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Santiago de Cuba - Juillet |
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Répertoire des chants haïtiano-cubains par Daniel Mirabeau
(cancionero).
Chants dans les styles répertoriés
ci-dessous (sommaire)
Lien
: La page avec tous les textes du site
Daniel
Mirabeau : percussionniste, chanteur et saxophoniste, il
s'est formé dans l'Oriente cubain aux traditions carnavalesques et
aux cultures haïtiennes. Après quelques séjours à Cuba avec
Ritmacuba (à Santiago) ou Trempolino (à La Havane), il effectue in
situ son parcours
personnel auprès de différents maîtres. Il enseigne les musiques
cubaines à l'Ecole Municipale de Musique de Pierre Bénite (Rhône) et
lors de stages avec toutes sortes de publics (non-musiciens,
enfants, scolaires). Il intervient en conférencier en France et à
Cuba.
Communauté haïtienne de
Camagüey, années 2010 © Y. Garcia Garcia
Lien : Version
pdf du texte de cette page (pour les liens mp3, ni pdf de
rythmes, uniquement dans le texte ci-dessous...).
Link : Complejo
danzario musical de las comunidades haitianas del Oriente de Cuba.pdf
(71 p., révisé le 10/05/1019). Referirse a los links mp3, vidéo &
partituras de esta pagina html.
Introduction
1. De l'immigration à Cuba des colons de la Saint-Domingue française
La Tumba Francesa
La Tahona
1.2 Les danses de salon et les danses sociales originaires de la Saint-Domingue française
- Le salon européen et les contredanses créoles
- La polka
- Le lété
- Le minuet
- La vals
- L'eliansé
1.3 Autres danses sociales et de bal plus récentes, ou intégrées au XXe s.
- Le merengué
- Influences américaines, le
foltró
- Les danses de couple
raffinées et romantiques, habanera et bolero
- Bagarres de cabaret et rasiñé
2. Les apports de tradition africaine en provenance d'Haïti
2.1
Musiques, danses processionnelles et carnavalesques
- Le gagá, une
manifestation culturelle à part entière
- La kanekela
- Les voyages caribéens du cunyai
2.2. Musiques et danses récréatives
- Le masún
- Le masún pilé
- Le djouba matinik
2.3.
Danses et musiques religieuses de racines haïtiano-africaines
- Le vodou, une religion
source de fantasmes mortifères
- Traditions créoles et
syncrétisme chrétien
- Les radá,
panthéon religieux et musique principale du vodou cubain
- Yanvalú
- Daomé
- Maisepol
- Les esprits chauds du petró
- Les guédé, de
l'érotisme au cimetière
- Célébrations des
ancêtres et commémorations historiques, les ibo.
- L'Afrik Ginen des congo
- Forger,
batailler, les nago
- Feuilles et eaux douces,
les simbi
Bibliographie
Discographie sélective
Remerciements
Ouvriers haïtiens à la coupe de la canne à sucre, Cuba, années
'20, D.R
Deux siècles d'immigration haïtienne ont marqué Cuba, en particulier le Sud de l'île, dans les régions d'Oriente, Las Tunas et Camagüey. La culture haïtienne connaît une évolution particulière sur le territoire cubain, se métissant avec les traditions vernaculaires ou plus anciennes du pays. Des différences culturelles sont visibles, en particulier sur les premières vagues d'immigration à l'intérieur même de la communauté haïtienne. En effet, selon leur niveau social et leur couleur de peau, les nouveaux arrivants d'Haïti ne développent pas les mêmes us et coutumes.
Nous nous intéresserons ici aux musiques et danses haïtiennes et à leurs particularités d'évolution à Cuba. A l'intérieur de celles-ci, deux grandes familles plus ou moins distinctes se dégagent :
- Celles de racine française, des anciens propriétaires terriens chassés d'Haïti à la révolution ou originaires de Saint-Domingue [1].
- Celles de racine africaine, qu'il s'agisse des anciens esclaves, venus à Cuba avec leurs anciens maîtres (à l'aube du XIXe siècle), ou des familles des immigrés haïtiens de la première moitié du XXe siècle, venus aussi à Cuba, comme main d'?uvre agricole (du sucre et du café).
La langue parlée par les premiers immigrés haïtiens est le créole, très similaire à celui usité dans le reste des Antilles françaises. Elle s'est considérablement transformée avec le temps, donnant naissance à un kreyol cubain [2], mélange de français, d'espagnol et de dialectes africains. Cette adaptation s'est produite en parallèle avec l'amoindrissement progressif de son utilisation comme langue vivante du quotidien. Actuellement, bon nombre d'Haïtiens ne parlent plus le créole, mais le reproduisent phonétiquement au travers des chants traditionnels, des contes ou des phrases liturgiques du vodou [3].
Pour tous les chants cités dans cet article, vous trouverez trois
entrées : créole cubain, créole haïtien, et français.
-
La version en créole cubain respecte le texte et synthétise la
graphie qu'utilisent mes sources à Cuba. Souvent elle ne
respecte pas les marqueurs d'une structuration grammaticale,
rendant parfois les textes incompréhensibles pour un
créolophone.
- La version en créole haïtien est une approche de la graphie
contemporaine du créole haïtien (selon la réforme
orthographique et la loi haïtienne du 28/09/79).
- La version française est une traduction du créole haïtien
vers le français
Au
sujet de la signification des textes de chansons, il y a
fréquemment une sédimentation des niveaux de lecture
possibles. L'évolution du créole au milieu d'une population
hispanophone a entraîné parfois une réécriture complète des
chants, ou apparait un nouveau signifié. Hormis les
conséquences de cette créolisation linguistique, les chants
haïtiens originels comprennent fréquemment une mise en abîme
du signifié. L'occurrence de nombreuses homophonies
peuvent être perçues comme des jeux de mots. On peut alors
trouver d'autres niveaux de lecture au delà du sens trivial,
par la référence à un évènement historique ou à un sens
religieux par exemple.
Nomenclature des sons de frappe:
U : basse
V : claqué
_ : doigts
? : ouvert
? : claqué, avec trois doigts au bord du tambour
?: ouvert, avec trois doigts au bord du tambour
Bamboula, danse
d'une colonie française d'Amérique, huile sur toile (1836)
par Louis Gamain (1803-1871) - Musée historique de La
Rochelle. Remerciements à Vincent "Vicente" Guillon
La
tumba francesa est est un genre de musique et de danse
né à Cuba. Vers 1800, certains des anciens esclaves de l'île
de Saint-Domingue suivent leurs maîtres français qui
s'installent principalement dans la partie orientale de Cuba,
fuyant les troubles liés à la révolution haïtienne [4].
Au sein des sosyétés,
les créoles se réunissaient, entre autre pour jouer et danser.
Par mimétisme ou pour singer leur maîtres, ils reproduisaient
à leur façon les danses de salon de la bourgeoisie européenne.
Lors des festivités organisées par les sosyétés, l'élégance vestimentaire était de mise (tissus de
prix, châles, mouchoirs de soie, chemises à jabot). Un vernis
de culture européenne permettait aux sociétés de tumba
francesa de bénéficier de la bienveillance du pouvoir
colonial, à contrario des cabildos de nación [5]
revendiquant leur négritude. Certains membres de
l'aristocratie cubaine ne dédaignaient pas s'essayer à un mason,
la plus européenne des danses. Sur les racines
africaines de la tumba francesa et de ses signes
visibles, il y aura beaucoup moins d'engouement, voir même des
mesures coercitives. La majorité des membres des sosyétés
étaient des domestiques des colons français
[6]
de l'île de Saint Domingue, ainsi que des esclaves créoles en
provenance du trafic clandestin. D'autres esclaves de
plantations venus d'Afrique, majoritairement d'origine congo,
ont rajoutés leur particularités culturelles dans ces
festivités des fransé. C'est véritablement avec le
déclin des plantations françaises que vont se développer ces sosyétés,
qui se rapprochent et intègrent les centres urbains. La sosyété est organisée hiérarchiquement sur le modèle des cabildos,
avec des appellations faisant référence à la monarchie
espagnole (une reine [7]), à la république (une présidente), sous les
ordres desquels s'affairent une armée aux ordres du mayor de
plaza.
