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Santiago de Cuba - Juillet |
ARTICLE mis en ligne le 03/012016. Dernière révision le 19/05/2020.
Patrice Banchereau : Originaire du Maine et Loire (Angers), a vécu à Toulouse puis à Toulon. Musicien, chanteur et percussionniste, conférencier, chercheur amateur. Professeur de musiques cubaines au CNRR de Toulon-Provence-Méditerranée. Webmaster de 11 sites internet sur les musiques de Cuba. Co-auteur du cancionero rumbero avec l'Américain Barry Cox. Auteur de l'ouvrage 'le Carnaval à Cuba' (Lameca.org). Actuellement musicien des groupes Okilakuá et Colectivo Papapa (dir. Pascal Parent).
Version
pdf de cette partie de : Histoire
des tambours batá à Cuba
TABLES
DES MATIÈRES
A
lire avant cette page :
1.
La santería et les autres religions afro-cubaines
2. Les instruments de musique de la santería
4. L'apprentissage des batá, maîtres, disciples et élèves
Chapitre
I : La période coloniale - les cabildos lucumí.
1. La nación
lucumí
2. Une présence lucumí
minoritaire
3. Les cabildos
de nación lucumí
4. Les cabildos
lucumí havanais
5. Añabí et
Atandá - La naissance des tambours batá consacrés à La Havane
Chapitre
II :
La création de la santería moderne à La Havane
et à Matanzas.
1. Les maîtresses-femmes de la religion
lucumí au XIXe siècle
2. La
Divisón de La Habana : santo
parado et asiento,
traditions egbado et oyó
3. Oba Tero à
Matanzas
4. La
réconciliation entre Lucumí et
Arará
Sur
cette page
:
Chapitre
III : Histoire des tambours de fundamento
havanais.
1. L'obscure histoire des
tambours batá du XIXe siècle
2. Andrés Roche « Sublime »
et Pablo Roche « Akilakuá »
3. Données confuses à propos des autres jeux de
tambours havanais du XIXe siècle
4. La situation dans les années 1950 racontée dans les
ouvrages d'Ortiz
5. Les tambours aberikulá, le güiro et les cajitas
de Lázaro Pedroso
6. La première photographie de tambours batá
Chapitre
IV : Chronologie
des tambours havanais du XXe siècle.
1. Le tambor de Pablo
Roche (années 1920-1930)
2. Le tambor de Fermín Basinde (consacré
en 1927)
3. Le tambor de Nicolás Angarica (consacré en
1942)
4. Le tambor de « Goyo » Torregrosa
(consacré en 1943)
5. Le tambor de « Moñito » (consacré
en 1944)
6. Le tambor de Jesús Pérez (consacré en 1955)
Chapitre
V : Autres
tambours havanais à partir des années 1960.
1. Le tambor de Amador
(consacré en 1963)
2. Le tambor d'Andrés Chacón
« Pogolotti » (consacré en 1963)
3. Le tambor de Francisco Saez Batista
4. Autres bataleros
Tableau
chronologique des tambours de fundamento havanais (en
pdf ou inséré dans le texte : image)
(révisé en décembre 2019, 4e version)
5. La naissance d'un nouveau tambour
Suite
à venir
:
Chapitre
VI : Les tambours batá de fundamento à Matanzas.
Les trois premiers jeux de
fundamento matanceros :
1. Le tambor Añá Bí Oyó
2. Le tambor Añá Bí
3. Le tambor Ilú Añá
4. Autres tambours et tamboreros matanceros
5. Particularités matanceras
6. La lagune sacrée du Central Socorro
Chapitre VII : Les processions des cabildos de Regla.
Chapitre
VIII : les batá hors des rituels.
1. Les conférences de Fernando
Ortiz
2. Le monde des cabarets, de la radio et du cinéma
Page
en lien :
Chapitre IX : Annexes : lexique, sources bibliographiques et remerciements (lien pdf)
Le
port de La Havane, vu des collines de Regla par J. Gray, 1815.
1. L'obscure histoire des tambours batá du XIXe siècle.
On
trouve beaucoup d'informations importantes sur les batá du XIXe
siècle dans les écrits de Fernando
Ortiz, mais les données qu'il a rassemblées restent confuses.
Plus de quarante ans après la rédaction ces ouvrages, le CIDMUC[1],
rassemblant un collectif d'une dizaine d'auteurs sous la direction
d'Olavo Alén Rodríguez, publiera Instrumentos
de
la Música Folclórico-popular de Cuba (1997), qui représente en
quelque sorte une remise au goût du jour des cinq tomes de Los Instrumentos de la Música Afro-cubana d'Ortiz. Bien entendu, ce
nouvel ouvrage s'inspire de l'œuvre de Don Fernando, et
reprend certains de ses articles presque dans leur intégralité
(notamment dans les chapitres sur les instruments « tombés en
désuétude »). Par contre, le collectif du CIDMUC
replace les choses dans un ordre plus cohérent, plus clair et plus
concis qu'Ortiz. Mais, de manière assez curieuse, dans le chapitre
sur les tambours batá, là où le premier essayait de donner un
maximum de détails historiques, les seconds[2]
ne prennent aucun risque, refusant visiblement toute
affirmation :
« Il sera toujours difficile de tenter de préciser quelles sont les plus
anciennes références de la présence des tambours batá à Cuba. De
nos jours encore, on constate des divergences entre les
pratiquants. Ceux de l'une ou l'autre province continuent à
attribuer indistinctement la paternité du plus ancien jeu de
tambours de fundamento : soit à La Havane, soit à Matanzas. Qu'ils soient babalawos
consacrés, constructeurs de tambours, musiciens célèbres ou
croyants en général, nombreux sont les protagonistes reconnus qui
font référence à des dates et des lieux précis, inscrits dans la
mémoire de différents informateurs, mais non sans contradictions
(...). Établir une prétendue généalogie de ces instruments serait
une tâche bien ardue (...). Les éléments historiques et
légendaires constituent deux chemins parallèles, qui en plus d'une
occasion vont se confondre, ou, au contraire, se
contredire. ».
En fonction de sa propre expérience, chaque vieux tamborero
se forgera son opinion à propos des plus anciens batá de Cuba, et
optera pour une version plutôt que pour une autre. Nous citerons
comme premier exemple significatif le cas d'Alberto Villareal, olubatá
havanais aujourd'hui âgé de 67 ans. Ancien disciple de Fermín
Basinde, il a joué avec nombre de bataleros
qui officiaient déjà dans les années 1930 à La Havane. Dans une
interview réalisée en octobre 2015 à Lyon, Alberto nous a donné son
avis sur la question. Or, faisant peu de cas des écrits d'Ortiz[3],
il pense que le plus ancien jeu de
fundamento « se
trouve dans un musée, et fut apporté à Cuba par des Africains ».
Par le passé, Alberto est allé de nombreuses fois au musée pour voir
ce tambour, qui porte un petit adorno
de perles et de cauris (un ornement). Il s'agit, sans aucun
doute, du tambour que l'on voit sur la photo ci-dessous, tirée du New
Grove Dictionary of Musical Instruments (Oxford 1980), et dont
la légende dit :
« Batá okónkolo (small double-headed hourglass drum) in the Museo Nacional
de la Música, Havana ».
La
forme de ce tambour ressemble cependant plus à celle d'un itótele
qu'à celle d'un okónkolo.
Un autre jeu très ancien est exposé à la Casa
de África de La Havane, dans la partie réservée à la
collection de Fernando Ortiz. D'origine inconnue, saisi par la
police, il a déjà évoqué dans le Chapître 2, et en voici une
nouvelle photo, beaucoup plus récente :
Il existe d'autres
tambours batá, eux aussi très anciens, se trouvant au Museo
Nacional
de la Música de La Havane. Un célèbre jeu surnommé la
Niña Bonita, dont nous parlerons plus bas, est censé se
trouver parmi eux. Les tambours de ce musée sont tous issus de la
collection de Fernando Ortiz, furent tous confisqués dès les
premières décennies du XXe siècle, et, encore une fois,
il est impossible d'en retrouver l'origine. On peut voir des
photos de ces tambours, tous dépareillés, dans la partie
« multimedia » du dvd Carraguao
vs Pueblo Nuevo (Colibri 2012). Ce magnifique documentaire sur
la rumba reste
malheureusement disponible uniquement en Asie du Sud-est, mais voici
les photos de trois des tambours en question :
Tambour
itótele figurant au Museo
Nacional
de la Música de La Havane.
Autre
tambour iyá de la
collection Fernando Ortiz du Museo
Nacional de la Música, La Havane.
Toujours dans la problématique des premiers tambours de fundamento
de Cuba, un autre avis diamétralement opposé, à Matanzas, est
exprimé dans un documentaire anglais, La
Clave, Episode 2. On y voit le jeu nommé (là aussi) Añá
Bí ayant appartenu à Chachá
Vega, dans la maison de son petit-neveu « Kolé ».
Ce
dernier explique que les tambours auraient « plus de deux cents ans », ce qui les ferait remonter au moins à
1815. Ce jeu appartenait initialement à Carlos
Alfonso. En fait, comme nous le verrons dans le chapitre
consacré à Matanzas, il n'est pas le plus ancien de cette ville.
Voici une photo extraite du documentaire :
Ño' Filomeno García
« Atandá »
fut le premier fabricant historique des batá de fundamento à
Cuba. On sait, grâce aux informations rapportées par Ortiz, que le
premier jeu, Aña Bí,
aurait été fabriqué vers 1830 par Atandá et Añabí pour le cabildo
Changó Teddún (ou cabildo
Alakisa). On sait également que les deux hommes fabriquèrent
vers 1866 un second jeu en acajou nommé Atandá,
pour le cabildo Yemayá
de Remigio Herrera « Addéchina »,
soit
une trentaine d'années plus tard. On sait également qu'un troisième
jeu fut fabriqué, à la même époque et par les mêmes hommes, pour le
cabildo d'Oba Tero
à Guanabacoa, et que ces tambours disparurent, qu'ils fussent ou non
emportés à Matanzas.
Atandá aurait fabriqué en tout huit jeux de fundamento.
Trois d'entre eux ont été destinés à des Matanceros. Le
dernier jeu qu'il aurait construit était destiné à un cabildo
de Cienfuegos, mais il fut également perdu. Atandá décéda le 17 août
1876, selon les dires de certains, « en
fumant un cigare empoisonné par un autre joueur de tambour envieux ».
Il fut l'un des tout premiers babalawos
à Cuba, et le père de Quintín
García (Ifabola), lui aussi joueur de tambour et autre grand babalawo.
Ño Juan « el Cojo » Añabí, lui, serait mort vers
1910, étant plus jeune qu'Atandá.
Pablo
Roche Cañal dans les années 1930. Photo Fernando Ortiz.
2.
Andrés Roche « Sublime » et Pablo Roche « Akilakuá ».
Andrés Roche
« Sublime » fut le premier grand batalero
de l'histoire, et, de l'avis de tous, il fut un remarquable
musicien, au jeu légendaire. Par contre, on ne sait absolument rien
de sa vie : ni quand il est né, ni quand il est mort. On peut
supposer qu'il jouait déjà entre 1890 et 1900. Curieusement, son
fils Pablo Roche ne
raconta apparemment rien à Fernando Ortiz sur son père, malgré les
heures qu'ils passèrent à discuter. Ortiz se contentera d'ailleurs
de citer les différents bataleros
qu'il aura connus sans jamais donner aucun détail sur leur vie.
Peut-être même a-t-il volontairement omis de le faire, craignant
déjà, à l'époque, d'alimenter des polémiques.
Il existe une anecdote maintes fois racontée, selon
laquelle Pablo Roche, encore tout jeune, et n'ayant jamais encore
appris à jouer des batá, aurait un jour été appelé à remplacer son
père malade, et qu'il aurait joué une cérémonie entière sans jamais
avoir touché un tambour auparavant. Si cette histoire est difficile
à croire, et qu'elle soit vraie ou non, on peut supposer que des
problèmes de santé ont malheureusement écourté la carrière de
musicien d'Andrés Sublime.
Pablo Roche Cañal serait né à la fin du XIXe
siècle. On trouve plusieurs variantes du surnom Akilakuá
qu'on lui attribua (traduit le plus souvent par brazo
poderoso), et parmi elles :
Akilakpa, Akilakpua,
Okilakpa, Okilakuá, etc.
Lydia Cabrera a traduit Okílápua
par príncipe de brazo
poderoso (prince au bras puissant).
Dans la langue yoruba, a est un préfixe signifiant
« celui qui », et o signifie « tu, ou toi ».
Ki signifie « être épais » et kì
signifie « presser fermement ».
Aki ou akin
signifie « brave, courageux ». Là signifie
« fendre, séparer ».
Apá ou akpa signifie « bras »
ou
« côté ».
John Mason, lui,
a traduit Akílakpá
par : a brave man with strong arms. Il traduit également Akínlapa
par : a brave man cuts a new path (un homme courageux taille un nouveau
chemin).
Il existe une autre anecdote, racontée aux États-Unis par Julito
Collazo à Ivor Miller, à propos de l'origine de ce nom
:
« Pablo
reçut le nom de Akilakuá
quand la police confisqua les tambours de son père Andrés Sublime[4],
qui furent ensuite exposés au
musée de la mairie de Guanabacoa. Pablo
alla maintes fois observer ces tambours et, de mémoire, en
construisit une réplique exacte. Ayant
soudoyé le gardien du musée, il y pénétra de nuit, et remplaça les
tambours de fundamento
par les autres. À partir de ce jour, on lui donna le nom de Akilápa,
brazos poderosos ».
On a souvent dit de Pablo Roche qu'il était ambidextre et
pouvait retourner le tambour pour le jouer en gaucher. Vu la
complexité des rythmes et le rôle spécifique et différent des deux
mains, cette aptitude est considérée comme une prouesse technique[5].
Pablo Roche vers
1954, soit trois ans avant sa mort. Photo Fernando Ortiz.
À La Havane, quand on évoque le tambor de Pablo Roche,
qui selon tous régnait en maître dès les années 1920, on utilise
souvent l'expression el
primer tambor. On considère ainsi généralement, de manière
erronée, que son tambour est, dans l'histoire, « le premier
tambour de fundamento
havanais ». Mais, d'une certaine manière, on passe ainsi sous
silence tout ce qui s'est passé auparavant, pendant près d'un
siècle.
Le premier tambor de fundamento du XIXe siècle, Añabí,
passa un jour en héritage à Andrés Sublime, puis à son fils Pablo.
Le second jeu de l'histoire, Atandá,
fut confisqué par les autorités au début du XXe siècle,
mais fut récupéré par des santeros, avec l'aide de la magie
ou de l'argent. Pablo Roche en hérita également : il se
retrouvera donc avec en sa possession les deux plus anciens jeux de
batá consacrés de Cuba. À tort ou à raison, et en accord avec l'idée
communément admise, on pourrait penser qu'Andrés Roche Sublime, et
son fils Pablo ensuite, se soient trouvés à La Havane en situation
de monopole, possédant les seuls tambores de fundamento en
activité. Ce n'est en fait pas tout à fait vrai, comme nous allons
tenter de le démontrer ici, car d'autres tambours moins célèbres ont
bien officié à la même époque. Mais c'est sans doute pour leur
monopole que les musiciens et les santeros havanais
qualifient le tambor de Pablo
de « primer tambor ».
3. Données
confuses à propos des autres jeux de tambours havanais
du XIXe siècle
Fernando Ortiz cite un jeu fabriqué par un Lukumí
du nom de Bangoché (le père de José Calazán Bangoché), mais non consacré. Ses tambours étaient de taille
réduite. Atandá les lui
aurait confisqués (sic), et ils passèrent dans les mains du vieux Isidro Somodevilla, puis dans celles de son fils, qui les cacha chez
une femme. Celle-ci finit par les brûler, par crainte des
répressions policières. Il semble malheureusement impossible de
savoir si Isidro Somodevilla était le père de Miguel Somodevilla.
b)
La Niña Bonita : Atandá ou Martín Oyá Dina ?
Selon Ortiz, le premier jeu de fundamento construit
par un natif de Cuba fut fabriqué par Martín
Oyá Dina pour le cabildo
Changó[7]
de Regla, et ce batalero, qui semble oublié de tous aujourd'hui, était un moreno
criollo (un mulâtre né à Cuba[8]),
« très musicien, un Noir
qui surpassait tous les autres dans cet art », et qui
vivait à Regla. « Le jeu
de tambours sonnait si bien qu'on l'appela la
Niña Bonita. Seuls
l'iyá et l'itótele de ce jeu sont au Museo
Nacional de La
Havane (voir la photo au début de la page), l'okónkolo
ayant été cassé et remplacé par un autre, plus gros, qui paraît de
style matancero ». Lázaro
Sanábria « Papaito »
(qui joua dans le tambor de Nicolás Angarica), contredit
Ortiz, en expliquant à Ivor Miller que « la Niña Bonita fut fabriquée par Añabí et Atandá, et à la mort d'Añabí, qui vivait à
la Real Casa de Beneficencia
de La Havane (qui était à la fois un orphelinat, un hospice et
un asile pour femmes aliénées), la
police confisqua tous ses tambours ».
c)
Le tambor de Papa Silvestre.
Papa
Silvestre Erice, décédé vers 1913, eut lui aussi en sa
possession un tambor de
fundamento. Nous avons dit dans le chapitre précédent qu'il
dirigeait le cabildo lucumí
de Santa Rita de Casia y San Lázaro, dans le barrio
El Cerro, cabildo mentionné dans les archives en 1902.
Il semble bien que personne aujourd'hui ne connaisse ni l'origine,
ni même l'existence de ce tambour.
Mariá Teresa Linares Savio,
ethno-musicologue cubaine qui fut directrice du Conjunto
Folklórico Nacional, raconta à Ivor Miller :
« Ma
mère vivait dans le barrio
El Cerro, au #4 de la calle Ayuntamiento.
Un demi-pâté de maison plus loin vivait un babalawo
très connu, Papa Silvestre. On venait de toute La Havane aux toques
de santo qu'il donnait. C'était un grand maestro des tambours batá.
