
mécaniques de tension des peaux par Basileo
Pozo (cf ci contre), le
bongocero Candido
Requena crée une ligne de fabrication de
congas qui se détache par rapport aux artisans
fabriquant ces instruments dans le même contexte des
années '40. Il fabrique aussi des bongos avec
mécaniques (en caoba). Ses fûts de congas ont une
ligne élancée et sont assez légers (en cèdre
américain en général). Il décède en 1950 et d'autre
artisans imitent ce standard.
conga
Requena restaurée
Gonzalo Vergara perfectionne ce standard,
avec des fûts plus renflés et une fabrication plus
robuste, en chêne issu de tonneaux espagnols, avec
un assemblage parfait. Les Vergara utilisées
par un Mongo Santamaria* et la plupart des congueros
"post-Chano Pozo" vont être l'instrument recherché
des connaisseurs aux USA après la révolution
cubaine.
* cf illustration
de l'entrée bongo
La première fabrication non
cubaine notable est celle du mexicain Mariano
Bobadilla qui crée en 1954 dans un
ébénisterie de Los Angeles la marque "Gon
Bops" (son surnom). Il se met dans la
lignée des Requena et Vergara mais crée des cercles
de tension plus bas propres à protéger les mains des
congueros. Ces instruments sont en vogue à l'époque
des styles boogaloo et pachanga et triomphent à
Woodstock où ils sont une cinquantaine à se succéder
sur scène...
A ce moment était déjà créée, en
1964, la firme Latin Percussions de Martin
Cohen. Cet ingénieur en mécanique et
photographe observateur du jeu des congueros, à
l'écoute de leurs préférences (en particulier un
José Mangual) expérimente avec le bongo et les
petites percussion avant de fabriquer les congas LP
qui s'imposent mondialement à l'époque de la Fania
All Stars et de la salsa.
Carlos
"Patato" Valdés posant devant ses modèles LP
La production
cubaine continue dans le Cuba socialiste avec la
marque Sonoc.
modèle
"Tata Güines" de Sonoc
© Daniel Chatelain
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