Bien
que les sosyété de
tumba francesa furent présentes sur tout le territoire
cubain (y compris à La Havane), il n'en reste plus trois
en activité :
l'une à Santiago de Cuba (La Caridad de Oriente [8]), l'autre à Guantanamo (La Pompadour) et la
dernière dans une zone rurale, Bejuco (province d'Holguin).
Le
masón,
le yuba (babúl),
le cobrero,
le frenté, le batiré
(version rapide du masón)
sont les musiques et les danses afférentes qui sont exécutées
actuellement lors des festivités de tumba francesa.
Lien vidéo 1 : Danses du mason, yuba et frenté, Ballet Folklórico Babúl (Guantánamo), 2015, captation Daniel Mirabeau
Lien vidéo 2 : Danses du yuba et frenté, tumba francesa La Pompadour (Guantánamo), 2016, captation Daniel Mirabeau
Gilberto
Hernández Quiala jouant le frenté sur le tambour premié
face au danseur, tumba francesa La Caridad (Santiago de
Cuba), années '90 © D. Chatelain
Instrumentarium
:
-
chanteur ou chanteuse soliste (composé) et ch?ur
responsoriel.
Les chansons sont en créole, selon l'ancienneté du texte
et la maîtrise de la langue pour les composé les
plus récents. Beaucoup de mots en espagnols sont intégrés
au texte, parfois des paragraphes entiers, ou la chanson
dans son intégralité.
- chachá
ou
maruga
: sonnailles sous forme de hochet
métallique ornées de rubans de tissu, jouées généralement
par le composé. N'est pas considéré comme un
instrument de musique mais plus comme un accessoire; son
usage ne détermine pas de figure rythmique particulière.
Joueurs
de chachá de la tumba francesa La Pompadour (Guantánamo),
2011 © Daniel Mirabeau
- catá : idiophone volumineux fait d'un tronc d'arbre évidé et percuté par 2 bâtons, faisant partie des "tambours de bois". Le joueur de catá est nommé catayé.
Emiliano Castillo Guzman Chichi, jouant
le catá, tumba francesa La Pompadour (Guantánamo),
2011 © Daniel Mirabeau
- tambuché ou tambora : Tambour à deux membranes analogue à une grosse caisse, mais de plus petite taille. Le système d'attache de la peau se fait actuellement à l'aide d'un cerclage et de tirants métalliques. Se joue avec une baguette d'un côté et à main nue de l'autre. Actuellement, le tambuché se joue uniquement dans les séquences du masón et du batiré.
Orlando Matos Fernandez au tambuché,
tumba francesa La Pompadour (Guantánamo), 2011 ©
Daniel Mirabeau
- tumbas : Tambours cylindriques de fort diamètre à une membrane. La peau de chèvre est tendue par des coins de bois et un cordage de gros diamètre; un fil métallique servant de timbre la traverse en son milieu. Les tambours sont nommés : premié ou manmanié (tambour soliste), bula premié et bula secon (accompagnateurs, exécutant chacun une figure rythmique linéaire avec peu de variations). Les joueurs sont nommés tambouyés et plus précisément, selon leur rôle soliste ou accompagnateur : mamanié ou bulayé. Dans les trois sociétés actuelles, les tumbas sont au nombre de quatre à Guantanamo, trois à Santiago et deux à Bejuco.
Lien : polyrythmie de masón , transcrite par Daniel Mirabeau (pdf)
A. Tambours et catá, tumba francesa
La Caridad (Santiago de Cuba), 2018 © D. Chatelain
B. Joueurs de tambuché
et de tumbas,
joueuse de catá
à la tumba francesa de Santiago de Cuba 2012 © D.
Chatelain
Un exemple de chant de masón, transmis par Rafael Cisnero Lescay de Cutumba :
Créole cubain collecté : Societe FlorindoAy! Si mue tamugui muna mandeso la fronego Societe la pleito la premie Calixto mue bambose Si mue tamugui una mandeso la fronego La fronego Hay oquendo Maria la O [9] oquendo Oquendo Maria la O Maria la O oquendo |
Créole haïtien : Sosyete FlorindoAy! Si mwen ta mou guid m'ou nan mande sò la frod nèg o Sosyete la prèt o la premie Kalisto mwen mambo se Si mwen ta mou guid m'ou nan mande sò la frod nèg o La frod nèg o Ay
okenn dout |
Français : Société FlorindoEh! Si je te dirigeais plus souplement, de la fraude il y aurait, ô mon gars Société, ô ma prêtresse, la première, Calixte, c'est ma mambo Si je te dirigeais plus souplement de la fraude il y aurait, ô mon gars Ici, de la fraude il y aurait Ah,
aucun doute |
Lien : polyrythmie de yuba, transcrite par Daniel Mirabeau (pdf)
Lien : polyrythmie de cobrero, transcrite par Daniel Mirabeau (pdf)
Lien : polyrythmie de frente, transcrite par Daniel Mirabeau (pdf)
Tatuna
et Santana Robles jouant le catá
et le tambouyé
premié, tumba francesa
de Bejuco, années '70, D.R
Lien : La tumba francesa de Santiago de Cuba Interview d'une reine disparue : Yoya
Lien album photo tumba francesa (Picasa/Google photos)
La
playlist Ritmacuba des vidéos de tumba francesa
& tahona
- La tahona ou tajona
Tahona est un mot importé par les colons espagnols dans la Caraïbe. Il signifie "moulin" en arabe, faisant en cela référence à la roue de pierre ou l'ensemble de la machine agraire des cafetales [11]. Entraînée par un animal ou par les ouvriers de la plantation, la roue servait à dépulper les grains de café ou broyer la canne à sucre. Les joueurs de tahona ont associés le nom de cette roue à leur musique. Des pistes nous laissent penser que la naissance de la tahona est liée à ces travailleurs des exploitations agricoles qui étaient tenues par les fransé. Même si leur prospérité va décliner tout au long du XIXe siècle, il va rester de petits propriétaires d'origine française jusqu'à la moitié du XXe siècle (Daniel Chatelain a rencontré au début des années '90 l'ultime producteur de café français, dernier venu d'une famille béarnaise) ; cf. http://www.ritmacuba.com/Chants-de-tumba-francesa.html)
Dans les dernières décades du XIXe
siècle, la fin des exploitations agricoles françaises vont
faire se déplacer les travailleurs d'origine haïtienne vers les villes d'Oriente. Déjà à la fin du XVIIIe
siècle, les premières sosyétés
s'implantent dans les centres urbains. C'était au son de
qui deviendra la tahona qu'elles vont s'insérer dans les mamarrachos
(carnavals de l'époque coloniale). A
Guantánamo, le premier défilé de tumba francesa (le
terme de tahona n'existait pas encore) s'effectue
pendant le carnaval de 1884. A Santiago de Cuba et jusqu'aux
années '20, il y eût plusieurs périodes d'interdiction de
défiler pour tous groupes avec des tambours africains ou
créoles, ou l'annulation pure et simple du carnaval (guerre de
1895, 1912 avec l'éradication des membres du parti des
Indépendants de Couleur).
L'apparition
des congas de
carnaval dans
les
centres urbains [12] va signer
le déclin des tahona dans les années
'20. L'une des dernières, dans le village du
Caney possédait des liens familliaux avec la
société de tumba francesa La Caridad de
Santiago. Devant le risque de disparition
définitive de la tahona, La Caridad l'intégra à son répertoire. C'est
maintenant le seul groupe à la jouer en
déambulatoire pendant le carnaval. D'autres,
comme Cutumba, Kokoyé ou Folklorico de Oriente
l'ont intégré à leur répertoire, la jouant
occasionnellement.