Trinidad Torregrosa a pratiquement tout appris avec lui, comment
jouer et comment construire les batá, car il vivait non loin de
là. Goyo, le frère de Trinidad, et sa sœur Juana, étaient
également de mon quartier, Guadalupe (Centro Habana). Goyo
vivait dans le barrio Los
Sitios. Sa sœur Juana connaissait tous les chants et toutes les danses des orichas.
À la mort de Papa Silvestre, Trinidad commença à travailler avec
Pablo Roche (...). La maison de Papa Silvestre voyait
défiler des personnes de haut-rang politique et économique, qui
assistaient aux cérémonies, venaient consulter et faisaient des trabajos
de santería[9].
Quelle contradiction c'était, à des époques comme celles des
Présidents Grau San Martín, Batista ou Mendieta, pendant
lesquelles eurent lieu tant de persécutions envers les religions
afro-cubaines »[10].
Ortiz cite encore « deux
jeux construits par
Papa Silvestre, à l'époque coloniale, attribués selon certains à
un certain Lencho, et selon d'autres à Adofó ». Apparaît alors une
confusion, puisqu'Ortiz dit que « quand
Papa
Silvestre décéda, et que son cabildo fut dissout (l'un des deux jeux était-il alors le propre jeu de Papa
Silvestre?), l'un des deux
trios passa à Fernando
Guerra (président du cabildo,
voir plus bas), et l'autre
fut saisi et emmené au depôt de Los Fosos, d'où il aurait apparemment
été soustrait. De toute manière, l'un comme l'autre ont
disparu ». Lencho
est à nouveau cité par Ortiz à la fois en tant qu'omo
Añá, et comme inventeur supposé des « batá de Papá
Silvestre », sortes de cajones munis d'un orifice incluant la
peau d'un tambour, sur lequels jouèrent « les tamboreros
Tomás Erice, Emilio Estrada et Luis
Pocker ».
Iyá
du tambor qu'Adofó fabriqua pour le cabildo Changó Teddún, jeu
confisqué par
la police en 1914 (voir deux autres illustrations dans le
chapître I)
Avant que le tambor de Pablo Roche ne se trouve en
situation de quasi-monopole à la Havane, seuls quatre jeux de
tambours de fundamento
ayant été en activité ont laissé une trace dans la tradition
orale :
-le tambor d'Oba Tero, disparu, qui fut en
activité à Guanabacoa avant 1899 ;
-le tambor d'Alejandro
Adofó, arrivé à La Havane vers 1914[11],
Añá Iguilú, qui passa
entre les mains de Miguel Somodevilla (lui aussi matancero d'origine) dans les années 1920 ;
-le tambor de Papa Silvestre, et, bien
sûr :
-le tambor d'Andrés Roche, le père de Pablo.
4.
La situation dans les années 1950, racontée dans les
ouvrages d'Ortiz.
On trouve encore des informations diverses dans l'œuvre de
Fernando Ortiz sur les bataleros de son époque : un
certain Aquía Batá, ou Aguía
Batá de Guanabacoa aurait possédé un jeu nommé lui aussi Añabí (qui se trouve être le nom de plusieurs tambours de
fundamento, dont certains plus contemporains).
Ortiz écrivit encore : « les
tambourinaires
de batá-añá ne peuvent pas être des enfants, même si,
exceptionnellement, on permet aujourd'hui des enfants
particulièrement doués de participer aux cérémonies en jouant omelé (okónkolo)
(...). Nous en connaissons un à Guanabacoa, âgé seulement de douze
ans, qui joue parfois avec le maestro Okilakuá[12]
(...). Un jeune aprendiz
(apprenti), généralement pauvre, ne pouvant pas payer son apprentissage, deviendra
yamboki,
c'est-à-dire novice des tambours. Il apprendra à les transporter,
à les nettoyer, à les nourrir ou à les monter. Le
yamboki assistera à toutes les cérémonies et apprendra comment on joue, en
regardant les omo Añá. (...) Aujourd'hui,
en
1954, plus aucun jeu de fundamento
n'appartient à une casa-templo
en particulier. Chaque équipe d'omo Añá
est indépendante, et travaille de cérémonie en cérémonie, au gré
des contrats passés avec leurs employeurs, les santeros. »
« Don » Fernando Ortiz fut le seul à avoir tenté
de reconstituer le puzzle confus de l'histoire des tambours batá de
l'époque précédant celle de Pablo Roche. Il signala, en écrivant son
article au début des années 1950, que :
« Au maximum,
vingt-cinq jeux capables de servir à des fins religieuses ont été
construits jusqu'à aujourd'hui, dont quatre sont inaptes à la
religion. Huit se sont perdus, deux sont dans des musées ou dans
des collections privées, quatre sont à Matanzas et les autres
(soit sept jeux) sont à La Havane, Regla et Guanabacoa ».
Il ajoute : « dans
la province de La Havane, les olubatá[13]
consacrés sont environ une vingtaine (...). Cinq
ou six jeux profanes ont été construits à La Havane après mes
conférences de 1936, pour servir dans des concerts publics ou
radiophoniques (et dans les cabarets) ». Nous
détaillerons plus loin ce que signifiera réellement ce monde de la
scène afro-cubaine « pseudo-folklorique »
des années 1950 (voir chapitre VIII).
Pour que la tradition religieuse survive, et pour que les
tambours (consacrés ou non) puissent échapper à toutes les
interdictions, il eut fallu qu'ils fussent entre les mains de
personnages influents. Eux seuls pouvaient, grâce à leur prestige,
éviter les problèmes en traitant parfois directement avec la police,
soit parce qu'ils appartenaient à une certaine élite noire, soit
parce qu'ils étaient abakuá.
Conférence
d'Ortiz, 1937 : Águedo Moralés, Pablo Roche, Jesús Pérez.
D'après Ángel
Bolaño, jusqu'en 1959, pour organiser un toque
de santo il fallait demander une autorisation spéciale à la
police, qui malgré tout pouvait débarquer dès les premières notes de
l'orú seco et vérifier si
cette autorisation avait ou non été validée. Après 1959, on
décréta la liberté des cultes, mais il restait toujours
obligatoire de demander des autorisations à la police. Cependant,
c'était « une chose mieux
organisée », et celles-ci étaient devenues plus faciles à
obtenir.
5. Les tambours aberikulá, le güiro, et les cajitas de Lázaro Pedroso
Les cajitas
de Lázaro Pedroso: un tambor aberikulá aujourd'hui
oublié. Photo : Patrice Banchereau.
Dans ses ouvrages,
Fernando Ortiz nie toute valeur aux tambours aberikulá, ce qui ne
semble pas être en accord avec la pensée de beaucoup de grands
joueurs de batá.
D'après Lázaro
Pedroso, jusque dans les années 1960, on a toujours joué
beaucoup plus de güiro que de batá à La Havane, mais également plus de tambours aberikulá
que de tambours de fundamento. Ángel Bolaño pense même que
le premier jeu de fundamento, Añabí,
a d'abord été aberikulá et fut consacré plus tard. Les
raisons principales pour lesquelles on jouait tant ces tambours non
consacrés - ce qui constitue pour Lázaro Pedroso « la question que personne ne pose jamais » - sont
essentiellement économiques : dans un tambor
aberikulá, Ifá
n'est pas concerné. On n'a donc pas de consultation d'oracle à
payer, ni par conséquent de demande spécifique des orichas à
satisfaire. On n'a pas non plus d'animaux à sacrifier, ni de danseur
à louer, les musiciens sont moins chers, etc. On a donc joué le tambor
aberikulá ou le güiro
essentiellement par nécessité économique. D'une part, à cette
époque, il était difficile pour des santeros de financer un
toque de fundamento et d'autre part, jouer dans des fêtes aberikulá
constituait un apport économique non négligeable pour les bataleros.
Dans les années 1950, Lázaro Pedroso eut l'idée de
construire des batá aberikulá
à partir de cajones, ne
sachant pas comment fabriquer des tambours. Certains musiciens
célèbres ont joué sur ces cajitas,
aujourd'hui oubliées de tous, tels Armando
« el Zurdo », Lázaro Galarraga,
Pancho Kinto, Felipe Alfonso, Alfredo
« de las D'Aida », René
Pedroso, Juan Bautista
« Guancho », et
« Maño » Rodríguez (du groupe de rumba
Clave y Guaguancó), neveu matancero de Lázaro
Pedroso.
6. La première photographie de tambours batá
Sur cette photo datant de 1915 figurent ce qu'Ortiz nommera
les panderetas lucumí :
des batá aberikulá
à tirants métalliques, inventés par Fernando
Guerra, président
du cabildo de Papa Silvestre, pour jouer dans ce dernier cabildo
et dans celui de Changó Teddún. Les tamboreros,
curieusement tous gauchers, sont Fernando
Guerra lui-même (iyá),
Eusebio Moralés (okónkolo)
et Juan Gómez (itótele), des musiciens qui selon Ortiz « n'étaient pas olubatá[14]
et savaient à peine jouer ».
Ces tambours qui constituaient
« un gatazo » (une escroquerie) furent inventés pour
tenter de parer aux interdictions liées aux instruments africains.
Leurs tirants métalliques sont semblables à ceux qu'on trouve sur
les panderetas espagnoles (tambourins, tambours sur cadre).
Ortiz refusera de classer ces instruments dans son chapitre consacré
aux batá, malgré leur caractère historique.
D'après Miguel W. Rámos[15],
Fernando Guerra fut également secrétaire de la Sociedad de Protección Mutua y Recreo del Culto Africano Lucumí Santa
Bárbara, héritière du Cabildo
Changó Teddún, et, en 1911, il fit même de Fernando Ortiz le
président honoraire de la société. Pourquoi alors ce dernier le
critiquera-t-il ouvertement en 1954, soit trente ans après la mort
de Fernando Guerra, dans Los
Instrumentos de la Música Afrocubana, en niant ses
connaissances de musicien? À la lecture de Rámos, on apprend
qu'Ortiz et Fernando Guerra étaient amis, et que ce dernier écrivit
trois lettres au gouvernement cubain, qui constituaient des
manifestes, protestant contre les persécutions policières envers la
Sociedad Santa Bárbara (ex-cabildo
Changó
Teddún), en 1910, 1914 et 1915. Rámos soupçonne que ces
lettres furent motivées, sinon écrites par Ortiz lui-même. Mais, en
critiquant plus tard Guerra, Ortiz ne fera-il sans doute que se
conformer à l'avis d'un olubatá
consacré, probablement Pablo Roche. Fernando Guerra était également
le beau-père de Papa Silvestre Erice, marié avec Julia Guerra
« la China Silvestre »
(Ochún Miwa).
1.
Le tambor de Pablo Roche (années 1920-1930)
Trinidad
Torregrosa (okónkolo), Raúl Díaz « Nasakó' » (iyá), Pablo
Roche et probablement l'un de ses fils (debouts), Giraldo
Rodríguez (itótele) La Havane, 1954. Photo Fernando Ortiz.
Comme nous l'avons déjà
dit, Pablo Roche Cañal
« Akilakuá » (Olufan
Deyi), omo Obatalá[16],
eut en sa possession deux jeux de batá consacrés :
-Añabí, le
premier tambor de fundamento de Cuba, fabriqué par Añabí et Atandá, à
Regla, vers 1830. L'histoire de ce tambour est ensuite quelque peu
confuse. Pablo tenait ce jeu de son père Andrés Sublime, qui lui
aurait été transmis par quatre personnes : Atandá lui-même,
Marco et Quintín García (Ifabola) (les fils d'Atandá tous deux bataleros),
et un certain « Chito »[17],
à la fin du XIXe siècle. Il semble de Chito était le
frère d'Hurtasio Jike, autre grand joueur de batá du début du
XXe siècle. Dans une interview d'Ivor Miller,
étrangement, Águedo Moralés
donne une autre version, et signale qu'Andrés Sublime aurait reçu ce
jeu d'Eduardo Salakó, tamborero matancero venu vivre
à La Havane. Il semble que le jeu Añabí
soit ensuite resté à demeure dans le cabildo Yemayá de Regla, ou cabildo
de Pepa. Lázaro
Sanabría « Papaito »
confirme qu'Añabí et Atandá auraient fabriqué en tout huit jeux de
tambours de fundamento. Il raconte également une étrange histoire,
contredisant celle d'Águedo Moralés :
« Remigio
Herrera Addéchina était le chef du cabildo
Yemayá de Regla, qui avait en sa possession le premier jeu de batá de
l'histoire nommé Añabí[18]. Sa fille Mónica[19],
à la mort d'Addéchina récupéra
le tambor. Andrés
Sublime lui reprit pour à nouveau le jouer
au sein du cabildo ».
-Atandá, le
second tambor de l'histoire, lui aussi fabriqué par Añabí et Atandá. Il fut
confisqué un jour par la police, puis remis plus tard directement à
Pablo. Ce jeu était auparavant entre les mains d'Addéchina,
qui le joua à Matanzas le 4 décembre 1873.
Le prestige de Pablo Roche
était grand. De plus, il avait en sa possession les deux plus
anciens tambours de fundamento de Cuba.
Papaito ajoute que le tambor
Añabí était surnommé La
Confianza, et que celui nommé Atandá était surnommé Voz
de Oro[20].
Selon d'autres sources, c'est seulement l'iyá du jeu Atandá qui fut surnommé Voz
de Oro par Pablo Roche. Papaito dit encore :
« Pablo
possédait également nombre d'instruments aberikulá
séparés, comme les deux okónkolo
surnommés el Payaso (le clown) et
el Ripiao' (le loqueteux) qui
sont aujourd'hui en ma possession. El Ripiao'
était l'okónkolo que
Pablo utilisait pour enseigner à ses élèves. Il possédait
également plusieurs itótele, dont l'un d'entre eux était surnommé el Rey de los
Payasos ».
Alberto Vilarreal, quand il était enfant, se
rappelle être allé chez Pablo Roche, et il le revoit encore assis
derrière son magnifique bureau de caoba negra (d'acajou).
Après la mort de Pablo, le 18 avril 1957[21],
l'un des deux jeux, probablement Añabí, fut remis à Andrés Cortés « Macho »,
qui
était celui en qui Pablo avait le plus confiance parmi tous les omo
Añá qui jouaient avec lui.
Pablo savait comment fabriquer et consacrer
les tambours, ce qu'il a fait, indéniablement, pour plusieurs
personnes. Il vivait dans le solar[22]
de Vía Flor, dans le barrio
Jesús del Monte, et déménagea en 1937 calle San José,
à Guanabacoa, non loin de la prison. Son frère José
Roche (Ochún Kayoddé) était un grand Oba, omo
Ochún.
Toujours selon Papaito, Pablo Roche
aurait incorporé des éléments matanceros[23]
dans des toques havanais « incomplets », comme
dans Bayubba (un toque spécifique de Changó), que l'on jouait de manière différente
à l'époque, à La Havane. Avant Pablo, on jouait les batá de manière
plus lente, et il aurait sensiblement augmenté le tempo de certains
toques. Il dit encore que Pablo était l'un des rares à savoir
fabriquer la fardela[24],
et qu'il y avait une fardela
pour l'hiver, et une autre pour l'été, qui se cassait et tombait au
sol si on la jouait l'hiver[25].
Selon Alberto
Vilarreal, Pablo créa de nouveaux toques,
tout comme le fit plus tard Nicolás
Angarica. De nombreux tamboreros
de Matanzas venaient chez lui,
simplement pour jouer des tambours et partager des informations,
comme le fit Chacha Vega,
dont certains disent, probablement à tort, qu'il fut un élève de Pablo.
Jesús
Pérez, Pablo Roche et un okonkolero
non identifié (peut-être Gabino Fellove, Virgilio Ramirez ou
Giraldo Rodríguez), années 1930.
Pablo était Mokongo
de la potencia abakuá
Munandibá Efó. On dit que tous les omo Añá qui jouaient dans le tambor
de
Pablo étaient abakuá.
Son personnage jouissait en tout cas d'une considérable autorité sur
son entourage. Carlos Aldama dit:
« Il était censé travailler à l'Instituto Cubano de
Petrolio, la raffinerie située dans
la baie de La Havane, mais
il envoyait quelqu'un travailler à sa place. Il était également
prêteur sur gages. Il consacrait tout son temps libre à la
religion, et à fabriquer des tambours. Il
parlait le yoruba, car Miguel Ajayí[26]
le lui avait appris. Miguel le parlait très bien, car il l'avait
appris de ses parents. »
Pablo retenait souvent les jeunes tamboreros
à dormir chez lui la veille des cérémonies, pour s'assurer qu'ils
n'aient pas de rapports sexuels avant un toque
de santo, ce qui est interdit par la religion.
Felito el Makaró dit que : « Les
rites
funéraires abakúa de Pablo se firent au sein de sa potencia. Les
rites funéraires kongo
se firent en el monte (à la campagne, dans la nature) »,
car Pablo était également palero.
« Maximiliano Ordaz
(Baba Sikú)
était un akpwón qui
chantait avec presque tous les olubatá
de son époque, mais principalement avec Pablo. Ordaz était le padrino
de Jesús Pérez. Il était omo Changó
et abakuá de la potencia Orú Ápapa. Il vivait à Jesús
María, et il était l'un des oriaté
qui avait le plus de connaissances (...). J'ai
joué
pour les rites funéraires de Pablo, avec Andrés Chacón et
tous les autres disciples de Pablo. Pendant les cérémonies d'Añá
joués en cette occasion, beaucoup de santeros
tombèrent en transe et les orichas
qui se manifestèrent pleuraient ».
Carlos Aldama
raconte, lui, dans My Life in
Batá : « Lors
de la cérémonie funéraire de Pablo, Miguel Somodevilla joua iyá,
Águedo Moralés itótele
et Macho (Andrés Cortés) okónkolo ».
Les
omo Añá et autres bataleros qui jouèrent dans le tambor de
Pablo Roche[27]
Parmi ceux qui figuraient dans le tambor de Pablo, tous n'étaient pas forcément omo Añá,
et beaucoup n'avaient, en commençant à officier, que las
manos lavadas : une initiation moins complexe nécessaire
pour pouvoir jouer sur des tambours batá consacrés, si l'on est pas
déjà initié à Añá.