Joueurs
de tahona, tumba francesa La Caridad (Santiago
de Cuba) 1993 © Daniel Chatelain
Comme pour d'autres styles destinés au défilé (carabalí, gagá), il existe deux styles de rythmes et vitesse d'exécution :
- le paso de camino, de tempo modéré, pour rythmer la marche. Se danse avec une grâce et une retenue rappelant les contredanses européennes.
- le paso de tahona, de tempo plus rapide à exécuter en statique.
Trois chorégraphies pour ce dernier rythme :
- l'hechacorral, destiné à aller capturer la reine de la tahona concurrente; on retrouve la même idée dans la carabalí [14]
- los bastones, avec des bannières et grands bâtons comme accessoires.
- la cinta, que l'on exécute de vitesse modérée à rapide. Il s'agit d'une danse autour d'un mât à rubans. Le danseur se doit de croiser le ruban qu'il tient avec ceux des autres danseurs.
Cette danse est arrivée à Cuba par les "français" d'Haïti. On l'appelle là-bas "trese ruban". Elle y connaitra son essor national au début du XXe sciècle sous la présidence d'Antoine Simon, après avoir connu ses débuts aux Cayes. Nous retrouvons le même type de danse avec l'accessoire du mât à rubans dans plusieurs régions d'Europe; il est vraisemblable que les colons français l'ont importé dans la Caraïbe.
La tahona était exécutée dans la rue lors des carnavals, en déplacant le mât d'un site à un autre. Il n'y a plus que la société de tumba francesa La Caridad qui l'effectue encore sous cette forme. La chorégraphie de la cinta est aussi exécutée en intérieur par La Caridad, qui l'a adaptée sur les chants et rythmes du mason (cf. Chap.1). Les deux autres société de tumba francesa (Bejuco et Guantanamo) ni ne jouent la tahona, ni ne dansent la cinta.
Danse
du tressé ruban, tumba francesa La Caridad
(Santiago de Cuba) années 2000 © B. Secchi
Les chants de tahona ont généralement pour sujet le quotidien. Le mode responsorial entre le soliste et le ch?ur est particulier à la tahona. En effet, dans la majorité des répertoires afro-cubains, le ch?ur reproduit la phrase proposée par le soliste. Les textes actuels sont en espagnol.
Lien vidéo : Danse de la Cinta, tumba francesa La Caridad (Santiago de Cuba) en 2000, captation Daniel Chatelain
Quelques
strophes de tahona, par Berta Armiñan
de Cutumba :
(pour
ce chant et les suivants en deux colonnes,
lire dans la partie gauche le chant collecté,
mélangeant parfois des langues comme le créole
et le castillan de Cuba, à droite sa
traduction par l'auteur, maintenant parfois en
italique des termes créoles, souvent religieux
ou encore des exclamations, interjections
etc.)
En
el barrio de Los Ramos Coro : Hay la gente que diran Que los hijos de Andreita Coro : No cesan de parrandear Si alguno lo esta sufriendo Coro : Trabajo le manda a dios Yo soy dueña de Los Huecos Coro : Y en Los Huecos mando yo |
Dans
le quartier de Los Ramos, Ch?ur : Il y a des gens qui diront Que les fils de Andreita Ch?ur : N'arrêtent pas de faire la fête Si certains en souffrent Ch?ur : Un travail les appellent à Dieu Je suis la doyenne de Los Huecos Ch?ur : Et dans Los Huecos je commande |
Instrumentarium :
- tambora : tambour de petite taille à deux membranes, joué d'un côté avec une baguette et de l'autre à main nue. Similaire au tambuché ou tamborita de la tumba francesa.
- bimba : tambour à deux membranes de plus petite taille que la tambora, mais plus profond. Comme pour la tambora, la peau de chèvre est actuellement tendue autour d'un cerclage et d'un système de tirants métalliques. Le nom de bimba est utilisé par La Caridad de Oriente. Cette manière de nommer un instrument par une onomatopée est similaire à d'autres traditions (voir plus loin le tambour leguedé de la batterie radá) et procède d'un phonétisme du rythme de base afférent à l'instrument..
- tambours : deux tambours à une membrane de petite taille, nommés fondo (ou quija), repicador (ou quinto) joués directement avec les mains. La peau de chèvre est tendue autour d'un cerclage en corde au moyen d'un système à piquets. Les termes fondo et repicador sont usuels et désignent les fonctions d'accompagnement ou d'improvisation des tambours dans bon nombre de musiques cubaines.
- chachás : sonnailles sous forme de hochets, agités généralement par le ou la chanteuse soliste ou par les dignitaires de la tahona.
Polyrythmie de la tahona, transcrite par Daniel Mirabeau (pdf)
Le salon européen et les contredanses créoles
- Les contradanzas
Avant de faire les riches heures des salons cubains du XIXe siècle et au début du XXe, les contradanzas sont originellement des danses villageoises venant d'Angleterre (country dance). Celle-ci furent tellement populaires en Europe qu'elles intégrèrent la cour française, plus habituée au passepied et à la gavotte, dès la fin du XVIIe siècle. Parmi les danses des français de Saint Domingue, nous trouvions le menuet, la valse, la mazurka, la polka. Les chorégraphies comprenaient des danses de couple, des rondes, ou des danses en ligne, hommes et femmes se faisant face.
La bourgeoisie cubaine friande d'art français aura tôt fait d'adopter ces nouveaux pas distingués. Avant même la débâcle des français de l'île de Saint-Domingue, les contredanses françaises sont déjà jouées et dansées à Cuba. En effet les salons espagnols européens ont eux aussi adoptés les contredanses. Leur restaient à traverser l'Atlantique pour être dansées dans les Antilles. Ce sont essentiellement des danses de lignes, comme les longways britanniques, et de quadrille.
L'autre versant des contredanses sera celui véhiculé par les Noirs et anciens esclaves de Saint-Domingue. Ceux d'entre eux qui travaillaient à l'intérieur des maisons coloniales, avaient la possibilité d'assister à la manière de danser et de jouer des maîtres. Partagés par la volonté de singer ceux-ci et celle de reproduire le côté gracieux des soirées bourgeoises, ils l'intégrèrent à leur festivités. Nous trouvons une série de danses de parodies datant de l'esclavage, où cette situation s'exprime dans différentes couches de la société: le maître joue au seigneur, l'affranchi au blanc, le nègre domestique à se distinguer de celui des champs. Une différence essentielle qui distingue les contredanses des salons bourgeois et celle des calendas (une dénomination des fêtes entre esclaves noirs jusqu'au milieu du XIXes.), est l'instrumentarium musical. C'est en chantant et en frappant sur les tambours qu'ils essaieront de reproduire les mélodies des contredanses françaises.
Le quadrille est un ensemble de danses effectuées en carré, avec deux ou quatre couples face à face. Hormis le quadrille, il y a également les danses de ronde ou simplement les danses de couple qui sont aussi données dans les salons de la bonne société. Les rythmes européens des contredanses vont connaître une mutation dans la Caraïbe avec l'apport du kintolé ("quintolet"). Ces cellules rythmiques syncopées des Antilles françaises vont contaminer les musiques bourgeoises et populaires de toute la Caraïbe. Les contredanses deviennent contradanzas et cubaines à part entière. Le kintolé sous son nouveau nom cubain, cinquillo, va faire émerger biens des nouveautés musicales, avant tout à destination de l'aristocratie et de la bourgeoisie. Cette culture de la bonne société à donné naissance aux principaux genres populaires du début du XXe siècle que seront la danza, le danzón, le danzonete et la habanera.