Quelques-uns étaient des musiciens confirmés, qui jouaient
déjà avant Pablo, et qui étaient ses aînés, dont :
-Victoriano
Torres « Adyai »
el Lukumí,
né au XIXe siècle, osainiste[28],
décédé dans les années 1970. Il joua auparavant avec Andrés Roche,
et consacra à la fin de sa vie un tambour pour Andrés Chacón
Franquiz. El Lukumí
était également l'un des rares à maîtriser les tambours arará
dans le style havanais. Il fit partie des gens qui enseignèrent ces
tambours arará à Andrés Chacón - qui détiendra le dernier tambor
arará en activité à La Havane, dans le district de Marianao.
-Hurtasio Jike,
né vers 1895 de parents africains, décédé dans les années 1970. Il
joua lui aussi avec Andrés Roche. Il avait commencé à jouer en 1907.
Il était fabricant de tambours, et exerça les métiers de
charpentier, de peintre et de forgeron. Il jouera plus tard avec Fermín
Basinde.
Miguel
Somodevilla, processions de Regla, 1957. Photo Pierre Verger.
-Miguel Somodevilla
(Changó Larí), né en 1866 dans la province de Matanzas, où il
jouait également le tambour kongo de yuka. Ángel
Bolaño dit de lui qu'il en savait sans doute plus que Pablo sur la
façon de jouer, et qu'il connaissait « un peu du langage du tambour » (enà, langage oral nigérian fait d'onomatopées[29]).
Né
lui aussi de parents africains, il avait hérité du tambour d'Alejandro
Adofó, Añá Iguilú, qui avait été construit à l'origine par ce dernier, pour
le central Majagua
d'Unión de Reyes (ou selon d'autres versions pour le central
Triunvirato du village de Cidra), dans la province de
Matanzas.
Tous considérent Miguel Somodevilla comme l'olubatá
possédant les plus grandes connaissances sur le tambour à son
époque, mais, comme il ne voulut enseigner à personne, certains toques
qu'il était le seul à connaître disparurent avec lui. Il officiait à
La Havane avant que Pablo Roche ne reprenne le tambour de son père.
Il joua également dans les processions à la virgen de Regla (voir chapitre VII). À une époque, les tambours de
Pablo et de Miguel officiaient chacun pour l'un des deux cabildos
de Regla. En 1952-53, Pablo Roche cessa de jouer dans ces
processions, et c'est Jesús Pérez qui l'y remplaça. Miguel
Somodevilla décéda en 1964, et joua jusqu'à sa mort, à plus de 90
ans[30].
Ses rites funéraires eurent lieu à Guanabacoa, où ses restes furent
enterrés au cementerio viejo.
L'amitié et le respect entre Miguel et Pablo étaient sans doute très
grands, car leurs bataleros jouaient aussi bien avec le
tambour de l'un qu'avec celui de l'autre. D'après Carlos
Aldama, Miguel était une personne d'un grand calme, et il
était parfois difficile de lui arracher quelques mots. Ángel Bolaño
raconte qu'un jour à Regla il s'est caché derrière un mur, avec
d'autres jeunes bataleros,
pour tenter de voir Miguel jouer un oro
seco, mais que celui aperçut les ombres de leurs têtes, et,
sachant dès lors qu'on l'espionnait, changea radicalement sa manière
de jouer afin de la rendre incompréhensible à des débutants.
-Fermín Basinde,
omo Obatalá, qui avait appris à jouer avec Andrés Sublime, et qui
eut son propre tambor de fundamento en 1927.
Photo
de droite : Guije.com
- Trinidad
Torregrosa
(E Meta Lokan), de
son vrai nom : Jesús
del Carmén de la Trinidad Torregrosa Hernández (1897-1977). Il était
omo Yemayá, omo Añá, osainiste, akpwón,
et fabricant de tambours batá. Il fut l'un des principaux
informateurs d'Ortiz dès les années 1930.
Il était un élève
de Papa Silvestre. Il fut également chauffeur du Président Machado,
entre 1925 et 1933. Beaucoup d'olorichas
racontent que Gerardo Machado était initié à Changó et à Ifá.
Trinidad fabriqua plusieurs jeux aberikulá
pour le Conjunto Folklórico
Nacional, dont il fut informante
dès sa création, le 7 mai 1962. Il ne jouait qu'assez rarement iyá. Sur les photos, ou dans les films, on le voit jouer fréquemment
le tambour caja du toque de güiro ou les chékeres.
Apprécié pour ses qualités humaines et ses connaissances, il restera
longtemps dans la mémoire de tous. Comme Jesús Pérez et Giraldo
Rodríguez, il joua à la radio, dans les cabarets, et apparut
dans quelques films, dont:
-Mulata (1953) et Yambao (1956).
-Historia de un Ballet (1962).
-La Colina Lenin
(1962).
Parmi les nombreux autres membres du tambor
de Pablo Roche, on trouve ensuite :
Photo :
Fernando Ortiz.
Photo : Yagbe, 1989.
-Águedo Moralés
Valdés ou « Aguedito
el Bembón » (1911-1989). Il était gaucher et segundero.
Il joua dans les conférences d'Ortiz dès 1936. Il disait lui-même
qu'il ne commença à jouer itótele
que lorque Pablo Roche tomba malade. On le voit pourtant jouer itótele sur les photos des conférences d'Ortiz (voir chapitre VIII).
Il disait encore : « Pablo,
Jesús (Pérez) et moi,
nous asseyions pour jouer dans une cérémonie, et nous ne nous
levions plus de notre chaise jusqu'à ce que le tambour soit
terminé ». Jesús Pérez, ayant quatre ans de moins qu'Aguedito, était
probablement okonkolero à
cette époque. Aguedito fut plaza
(grade majeur) de la potencia abakuá Munandibá
Efó, tout comme Pablo Roche.
-Andrés Isaaqui Cruz, qui sera
le mayorcero habituel du
tambor de Jesús Pérez dans les années 1950, et apparut avec
celui-ci dans le film Historia
de un Ballet de 1962[31],
avec les artistes du Teatro y
Danza Nacional. Il était maçon de profession. Il était omo
Añá, mais pas
santero. Il jouait le chachá (la peau aigue du
tambour batá) avec seulement deux doigts. Après avoir joué dans le tambor
de Pablo, il jouera avec celui de Fermín Basinde.
-Andrés Cortés « Macho » (Ángel
Andrés Cortés Laje), omo
Obatalá. Il obtint la
charge des tambours
de Pablo Roche quand celui-ci décéda. Il joua également avec le tambor
de Miguel Somodevilla. Felito « el
Makaró » (Felix Massip) précisa à Ivor
Miller, en 1997 :
« À la mort de
Pablo, Macho hérita de
ses tambours. Au début des années 1960, quand Amelia, la femme de
Pablo, décéda à son tour, des réunions furent organiséees pour
décider qui garderait les tambours. Eladio Gelaber, le neveu
d'Amelia, fut désigné. Il était le père de Juanito el Sucio,
qui les garde actuellement. À la mort de Miguel
Somodevilla (en 1964),
Macho hérita en plus du tambor
d'Adofó (Añá Iguilú). Après que Macho
ait remis les tambours de Pablo à Eladio, nous avons continué à
jouer avec le tambor
d'Adofó. Quand Macho décéda à son tour, le tambor
d'Adofó passa à Lázaro Sanábria Papaito,
de Regla ».
Alberto Vilarreal, lui,
précise que ce n'est qu'àprès la mort de Macho qu'Eladio Gelaber
reçut les tambours de Pablo, et qu'entre temps Jesús Pérez les prit
chez lui pour les rénover et les retendre, car ils étaient très
vieux et en mauvaise condition. Il les remit ensuite à Eladio.
Alberto confirme également que « Juanito el Sucio » les a toujours en sa possession aujourd'hui.
Papaito lui-même ajouta :
« Miguel Somodevilla
avait confiance en Macho
parce qu'il était le plus responsable de tous. Macho se retrouva
donc à la fois avec le tambor
de Miguel Somodevilla, hérité d'Adofó, et avec ceux de Pablo. Il
laissa le tambor de
Miguel dans la maison de Susana
Cantero, qui vivait sur la Colina Lenin
de Regla. Elle dirigeait le second cabildo
de Regla, connu comme le cabildo de Susana.
Macho le laissa là, avant de le reprendre en 1969 (cinq ans
après la mort de Miguel Somodevilla). En
1981, peu avant sa mort, Macho dicta à son épouse Adelaida ce
qu'il fallait faire avec le tambor
d'Adofó, parce qu'il ne voulait pas qu'il tombe entre de mauvaises
mains. Adelaida était ma madrina, et son nom de religion était Ochún
Guere. Elle désigna Pedrito
Aspirina comme responsable du tambour. Quand Adelaida
décéda, en 1984, c'est moi qui en suis devenu le responsable. Le
véritable dueño[32]
du tambor est un neveu d'Adofó, mais c'est moi, Papaito qui le garde, parce que
le neveu en question n'est pas batalero ».
-Virgilio Ramírez,
omo Changó, qui fut un grand ami de Jesús Pérez.
-Giraldo Rodríguez (José Giraldo Rodríguez Bolaños), omo Changó, né le 4
décembre 1920 (jour de la Santa
Bárbara). Il participa aux conférences d'Ortiz, dont il fut un
important informateur. Il apparut dans quelques films. Il enregistra
plusieurs disques où figurent des tambours batá, avec Bola
de Nieve ou Chico O'Farrill, mais avant tout un disque
important : Afro-Tambores Batá (1957). Bien que ce soit Jesús Pérez qui
y joua iyá, il
l'enregistra sous son nom. Ce disque, au son remarquable, fut une
référence pour les musiciens américains qui étudiaient ces tambours
dès les années1960, car personne ne les enseigna aux États-Unis
avant 1980.
Giraldo Rodríguez, Raúl
Díaz "Nasakó", Macho
-Raúl Díaz
« Nasakó » (Asaago),
omo Ogún[33],
né en 1915, gaucher et babalawo.
Il fut un autre grand informateur de Fernando Ortiz, qui publia des
transcriptions de son jeu. Lui aussi joua beaucoup dans les
conférences d'Ortiz et dans les cabarets. D'après Felito el
Makaró,
« Nasakó et
Jesús Pérez étaient les fils préférés de Pablo Roche ».
Carlos Aldama raconte : « Raúl Díaz était toujours très élégant. Contrairement à Jesús Pérez qui exerçait son métier de charpentier, il ne travaillait pas. Il passait le plus clair de son temps chez Pablo Roche. On le surnomma Nasakó (déformation de son nom de religion yoruba Asaago), car il faisait beaucoup de brujería, et fréquentait beaucoup les cérémonies de palo (kongo). Il était Empegó de la potencia Efí abakuá (de Guanabacoa), et parlait beaucoup abakuá avec Pablo. Il avait un savoir considérable sur le jeu du tambour batá ».
-Jesús Pérez Puentes
(Oba Ilú) (1915-1985), qui fut
membre-fondateur[34]
de Teatro y Danza Nacional[35],
puis du Conjunto Folklórico
Nacional, où il sera l'un des sept premiers informantes[36],
jusqu'à ce qu'il retourne au sein de Teatro
y
Danza Nacional, où il sera directeur de l'orchestre de folklore.
Il aura son propre tambor
en 1955 (voir plus bas). D'après Carlos Aldama, qui fut l'un
de ses plus fidèles disciples, Jesús « était
charpentier, avant de rencontrer Pablo Roche. Il avait un enfant
avec une voisine de Pablo, surnommée La China,
et ce fut Pablo qui baptisa l'enfant (...). Quand
Pablo fut vieux et malade, ses tambours se dégradèrent. Jesús
décida alors de les réparer, de les retendre, et de donner un toque
en son honneur. Pablo décéda peu après. Ce fut la dernière fois que Raúl Díaz Nasakó
joua en cérémonie, lui qui ne jouait avec personne d'autre que
Pablo. Papo Angarica,
qui avait appris un peu avec Nasakó, vint jouer lui aussi, avec
son père Nicolás Angarica, dans ce toque
en l'honneur de Pablo, en 1957 à
Guanabacoa ».
Conjunto
Folklórico Nacional,
Paris 1964 : Ramiro Hernández, Jesús Pérez, Armando
Sotolongo.
-Andrés Chacón
Franquiz « Pogolotti » (1933-2001), qui commença à jouer à l'âge de onze ans avec Fermín
Basinde, puis continua, quand il eut quinze ans, avec Pablo Roche,
vers 1948. Il vécut toute sa vie dans le district de Marianao. (Voir
plus bas).
Joseito
Fernández et René Vasquez Cepero devant l'ancienne maison
penchée de Felito el Makaró à Regla
-« Felito el
Makaró » (Felix Massip), né le 2 mars 1935. Pablo Roche
fut son padrino. Adolescent, Felito passait tout son temps
chez Pablo à Guanabacoa. En 1953, alors qu'il avait 17 ans, il
partit vivre chez lui de façon permanente, jusqu'à sa mort en 1957.
Felito insistait sur le côté humanitaire de Pablo, « qui
s'occupait des jeunes de son quartier, et leur enseignait le
tambour, leur évitant ainsi de traîner dans les rues. Sa maison
était toujours pleine de gens, car son épouse Amelia était santera
et comptait beaucoup d'ahijados ». Felito, consacré omo
Añá dans le tambor Añabí de Pablo, était pratiquement le beau-frère d'Andrés Chacón
« Pogolotti », car il vécut vingt ans avec la
sœur de ce dernier. « Quand
Andrés Pogolotti reçut son tambor,
que lui fabriqua El Lukumí, il a voulu que j'aille jouer
avec lui, mais je ne pouvais pas, car je jouais déjà avec Macho
(Andrés Cortés). Pablo m'avait appris que je ne devais pas jouer avec plusieurs tambours
en même temps, à moins qu'on ait ponctuellement besoin de mon
aide, qu'on ne me fasse une invitation, et que j'aille donner un
coup de main (...). J'ai
joué avec Macho jusqu'à sa mort, et ensuite avec Virgilio
Ramirez dans le tambor de Moñito.
Quand Virgilio est mort, j'ai fini par rejoindre le tambour
d'Andrés Chacón (Felito y jouera jusqu'à la fin de sa vie). Aujourd'hui,
on dénombre près de quarante jeux de fundamento
à La Havane, mais il n'y pas de vrais tamboreros ». Felito, avec Macho,
Giraldo Rodríguez et Palillo, était musicien à l'antenne de Marianao
de la Escuela Nacional de
Artes depuis 1965. Il était Abasonga
de la potencia abakuá Abarakó
Sisí, de Regla.
-Armando Sotolongo
Blanco « Armandito », omo Eleguá, okonkolero
avec Pablo. Membre-fondateur du Conjunto
Folklórico
Nacional, où il devint musicien titulaire à itótele. Avec Andrés Isaaqui, il aurait inventé, une
nouvelle manière de jouer le toque Nkowo-nkowo pour Changó. Il serait resté en France (ou en Espagne)
après la première tournée du CFN
en Europe, puis partit vivre aux Etats-Unis, et serait décédé à New
York dans une situation misérable.
-Gabino Fellove,
segundero et okonkolero.
Il serait parti aux États-Unis au début de la Révolution castriste
de 1959. Il joue okónkolo
dans le disque Afro-Tambores
batá de Giraldo Rodríguez (1957).
-Palillo « el Jorobao' » (le bossu).
Le tambor de Pablo compta également en son sein quatre membres de la célèbre
famille des Aspirinas de
Guanabacoa :
-Pedro Pablo Valdés
Rodríguez Aspirina[37],
dit « el Viejo
Aspirina », omo
Changó, aîné de tous les Aspirinas
et (demi-[38])
frère de Mario Jáuregui. Il est à l'origine du surnom
familial : ce serait
lui, qui, régulièrement victime de rages de dents, plaçait contre
ses dents douloureuses un cachet d'aspirine, qu'il gardait dans sa
bouche sans l'avaler. Il joua dans le premier disque cubain de rumba
Festival in Havana (1955),
enregistré à l'initiative d'Obdulio Moralés, d'abord sorti aux
États-Unis, puis ré-édité à Cuba sous le titre La
Rumba y la Conga. Selon Carlos Aldama, il était
« le segundero officiel de Pablo ».
-Mario « Aspirina » Jáuregui
Francis, né le 22 juillet 1932 à Guanabacoa. Omo Añá
et babalawo. Il joua avec Pablo Roche dès l'âge de sept ans.
Il aurait également joué avec Miguel Somodevilla. Il fut
docker, cireur de chaussures, vendeur de rue et maçon. Il est le
gardien inamovible du style de Pablo Roche. Il fut membre-fondateur
du Conjunto Folklórico
Nacional, où il entra comme danseur, et fut directeur de la
percussion au début des années 1980, pendant une brève période. Il
joue itótele sur le disque du Conjunto
Folklórico Nacional de 1975, Ciclo
Yoruba vol.1, réédité sous deux noms différents : Toques
y Cantos de Santos vol.1 et Música
Yoruba. Il joue iyá
sur le disque Santería du
groupe de Gregorio « el
Goyo » Hernández, Oba
Ilú (1998). Il est certainement celui qui incarne le mieux le
quinto dans l'histoire de la rumba havanaise.
Mario
Jáuregui. Photo : Pascal Gouy.
-Pedrito Aspirina,
le neveu de Mario Jáuregui. Il aura à sa charge le tambor
d'Adofó, Añá Iguilú, passé entre les mains de Miguel Somodevilla puis d'Andrés
Cortés
Macho avant lui, et de Lázaro
Sanábria Papaito
après lui. Il remit le tambour à Papaito en 1991, quand celui-ci (et
quelques autres) lui conçurent son propre tambour, Eni
Alagbá.
Il deviendra directeur du groupe de rumba
El Coro Folklórico
Cubano, fondé par Odilio Urfé.
-Inocente Borges Cruz, segundero,
parent des Aspirinas, qui joua également avec Miguel
Somodevilla. Il exerçait le métier de carrossier-tôlier.
Deux autres bataleros
du tambor de Pablo firent
carrière aux États-Unis :
À
droite : Julito Collazo, Trinidad Torregrosa et Raúl Díaz
Nasakó, jouant un toque de
güiro dans un cabaret. Photo :
Gene Golden.
-Julito Collazo[39]
(1931-2004) fit une brillante carrière aux USA, et y aurait été
consacré omo Añá, vers 1972 seulement. Avec Pablo Roche, il ne joua manifestement
qu'okónkolo. Il deviendra
l'un des plus compétent parmi les rares bataleros vivant aux États-Unis, jusqu'à l'arrivée des
« marielistes[40] »
en 1980, tels qu'Orlando
« Puntilla » Ríos
ou Juan « el
Negro » Raymat.