Ce versant Noir de la contredanse des anciens immigrés de l'île de Saint-Domingue n'a pas connu l'explosion et le succès de son pendant européen. C'est la culture d'une population discriminée et pourtant très présente en particulier dans la zone orientale de Cuba. A l'heure actuelle, ces contredanses sont un peu tombées en désuétude dans les groupes pratiquant les cultures haïtiennes. Elles sont parfois exécutées à la demande des esprits dans les cérémonies vodou [15]. Certaines contredanses reprennent le nom et s'inspirent du versant européen, comme le minué, la polka, la mazurka, la vals. Mais il y eût aussi des créations comme l'eliansé qui ne connaissent pas d'équivalent du côté européen.
Les
contredanses haïtiennes sont depuis leur
origine des manifestations profanes.
C'était aussi pour leur protagonistes la
condition d'obtenir l'autorisation de se
réunir pour jouer. Elles sont maintenant
présentes de manière récréatives à
l'intérieur des cérémonies vodou, pour
ménager des pauses. On y jouera
volontiers un minué,
ou une polka, avant des
genres plus africains et percussifs pour
aller vers la transe.
Pour l'ensemble de ses contredanses dites "haïtiennes", le même instrumentarium est utilisé :
trián : idiophone métallique constitué d'une pièce plate percutée.
tambujé ou pandereta : tambour sur cadre de fort diamètre. La peau de chèvre est tendue par une cordelette, ou par des tirants et un cerclage métallique sur les versions modernes. Selon les rythmes, de une à trois parties de tambujés différentes peuvent être jouées.
Des instruments européens comme le violon ou l'accordéon sont parfois présents en complément des percussions africaines dans ces contredanses jouées par les Haïtiens. L'accordéon, très peu utilisé dans les musiques populaires cubaines, l'est essentiellement par son apport par les "Français" [16], la bourgeoisie espagnole lui préférant de loin la guitare. Le violon, instrument joué quelque soit les classes sociales, est utilisé comme mélodiste ainsi que dans bon nombre de musiques populaires.
- La polka.
Cette danse d'origine slave et de Bohème aura tôt fait d'être popularisée sur tout le territoire de France métropolitaine dès le début du XIXe siècle. Elle est ensuite adoptée par les français des Antilles. Dans les communautés haïtiennes de Cuba, elle est dansée en quadrille. Si l'on y conserve sa vélocité d'origine assez soutenue, la métrique à deux temps ne sera pas figée. Suivant le rythme du texte chanté, certaines polka seront à cinq, six ou sept temps. A la fin de chaque cycle rythmique, les danseurs doivent marquer un sautillé ou un pas en avant, puis marquer un arrêt. Tout le jeu et l'habileté des exécutant est de savoir s'arrêter à temps, en même temps que la fin de chaque phrases musicales.
Percussion : trián, deux parties de tambujés.
Lien : polyrythmie de polka transcrite par Daniel Mirabeau (pdf)
Un exemple de chant de polka, Rafael Cisnero Lescay, du Ballet Folklorico Cutumba
Créole cubain : Mamuasel
sa, mamuasel sa |
Créole haïtien : Madmwasèl
sa, madmwasèl sa |
Français : Cette
mademoiselle, cette
mademoiselle Maman
danser, maman danser |
Lien : partition du chant Mamuasel sa vini, par D. Mirabeau (pdf)
- Le lété.
Le
lété ou" l'été" est à l'origine une
contredanse européenne du début du XIXe siècle.
C'est la deuxième des figures
chorégraphiques du quadrille à la
française
En voici la liste des pas :
En avant-deux ; En arrière ; Chassé à
droite ; Chassé à gauche ; Traversé ;
Chassé à droite ; Chassé à gauche ;
Retraversé ; Demi-Balancé ; Tour de
main.
La chorégraphie haitiano-cubaine est
similaire à celle de France
métropolitaine.
Percussion : trián, catá, deux parties de tambujés
Lien : polyrythmie de Lété par Daniel Mirabeau (pdf)
Un exemple de chant de lété, transmis par transmis par Santa Martinez, du groupe Lokosia de Guantanamo
Créole cubain : Lo
mama que piti fi |
Créole haïtien : Lou
w manman ke pitit fiy |
Français : C'est
dur d'être fille-mère |
Lien
: partition
du chant Lo
manman,
par D. Mirabeau (pdf)
- Le minué ou menuat.
Etait à l'origine dansé par les esclaves de haut rang chargés des tâches domestiques. Leurs maîtres arrivés à Cuba ne dansait plus le menuet. Ils l'avaient remplacé par la valse, dont le tempo plus soutenu et l'aspect giratoire était plus grisant. A la fin du XVIIe siècle, le menuet est introduit dans les suites de danses de la cour de Louis XIV. Il trouverait son origine dans les danses villageoises du Poitou. C'est une danse à trois temps, d'allure modérée. C'est alors une danse de ronde et de ligne où l'ensemble des participants se tiennent par la main. Les chorégraphies vont se complexifier avec l'adoption de cette danse par les différentes cours européennes. Pour autant, la vélocité modérée et le caractère distingué sont uniformément conservés.
Au cours du XIXe siècle, le menuet connaît son déclin en Europe, éclipsé par la valse. Il fera cependant florès dans les colonies françaises (Antilles, Madagascar). Sur l'île de Saint-Domingue, il est dansé lors des soirées mondaines. Les maîtres français exilés à Cuba l'ont déjà quasiment abandonnés. Cependant, il perdurera par son adoption par les esclaves de haut rang des plantations, officiant dans la maison coloniale. C'est donc au travers des danses des Noirs et créoles que vont se transmettre certains mouvements chorégraphiques.
Pour la musique, comme nous l'avons vu précédemment, les mélodies instrumentales européennes sont recréées par le chant et les tambours.
Le
menuet, comme la plupart des
contredanses haitiano-cubaines est
rarement joué de nos jours. Quelques
compagnies artistiques le proposent
encore parfois. On l'entend également
dans les phases récréatives de
certaines cérémonies vodou, comme pour
Ercili Lua Blanch, esprit féminin
particulièrement distingué.
Dans les formes qui nous ont été
données d'observer, on utilise deux
parties de tambujé et le trían
pour l'accompagnement musical.
Percussion : trián,
deux parties de tambujés.
Lien : polyrythmie de Minue, transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Lien vidéo : Rythme de Minue par des percussionnistes de Cutumba & Invités, 2012. Captation Daniel Mirabeau
Un exemple de chant de minué, transmis par Rafael Cisnero Lescay du Ballet Cutumba : Minue soleo
Créole cubain : Minui
soleo sele mue sa |
Créole haïtien : Minwi
sò lè o se lè mwen sa |
Français : O,
minuit, l'heure des sorts,
c'est mon heure Si
ils me le demandent j'irais La
famille est rassemblée là,
agoé! |
Lien
: partition du chant
Minui
soleo par
Daniel Mirabeau
- La vals.
La valse, qui gagne ses lettres de noblesse à Vienne sur la fin du XVIIIe siècle, va ensuite gagner toute l'Europe. Cette danse de couple prend le contrepied des danses de cour collectives telles que la pavane et les contredanses. Elle va peu à peu remplacer le menuet, lui aussi à trois temps. On apprécie plus le côté grisant du mouvement giratoire de la valse.
A
l'image du parcours transatlantique
que suivront d'autres genres
musicaux et de danses amenés dans la
Caraïbe par les français, la valse
connaitra un certain succès à Cuba.
Connue au XIXe siècle
sous le nom de "vals tropical", elle
fera le bonheur des salons
bourgeois, aussi bien pour le
concert que pour la danse. Des
compositeurs cubains tels que
Raimundo Valenzuela en écrivent,
s'inspirant de thèmes d'opéras et de
zarzuelas de l'époque. Elles
résonnent aussi dans les
cafés-concert du Tivoli, quartier
français de Santiago de Cuba. De
même que pour la polka ou le menuet,
les gens de maison des propriétés
françaises appréciaient la vals et
la réinventent en fonction des
instruments de musique à leur
disposition. Ils utilisent là aussi
des tambujés et le trían.