Julito enregistra de nombreux disques avec Tito Puente,
« Patato » Valdés, « Mongo »
Santamaría
et deux disques de toques de güiro, dont Erú Añá, où il jouait le tambour caja.
Photos:
Juan El Negro Raymat.
-Juan « el Negrito » Raymat,
né un 24 juin, originaire de Perico (province de Matanzas). Sa mère
Pilar Fresneda (Asonsiperako)
était une grande sacerdote arará. Elle apporta les
traditions du cabildo matancero Arará
Sabalú Nonjó à La Havane. El
Negro partira aux États-Unis en 1980 lors de l'exode
« mariéliste », et s'installera à Miami. Il détient le
cinquième tambour de l'histoire de la santería aux USA, nommé Oba
Dé Yé. Il est reconnu comme un excellent fabricant de
tambours. Son fils José Raymat « Añá Bí » est également un
excellent batalero.
D'autres bataleros encore ont
joué dans le tambor de Pablo Roche, tels :
-Juanito
« el Sucio » (le
malpropre), petit-neveu de Pablo, qui hérita des deux jeux Añabí et Atandá,
après Macho et Eladio Gelaber. Águedo
Moralés raconta : « Ne sachant pas lui-même les entretenir, Juanito chercha un tamborero
capable de l'aider à s'occuper des tambours, mais personne
n'accepta. Ceux qui savaient prendre soin des batá étaient peu
nombreux, et, au cas où ces tambours prestigieux et très anciens
se dégraderaient, personne n'osa se proposer, ne voulant pas
endosser la responsabilité. Car avec ces instruments, il y avait
Egun[41],
et celui qui en assumerait mal la charge s'attirerait à coup sûr
des problèmes avec l'esprit du défunt. Pour ces raisons, tous
refusèrent d'approcher les tambours de Pablo après sa mort ».
À partir de là, les deux plus anciens jeux havanais ne furent
probablement plus jamais joués. Papaito ajoute :
« Juanito eut la
charge des deux tambours de Pablo, Añabí et Voz de Oro,
mais on lui déroba La Voz de Oro ».
-Pedro « Lagrimita », qui jouait dans la comparsa de carnaval
havanaise Las Jardineras.
-Francisco Saez
Batista, omo Eleguá et babalawo. Okonkolero,
il aura ensuite son propre tambor.
-José Calázan Frías
« Moñito », okonkolero,
qui vivait à Guanabacoa, et aura également son tambor (voir
plus bas). Lui aussi était abakuá.
-Amador Aguilera, qui jouera avec Fermín Basinde, puis aura lui aussi son
propre tambor, Añá
Lobba.
-Abelardo Rodríguez
Fornaris, Empegó de
la potencia abakuá Muñanga
Efó, qui quitta La Havane.
-Meraldo Rensoli, Moni-bonkó de la
potencia abakuá Erube Efó.
-« Yayo »,
okonkolero,
et enfin trois derniers bataleros :
-« Felongo »,
Roberto Leal et
« El
Nuevo ».
Quand le tambor de Pablo Roche
passa entre les mains d'Andrés Cortés Macho,
d'autres bataleros y jouèrent, dont, outre certains déjà
cités (comme Felito el Makaró)
:
-Quintín[42],
omo Changó, descendant
d'Africains.
-Luis
Chacón Mendivel « Aspirina ».
Autre membre de la famille de Guanabacoa, et membre-fondateur du Conjunto Folklórico Nacional. Il fut directeur d'autres groupes de folklore
tels El Sicamarié et Alafia Iré.
Danseur, spécialiste de la rumba
columbia, il est toujours
doté d'une incroyable énergie, à plus de 70 ans.
-Alberto Vilarreal
Peñalver.
-Guillermo et Miguel López (Guillermito
et Miguelito). Nous
parlerons plus en détail de ces trois derniers musiciens dans la
partie consacrée au tambor de
Fermín (voir plus bas).
Le cas d'un grand olubatá
havanais ayant appartenu à la fois au tambor
de Pablo Roche et au tambor
de Fermín Basinde
nous pose problème, car on nous a donné des informations
contradictoires à son sujet. Il s'agit de :
Photo
Gaël Leroux
Photo Ken Schweitzer
-Francisco
« Pancho Kinto » Hernández
Mora. Omo Eleguá,
Pancho fut un personnage légendaire et atypique du folklore
cubain, à la fois grand musicien, créateur, guarachero
et éternel enfant. Né le 23 avril 1933, il décéda le 11 février
2005.
Il fut l'inventeur du toque
« la Explosión »
et de la llamada initiale
de Baba Fururú, ainsi que des variations de chachá[43]
dans la troisième partie du toque
a Osáin. Il inventa également une nouvelle manière de jouer le
tumbador[44]
de la rumba, avec un cajón,
trois batá à sa droite et une cuiller dans la main gauche. Il joua
dans les comparsas havanaises Los
Dandy de Belén, Los
Guaracheros et Los
Componedores de Batea.
On dit que Pancho aurait joué
avec Pablo Roche, puis
avec Miguel Somodevilla,
Moñito, Jesús Pérez et Nicolás
Angarica, mais il semble qu'il n'ait fait partie d'aucun tambor
de manière fixe, sinon de celui de Fermín
Basinde. Le problème est de savoir s'il débuta avec le tambor
de Pablo, ou avec celui de Fermín. Ángel
Bolaño se rappelle avoir vu Pancho jouer un oro seco à okónkolo avec
Miguel Somodevilla. Román
Díaz confirme que Pancho jouait bien dans le tambor
de Pablo.
Il restera sans doute comme l'un des bataleros
les plus connus du XXe siècle, mais il ne paraît pas
souvent cité pour ses activités religieuses. Román
Díaz et Joseito
Fernández se revendiquent parmi ses nombreux disciples.
Il devint célèbre surtout pour son rôle dans le groupe de rumba Yoruba Andabo, qui
perpétue encore le style de tumbador
qu'il a inventé, et qui disparaîtra sans doute si un jour le groupe
disparaît à son tour. Bien qu'ayant été un grand innovateur, il joua
souvent dans les tambours avec Mario
Aspirina Jáuregui,
le plus conservateur de tous les bataleros
havanais. Il aurait été, lui aussi, membre-fondateur du Conjunto
Folklórico
Nacional.
Il apparaît dans plusieurs films, comme :
-La Rumba sin
Lentejuelas
-En el Pais de los
Orichas
-Yoruba Andabo en
Casa.
-Lucumí l'Enfant Rumbero.
2.
Le tambor de Fermín Basinde (consacré en 1927).
Le tambor de Fermín
fut consacré par des babalawos,
ce dont peu de gens parlent volontiers. En effet, une polémique
considérable est née à partir de ce fait, donnant lieu à une
contestation de la légitimité du tambor. Même si les babalawos
qui le consacrèrent étaient des sacerdotes reconnus, auparavant ce
type de « travail » religieux avait toujours été celui des
osainistas (osainistes, ou olosáin), seuls habilités
à consacrer les tambours de fundamento. Mais à l'époque de
Fermín, il existait peu d'osainistes : la connaissance des
plantes, se transmettant d'olosáin en olosáin, exige
un savoir considérable. Ces herboristes traditionnels yoruba
dénombrent d'ailleurs plus de noms de plantes que les occidentaux,
car c'est l'usage médicinal ou magique de celles-ci qui prime dans
leur nomenclature. L'association de deux ou plusieurs plantes est
considérée comme une nouvelle plante en soi, et prend alors un
nouveau nom[45].
Lázaro Sanabría
Papaito raconta à Ivor Miller que « le
tambor de Fermín n'avait
pas de tambour-parrain pour le baptiser. Pablo Roche l'appelait el
tambor de la leche, autrement
dit flojo (faible, mou, sans consistance) ». Ces deux
faits : l'absence d'un tambour-parrain et la consécration sans
l'intervention d'un osainiste constituèrent deux précédents
scandaleux, qui se renouvelleront pourtant par la suite.
Malgré tout, et grâce à la personnalité de Fermín, ce
tambour devint très populaire et concurrença rapidement celui de
Pablo Roche. Fermín était un homme affable, et pouvait avoir de
meilleurs rapports avec les gens que Pablo, qui avait ses exigences
et se montrait intraitable vis-à-vis de la religion. Quand Fermín
commença à avoir beaucoup de succès avec son tambor
- qui jouait tous les jours, dit Lázaro Pedroso - commença la
guerre entre lui et Pablo. Celui-ci fit courir le bruit, justifié ou
non, que le tambor de Fermín
n'avait pas été convenablement consacré. Cette tentative de
destruction de sa réputation fonctionna si bien que celui-ci finit
par ne quasiment plus jouer. Le tambor
de Fermín fut considéré comme « sans voix »,
ce qui signifie que les orichas
« ne l'entendaient pas », parce qu'il n'avait pas été
parrainé par un autre tambour pour lui « donner la voix ».
Tambor doble.
Le différent se régla à la fin des années 1940, avec
l'événement connu comme el
tambor de la paz, censé être le premier tambor
doble[46]
de l'histoire de la santería[47].
Une santera du nom de
Nina convoqua séparément les deux ensembles de tambours, celui de
Pablo et celui de Fermín, pour une cérémonie à Marianao, dans le reparto
Puentes
Grandes, sans les prévenir de la présence d'un autre
tambour : elle provoqua ainsi leur rencontre forcée. Quand ils
furent réunis, elle leur annonça qu'ils devaient jouer ensemble
« pour la réconciliation ». Le babalawo
qui dirigea cette cérémonie était Bernardo
Rojas (Irete N'tedí), l'un de ceux qui avait consacré le tambor
de
Fermín. Rojas avait été ordonné babalawo
par Remigio Herrera Addéchina, et dirigeait un cabildo à Pogolotti,
dans le district de Marianao. Pablo et Fermín étaient ekobios dans la religion abakuá,
liés par un serment (« frères », car les sociétés abakuá
sont des confréries) : leur profond désaccord était donc
considéré comme dramatique. Ce serait leurs tamboreros
(dont beaucoup étaient eux aussi abakuá),
et leurs amis communs qui auraient les premiers eu l'idée de créer
une confrontation pour les réconcilier.
Juan Valdés
« Minino », omo Obatalá
(le demi-frère d'Águedo Moralés), qui jouait avec Nicolás Angarica,
aurait (beaucoup plus tard) emprunté le tambor
de ce dernier pour « redonner voix » au tambor de Fermín, en le re-parrainant. Nicolás Angarica, qui n'avait pas été averti, en apprenant cela,
aurait mis Minino à l'amende d'un chivo
(un cabri).
Ce qu'écrivit Fernando Ortiz à propos du tambor
de
Fermín dans son article de 1954 est particulièrement
révélateur :
« Nous avons
entendu parler d'un autre jeu de tambours. Les ilú (tambours)
sont de facture classique,
bien que de taille supérieure à la norme, ce qui diminue quelque
peu leur musicalité. Ils ne furent pas consacrés par des
sacerdotes alaña, mais
par des babalawos, qui,
bien que leur grade soit élevé, ne sont pas habilités à consacrer
de tambours, n'étant ni alañá
ni olosain. Il s'agit donc de batá que l'on dit judios (litt. « juifs » - non-consacrés), comme disent les santeros.
On pense que celui qui les détiendrait serait un certain
Fermín ».
Le discours d'Ortiz prouve ici plusieurs
choses : les informations qu'il détenait provenant de bataleros
issus du tambor de Pabo Roche,
tels que Raúl Díaz Nasakó, Giraldo Rodríguez, Trinidad Torregrosa ou
Pablo lui-même, elles sont d'emblée marquées par la pensée de
ceux-ci, qui lui cachent une grande partie de la réalité. On peut
s'étonner qu'en 1954 Ortiz n'ait pas eu accès à plus de
renseignements à propos d'un tambor
de fundamento consacré en 1927, ce qui prouve qu'à l'époque
existaient déjà des histoires « qu'on ne raconte pas ». De
plus, on constate que, dans son article, on trouve très peu
d'information sur les tambours
en activité à La Havane dans les années 1950 : ceux de
Nicolás Angarica, de « Moñito », et de Goyo Torregrosa.
Tout se passe comme si ces informations avaient été volontairement
cachées à Ortiz, ou comme si celui-ci avait eu pour consigne de ne
pas en parler. À l'époque, il mentionne bien un « señor
Angarica, qui détient un tambor fabriqué par Adofó, en
activité », mais dont il ne mentionne pas même le prénom.
Il ne semble pas non plus savoir que ce tambour réside à La Havane,
car il écrit seulement que Nicolás est « un
santero appelé Angarica, de la province de Matanzas ».
Ortiz, en citant des exemples de noms donnés à des jeux de
fundamento, cite encore quelques tambours
: Akobí
Añá et Aiguobí
Añá (Awobí Añá ?), qui selon lui « étaient
fréquemment joués » à son époque. Il évoque également la
naissance, toujours dans les années 1950, d'un tambour nommé Alayé
(propriétaire du monde). Comment peut-il ignorer qu'Akobí Añá est le nom que l'on donnera en 1955 au tambour de son
grand ami Jesús Pérez ? Il est vrai que ce tambour n'est pas
supposé être encore « né » en 1954, mais tout se passe
comme si Ortiz devait taire tout ce qui pourrait faire de l'ombre au
tambor de Pablo Roche, et
ne parler de ce dernier qu'à des fins promotionnelles. À notre avis,
Don Fernando avait un contrat moral avec Pablo, et en échange
d'informations il devait se cantonner à écrire certaines choses et
pas d'autres, afin de ne pas nuire au prestige du tambor de Pablo.
Le tambor de
Fermín joua en 1935 le premier toque
de fundamento jamais joué dans la ville de Santiago de Cuba[48],
chez une santera qui avait les moyens financiers de le faire
venir depuis La Havane.
Fermín, qui était originaire du port de Mariel, décéda le 7
juin 1961. Il était devenu aveugle à la fin de sa vie. Son tambor,
le premier du quartier de Pogolotti à Marianao, est sans doute la
source de ce que l'on peut définir comme « le style de
Marianao » ou « l'école de Marianao », par opposition
à celles de Regla et de Guanabacoa. Par exemple, dans le style de
Marianao l'ordre de l'oro seco est sensiblement différent
de celui que l'on joue généralement, car c'est le style de Regla et
Guanabacoa qui prime généralement à La Havane.
Quelques-uns des bataleros
qui jouaient avec Pablo Roche quittèrent le tambor
de celui-ci pour aller jouer dans celui de Fermín.
---
Parmi la première génération de bataleros
qui jouèrent dans le tambor
de Fermín, figurèrent :
-Andrés Isaaqui Cruz.
-Hurtasio Jike.
-Amador Aguilera.
-Andrés Chacón
Franquisz « Pogolotti ».
-Francisco
Vasquez « Pancho »
(Omi Dina), omo
Yemayá, qui aura la charge du tambor
de Fermín après la mort de celui-ci. Il le garda dans sa
maison, dans le quartier d'El
Cerro, entre la calle Tulipán et la Calzada
del Cerro.
-José de la
Concepción « el
Cojo » (le boiteux).
-Nicolás « el Oturanico
de Guanabacoa »,
ou Nicolás de Guanabacoa
- Nicolás Mauro Silva,
(Otrukpo Ogbe Kumba), qui aura également son propre tambor. Il fut joueur de quinto
avec le groupe de rumba
d'Alberto Zayas, et joua lui aussi dans le disque de rumba Festival in Havana (1955).
Tambor
de Nicolás de Guanabacoa : Ismael « de la Vanday » (okónkolo) ;
Sergio Quiros Sr. (iyá) ;
Nicólas Mauro (itótele).
Parmi la seconde génération de bataleros
qui jouèrent dans le tambor de Fermín figurèrent :
-Armando « el Zurdo » (Quintín
Armando Pedroso Guerra), qui entra au Conjunto
Folklório
Nacional. Récemment disparu, il était reconnu comme l'un des
plus grands joueurs de batá havanais de la seconde moitié du XXe
siècle[49].
« Wichichi »,
à gauche. Photo Jorge Rivas Rodríguez.
-« Wichichi »,
Julio Herrera Arango, ou
« el Wichi », qui
possède le tambor de
fundamento Añá Oba Kola.
-Gustavo Díaz Vecino,
Gustavo « de Pogolotti », décédé en 2009, qui selon certains héritera du
tambor de Fermín,
information démentie par Alberto
Vilarreal. D'après ce dernier, personne ne saurait ce qu'il
est advenu aujourd'hui de ce tambour. Gustavo aura lui aussi son
propre tambor de fundamento,
après les années 1960, parraîné par le tambor de Fermín.
-Alfredo Benitez
« de
Las
D'Aida », ainsi surnommé parce qu'il était musicien
du groupe Las D'Aida[50].
Il vivait dans le reparto Las
Cañas, dans le barrio
El Cerro. Il fut le plus connu des trois frères dits De
Las D'Aida, et lui aussi un grand batalero.
-Armando Gómez « de
Las D'Aida », le frère aîné d'Alfredo.
-« Pirili ».
Fameux batalero. Pirili
serait son véritable nom de famille, et non un surnom.
-Armando « el Lunal », que l'on
surnommait ainsi parce qu'il avait « du poil sur les
joues » (des favoris ?).
-Lázaro Pedroso
(Ogún Tola), « El
Balogún », Oba Ogún, né le 17 août 1934. Après avoir joué le tambour pendant
quelque temps, il préfèra se consacrer à l'activité d'akpwón. Il a connu tous les grands akpwones de la vieille génération. De l'avis de tous, il est le plus
compétent à La Havane en matière de traduction des chants yoruba. Il
a d'ailleurs écrit plusieurs ouvrages sur le sujet, publiés à Cuba,
dont :
-Obbeddi, Cantos
Afrocubanos
-Eggun
-Edigbe
-Obeddí Kaká.
Il est formateur en chant à l'Instituto
Superior
de Artes à La Havane.