Parfois un accordéon, un violon ou
une flûte en bambou se rajoutaient à
l'instrumentarium de base. De nos
jours, la vals a quasiment disparue
des fêtes des communautés
haïtiennes. Cette extinction est
récente, car la majorité des
personnes-ressources étaient encore
capables ces dernières années de
nous en jouer et chanter plusieurs.
Lien : polyrythmie de vals par Daniel Mirabeau (pdf)
Chante à danse, transmis par Orlando Aramis Brugal Suarez, Conjunto Folklórico Babúl , Guantanamo
Créole
cubain :
Chante a danse, jusque vini soley La Lili se bel fanm, costum bleu Chante a danse, jusque vini soley La Lili se bel fanm, costum bleu Chapo tonbe li, tonbe li chapo Chapo tonbe li, tonbe li chapo |
Créole
haïtien :
Chante a danse, jusque vini solèy La Lili se bèl fanm, costum bleu Chante a danse, jusque vini soley La Lili se bèl fanm, costum bleu Chapo tonbe li, tonbe li chapo Chapo tonbe li, tonbe li chapo |
Français
:
Nous avons chanté et dansé jusqu'à l'aube La Lili est belle dans son habit bleu Nous avons chanté et dansé jusqu'à l'aube La Lili est belle dans son habit bleu Le chapeau est tombé, est tombé le chapeau Le chapeau est tombé, est tombé le chapeau |
Lien : partition du chant Chante a danse par D. Mirabeau (pdf)
- L'eliansé ou lianset.
A l'instar des danses de salons
citées précédemment, le genre
suivant serait né dans la
Caraïbe, du métissage des
cultures indigènes, européennes
et africaines. Si l'on ramène le
mot à une traduction littérale
en créole haïtien (E
lyen se = Et le lien
est), il mettrait en valeur le
caractère liant et convivial de
cette danse.
C'est une danse de couple, de
cycle ternaire à deux temps et
de vitesse lente à moyenne. De
même que la plupart des
contredanses, l'eliansé n'est
plus joué en spectacle par les
ballets professionnels. Seuls
quelques "groupes porteurs*
comme Lokosia (Guantanamo) ou
Pitidansé (Las Tunas) le
pratiquent encore.
*Un groupe porteur est une
formation de danse et de
musique qui maintient 'une
tradition culturelle
ancestrale.
Un exemple de chant d'eliansé, transmis par Orlando Aramis Brugal Suarez du groupe Babúl de Guantanamo
Créole cubain : A
la Janjan bode |
Créole haïtien : A
la Janjan bodè |
Français : Ah
la la, Janjan est courbé |
Lien : partition du chant A la Janjan bode, par D. Mirabeau (pdf)
- Merengué ou méringue. Il est difficile d'établir avec certitude où et par qui est né ce genre musical, tant il fût rapidement populaire aussi bien dans les Antilles françaises que dans la Caraïbe espagnole.
La version actuelle du merengué haitiano-cubain qu'il nous a été donné d'observer n'est en aucun cas lascive. C'est une danse de couple, sans mouvements des hanches (vacunao) ou positions sexuellement suggestives. Sa vitesse d'exécution est moyenne, sans la tension et la rapidité qu'il peut y avoir dans le merengué dominicain. Les mélodies gaies, sur le mode majeur sont accompagnées par les tambujé et le trían. Quelques groupes utilisaient encore l'accordéon dans le merengué ou sur d'autres genres de salon dans les années '80. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, son usage dans ce contexte était exclusif des musiciens venus d'Haïti dans leur jeunesse.
On peut le jouer à l'intérieur d'une cérémonie vodou à des fins récréatives.
Instrumentarium : trián, lata, 3 parties de tambujés.
Un chant de merengué haitiano, Pa te la se di o di mue, transmis par Nancy Aviles Lopez, de La Bel Kreyol
Créole cubain :
Pa te la se di
yo di mue
Pa te la se di yo di mue Anita mache dan la nui deye le fua Col fe'l mal Anita pe crie Ou pa bezwen crie Larjan secre |
Créole
haïtien :
Pa te la se di yo di
mwen
Pa te la se di yo di mwen Anita mache dan lannuit deyè le fwa Ko'l fè'l mal Anita pe kriye Ou pa bezwen kriye Larjan sekrè |
Français
:
Je n'étais pas là,
c'est ce qu'ils
m'ont dit
Je n'étais pas là, c'est ce qu'ils m'ont dit Anita marchait tard dans la nuit et dans le froid Son corps lui faisait mal Ce qu'Anita pouvait crier Tu ne dois pas pleurer
L'argent est au
secret
|
Lien : partition du chant Pa te la par D. Mirabeau (pdf)
- Le foltró
(ou fox-trot)
Cette danse de salon est encore donnée dans les bals de certaines communautés haïtiennes, comme Piti Dansé à Las Tunas. Le fox-trot ou "pas du renard" est originaire des Etats-Unis. Il est né d'un métissage entre negro-spiritual et rag-time. C'est une danse de couple, qui s'exprime sur plusieurs séquences alternant vitesses lentes et vives. La forme haitiano-cubaine se joue exclusivement sur la partie lente. Les pas de danse sont semblables à ce que nous connaissons en Europe sous le nom de slow-fox. Les instruments accompagnant le chant sont les tambujés, des maracas et un trián.
Avec une forte présence de troupes militaires et d'entreprises américaines à Cuba depuis son indépendance jusqu'à 1934, il n'est guère étonnant qu'une partie de la culture états-unienne ai été adoptée par les Cubains. Certains quartiers ont été entièrement américains (Palma City, village d'Esmeralda dans la province de Camagüey, Omaha, village de Majibacoa, province de Las Tunas).
Un exemple de chant de foltró, transmis par Ramón Hilmo Samdi de Piti Dansé (Las Tunas) :
BONJOU MANMAN BONJOU
Créole haïtien | Français |
Bonjou
manman bonjou Bonjou papa bonjou Bonjou manman bonjou M'ap pe mande kouman ou ye? Maman pa bezwen kriye Papa pa bezwen fache Bonjou Manman bonjou M'ap pe mande kouman ou ye? |
Bonjour
maman bonjour Bonjour papa bonjour Bonjour maman bonjour Je vous demande comment allez-vous ? Pas besoin de pleurer, maman Pas besoin de se fâcher, papa Bonjour maman bonjour Je vous demande comment allez-vous ? |
Lien
vidéo : Foltró
Sous
la tonnelle,
Piti Dansé (Las
Tunas), en 2017,
captation Daniel
Mirabeau
- La
habanera
Les
styles musicaux
de vitesse lente
que sont la
habanera ou le
bolero ne sont
pas des genres
originaires de
l'île de Saint
Domingue.
Cependant, ils
sont tellement
appréciés à
Cuba, qu'ils ont
été adoptés par
les communautés
haïtiennes. Des
textes en
créoles sont
écrits sur ces
rythmes incitant
au romantisme ou
à la mélancolie.
Quand ils sont
joués dans une
fête
haïtiano-cubaine,
ils permettent
de calmer les
esprits
échauffés par le
vodou ou le
masún. Comme
pour les
contredanses, on
accompagne le
chant de la
habanera et du
bolero avec des
tambujé et une
paire de
maracas.
La Habanera
(l'havanaise)
est née au
milieu du XIXe
siècle à Cuba. Elle dérive
d'une séquence dansée en
couple dans les contredanses
créoles, à laquelle on
aurait ralenti le tempo.
Elle sera acheminée jusqu'en
Europe par les marins
espagnols et, dans au moins
un cas, par un compositeur
de la péninsule (Sebastián
Yradier qui composa des
habaneras après un voyage à
Cuba autour de 1860,
lesquelles servirent de
modèles, outre-pyrénées) et
sera vite adoptée par le
monde musical. Chabrier,
Bizet, Debussy, Ravel pour
ne citer que les
compositeurs français, vont
en écrire des fameuses. Elle
sera aussi présente dans les
musiques populaires.