Parmi la troisième génération de tamboreros
qui jouèrent dans le tambor
de Fermín figurèrent :
-Alberto Vilarreal
Peñalver, né le 7 août 1948, qui par la suite aura son propre
tambor. D'une famille de
musiciens et danseurs de Guanabacoa, il commença à jouer à l'âge de
13 ans dans les rituels, puis entra dans le Conjunto Sicamarié de Luis
Chacón Mendivel. Il entra comme danseur au Folklórico Nacional en 1973, où il devint directeur des percussions
en 1980. Il vit aujourd'hui dans le quartier de Santos Suárez, et
joue dans son tambour avec ses fils Maikel et May. Il héritera du tambor de Moñito (voir plu bas), plus précisément des deux jeux de
tambours de celui-ci. Il a donc en sa possession trois jeux de
tambours consacrés.
Ce fut Giraldo
Rodríguez qui amena Alberto dans le tambor
de Fermín, à une époque où ce dernier était déjà aveugle. Ce
fut dans la maison d'Alcadio, un santero
reconnu de Guanabacoa qui était responsable d'un cabildo
de cette ville. Alberto devint musicien officiel du tambor après la mort de Fermín, à l'époque ou Pancho (Francisco Vasquez) en avait la charge. Après la mort de Pancho,
Alberto et d'autres tamboreros
du tambor de Fermín s'en allèrent jouer avec le tambor de Moñito. Mais, avant de jouer avec Moñito, Alberto joua
également dans le tambor de
Adofó (avec Miguel Somodevilla), puis avec Andrés Cortés
Macho. Il joua également avec Pedrito Aspirina.
-« Manolito
Caravela » Pedroso,
dont certains disent qu'il enseigna à Pablo Roche, information que beaucoup pensent être fantaisiste. Caravela
est un terme espagnol utilisé par les Kongos pour désigner parmi eux
les esclaves venus d'Afrique (sur des caravelles).
-« Tao »,
Lázaro Massip, qui jouait
dans les années 1940 dans le groupe de rumba
Los Principales. Il était également le joueur de tumbadoras
de l'orchestre de musique populaire de José Tejedor. Il ne restera
que quelque temps dans le tambor
de Fermín, et jouera ensuite dans le celui d'Alejandro
Publes. Il décéda en 2013.
-Guillermo
López « Guillermito »,
musicien au Conjunto
Foklórico Nacional, depuis les années 1970. Avec son frère
Miguel, il avait joué avec Macho dans le tambor
de Pablo Roche.
-Miguel López « Miguelito »,
son
frère, gaucher, qui joua longtemps lui aussi au Conjunto Folklórico Nacional.
Les deux frères López (à ne pas confondre avec les Chinitos) ont formé une paire de musiciens légendaires, parmi les
meilleurs bataleros
passés au Conjunto Folklórico
Nacional. Il existe un magnifique disque, non-commercialisé,
qui sert de play-back de travail pour les danseurs de la compagnie, où ils
jouent avec Ricardo Carballo
à okónkolo, et ou
chantent Caridad « La Bembona » et Zenaida
Armenteros.
Guillermito
et Miguelito López.
Parmi la quatrième génération de bataleros du tambor
de
Fermín figurèrent :
-Enrique Sotolongo « Chancleta ».
-Lucio Vitía,
qui jouera plus tard dans le tambor
de Moñito.
-Luis Chacón
Mendivel Aspirina,
à nouveau.
-Israel « Sospecha », okonkolero,
dont Ángel Bolaño dit
qu'il n'a jamais entendu son nom en tant que batalero,
mais plutôt en tant que güirero
(musicien de toques de güiro).
Alberto Vilarreal
confirme pourtant sa présence dans le tambor
de Fermín, et dit que Sospecha serait toujours en vie
aujourd'hui.
-Juan Valdés
« Minino », le demi-frère d'Águedo
Moralés, qui jouera également dans le tambor
de
Nicolás Angarica.
Sergio
Quiros Sr., son neveu Joseito Fernández et son fils Sergio
Quiros Jr.
-Sergio
Quiros senior « el
Quijá », okonkolero,
qui aura son propre tambor de
fundamento. Il était - il est peut-être décédé à l'heure
actuelle - au début des années 2000 l'un des plus vieux bataleros
de La Havane. S'il n'a jamais été un grand musicien, il incarne
parfaitement le fait qu'on peut être omo
Añá, avoir son tambor
de fundamento en activité, être présent dans tous les rituels
où son tambour joue, et finalement ne jouer que rarement okónkolo.
Cependant, à l'inverse, il existe des tamboreros
de 50 ou 60 ans qui savent jouer iyá
mais se spécialisent dans okónkolo :
il
peut s'agir de raisons religieuses, à cause des orichas spécifiquement liés ce tambour.
-Sergio
Quiros junior « Sergito »,
omo Agayú et babalawo,
a sans doute lui aussi joué dans le tambor
de
Fermín. Batalero et
akpwón accompli. Il
reprendra certainement le tambour de son père à sa mort.
Photo John Mason.
-Orlando
« Puntilla » Ríos
Alfonso (Obatilemi), omo
Changó, né le 26 décembre 1947, décédé le 12 août 2008.
Mariéliste, arrivé en 1980 aux États-Unis, il sera l'un des premiers
à enseigner librement aux bataleros
américains avec Juan El
Negrito Raymat.
3.
Le tambor de Nicolás Angarica (consacré en 1942).
Nicolás Valentín
Angarica (Oba Tolá)
était omo Changó con oro para Agayú[51],
Oba oriaté et abakuá.
Né le 1er décembre 1901 à Perico, province de Matanzas,
dans le Central España, il était le fils de Rosalina Angarica
« Ayobó », et de Ramón Rubio, d'ascendance oyó. Son padrino
était Octavio Samá (Obadimeyi), et sa madrina
Josefa Amina. Comme beaucoup de religieux matanceros,
il partit vivre à La Havane, où il fut vendedor
de
hierba, et écrivit des ouvrages sur la santería que l'on s'arrache encore aujourd'hui, dont El
Manual del Oriaté (1955) ou El
Lucumí al Alcance de todos (1958). Il décéda en 1963 (ou en
1976, selon d'autres sources).
Nous avons déjà évoqué précédemment l'importance de son
rôle de prêtre et devin, qu'aucun batalero
sans doute n'aura eu comme lui au cours du XXe siècle.
Nicolás parlait lucumí et
ará tokó, un dialecte
disparu, del monte (de la
campagne).
Consacré quinze ans après le tambor
de Fermín Basinde, celui de Nicolás Angarica est le dernier
(ou le troisième selon Ortiz) à avoir été fabriqué par Alejandro
Adofó (décédé en 1946).
Selon Ángel Bolaño, il
s'appelerait (lui aussi), Añábí.
D'après Carlos Aldama,
le tambor de Nicolás officiait majoritairement dans les maisons de ses
ahijados, et dans sa
propre maison, où, chaque 15 octobre, il donnait un toque
de
santo pour Oyá, l'oricha
de son épouse. Il possédait un jeu aberikulá
pour enseigner à ses élèves,
surnommé los Machetó.
Comme beaucoup de bataleros
matanceros venus vivre dans la capitale, Nicolás apprit à
jouer également le style havanais. On pense souvent à tort qu'entre
La Havane et Matanzas existe une querelle de clocher ou de prestige
associée à la guapería. Mais au contraire, dans la santería, les relations entre les deux villes ont toujours été
nombreuses, pacifiques, empreintes de respect et de partage, ceci
même à une époque où il était difficile de voyager d'une ville à
l'autre, avant que le train puis l'automobile ne facilitent les
transports. Il existe depuis très lontemps une liaison ferroviaire
entre La Havane et Matanzas, car les chemins de fer de Cuba sont les
plus anciens du continent américain.
Le tambor de Nicolás,
Añabí, sera remis ensuite à son fils « Papo »
Angarica. Mais auparavant, de ce tambour est né un autre tambor
de fundamento, destiné à son fils aîné Sergio
Angarica, afin d'éviter un éventuel problème de rivalité entre
les deux frères.
Parmi les omo Añá qui jouèrent dans le tambor
de
Nicolás, on trouve les noms de :
-Lázaro Sanábria
Calderón « Papaito »,
de Regla, né le 18 avril 1942. Il héritera du tambor
de Adofó, passé avant lui entre les mains de Miguel Somodevilla puis d'Andrés
Cortés « Macho ».
Initié
omo Añá en 1964 dans le tambor
de Nicolás, Papaito ne deviendra santero
qu'à l'âge de 41 ans, en 1983, en tant qu'Adé
Miwa, omo Obatalá.
Il décéda en 2005.
-José Isabel
« Kori », qui était okonkolero.
-« Tierrita »,
lui aussi okonkolero.
-Feliberto
« El Betongó ».
-Juan Valdés
« Minino », omo Obatalá
et demi-frère d'Águedo
Moralés. C'est lui tentera de « redonner voix » au tambor de Fermín en utilisant celui de Nicolás sans son
consentement.
-Amado « de Las D'Aida »,
el Jorobao'
(Amado Gómez Molina), babalawo,
omo Obatalá, l'aîné des frères surnommés de las D'Aida. Il sera mayorcero
dans le tambor de Jesús Pérez.
-« El
Chino Salakó », omo
Obatalá, un mulato
(sans rapport avec le matancero
Eduardo Salakó).
-Braulio « de La Habana Vieja ».
-Justo, un aprendiz qui n'a joué qu'un peu d'okónkolo et est parti vivre aux États-Unis.
-Mario Medeiros
Zubiadur « Mayito »,
qui jouera plus tard dans le tambor
de Jesús Pérez. Il n'a aucun lien de parenté avec le
légendaire akpwón José
Antonio Zubiadur « Tinibbú » Calvo, « el Cojo » qui chantait avec le tambor de Fermín. Mayito finira sa vie aveugle.
À
droite, Regino et Armando Pérez Marrochini, le fils de Jesús
Pérez, photo Jérémie Nassif.
-Regino Jiménez
ou Regino Antonio Jiménez Saez, (Omi
Sadde), omo Yemayá,
né le 7 juin 1948. Il aura par la suite son propre tambour, Oke
Bí Añá. Il assumera également la charge du tambor
de
Jesús Pérez à la mort de celui-ci. Il fut l'un des olubatá les plus célèbres du dernier quart du XXe siècle.
Né aveugle, Yemayá lui aurait rendu la vue. Il intégrera Danza
Nacional en 1963. Certains disent qu'il joua avec Fermín
Basinde.
Conjunto de
Percusión de Danza Nacional de Cuba,
pochette du disque Oba Ilú, Homenaje a Jesús Peréz :
Ángel Bolaño (tumbadoras),
Orestes Berrios (okónkolo),
Regino Jiménez (iyá),
Armando Aballi El Monón
(itótele)Alejandro Pichardo (campana),
Nancy Rodríguez, Papo « el
Güirero », Inés Carbonell, Ciro Colás, milieu des
années1980.
Disciple de Jesús Pérez, Regino prendra sa
suite à la tête de l'orchestre de folklore de Teatro y Danza Nacional, où il restera trente ans, avec son comparse
Ángel Bolaño, et avec Armando
Aballi « El Monón ».
Il décéda le 18 juillet 2005, et n'apparaît malheureusement que sur
deux disques :
-Homenaje a Jesús
Pérez Oba Ilú, un disque cubain de 1987.
-et Ilú Añá, Sacred Rhythms, avec Fermín Naní, José Pilar et Amelia Pedroso, un
disque américain enregistré au Canada en 1994.
Il existe malgré tout des enregistrements privés de Regino,
qui rendent compte de sa grande maestria des batá[52].
Photo du centre :
Sébastien Gagneux.
-Ángel Bolaño (Echú
Bí Okan) - Ángel Pedro Bolaños Corrales, omo
Eleguá, né le 2 août 1942. Il est peut-être le batalero
havanais le plus important à l'heure actuelle. Il vit à Marianao, où
il a en sa possession deux jeux de
fundamento, dont le principal se nomme Añá
Fú Mi.
Comme son compère Regino
Jiménez, il n'a malheureusement pas beaucoup enregistré.
Cependant, un cd produit par Yuko Fong Matos, Japonaise résidant à
La Havane depuis 25 ans, a été enregistré en 2010, Okan
Yoruba. Il figure également sur le disque du Teatro
y Danza Nacional, Homenaje
a Jesús Pérez Oba Ilú.
Bolaño a eu un accident cérébral
cette année lors d'un voyage aux USA, qui l'a laissé hémiplégique.
Il conserve malgré tout une étonnante mémoire. Il restera le
principal professeur de nombreux élèves étrangers. Regino Jiménez fut l'alter ego de Bolaño, et ensemble ils formaient une grande paire de bataleros.
-Pancho Kinto Mora,
à nouveau.
Photo
Régine Manaud
-Alejandro Carvajal
Senior « El Nené »,
entré au Conjunto Folklórico
Nacional, formateur à la Escuela
Nacional de Artes et à l'Instituto
Superior de Artes. Il fut un percussionniste de folklore
légendaire. Son fils, Alejandro
Carvajal Guerra Junior (Ika Fun) est lui aussi un joueur de
batá reconnu.
El Asmático
& el Negro
Raymat. Photo El Negro Raymat.
-Pedro Jesús Orta
Sotolongo « el
Asmático », né le 28 juin 1946, décédé le 5
décembre 1999, qui jouera également dans le tambor
de Jesús Pérez. Il fut musicien du Teatro
y Danza Nacional. Il partira aux États-Unis en 1980 avec les
mariélistes, et, à cause de ses problèmes d'asthme, finira ses jours
dans un sanatorium à Los Ángeles, en Californie.
Et, bien entendu, les propres fils de Nicolás
Angarica :
-Sergio Angarica,
qui fut docker, et Papo
Angarica.
« Papo »
Angarica, ou Mario Marino Angarica Díaz (Oché
Nilogbe), né le 18 juillet 1942, est malheureusement décédé le
19 juillet 2015, au moment où nous écrivions ces lignes. Il nacquit
dans le barrio de Jesús María, dans le solar
Puerto Nuevo. Il fut consacré omo
Añá à l'âge de 4 ans, et babalawo
à 20 ans.
Il était reconnu par beaucoup comme le plus grand batalero havanais de l'époque actuelle. Gaucher, mayorcero
atypique, créateur et inventeur, Papo possédait un style unique, qui
bouleversait tout ce qu'on avait pu entendre avec des bataleros
« classiques », mais il était incontesté.
Il enregistra quatre disques de musique yoruba : Fundamento Yoruba 1 et 2,
Ozun Losun, et le tout
récent Mokere Okagua. Son
troisième album, Ozun Losun,
contient des chants et des toques
que seul son père Nicolás connaissait : il constitue donc un
document historique.
Papo a également fait de nombreuses tentatives de mariage
du « folklore » et de la musique populaire dans divers
groupes, avec cependant assez peu de réussite. Il fréquenta beaucoup
la grande comparsa
havanaise de carnaval Las
Jardineras.
Plus tard, dans le tambor
de Nicolás devenu, pour tous, le
tambor de Papo Angarica, on trouvera les bataleros
suivants :
Alfredo
« Coyute » Videaux.
-Ezequiel[53]
Coyute « El Santiaguero ». Il s'agit sans doute d'Alfredo « Coyute[54] »
Videaux (Ogún Yemi), omo Ogún, né
à Santiago de Cuba et parti vivre sur la côte ouest des Etats-Unis.
Il détient le quatrième tambour de
fundamento dans l'histoire de la santería
aux USA, qui fut le premier tambour à être consacré sur le sol
américain.
-« Jorgito Ofunche
», babalawo.
Photos : Famille d'Alejandro
Publes.
-Alejandro Publes
Brito « Tito »
(cousin et voisin du rumbero « Lalí »
González Brito, lui aussi omo Añá).
Alejandro
fut l'un des rares bataleros
blancs reconnus. Amado Díaz
« Guantica »
lui offrit le tambor
surnommé à Matanzas La Bomba
Atómica (ou l'un des tambours issus de celui-ci), appelé Abbó
Iki, ce qui constitue de toute façon un haut-fait pour un Habanero blanc. Il fut également un rumbero accompli, et entra dans le Conjunto de Clave y Guaguancó, quand Amado Dedeu en prit la direction, au début des années 1980.
Alejandro décéda dans les années 1990, alors qu'il n'avait
pas encore 60 ans.
Photos
Daniel Chatelain.
-Oderkis Revé (Pascual
Oderquis Revé Calderín), né le 14 juillet 1949 dans la région de
Guantánamo. À l'âge de dix ans, il est venu vivre à La Havane, dans
le barrio Jesús María
puis à San Miguel del Padrón, où il habite encore aujourd'hui. Il
fit partie pendant 28 ans de la
Orquesta Revé que dirigeait son frère Elio Revé. C'est au sein
de cet orchestre qu'il fut le premier musicien de Cuba à jouer
ensemble les trois tambours batá, réunis sur un stand.
Il fut initié omo Añá en
1969 dans le tambor de Papo
Angarica. Dans une interview
de Daniel Chatelain en 2002, Oderkis précise que tous les omo
Añá qui jouent dans le tambor
de Papo sont babalawos. Ce fait invraisemblable constituerait un cas unique à La
Havane, et sans doute même dans tout Cuba.
Dans le tambor de
Papo, on trouve encore « Los Yeyitos », une famille de bataleros du quartier havanais de Luyanó, qui comprend (tous ne
jouèrent peut-être pas dans le tambor
de Nicolás) :
Luis
Medina « el Fósforo ».
Isidrito Medina.
-« Yeyito » Medina, le plus âgé de la famille, tout au moins celui qui commença
le premier à jouer.
-« Luisito »
Medina « el
Fósforo », considéré par beaucoup comme le plus
talentueux d'entre eux.
-« Isidrito »,
Pedro Isidro Medina Hernández Jr., qui joua dans le groupe de rumba
Yoruba Andabo avec qui il
enregistra le dvd Rumba en La
Havana con Yoruba Andabo (2005).
-Frán Medina
Hernández.
-Julito Medina.
Fermín
Medina, photo Tania Jovanovic.
-Fermín Medina.
-et « Julito »
Dávalos, leur demi-frère
(à ne pas confondre avec Julito Medina). Il entra au Conjunto
Folkórico
Nacional dans les années 1980. Émigré en Suisse, à Bienne, où
le citoyen hélvétique Adrian Coburg publiera un remarquable ensemble
de relevés de son style de toques, en plusieurs volumes, sans doute
la meilleure œuvre en la matière, accompagnée de quatre cds. Il
décèdera en 2014.