Lien : polyrythmie de habanera transcrite par Daniel Mirabeau
Un exemple de habanera, transmise par Orlando Brugal Suarez du groupe Babúl (Guantanamo) :
Créole haïtien | Français |
Èzili
bo ga, o
Bondye Janti fiy kò sesa, o Bondye Èzili bo ga, o Bondye Bondye Bondye sesa, o Bondye Bondye manman bo ga O Bondye Ae Dantò sesa O Bondye Gade m'gan Èzili sa O Bondye Velekete Mapyang sesa O Bondye Ou wè nou manman bo ga O Bondye |
Ercili
est belle, ô
Seigneur C'est une gentille fille, ô Seigneur Ercili est belle, ô Seigneur C'est ça ô seigneur, ô Seigneur Seigneur, une belle maman Ô seigneur Aé ça c'est Danto Ô seigneur Regardez, c'est la grande Ercili Ô seigneur Ca c'est Velekete Mapyang Ô seigneur Nous voyez vous belle maman Ô seigneur |
Par
Orlando Aramis Brugal
Suarez
Lire
la partition
- Le bolero
Le
bolero
típico cubano
est né dans les
années 1840. C'est
une danse de couple
de vitesse lente, à
quatre temps, avec
peu de syncopes. La
première partition
parvenue jusqu'à
nous est celle de
Pepe Sanchez, Tristeza,
qu'il publie à
Santiago de Cuba en
1884. Le boléro
cubain connaît son
âge d'or de 1930 à
1950. Noyer le grand
public sous des
flots de romantisme
permettait aux
pouvoirs successif
d'occulter les
questions
politiques. C'est un
genre encore
apprécié des
cubains, même des
jeunes générations.
Un festival de
bolero a lieu chaque
années à Santiago de
Cuba.
Un exemple de bolero,
transmis par Orlando
Brugal Suarez du
groupe Babúl
(Guantanamo) :
MADANM
AJE
Créole
haïtien |
Français |
Madanm
aje Pou ki mache kòm sa Madanm aje Pou ki mache prese Madanm aje Pou ki mache lannui Madanm ay o m' Pa ke w mache pèdi onè |
Madame
âgée Pourquoi marchez vous comme cela Madame âgée Pourquoi pressez vous le pas Madame âgée Pourquoi errez-vous dans la nuit Ô ma Madame, hélas! Pourquoi battez vous le pavé, et votre réputation? |
Par Orlando Aramis Brugal Suarez
- Le rasiñé ou resegné ("résigné" en français)
Lien : Polyrythmie
de rasiñé transcrite par
Daniel Mirabeau
Un exemple de chant de rasiñé, transmis par Andres Lopez Hodelin "Mesie"
Créole
cubain : Risque m'risque la vi m' Pu pran youn fanm qui pa bon Risque m'risque la vi m Pu danse avec youn fanm qui pa bon |
Créole
haïtien
: Riske m'riske lavi m' Pou pran youn fanm ki pa bonn Riske m'riske lavi m' Pou danse avek youn fanm ki pa bonn |
Français
:
Je risque, je risque ma vie De tomber sur une femme mauvaise Je risque, je risque ma vie De danser avec une femme mauvaise |
Lien : partition du chant Risque m'risque la vi, par D. Mirabeau (pdf)
Notes de la partie 1
[1] Haïti et Santo Domingo se partagent l'île antiquement nommée Hispañola (Petite Espagne). La colonie française de Saint-Domingue, qui précède Haïti est le premier territoire caribéen à abolir l'esclavage en 1793 (abolition généralisée dans les possessions de la République française en 1794 avant que Napoléon rétablisse l'esclavage et la traite : 1802). La situation révolutionnaire aboutit à l'indépendance en 1804.
[2] ou patuá. Ce mot utilisé couramment par les locuteurs est considéré aujourd'hui par beaucoup comme discriminatoire.
[3] "Le kreyol de chez nous est mâtiné d'espagnol, l'orthodoxie du langage se perd" (témoignage d'Alexis Alarcón de la Casa del Caribe).
[4] Les anciens propriétaires terriens d'Haïti s'installent également aux Etats Unis : en Floride (proche), Nouvelle Orléans et Louisiane où sont déjà présentes des communautés françaises.
[5] Regroupaient par ethnies les différents esclaves venus d'Afrique. Ce regroupement ethnique imposé par les autorités était une des conditions de leur légalité. Ils avaient des portées cultuelles, sociales et culturelles.
[6] On appelait "Français" toute personne immigrée en provenance de l'île de Saint Domingue, quelque soit sa couleur de peau ou son statut social. Les esclaves et affranchis portaient le nom de famille français de leur ancien maître.
[7] L'usage du roi a aujourd'hui disparu.
[8] Classée au patrimoine mondial culturel immatériel par l'UNESCO depuis 2003.
[9] La phrase est à double sens. Comme pour beaucoup de chanson en créole, il y a un jeu de mot ici entre un nom propre et une situation. Maria de la O Soquendo était la dignitaire d'une antique comparsa de Santiago, El Cocoyé. Une zarzuela d'Ernesto Lecuona porte son nom.
[10] Ce paragraphe fait référence à la révolution de 1959 et au maquis dans les montagnes de la Sierra Maestra.
[12] Genre musical de défilé né au début du XXe siècle, particulièrement vivace à Santiago de Cuba.
[13] Genre musical de défilé né des processions des cabildos au début du XIXe siècle.
[14] Aussi bien pour la tahona que la carabalí , l'hechacorral ("hechar correr" ou littéralement "faire courrir") consistait à tenter de capturer la reine de la carabalí adverse (el rapto de la reina). Le groupe s'étant le mieux mis en valeur par son défilé, avait l'autorisation d'emmener plusieurs jours durant la reine du groupe adverse dans son quartier. Elle participait alors aux activités domestiques jusqu'à la fin des festivités carnavalesques. cf. El cabildo Carabali Isuama, Nancy Perez, Editorial de Oriente, Santiago de Cuba, 1982.
[15] D'après les témoignages collectés dans les communautés haïtiennes, les contradanzas sont parfois présentes lors de la misa blanca dédiée à Ercili. Cet esprit vodou représentant la féminité est délicat et apprécie le raffinement des danses de salon.
[16]
Français, dans le sens
d'immigré haïtien de
première génération. Le
terme ancien à Cuba ne
distingue ni couleur de
peau ni condition sociale
(ancien esclave, ancien
propriétaire terrien).
Conuco, autre terme tombé
en désuétude désignait les
Haïtiens sous contrat
employés dans les
centrales, exploitations
agricoles du début du XXe
s.
[17] Interjection de contentement courante dans le répertoire créole haïtien.
[19] L'auteur se réfère ici à une conférence sur « Les substrats africains, syncrétisme et diversification » de Manuel Martínez Casanova (Université de Villa Clara), lors du Festival del Caribe 2012.
[20] au profit d'une doctrine communiste unique après la révolution socialiste. Comme nous le verrons plus avant, les instances culturelles nationales insuffleront d'autres directions contradictoires, avec la création des Conjuntos Folklóricos.
[21] L'anthropologue cubain Jesús Guanche invente l'expression « ochatur », au sujet du tourisme religieux en général et celui de la santería en particulier.
[22] Fondé en 1981, se déroulant chaque mois de juillet à Santiago de Cuba.
[23] Fondé en 1999.
[24] Fondé en 2008.
[25] C'est le cas de l'Instituto Superior de Artes de Santiago de Cuba et de celui de Camagüey.
[26] cf. l'absence d'une seule ligne sur les cultures haïtiennes dans le Guía de estudio del folklor cubano de Graciela Chao édité en 1979. Ce manuel édité à La Havane est distribué dans les succursales de province de l'ISA et sert encore de référence à ses professeurs. A la décharge des auteurs de cet ouvrage, la première représentation d'un spectacle avec du gagá dans un théâtre de La Havane, date de 1972, ainsi que les premières marques d'intérêt de la presse nationale pour ce type de spectacles.