Des six frères Medina, seuls Fermín, Isidrito et Frán sont
encore en vie.
Leur père, Isidro
Medina Sr., était chanteur de güiro,
mais chanta également parfois dans les toques
de santo.
Los Yeyitos, photos de la collection personnelle de Julio Dávalos.
Fermín
Medina (okónkolo),
Luisito Medina (iyá),
Isidrito Medina (itótele),
tambor Añá Ilú Agbada
de Francisco Saez Batista. Photo Tania Jovanovic.
4.
Le tambor de Goyo Torregrosa (consacré en 1943).
Trinidad
Torregrosa.
Gregorio Torregrosa
« Goyo »,
frère
aîné de Trinidad Torregrosa,
était omo Changó, olosáin
et babalawo. Il aurait appris à jouer dans le tambor de Papa Silvestre Erice.
Le tambor de Goyo
a été fabriqué et consacré par Pablo
Roche. Trinidad y aurait joué avant même de jouer avec Pablo.
Comme Goyo décéda le 22 avril 1949, il ne fut dueño
de son tambor que pendant
cinq ans (six ans au mieux). Passé dans les mains de son frère
Trinidad, ce tambour restera à demeure dans le cabildo
Yemayá de Regla, après la mort de Pepa Echú Bí, qui
décéda en juillet 1947. Selon certains, l'añá du tambor de Goyo en fut retiré, et transmis à celui de Jesús Pérez.
Carlos Aldama
présise que
« Trinidad
possédait un tambor de fundamento
nommé Ako Bí Añá,
fabriqué par Adofó ».
Il ajoute :
« avant lui, ce
tambour appartenait à son frère Tareko,
qui était olosáin, et
vivait seul, comme tous les osainistes, parce que leur autel est
très puissant et très intense ».
Mais Aldama ne parle pas d'une transmission de l'añá
du tambor de Goyo à celui
de Jesús Pérez. Sans doute a-t-il été transmis au second, voire au
troisième tambour de Jesús. Aldama dit encore avoir été
« juré » omo Añá dans (les) deux tambours de Jesús, « Wá
Aladé et Ako Bí Añá ». Or, si le tambour de Trinidad
Torregrosa et de Jesús Pérez portent le même nom, il s'agit
peut-être du même tambour. Jesús Pérez aurait alors hérité du
tambour de Trinidad, ce qui est plausible, vu leur grande amitié. En
outre, il paraît curieux que Trinidad, en tant que fabricant de
tambours, n'en ait jamais fabriqué un pour lui-même.
Dans le tambor de
Goyo ont joué Trinidad
Torregrosa, Giraldo
Rodríguez et Raúl
Díaz « Nasakó »[55].
Tous les trois avaient joué avec Pablo Roche. D'autres disent que
quand Nasakó est tombé malade et s'est retiré, Jesús Pérez l'a
remplacé et est devenu dueño
du tambor, à une époque où Trinidad avait également cessé de jouer, à
cause de son grand âge.
Trinidad
Torregrosa, Raúl Díaz et Giraldo Rodríguez. Photos :
Fernando Ortiz.
5.
Le tambor de Moñito (consacré en 1944)[56]
José Calazán Valdés
Frías « Moñito » était okonkolero
avec Pablo Roche. Qualifié par Ortiz « d'excellent
olubatá », il vivait à Jesús María, calle Esperanza. Il possédait deux jeux de tambours fabriqués par
Pablo Roche. Son tambor
principal, en bois d'acajou (caoba),
prendra lui aussi le nom de la
Atómica[57].
Ce surnom aurait été donné au tambor
de Moñito par les santeros
havanais après la « naissance » de celui-ci, les
Américains n'ayant lancé les deux bombes sur Hiroshima et Nagasaki
qu'en août 1945. Ce surnom est bien évidemment en rapport avec les
qualités sonores exceptionnelles qu'avaient ce tambour. Selon
certains, la Atómica
aurait été fabriquée par Jesús Pérez.
Papaito (Lázaro
Sanabría) précisa à Ivor Miller :
« L'année
suivante, en 1945, Pablo conçut un second tambour pour Moñito[58].
À la mort de ce dernier, Virgilio
Ramírez hérita des deux jeux, et à la mort de Virgilio c'est
Alberto Vilarreal qui
en héritera ».
Dans le tambor de
Moñito officièrent d'anciens bataleros
de Pablo Roche, tels que :
-Giraldo Rodríguez,
-Virgilio Ramírez,
-Felito el Makaró,
-Raúl Díaz Nasakó
(ce qui contredit encore une fois l'affirmation de Carlos Aldama),
-Jesús Pérez,
-Pedro « Lagrimita » et
-Andrés Cortés Macho.
Mais, précise Lázaro Sanabría Papaito :
« Ils n'ont pour
autant jamais cessé de jouer avec Pablo ».
Il ajoute :
« Le tambor
de Moñito a été consacré par Pablo Roche le 10 octobre 1944, l'anniversaire du
jour où Carlos Manuel de Cespedes libéra ses esclaves, en 1868 ».
Certains autres disent que ce tambour aurait été consacré
en 1943, la même année que celui de Goyo Torregrosa.
Les autres tamboreros
du tambour de Moñito furent :
-Lucio Vitía,
qui avait joué avec Fermín Basinde.
-« Yeyo Patisón », surnommé ainsi « parce qu'il avait de très grands pieds ». Il était dignitaire
de la potencia abakuá Efí
Abarakó Sisí.
-Alberto
Vilarreal Peñalver, qui avait débuté avec le tambor
de Fermín.
-Pancho Kinto.
-Un certain « Pedro »,
s'il ne s'agit pas à nouveau de Pedro
Lagrimita.
-Javier
« Xicote ».
Le premier tambor de
Moñito, La Atómica,
faillit être perdu à tout jamais, car en 1968 il fut contracté pour
aller jouer une cérémonie à Cienfuegos. Les tamboreros
étaient Felito el Makaró, Alberto Vilarreal et Javier
« Xicote ». Or, les santeros
qui avaient organisé la cérémonie commirent l'erreur de ne pas
demander d'autorisation à la police, et le tambour fut saisi. Il fut
gardé pendant plusieurs années dans un dépôt municipal, jusqu'à ce
qu'un Cienfueguero
surnommé « Papo », qui travaillait pour les instances
culturelles de la ville, ne le récupère, on ne sait comment, et ne
le garde chez lui. Lors d'un concert du Conjunto
Folklórico Nacional dans cette ville de province, Alberto
Vilarreal fut invité chez ce Papo,
qui lui dit :
« Alberto, je
vais te montrer un tambour très ancien que je garde chez moi ».
Papo le Cienfueguero
n'était pas même conscient de quel tambour il s'agissait.
Alberto Vilarreal, en reconnaissant La
Atómica, reçut un choc. De retour à la capitale, il en parla à
Virgilio Ramírez :
-« Virgilio, le
tambour La Atómica est
à Cienfuegos ».
-« Comment ? »
-« Papo ! C'est Papo qui le détient chez
lui ».
Virgilio, rapporta les faits à son ami Jesús Pérez. Mais ce
ne fut que plusieurs mois après cet événement que Jesús put enfin
récupérer le tambour. Il dut pour cela aller à Cienfuegos muni d'un
document officiel du Teatro y Danza Nacional, dont il était directeur de l'orchestre de folklore
(ce fait survint donc après 1969). Il réussit à l'échanger contre un
jeu de tambour aberikulá, et le ramena à La Havane pour le rendre à Moñito.
Virgilio
Ramírez, Trinidad Torregrosa et Jesús Pérez, photos Fernando
Ortiz.
6. Le tambor de Jesús Pérez (consacré en 1955)
Jesús Pérez Puentes
(Oba Ilú), omo Changó, est né le 4 avril 1915, et décédé le 5 avril 1985. Il
vivait au #415 de la calle
Soledad, entre les calles
San Miguel et San
Rafael, à un pâté de maison du Parque
Trillo, dans l'ouest de l'actuel quartier de Centro
Habana. Lorsqu'il obtint son tambour, consacré le 4 septembre
1955, il commença à officier avec quatre bataleros,
et termina avec seize. Jesús Pérez eut en sa possession trois jeux de fundamento. Il fut obonékue
(dignitaire majeur) de la
potencia abakuá Orú Ápapa.
Son tambour principal se nommait Añá
Aladé[59],
et possédait des chachá
de petite taille. Il fut consacré par un babalawo
ami de Pablo Roche, Alfredo Aresas.
Son fils Armando Pérez
Marrochini héritera de son tambour, et Jesús dut pour cela le
consacrer omo Añá. Carlos
Aldama et Alberto Vilarreal racontent pourtant que ce fut Regino
Jiménez qui hérita des tambours de Jesús.
D'un grand charisme, jouissant d'une considérable autorité,
comme Pablo Roche, Jesús Pérez respectait des règles religieuses
strictes, qu'il entendait que chacun respecte comme lui. Il lui
arrivait de suspendre un de ses musiciens s'il considérait qu'il
avait trop bu lors d'une cérémonie. Il fut l'un des premiers à
enseigner les batá à des tamboreros
blancs, au début des années 1960. Il défendait la stricte tradition
du tambour, et ne supportait pas qu'on y improvise ou qu'on invente
de nouveaux éléments à l'intérieur des toques.
Lázaro Pedroso témoigne :
« Un jour,
j'étais chez Jesús Pérez. Arrive alors Pancho Kinto, guilleret,
qui prend un tambour et se met à jouer une llamada
de son invention : ku-kum-pa, ku-kum-pa, kum, ce que Jesús
commenta aussitôt en disant : esto es tremenda
mierda ».
Amado Dedeu ajoute[60] :
« Jesús
entendait que les tamboreros soient
toujours sérieux et responsables. Beaucoup voulaient jouer avec
lui, mais ils ne les laissaient pas le faire car ils étaient des
marionnettes, informels. Beaucoup de jeunes aiment inventer et
improviser sur les toques
de batá, ce que Jesús rejetait fortement. Ils leur disait de jouer
dans la tradition, et de ne pas inventer. Quand il assistait à des
cérémonies où officiaient des jeunes qui improvisaient, il se
levait et s'en allait ».
Jesús était toujours élégant, et avait beaucoup de succès
avec les femmes, à tel point que ses musiciens le surnommaient
parfois « Beny Moré ». Beaucoup de gens affirment que
Jesús Pérez devint un musicien et un danseur accompli, qui jouait
également du tres, de la contrebasse, de la flûte et de la
trompette.
Il devint un des
principaux informateurs de Fernando Ortiz, et s'engagea avec Teatro
y Danza Nacional en 1960. Il fut en 1962 membre-fondateur du Conjunto
Folklórico
Nacional, où il devint l'un des principaux informantes et directeur
artistique. Il y fera d'ailleurs entrer nombre de bataleros qui jouaient dans son tambour. Lassé des problèmes liés au
Folklórico Nacional, il
retournera en 1969 au Teatro
y Danza Nacional, où il dirigera l'orchestre de folklore.
Curieusement, les bataleros
qui figureront par la suite au CFN
seront en majorité des gens issus du tambor
de Fermín (Guillermito et Miguelito López, Alberto
Vilarreal...).
Jesús Pérez joua dans de nombreux cabarets, notamment avec
le groupe Luluyonkori. Il
fondera en 1968 le groupe Orú
avec Sergio Vitier et Obdulio
Moralés, ainsi qu'un autre groupe folklorique : Isupo Irawo.
En 1977, au Nigeria, lors du FESTAC
(Festival of Arts and Culture) à
Lagos,
auquel il participa avec Danza
Nacional, Jesús Pérez eut l'occasion d'apporter avec lui un
jeu de tambours de fundamento
pour les jouer devant l'Alaafin
d'Oyó. Il aurait ainsi été le premier à ramener un jeu de batá
consacré sur son lieu d'origine[61].
Carlos Aldama
raconte : « Jesús
avait écrit un livre qu'il donna à Rogelio Martínez Furé, l'un des
directeurs du Conjunto Folklórico Nacional, qui le donna à son
tour au Ministère de la Culture, mais il ne fut jamais publié.
Quelqu'un doit l'avoir en sa possession. Guillermo Barretto (le
timbalero et batteur de Los
Amigos, mari de Mercedita Valdés)
y écrivit des transcriptions des toques, avec tous les chants ».
Milián Gali (Mililián
Galis), l'olubatá santiaguero,
aurait également participé aux transcriptions. Il s'agirait d'un
manuscrit de 400 pages, et Juan Elósegui, un musicien de l'orchestre
philarmonique de La Havane, aurait également annoté cet ouvrage.
Jesús Pérez apparaîtra dans de nombreux
films avec Teatro y Danza Nacional, avec le Folklórico Nacional, mais également dans les sulfureux films
mexicains des années 1950 Mulata
(1953) et Yambao (1956)[62],
et dans le film américain An
Havana Affair (1957)[63]:
L'orchestre de folklore
de Teatro y Danza Nacional enregistrera un disque à sa mémoire : Oba
Ilú, Homenaje a Jesús Pérez. Emilio Oscar Alcalde tourna
également un court-métrage à sa mémoire, appelé lui aussi Oba-Ilú[64],
en 1985. Gregorio Hernández
« el Goyo », en hommage à Jesús, donnera également ce nom
à son groupe de folklore
et de rumba.
Sur le site Echú
Ayé, nous avons publié une interview de Jesús réalisée par Amado
Dedeu à propos des processions des cabildos
lucumí de Regla[65].
On voit d'ailleurs Jesús jouer dans ces processions dans le film La
Colina Lenin (1962).
Jesús Pérez est le seul
musicien afro-cubain à figurer dans le Diccionario Enciclopédico de la Música en Cuba de Radamés Giro
(2002), censé réunir tous les musiciens importants de l'histoire de
la musique cubaine. La photo ci-dessus en est extraite, où l'on voit
Jesús à la fin de sa vie.
À
droite : avec Guillermo Barretto et Mercedita Valdés.
Photos Martin Cohen.
Enterrement
de Jesús Pérez : Kukito (okónkolo),
Ricardo
Aldama, Armando Pedroso el
Zurdo, Gregorio el
Goyo Hernández, Carlos Aldama (iyá),
Pancho Kinto. Photo Carlos Aldama.
Dans le tambor
de Jesús Pérez officièrent :
-Andrés Isaaqui Cruz, mayorcero,
et qui avait joué avec Pablo Roche et Fermín Basinde.
-Amado De
las
D'Aida el Jorobao'
(le bossu) Gómez Molina, babalawo
et mayorcero.
-Andrés Chacón
Franquiz, qui joua avec Fermín Basinde puis avec Pablo Roche.
-« Kukito » (Bárbaro Balboa Valdés).
-Carlos Aldama (Carlos
Lázaro Aldama Pérez) (Oba Kwelú), Oba Changó,
né le 4 novembre 1937. Il exerça le métier de tailleur. En 1955, il
rencontra Jesús Pérez,
qui avait son atelier de charpentier en face de chez lui, et qui
deviendra son padrino. Carlos fut l'un des plus fidèles disciples de Jesús Pérez, et son segundero pendant 15 ans.
Carlos fut
membre-fondateur du Conjunto
Folklórico Nacional, dont il fut l'une des figures
emblématiques, et où il restera 28 ans. Il y fut directeur de la
percussion de 1965 à 1990, à la suite du départ de Jesús Pérez et de
son retour à Teatro y Danza
Nacional.
Il devint omo
Changó le 13 mars 1971. Carlos joua dans les processions de
Regla pour le cabildo de Susana Cantero. Il joua le quinto avec la comparsa
de carnaval Los Dandys de
Belén.
Carlos joue iyá
dans le disque du CFN de
1975, Ciclo Yoruba vol.1, réédité sous deux noms : Toques
y Cantos de Santos vol.1 et Música
Yoruba. Depuis 2000, il vit à San Francisco en Californie,
après y avoir fait un séjour officiel de trois ans pour enseigner la
percussion. Un documentaire a été réalisé sa vie : Carlos
Aldama, my Life in Batá[66].
Sur le web, on le voit officier dans quelques toques aberikulá[67].
Il publia aux USA avec son élève Umi Vaughan, un livre sur
sa vie de musicien, accompagné d'un disque : Carlos
Aldama's
Life in Batá : Cuba, Diaspora and the Drum (Indiana
University Press 2012).
-Alfonso Aldama,
le frère de Carlos, qui fut également membre-fondateur du Conjunto
Folklórico
Nacional, et vit aujourd'hui aux Canaries. Il y officie dans
un tambor de fundamento.
Il fut directeur de l'orchestre de folklore
du cabaret Tropicana.
-Ramiro Hernández,
qui fut lui aussi membre-fondateur du Conjunto
Folklórico Nacional. Il joue okónkolo
sur le disque du CFN de
1975, Ciclo Yoruba vol.1,
déjà cité.
Notons que dans le catalogue
original du Folklórico
Nacional (de 1962), il est précisé que, pour les oeuvres
yoruba jouées sur scène, les musiciens en poste aux tambours batá
(qui étaient deux par tambour, un titulaire et un remplaçant)
étaient :
-À l'iyá : Jesús Pérez et Carlos Aldama
-À itótele :
Armando Sotolongo et Alfonso
Aldama
-À okónkolo :
Ramiro Hernández et Luis
Chacón Mendivel « Aspirina ».
Dans le tambor de Jesús vinrent par la suite de nombreux autres bataleros :
-« El
Guille » (Guillermo), un neveu de Mario Aspirina.
-« Papi »
La Horca.
-Jesús Orta
Sotolongo « el
Asmático », qui joua dans le tambor
de
Nicolás Angarica.
-« Justico
el
Kerewá » (Justo).
-« Mayito »
(Mario
Medeiros Zubiadur), qui joua également dans le tambor de Nicolás Angarica.
-« Santiaguito »,
qui
décédera aux États-Unis.
-Armando Aballí
Fundora « el
Monón » (le grand singe), autre batalero
important de la fin du XXe siècle. Il entra au Teatro
y
Danza Nacional.
-Ricardo
Carballo Cárdenas, né le 7 février 1932, décédé à l'automne
2002, qui entra lui aussi au Conjunto
Folklórico Nacional. Il fut un grand okonkolero,
et babalawo.
-« Windo » Jaúregui « Aspirina »
(Ogundamasa), qui entra
également au Conjunto
Folklórico Nacional. Il partit vivre au Mexique.
-Alfredo O'Farrill Pacheco, qui fut danseur au Conjunto Folklórico Nacional.
-Amado de Jesús
Dedeu García,
« el Blanco », né en
1945, qui fit partie du Coro
Folklórico Cubano, et deviendra directeur du Conjunto
de
Clave y Guaguancó, le plus ancien groupe de rumba de Cuba, en 1980. Grand spécialiste et historien de la rumba,
il fut l'un des rares bataleros
blancs dans les années 1960, et est beaucoup moins connu en tant que
tel qu'en tant que rumbero.
-Luis Mora, qui
travaille au cabaret Tropicana.
-Fermín Nani
Socarras, omo Ochún,
fabricant de tambours, abakuá
de la potencia Usagaré Mutanga Efó.
Il devint musicien professionnel de folklore
en 1961, en travaillant à la ENA
(Escuela Nacional de Artes),
en rejoignit en 1967 le Conjunto
Folklórico Nacional, dont il deviendra lui aussi une figure
emblématique. Il rejoindra Danza
Contemporanea en 1986. Il aura son propre tambor,
dans son quartier de Luyanó.
Il joue itótele
dans le disque Ilú Añá
avec Regino Jiménez (iyá) et José
Pilar (okónkolo).
On peut voir sur le web un oro
seco entier filmé par le Parisien Dominique Viollet[68].
-« Mojo »
Aballi (« Mojito »),
décédé
le 18 juillet 2015.
Ángel Bolaño et Julio Guerra.
-Julio Guerra « Botella »,
qui
jouera également dans le tambor
de Amador dans le tambor
de Bolaño.
Photo : Rickard Aronsson.
-Ignacio Guerra
Acosta, né en 1953. Il fut membre du Conjunto
Folklórico Nacional et du Conjunto
Folklórico Patakín. Il vit au Danemark depuis 1995.
Photo
de gauche : Scott Wardinsky.
Photo
de droite : Claudio Passavanti.
-José del Pilar Suárez Entenzas, originaire de Cienfuegos, où il apprit la musique afro-cubaine locale avec ses oncles. Essentiellement connu en tant que chanteur de rumba, il émigrera à La Havane où il fondera le groupe El Coro Profesional del Sur, puis entrera dans le groupe de rumba Conjunto de Clave y Guaguancó, puis dans Danza Contemporanea.
Des
années 1950 au début des années 1960
À partir de 1954, après la seconde élection de Fulgencio
Batista, une relative détente s'installa et les religions
afro-cubaines furent mieux tolérées. Dans sa campagne électorale de
1940, le même Batista avait promis la liberté des cultes, afin de
s'attirer les votes des Noirs, politique qu'il n'a que partiellement
appliqué. S'amorça alors une certaine croissance de la santería
et du nombre de ses adeptes. On consacra plus de tambours, le
nombre de cérémonies augmenta, et les omo
Añá commencèrent à travailler dans plusieurs tambours,
pratique auparavant moins courante. Les dueños
des tambours commencèrent à se « prêter »
leurs bataleros. Il
fallut souvent aller jouer dans d'autres provinces, parfois il y
avait deux cérémonies le même jour, on joua plus de « tambours
doubles », et plus encore de toques
aberikulá, et de toques
de güiro. Il y eut de plus en plus de bataleros
qui n'appartenaient à aucun tambor
en particulier.
Au début des années 1960, il y avait six tambours de fundamento en activité à La Havane :
-Celui de Miguel Somodevilla (le tambour d'Adofó, repris en 1964 par Andrés Cortés Macho).
-Celui de Pablo
Roche (qui, quand Macho reprit le tambour de Miguel
Somodevilla, n'eut plus beaucoup d'activité).
-et ceux de Fermín
Basinde, Nicolás
Angarica, Moñito, et Jesús Pérez.
Celui de Goyo Torregrosa,
lui, cessa apparemment de fonctionner au début des années 1950.
Mais plusieurs olubatá
ou dueños avaient en leur
possession deux, voire trois jeux de
fundamento.
1-
Le tambor de Amador (consacré en 1963).[69]
Amador Aguilera « Oricha Oko »
(Omi Laí) était de San
Miguel del Padrón, lointaine banlieue au sud-est de La Havane. Il
était akpwón et Oba oriaté. Il conçut son tambour, Añá Lobba, avec Juan
El Negrito (Raymat ?). Ce tambour déplut énormément à Jesús Pérez, car
il n'avait pas de tambour « parrain ». Amador avait joué
avec Pablo Roche et avec Fermín Basinde.
D'après Lázaro
Pedroso, ce tambour aurait été consacré avant 1963, puisqu'Andrés
Chacón, qui désirait lui aussi son propre tambor de fundamento, aurait été déçu du fait que l'on consacre
celui d'Amador avant le sien.
Dans le tambor
de Amador ont joué :
-José « Pito el Gago » Fernández,
originaire de Matanzas, qui aura par la suite son propre tambor,
fabriqué et consacré par Papo
Angarica. Pito fabriquera également des tambours, dont un jeu
emporté aux États-Unis, qui fut consacré le 31 octobre 1982 dans le
New Jersey, pour l'olubatá américain d'origine portoricaine Louis Bauzo. Ce tambor
prendra, lui aussi, le nom d'Añá
Bí. Pito fut Mosongo d'une potencia abakuá.
Son fils Joseito Fernández est lui aussi un excellent batalero.
-Ramiro Pedroso,
« Ramirito »,
qui entra au Conjunto
Folklórico Nacional.
-« Windo »
Jaúregui Aspirina, qui avait joué avec Jesús Pérez.
-« Guillermito » et « Miguelito »
López, qui avaient joué
avec Fermín Basinde.
-Julio Guerra,
qui joua également dans les tambours de Jesús Pérez et de Bolaño.
-Julio Herrera
Arango « Wichichi »,
qui joua avec Fermín Basinde.
-Alfredo « de Las D'Aida » Benitez,
déjà plusieurs fois cité.
-Ramiro Hernández,
qui joua dans le tambor de
Jesús Pérez.
-Ignacio Guerra
Acosta, qui joua lui aussi dans tambor
de Jesús Pérez.
-« Candito » Zayas, plus connu comme akpwón,
doté d'un grand sens mélodique, lui aussi entré au Conjunto Folklórico Nacional. Ses fils, Jesús « el
Corto » Zayas et Aleixy Zayas sont également d'excellents
akpwones.
Andrés
Chacón « Pogolotti » et son équipe de jeunes
musiciens, posant avec un tambour aberikulá
fabriqué spécialement pour l'enregistrement du disque Tambor
Lucumy.
2
- Le tambor d'Andrés Chacón Franquiz « Pogolotti » (consacré
en 1963).
Le tambor
d'Andrés sera le second tambour de l'histoire de Marianao après le tambor
de
Fermín. Andrés est né en 1933, dans la calle 94A, entre les calles
61 et 63, où il vécut toute sa vie. Il décéda le 23 octobre 2001. Il
commença à jouer en 1944, alors qu'il avait onze ans, avec Fermín Basinde, puis il joua avec Pablo Roche. Il ne devint omo
Añá qu'en 1963, année où lui a été remis son premier tambor, Ifá Laché. Le
second, Omo Karibí, lui a
été remis en 1965. Les deux tambours ont été fabriqués par Hurtasio Jike et consacrés par Victoriano
Torres « el
Lukumí ». Le second tambour a été fabriqué pour
servir de remplacement, « au cas où il arriverait quelque chose
au premier ». Mais
Andrés n'a pas officié avec ses propres tambours avant 1967, quand
il est devenu omo Changó.
Le second tambour d'Andrés a lui aussi déplu à Jesús
Pérez, car il n'avait pas non plus de tambour
« parrain ». Par contre, il fut consacré par un olosáin,
et non par un babalawo. Andrés joua également dans les
processions de Regla, avec le tambour de Miguel
Somodevilla, pour le Cabildo
de Pepa.
Extrait d'interview d'Andrés Chacón par Ivor
Miller : « Dans cette musique, il y a un
moment approprié pour chaque toque,
et il faut enseigner aux élèves à respecter le contexte.
Aujourd'hui, il y a beaucoup d'indiscipline chez les jeunes, par
la faute de quelques anciens, qui leur ont tout enseigné, bien
qu'ils aient été immatures (...). Il est inscrit dans les règles
d'Añá qu'il faut toujours avoir recours aux anciens, pour faire
quoi que ce soit. On doit aller voir les padrinos pour
leur demander la permission de construire un nouveau jeu. S'ils
disent que non, c'est interdit. Aujourd'hui, on construit de
nouveaux jeux sans le dire à personne. Par exemple, après le
décès de Jesús Pérez
(en 1985), n'importe qui s'est mis à fabriquer des tambours.
Moi, Andrés Chacón, qui suis le plus vieux batalero à La Havane, je dis qu'aujourd'hui personne ne sait plus fabriquer un
jeu de tambours comme il se doit. Moi-même, je ne dois pas le
faire, parce que je n'en ai pas les moyens. Je veux dire
qu'aujourd'hui à Cuba, il n'existe pas un seul véritable
osainiste qui puisse nous aider à consacrer un jeu. Les babalawos
n'ont rien à voir avec Añá, pourtant ce sont bien eux qui
consacrent les batá aujourd'hui. Dans les temps anciens, nous,
les tamboreros,
étions très unis. Il existait une vraie confrérie et une vraie
solidarité entre nous. Quand Pablo
Roche ne jouait pas en cérémonie nous allions jouer avec Miguel
Somodevilla. Nous formions comme une société, et étions
peu nombreux. Nous nous connaissions tous et nous avions du
respect pour le tambour.
À l'heure actuelle ce
n'est plus ainsi : par nécessité financière nous ne nous
connaissons plus entre nous, et beaucoup ne respectent plus les
anciens, ni même le fundamento du batá. Beaucoup de
gens entendent le son des cloches, mais ne savent pas d'où il
provient...»
Andrés enseigna à ses neveux, les jumeaux Alián
et Adrián Chacón Valdés
Martínez, à Juniel
« Aspirina », et à Yenier
« Zurdo » Esteves
Chirino. Le triple album Tambor
Lucumy est un témoignage de son style. Andrés possédait le
seul tambor arará
consacré encore en activité à La Havane, et il savait également
fabriquer ces tambours : la tradition arará
havanaise s'est donc éteinte avec lui, comme il l'avait prédit. Il
était également Abasóngo de la potencia
abakuá Ekori Etán Orú.
Photo
Sébastien Gagneux.
Andrés
Chacón et ses neveux jumeaux Alián et Adrián. Photo Ivor Miller.
À
gauche : « El
Lora » (mot signifiant « lent » en yoruba),
Andrés Chacón, « Chinchila ».
À droite : Francisco Saez Batista, Andrés Chacón, Gabino
Fellove, 1959.
Dans
le tambour d'Andrés Chacón ont joué :
-Felix Massip
« Felito el Makaró »,
qui avait déjà joué avec Pablo
Roche, Andrés Cortés
et Moñito.
-Orlando « Puntilla » Ríos,
qui avait joué dans le tambor de Fermín (4e génération).
3.
Le tambor de Francisco Saez Batista.
Tambor
Añá Ilú Agbada. Photo Tania Jovanovic.
Francisco Saez Batista était omo
Eleguá et babalawo.
Le nom de son tambour est Añá
Ilú Agbada. Il a apparemment été transmis aujourd'hui aux
frères Medina de Luyanó Los Yeyitos. Francisco avait un également un tambor aberikulá, avec lequel jouaient également les Yeyitos.
4.
Autres bataleros et omo Añá.
Nous allons ici parler de quelques bataleros
qu'il nous a été impossible d'affilier à un tambour en
particulier :
-« Tito »,
mayorcero et « Chito »,
segundero, qui sont les
frères d'Hurtasio Jike,
qui, lui, ne jouait qu'okónkolo. Ils jouaient déjà dans la première
moitié du XXe siècle, peut-être même avec Andrés
Roche Sublime.
-« Charól »
ou « Charolito ».
-Agustín « Chinchila »
Banguela Suárez, de Pogolotti, Marianao.
-Frank « Cienfuego » (Francisco Queralta Borrero), originaire de
Santiago de Cuba, qui vit dans le quartier de Marianao, et qui
possède deux tambours de
fundamento : Añá
Oba Ilú et Añá Oba Ayé. Frank fabrique et consacre des tambours. Il a joué avec
le groupe de rumba Yoruba
Andabo, avec qui il enregistra le dvd Rumba
en La Havana con Yoruba Andabo (2005).
Frank
« Cienfuego ».
Photos Yamil Castillo.
À droite, Conjunto
Folklórico Nacional de nos jours : Michel Aldama,
Alberto Vilarreal, Israel Oliva.
-Michel Aldama,
fils de Carlos Aldama.
Lui aussi joue au Conjunto
Folklórico Nacional.
Photos
El Negro Raymat et Yagbe Onilú.
-Enrique Ramírez
(Olomidara), qui aura son tambor
de fundamento, qui est décédé très récemment, en novembre
2015. Enrique n'aurait pas été pas tamborero,
mais il fut le dueño du tambor Oba Yé de Pancho
Kinto.
En 1957, Lydia Cabrera enregistra des tambours batá à La
Havane. Les bataleros qui
jouaient étaient Miguel
Santa Cruz, Gustavo Díaz et Juan
González. Il nous est impossible de situer ces musiciens dans
une rame généalogique d'Añá havanaise. Gustavo Díaz est peut-être le
Gustavo Díaz Vecino qui aurait joué avec Fermín Basinde.
À
propos des autres bataleros havanais contemporains.
Nous aurions pu citer ici une cinquantaine d'autres bataleros et omo Añá qui
appartiennent à des générations plus « actuelles », mais
tel n'était pas notre but. Nous espérerons qu'ils voudront bien nous
en excuser. Nous citerons
quand même, pour apprécier leurs qualités de musiciens, mais sans
savoir forcément à quels tambours ils sont affiliés, des musiciens
relativement connus à La Havane comme à l'extérieur de Cuba,
tels :
-Humberto
« La Película » ou
« El Caballero Efó »
(Humberto
Oviedo Arencibia), omo Añá
dans le tambor d'Enrique Ramirez Olomidara. Ancien membre du Conjunto
Folklórico Nacional. Il vit aujourd'hui à Rome.
-« Román »
Díaz (Odguardo Díaz
Anaya), disciple de
Pancho Kinto, lui aussi omo
Añá dans le tambor d'Enrique Ramirez Olomidara. Il vit
aujourd'hui à New York.
-Jesús « Cusito » Peñalver,
akpwón et batalero.
-Javier Cámpos
Martínez « el
Narokó », disciple de Regino Jiménez, dignitaire abakuá, et excellent Moni-bonkó
(musicien jouant le tambour bonkó-enchemiyá
dans les cultes abakuá).
-Reynaldo
« Flecha » Delgado
Salerno, tamborero,
danseur et chanteur. Il est le fils de Concepción Delgado, danseuse
qui fut membre-fondatrice du CFN
et compagne de Juan de Dios Rámos. Flecha vit aujourd'hui à Genève.
-« Lalí »
Gonzalez Brito,
compositeur de rumbas, tamborero et chanteur, qui vit Calzada
de
Buenos Aires à La Havane, et qui joua dans le tambor de son cousin Alejandro
Publes.
-« Pedrito »
Martínez (Pedro Pablo
Martínez Campos), akpwón et batalero, qui
vit aujourd'hui à New York.
-Daniel Rodríguez
Morales, directeur du groupe de folklore
Los Ibeyi.
-Reynaldo Hernández
« Naldo », fils
du rumbero El Goyo Hernández, décédé en août 2015.
-Les « Chinitos » de San
Miguel del Padrón, Irián, Pedro, Berto et Reynaldo López.
-Juan Bencomo,
fabricant de tambours.
-« Juanito »
Rámos, danseur et batalero,
fils de Juan de Dios Rámos Morejón, décédé en France.
-Tomás Bravo.
-« El
Gato » (Rogelio Ernesto Gatell Cotó), chanteur de
rumba, omo Obatalá et okonkolero.
Alberto
« el Zurdo »,
Juan « el Negrito » Raymat, Lorenzo Armenteros, frère
de la chanteuse Zenaida Armenteros, annés 1970. Photo El Negro
Raymat.
Pancho
Kinto, Román Díaz et Enrique Ramirez, dans le film La
Rumba sin Lentejuelas.
José
Pilar, Regino Jiménez, Fermín Naní, Banff, Canada.
Tableau
chronologique des tambours de fundamento havanais (12/2019)
Photo :
Scott Wardinsky.
Une cérémonie de « naissance » d'un nouveau
tambour dure une semaine. Elle nécessite la présence d'un jeu de
fundamento (qui sera le parrain de nouveau jeu), de trois omo Añá, et des gens qui auront la charge de garder et d'entretenir
le nouveau tambour. On construit un autel. Le coût de la cérémonie
est assez élevé, et les dueños
du nouveau tambour doivent en assumer tous les frais. S'ils ne sont
pas initiés en Ocha, ils doivent au moins recevoir la mano
de Orula, directement du tambour. Le babalawo
qui leur administrera la mano
de Orula doit être omo
Añá, sinon il ne peut pas voir la cérémonie, qui est secrète.
Le nouveau tambour reçoit d'un osainiste un « signe » (une
firma, une signature faite
de dessins symboliques), et un nom.
Chaque tambor de fundamento a son anniversaire, date à laquelle il doit jouer. On
a célébré le centenaire du tambor
d'Adofó le 27 novembre
1996. Celui de Jesús Pérez
se célèbre chaque 4 septembre. Celui du tambor
de Moñito se célèbre le
10 octobre. Parfois, pour l'occasion, on construit là aussi un
autel. Osáin et Añá sont fortement associés. Añá n'a pas de couleur,
mais on utilise pour lui les couleurs d'Osáin qui sont le vert, le
jaune et le rouge.
Le jeu de tambours consacrés comprend un quatrième petit
tambour, l'elekotó,
qui a souvent la taille d'un okónkolo,
mais peut parfois être beaucoup plus petit, d'une trentaine de
centimètres de longueur.
L'elekotó peut
être joué dans certaines cérémonies spécifiquement liées aux
tambours, dans le cuarto sagrado, la pièce très privée où l'on garde les tambours,
située en général dans la maison de l'olubatá.