De manière générale, les cultures d'origine africaines furent très longtemps déconsidérées à Cuba [19], par racisme et volonté de contenir l'émancipation des groupes les revendiquant [20]. Quelques pages sombres de son histoire l'attestent, comme le massacre des membres du Parti des Indépendants de Couleur en 1912. Il en va de même avec les immigrés haïtiens, noirs de peau pour la plupart, qui vont eux aussi connaître ce racisme dans la population cubaine.
Cuba a connu des périodes où l'on a favorisé une politique d'immigration de la part du voisin haïtien, cherchant à acquérir une main d'?uvre bon marché ; d'autres périodes de récession économique ont engendrées ces tensions vis à vis de ces nouveaux arrivants.
Ces tensions ont des implications directes sur les rassemblements et fêtes des haïtiens. Pour exemple, un article dans le périodique el Conservador de Oriente en 1910. Est dénoncé aux forces de police "un rassemblement bruyant et malséant dans le quartier de la loma del chivo (Guantanamo), où sont domiciliés les Haïtiens. Tambujés, tumbas et accordéons résonnent accompagnant des chants incompréhensibles. Les policiers sur place constatent également des sacrifices d'animaux. Une dizaine des participant ont pu être capturés, tout en opposant résistance".
Un autre témoignage, en 1923. Le document est un tapuscrit de plainte officielle adressé au maire de Guantanamo par Frederico Durruthy, président de la tumba francesa La Pompadour. La société vient de subir une fermeture et interdiction de réunion. On les soupçonne de pratiques de danses de bembé et de sacrifices d'animaux.
Si la bonne société de la jeune République cubaine est friande de l'art de vivre des français, elle l'est moins dans la négritude de ces créoles originaires de l'île de Saint Domingue. Ce rejet va se prolonger durant la République cubaine, même après la révolution socialiste de 1959. Pour ne parler que du religieux : la société coloniale ne considère pas avec bienveillance la pratique du vodou, un rite païen de personnes qui se disent également chrétiens catholiques. Les cultures de racines africaines seront tout de même valorisées avec la création du Folklorico de Oriente (1959) puis du Conjunto Folklorico Nacional (1962), puis d'autres compagnies artistiques représentant les cultures folkloriques, populaires et ethniques. Avec la révolution socialiste, on assiste à une dichotomie paradoxale dans la ligne politique: la création et le soutien au compagnies folkloriques mais aussi une tolérance modérée pour les cultes ethniques au profit d'une idéologie nationale unique. La liberté de culte n'est inscrite dans la constitution cubaine que depuis 1992. Le multi-culturalisme est mis en avant dans les années 90 où l'on perçoit alors son intérêt dans le développement de l'industrie touristique.
Les musiques haïtiennes à Cuba connaissent une reconnaissance récente comme patrimoine culturel du pays. Depuis 1981, des organismes comme la Casa del Caribe avec entre autre son Festival del Fuego [22], fait se produire des groupes porteurs de la communauté haïtienne, ?uvrant également par ses travaux scientifiques et sa collecte des patrimoines d'Oriente. D'autres manifestations plus récentes comme le Eva Gaspar Festival de Ciego de Avila [23] ou le Festival Buá Cayman d'Holguín [24] attirent également l'attention des médias nationaux. Les danses et musiques issues du folklore haïtiano-cubain sont enseignées depuis peu au sein de certains instituts supérieurs [25]. Les ouvrages et guides de scolarité ne font pas encore écho à cette culture marginale [26], La Havane a exercé là aussi son hégémonie et son centralisme.
Dans le domaine des sciences humaines, on constate le peu de travaux publiés à Cuba sur les populations afro-haïtiennes, en comparaison des investigations, entre autres, sur la santería. La disparition progressive du créole comme langue vernaculaire atteste également de la difficulté de la communauté haïtienne à maintenir ses traditions.
Danse créole,
gravure, XIXe
s., auteur
inconnu
- Le gagá, une manifestation culturelle à part entière
Le
gagá
est une
manifestation
culturelle
d'origine
haïtienne bien
plus vaste que
ses simples
aspects de
danses et de
musique. Elle
est nommée ban
rara en
Haïti, gagá dans les communautés haïtiennes de République Dominicaine et
de Cuba.
Au XIXe siècle à Cuba, les créoles libres appartenant à une sosyété avaient l'autorisation de défiler au son du gagá lors de certaines fêtes du calendrier de l'avent, de même que les cabildos de nación .
Cette tradition a perduré au XXe siècle et jusqu'à nos jours, la semaine sainte était la période la plus fastueuse de cette manifestation (semaine précédant Pâques). Chaque groupe de gagá représentait la communauté haïtienne d'un quartier ou d'un village et rendait visite à ses voisins au son des tambours et conques marines. Les défilés durant la Semaine Sainte diminuent dans les années '60. Le travail intensif lors des campagnes nationales de coupe de canne à sucre (zafra) n'autorisait pas à une semaine de congés pour ce type de manifestation. Actuellement, il ne reste plus que Piti Dansé à Las Tunas qui continue à déambuler avec le gagá pendant la Semaine Sainte. Les défilés ne sont qu'une partie d'une fête communautaire comprenant des parties profanes et des cérémonies vodou. L'ensemble est nommé gagá de la Semana Santa, ce qui peut porter à confusion quand à la vocation profane du défilé de gagá .
Deux évènements circonscrivent le gagá de la Semana Santa.
- Le
premier jour
des
festivités, on
fait sonner la
caolina. C'est un arc-en-terre qui aura une fonction de basse
harmonico-rythmique.
Il
accompagnera
les chants
d'ouverture de
la semaine de
festivités.
Selon les
groupes, ces
chants sont
soit
accompagnés
seulement par
la caolina,
comme chez
Piti Dansé
(Las Tunas),
soit en
rajoutant un tambujé
et quelques
baksin,
comme pour la
Flè nan
inosens
(Camagüey). Le
faible volume
sonore de la
caolina ne
supporte pas
d'autres
instruments si
elle souhaite
se faire
entendre. Pour
plus de
renseignements
sur la caolina
:
http://www.ritmacuba.com/instrumentsCuba.html#Tumbandera,
ainsi que
http://www.ritmacuba.com/interview-Ramon-Hilmo.html
- En clôture
de la semaine,
on brûle le dyab,
un mannequin
de paille et
de bois dont
l'autodafé
conjurera le
mauvais sort.
Une autre
terminologie
plus ancienne
désigne cet
artefact : on
le nommait le
juif.
L'acception du
mot est
ambivalente et
varie selon
les
transmetteurs
haïtiens : le
juif
représente le
mal, mais
aussi la
crucifixion du
Christ au
Golgotha qui
prend les
péchés du
monde. Cette
tradition
clôturant les
festivités de
gagá vient
visiblement de
France
métropolitaine,
où l'on brûle
encore
Monsieur
Carnaval à la
fin de la fête
célébrant
l'arrivée du
printemps.
Seul Piti
Dansé à
Las Tunas
continue à
entretenir
cette
tradition dans
les fêtes de gagá.
Gran gagá du
Festival del
Caribe,
Santiago de
Cuba, 2012 ©
Daniel
Mirabeau
Désormais,
le gagá
est plus
généralement
joué lors des
festivals
(Gran Gagá du
Festival del
Caribe à
Santiago de
Cuba, Eva
Gaspar
Festival,
etc...). Il
est
fréquemment
joué dans les
spectacles des
groupes
folkloriques
d'Oriente
(cf
plus bas).
Un
groupe de gagá
comprenait
toute une
organisation,
du simple
homme du rang
jusqu'au chef
de la colonne
de défilé.
Reviennent
fréquemment,
dans la
dénomination
des rôles de
chacun, des
références aux
titres
militaires ou
à la royauté.