Son rôle est plutôt symbolique d'Añá, et il sort jamais du cuarto. L'elekotó est
considéré comme un intermédiaire d'Olodumare, le dieu suprême des
yoruba, créateur de toutes choses, qui se situe au-dessus des orichas et au-delà de toute compréhension humaine. Tous les bataleros
cubains sont aujourd'hui conscients du fait qu'en Afrique le jeu de
batá comprend quatre tambours. Certains diront même que les batá « vinieron
a Cuba a cuatro » (qu'ils étaient déjà quatre en arrivant
à Cuba).
« Chachá »
Vega avec son elekotó,
Matanzas 1992, photo John Mason.
Avec
des tambours abakuá :
Andrés Cortés « Macho », Jesús Pérez, Virgilio
Ramírez, Trinidad Torregrosa, X, Raúl Díaz « Nasakó »,
X.
Quatre
grands bataleros historiques: Andrés Chacón, Mario
« Aspirina », Pancho « Kinto » et
« Chachá » Vega.
Bataleros havanais émigrés aux USA : Juan
« el Negro » Raymat, Lázaro Galarraga, Orlando
« Puntilla » Ríos.
Olubatás
havanais et matanceros.
Assis, de g. à d. : Pedro Pablo Aspirina El
Viejo?; Pedrito Aspirina.
Debouts, de g. à dr. : X ; X ; X ;
Alfredo de Las
D'Aida (chapeau blanc) ; Jorgito (du
Tropicana) ; Kukito ;
Regino Jiménez ; Jesús Pérez ; Chachá Vega ; Papo
Angarica ; Fausto (chauffeur de J. Pérez). Photo Vanessa
Lindberg.
[2] L'article sur les tambours batá du Cidmuc est signé par Victoria Eli Rodríguez.
[3] Fernando Ortiz relayait des informations provenant de Pablo Roche et des omo Añá qui jouaient avec lui, tels Jesús Pérez, Trinidad Torregrosa, Raúl Díaz ou Giraldo Rodríguez. Nous verrons plus loin qu’il apparaît nettement qu’Ortiz méconnaissait une grande partie des activités des autres tambours de fundamento havanais de son époque.
[5]
Certains
autres bataleros
essaieront d'égaler cette prouesse, parfois par simple désir
de démontrer leur talent, mais ils le font presque toujours en
référence à Pablo Roche.
[
6]
Aberikulá : qualificatif employé pour désigner les
tambours batá non-consacrés, par opposition aux tambours dits
de fundamento.
[7]
Selon Alberto
Vilarreal, le cabildo
Changó de Regla pourrait être celui de Susana Cantero. Il lui
semble bien, lui qui a joué lors des processions de Regla
(voir chapitre VII), que si l'un des deux cabildos
était dédié à Yemayá (le cabildo
de Pepa), l'autre était dédié à Changó.
[8]
Toujours selon Alberto
Vilarreal, Martín Oyá Dina était Africain de naissance.
[9]
Trabajos
de
santería :
nom que l'on donne aux pratiques religieuses qui emploient la
magie ou la divination. Ce terme édulcore quelque peu ces
actes, car il permet de ne pas employer ni le terme
« magie », ni celui encore plus péjoratif de « brujería
» (sorcellerie), plus volontiers utilisé à propos des
pratiques magiques kongo.
[10]
En
1905, alors que Tomás Estrada Palma excerçait le mandat de
premier Président de la République de Cuba, après trois ans
d'admistration américaine, Papá Silvestre Erice fut arrêté en
pleine cérémonie religieuse, avec d'autres sacerdotes olorichas
très connus à l'époque : Timotea Albear Latuán,
Teresa Ariosa, Belén González et Isidro Sandrino. (El
Mundo, 30 mai 1905, cité par Miguel W. Rámos dans Lucumí Culture in Cuba, FIU
Electronics, 2013).
[11]
Alejandro
Adofó récupéra le tambor Añá
Iguilú construit pour le Central
Majagua d'Unión de Reyes quand celui qu'il avait
fabriqué pour le cabildo
Changó Teddún fut confisqué en 1914.
[12]
Il
s'agit probablement de Mario Jáuregui « Aspirina »,
âgé aujourd'hui de 81 ans. On dit qu'il jouait dès l'âge de 7
ans avec Pablo Roche.
[13]
Le
terme omo Añá aurait ici été plus adéquat.
[14]
À nouveau, le terme omo Añá
aurait mieux convenu ici.
[15]
Lucumí Culture
in Cuba,
2013.
[16]
Curieusement, Miguel W. Rámos écrit dans Lucumí
Culture in Cuba que Pablo Roche n'avait pas reçu de
saint.
[17]
Notes
du cd Tambor Lukumí, recueillies par Ivor Miller de la
bouche d'Andrés Chacón Franquiz.
[18]
L'histoire
racontée par Papaito contient d'emblée avec une apparente
erreur, puisque de l'avis de tous c'est le tambour Atandá
qui fut construit pour le cabildo Yemayá d'Addéchina,
et non Añabí qui
fut construit pour le cabildo Changó Teddun. Pourtant,
c'est bien le tambour Añabí qui fut remis à Andrés Sublime.
[19]
Le nom
de la fille d'Addéchina et de Francisca Buzlet (Atibolá) était
Josefa « Pepa » (Echú Bí), et non Mónica. S'ils
eurent bien un fils, Faustino, décédé à sa naissance en 1875,
et un autre, Marcelino, baptisé en 1876, il ne semble pas
qu'ils eurent d'autre fille que Josefa. Cette Mónica
constituerait un nouveau « chaînon manquant »
inconnu entre Addéchina et Andrés Sublime, dans l'histoire du
tambor Añabí.
Addéchina eut d'autres enfants avec d'autres femmes, mais
avant de s'installer à Regla, alors qu'il vivait à Matanzas.
[20]
Dans Lucumí
Culture in Cuba, Miguel W. Ramós affirme que ce furent
Añabí et Atandá eux-mêmes qui nommèrent le jeu Atandá
« Voz de Oro ».
Ramós est d'ailleurs visiblement peu enclin à donner un autre
nom à ce jeu.
[21]
Dans Carlos
Aldama's life in Batá, ce dernier affirme que Pablo est
décédé le 13 mars 1957, le jour où des rebelles attaquèrent le
palais présidentiel de Batista.
[22]
Solar : littéralement, « endroit où l'on prend le soleil ». Cour intérieure des
immeubles d'habitation collective dans les grandes
villes.
[23]
Il est
possible que Pablo Roche ait appris certains éléments de toques
matanceros avec Miguel
Somodevilla, qui avait pourtant la réputation de ne
vouloir enseigner à personne. Milián
Galí, olubatá santiaguero qui étudia à la fois à
La Havane et à Matanzas, est en désaccord avec cette idée
d'incorporation d'éléments mantanceros dans le jeu de
Pablo Roche.
[24]
Fardela ou idá : sorte de résine, pâte que l'on applique sur
le centre de la peau enú du tambour iyá,
et parfois sur celle des deux autres tambours. Elle sert à
modifier le timbre de la peau grave, en y supprimant les
harmoniques aigues. Elle rend donc le timbre plus mat, mais
aussi sensiblement plus grave, la note obtenue
« descendant » d'environ un ton ou deux, voire plus
si l'on en applique une quantité importante.
[25]
Milián Galí contredit à nouveau cette affirmation, en disant qu'il n'existe pas de
saisons particulières à Cuba, le climat y restant sensiblement
le même toute l'année, ce qui est particulièrement vrai à
Santiago, à l'extrémité orientale de l'île, et donc qu'il n'y
a pas de raison de fabriquer deux types de fardela.
Cependant, parfois, exceptionnellement, le froid de l'hiver
continental américain descend jusque sur la Floride et peut
atteindre La Havane, où la température descend parfois
au-dessous de 10°C. La Havane une ville où il n'existe aucun
système de chauffage et où il n'y a pas de vitres aux
fenêtres. Alberto
Vilarreal, lui, confirme l'existence des deux types de fardela.
[26]
Peut-être
s'agit-il de Victoriano Torres Adyai « el Lukumí »
(voir plus bas dans la page).
[27]
Rappelons
que Pablo Roche possédait deux jeux de tambours de
fundamento, et que ces deux jeux pouvaient officier
séparément. Il serait donc plus logique d'évoquer plutôt que le
tambour de Pablo : les
tambours de Pablo.
[28]
Osainiste (osainista) : nom espagnol équivalent d'olosáin,
herboriste initié au culte de l'oricha Osáin.
[29]
Enà :
langage codé constitué d'onomatopées utilisé par les joueurs
de batá en Afrique pour « chanter » ou
« parler » les phrases jouées sur les tambours.
[30]
Fernando Ortiz écrivit en 1954 que Miguel Somodevilla
était le doyen de tous les bataleros
en activité.
[31] On
le voit jouer avec Jesús Pérez et Alfonso Aldama
dans un extrait du film ici :
[32]
Dueño,
dueña :
Responsable, chef, propriétaire.
[33]
C'est
Fernando Ortiz qui, dans son article sur les batá, donne le
titre d'Omó-Ologún à Raúl Díaz, comme étant son nom de religion. Il confond
ici nom de religion et grade de santero
initié.
[34]
On
parle souvent de « membres-fondateurs » - ou, de
manière erronée, de « fondateurs » - du Conjunto
Folklórico Nacional, comme de Teatro y Danza
Nacional. On entend par là que les artistes en question
ont fait partie de la toute première équipe d'artistes
engagés, musiciens, chanteurs et danseurs. 56 des
membres-fondateurs du Conjunto Folklórico Nacional
sont dénombrés sur notre site internet :
http://cfnc45.blogspot.fr/2007/08/membres-fondateurs-du-folklrico.html
[35]
Teatro y Danza Nacional prendra plusieurs noms au fil du temps : Danza
Moderna, Danza Contemporanea...
[36]
Les
sept « informantes »
originaux (conseillers et directeurs artistiques adjoints) du
CFN furent Nieves
Fresneda, Trinidad Torregrosa, Jesús Pérez,
Manuela Alonso et Lázaro Ros pour la partie
yoruba, José Oriol Bustamante et Emilio O'Farrill
pour la partie kongo.
En tant qu'artiste, cette fonction constituait le grade
supérieur au CFN.
[37]
La
photographie que nous présentons ici de Pedro Pablo Valdés
Aspirina est extraite d'une autre photo figurant à la fin de
ce chapitre. Si Ángel Bolaño l'y a bien identifié, Milián Gali
et Alberto Vilarreal ont démenti son identification.
[38]
Pedro Pablo et Mario sont supposés être frères, mais
curieusement ne portent pas le même nom de famille.
[39]
Felito
el Makaró
parle d'un Julito Barroso ayant joué avec Pablo, qui
vivait à New York. Sans doute se trompe-t-il de nom et le
confond-t-il avecJulito Collazo.
[40] Mariéliste : en 1980, des accords entre Fidel Castro et Jimmy Carter furent
conclus, qui permirent l'exil de 125 000 Cubains en désaccord
avec le régime castriste. Leur départ fut organisé depuis le
port de Mariel, à l'ouest de La Havane, d'où partirent 1700
bateaux, de tous types, en six mois. Considérés comme des
traitres à la Révolution, les Cubains marielistas furent qualifiés de « racaille » (escoria).
Aux Étas-Unis, on utilise plutôt le terme marielitos.
[41]
Egun ou Eggun :
entité incarnant les esprits des ancêtres, les morts. Egun
n'est pas considéré comme un oricha, mais il possède
son propre répertoire de chants et de toques. Honoré
au début de chaque cierre
(partie finale des toques
de santo), Egun possède également des cérémonies
spécifiques, appelés toques de Egun.
[42]
Ce Quintín ne saurait
être confondu avec Quintín García Ifabola, le fils
d'Atandá. Celui-ci aurait en effet été trop âgé pour jouer
encore après la mort de Pablo Roche. Il ne s'agit pas non plus
de Quintín Armando Pedroso « el Zurdo ».
[43]
Chachá ou shashá :
petite
peau du tambour batá, par opposition à enú (la bouche), la grande peau du tambour
[44]
Tumbador : tambour grave de la rumba. À l'origine, dans le guaguancó
et le yambú, il
s'agissait d'un cajón.
[45]
Lire à ce sujet le remarquable
ouvrage de Pierre Verger : Ewé, le Verbe et
le Pouvoir des Plantes chez les Yorùbá.
[46]
Tambor doble : cérémonie où jouent ensemble deux jeux de batá consacrés. Un tambor
doble peut être organisé pour un seul oricha, ou
pour deux orichas.
[47]
Ángel Bolaño ajoute que le second tambour double s'est joué pour
Ochún, à Atarés au #10 de la calle
Quinta avec le tout nouveau tambor de Jesús Pérez
et celui de Goyo Torregrosa.
[48]
Cette information contredit les
ouvrages du CIDMUC dejà cités, où le matancero
Jesús Alfonso « Gallego »
affirme que « le
premier ensemble de tambours batá qui joua à Santiago de
Cuba fut celui de Ricardo Suárez Fantoma, de
Matanzas, en 1950 ».
[50]
Le
groupe « Las D'Aida » ou « Cuarteto
D'Aida » fut un groupe vocal féminin très en vogue
dans les années 1950 et 1960, fondé par la pianiste Aida
Diestro, qui comprenait Elena Burke, Moraima Secada, et les
soeurs Omara et Haydée Portuondo. cf. http://www.ritmacuba.com/Femmes-percussions-orchestre-musique-Cuba.html
[51]
Recevoir
« Changó con oro
para Agayú » serait recevoir l'oricha
Agayú, mais « indirectement », via une initiation à
Changó. C'est une marque de la tradition oyó
de l'asiento, ce qui
prouve que l'initiation de Nicolás Angarica était de tradition
oyó, et combien Octavio Samá Obadimeyi avait adopté ces
traditions santeras
havanaises. Dans la tradition egbado,
encore en vigueur à Matanzas jusque dans les années 1940, on
pouvait recevoir Agayú « directement ». Le fait de
recevoir un oricha « indirectement » via une initiation à un autre oricha
apparenté peut être le fait du manque de prêtres de l'oricha
en question. Agayú est considéré comme le père de Changó.
[52]
https://www.youtube.com/watch?v=ad-oS10sgtg&list=UULfwnZCq0oJa0afq6NCxbuw
[53]
Mes
informateurs, Ángel
Bolaño et Lázaro Pedroso confondent sans doute Alfredo Coyute avec Ezequiel
Torres, un autre batalero
cubain parti à Miami, beaucoup plus jeune qu'Alfredo. Mais, si
l'on trouve beaucoup d'informations sur Ezequiel, y compris
des interviews, il ne dit jamais rien de son apprentissage des
batá à Cuba. Il est également possible qu'Ezequiel soit un
second prénom d'Alfredo Videaux, dont plusieurs sources
mentionnent son appartenance à la lignée des omo
Añá ayant joué avec Papo Angarica.
[54]
Ou « Coyude » selon John Mason.
[55]
Ce fait contredit l'affirmation de Carlos Aldama
selon laquelle Raúl Díaz n'aurait jamais joué qu'avec Pablo
Roche.
[56]
D'autres
sources mentionnent la date du 10 octobre 1945 pour la
consécration du tambor de Moñito qui s'appelerait Añá Bí Oyó ou la
Atómica, né du tambour de Pablo
Roche, et fabriqué par Pablo lui-même : voir le
site brésilien http://www.batabrasil.com.br/bata-brasil.html.
Pour Fernando Ortiz,
ce tambour fut consacré en 1949. Ángel
Bolaño, lui, dit que Raúl
Díaz Nasakó, Giraldo
Rodríguez, Jesús Pérez et Pedro
Lagrimita quittèrent le tambor
de Pablo Roche pour fonder le tambour La
Atómica de Moñito.
[57]
Il
existe donc au moins deux tambours surnommés la
Bomba Atómica ou la
Atómica. Un autre tambour matancero
du même nom, déjà évoqué, de
fundamento mais de
duelas (à douves ou à lattes), a appartenu à Amado
Díaz Alfonso « Guantica »
à Matanzas, et aurait été transmis en 1962 à Alejandro
Publes (et à Lalí
González Brito) par Amado Díaz lui-même. Ce serait Amado
Díaz qui aurait construit la Atómica et aurait pris l'initiative de le fabriquer non pas enteriso,
mais de duelas. Peut-être d'ailleurs s'agit-il du premier jeu de tambours
batá de duelas.
Selon d'autres sources (voir Daniel Chatelain dans le livret
du disque d'Iluyenkori Tambours
Métis), c'est seulement un jeu issu de la
Atómica de Matanzas qui aurait été transmis à Alejandro
Publes. Chatelain ajoute que d'après Ortiz, Adofó
et Eduardo Addaché, tous deux fabricants de tambours, auraient appris à
les construire avec un aïeul de la famille Díaz : Clemente « Tele Maddó »,
arrière
grand-père d'Amado Díaz.
[58]
Selon Fernando Ortiz, le second tambour de Moñito fut
consacré en 1950.
[59]
Carlos Aldama donne au tambour de Jesús le nom de Wá
Aladé.
[60]
Ivor Miller, Jesús
Pérez
and the Transculturation of the Cuban Bata Drum, 2003.
[61]
Ivor Miller, Jesús
Pérez
and the Transculturation of the Cuban Bata Drum, 2003.
[69]
Ou
en 1966 selon certains.
Prochainement en ligne (2019) :
Chapitre
VI : Les tambours batá de fundamento à Matanzas.
Les trois premiers jeux de
fundamento matanceros :
1. Le tambor Añá Bí Oyó
2. Le tambor Añá Bí
3. Le tambor Ilú Añá
4. Autres tambours et tamboreros matanceros
5. Particularités matanceras
6. La lagune sacrée du Central Socorro
Chapitre VII : Les processions des cabildos de Regla.
Chapitre
VIII : les batá hors des rituels.
1. Les conférences de Fernando
Ortiz
2. Le monde des cabarets, de la radio et du cinéma
Page
en lien :
Chapitre IX : Annexes : lexique, sources bibliographiques et remerciements (lien pdf)
Femmes
et tambours batá profanes : un sujet abordé dans : http://www.ritmacuba.com/Femmes-percussions-orchestre-musique-Cuba.html
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