Le chef de la
colonne peut
être dénommé mayoral
(contremaître),
ou wa
dyab (roi
diable). La
responsabilité
morale du
groupe revient
à la reine (larènn),
le
président
quant à lui
veille à
l'organisation
du groupe.
Lorsque la
colonne de gagá
fait halte
dans un
village, la
reine présente
ses hommages
au responsable
de la
communauté
visitée. On
donne alors de
l'eau pour
rafraîchir
l'ensemble de
la troupe.
Vient ensuite
le pòt
kobèy (porte-corbeille),
tenant une
sébile d'osier
au bout d'un
bâton. Il
récolte les
dons des
spectateurs
satisfait de
la prestation.
Avant le
départ de la
colonne, un
éclaireur (sentinèl) rend compte des difficultés topographiques et des
mauvaises
rencontres à
éviter, comme
un autre
groupe de gagá (c'était souvent l'occasion d'échauffourées). Dans les hommes
de tête de la
colonne, l'un
fait claquer
son fouet (le
majòr
fwè), pour
chasser les
mauvais
esprits et
ouvrir le
passage. Un
autre muni
d'un siflet (pito)
remplit
l'espace
sonore de ces
stridulations,
contribuant à
électriser le
groupe. Le major jong effectue lui une série de jonglages avec son bâton, à la
manière des
majorettes
dans les
groupes de
twirling-bâton.
Au milieu de
la colonne les
pòt
drapo
brassent l'air
avec de larges
étendards qui
donnent à
distinguer au
loin la troupe
de gagá.
Le major
somba va
donner la
cadence à la
déambulation
et dirige
l'ensemble de
la musique. Le
ka mouye
(camillé
en créole
cubain) est en
charge de la
distribution
de boissons :
ti
fey
(rhum aux
plantes ou au
piment), prú
(boisson aux
écorces et
plantes
médicinales),
eau.
Pour
ce qui est des
danses, c'est
le major
lamé
qui montera
les
chorégraphies
et en
contrôlera
l'exécution.
Pour le pas de
base, il
convient de
sauter prenant
appui d'une
jambe à
l'autre, tout
en effectuant,
de temps à
autre, des
pirouettes. Le
major zanco danse lui aussi, mais du haut de ses échasses. Quand la
troupe
s'arrête lors
d'une pause ou
à l'arrivée du
défilé, ce
seront des
danses
individuelles
qui seront
préférées. Le
spectaculaire
est alors
recherché par
la mise en
danger de
l'exécutant,
ses tours de
forces et
acrobaties. Le
major
machèt
exécutera des
jongleries
avec ses
sabres, se
passant l'un
d'entre eux
sur la langue
ou sur le
torse, le tout
avec force de
sauts
périlleux. Le
major
table évoluera
en portant une
table dressée
(vases, verres
et bouteilles)
à la seule
force de ses
mâchoires.
D'autres
figures
s'effectueront
en crachant du
feu ou en
marchant sur
des tisons
ardents. Le mayor
semosant
a la faculté
de manger du
verre ou de
cracher du
feu.
D'autres
valeureux
danseurs
marcheront sur
des tisons
ardents ou
sauteront par
dessus les
flammes.
Seules les
danses de gagá
des
compagnies
artistiques et
folkloriques
sont
chorégraphiées
de manière
collective.
Elles
reprennent des
pas et des
accessoires
présents dans
ces danses
individuelles.
Il est
difficile de
circonscrire
entièrement
les danses et
musiques du gagá
tant les
terminologies
sont
disparates
d'un locuteur
à l'autre. Le
même mot est
utilisé pour
des signifiés
différents,
selon la
région du
locuteur. Une
étude
comparative de
ce genre entre
Haïti, Saint
Domingue et
Cuba donne
toutefois des
pistes
intéressantes.
Les
manifestations
de Ban
rara
trouvent leur
origine lors
des premières
années de la
jeune
République
Noire d'Haïti.
Une partie du
vocabulaire
lié au rara
reprend des
terminologies
des musiques
militaires des
troupes
françaises : ochan
(au
chant), raboday (déformation de "à l'abordage!"), kou
dyann
(coup de
Diane). En
Haïti dans les
années '40, le
gouvernement
Lescot tente
de mettre un
frein à
certains types
de
manifestations
populaires. Il
ne parviendra
pas à contenir
le phénomène Ban
Rara trop
ancré dans la
culture des
couches
sociales les
plus humbles.
En République
Dominicaine
dans les mêmes
années est
interdite la
danse de gagá
baka,
jugée trop
indécente et
créant des
troubles à
l'ordre
public. Elle
sera remplacée
par le chayopye
venant
d'Haïti, dont
la
chorégraphie
est considérée
comme moins
obscène. Deux
pistes
étymologiques
sont possibles
pour expliquer
ce mot de chayopye.
Une
première est
un adjectif du
vieux
français,
"chaille",
signifiant un
ordre de
grandeur
important,
donc
littéralement
"une multitude
de pieds".
Cela
s'explique par
la foule
présente dans
une colonne de
gagá.
La deuxième
est une
référence aux
entraves
portées par
les colonnes
d'esclaves (chènn
o pye), le
son des pas
simultanés et
le tintamarre
provoqué par
le bruissement
des chaînes.
Sur le
territoire
cubain, deux
types de gagá
sont
présent : le gagá
chay qui
reprend
l'essentiel
des aspects du
chayopye
et le pingué
(déformation
du créole
haïtien pligè,
plus gai) qui
est joué en
statique,
reprenant
l'ensemble des
danses
individuelles
citées
auparavant.
Dans la confection des costumes, on privilégiera
des couleurs
vives, pour
que la troupe
de gagá
soit
perçue de
loin. Le
rouge, le bleu
et le blanc
sont
prédominants,
références au
drapeau
haïtien. Ces
trois couleurs
ont également
une symbolique
religieuse,
chacune
représentant
un panthéon
d'esprits
vodou. L'habit
traditionnel
en tissu
bleu-ciel est
aussi porté,
symbolisant
l'appartenance
à la
communauté
haïtienne,
même s'il ne
fait plus
partie des
vêtements du
quotidien. La
culture de
l'indigo, à
l'origine des
teintures
bleues pour
tissus, est un
apport des
Français à
Cuba, donc des
communautés
haïtiennes.
Une autre
élément de
costume gagá
est de
recouvrir le
haut, la jupe
ou les
pantalons de
bandelettes de
tissus
bigarrés. Les
wa
dyab
(roi-diables)
sont dotés
d'une coiffe
spécifique
nommée flèch
en créole.
C'est un un
arbuste, ou
une structure
métallique
ramifiée sur
laquelle sont
accrochées ces
bandelettes de
tissus
voyants. Ils
doivent
maintenir
fièrement leur
coiffe vissée
sur la tête
tout en
dansant et
haranguant la
foule.
Concernant la partie musicale, il y a deux genres
principaux
pour le gaga
cubain, le chay
et le pingué. Deux autres styles lui sont apparentés, le cunyai
et la kanekela répondant aux même contextes de jeu.
- Le gagá
chay: de
vitesse lente
à moyenne. On
le dit
«pesant,
lourd». Ceci
s'explique
dans sa
filiation à la
forme chayopye
du rara
haïtien. Il
est joué pour
accompagner la
déambulation,
d'où une
vitesse
d'exécution
modérée.
-
Le
gagá pingué
[28]
: de vitesse
rapide et
exécuté en
statique, il
accompagne les
danses
individuelles
citées plus
haut. Il est
proche du
genre raboday
joué en Haïti.
Le mot pingué
en Haïti
désigne aussi
une lutte
rituelle qui
se déroule
lors de la
semaine
Sainte, sur
des terrains
en terre
battue. C'est
un type de
lutte
majoritairement
masculine,
originaire du
département de
Grande Anse
(Sud-Ouest du
pays). Il
gagné au cours
des dernières
décennies les
centres
urbains et les
faubourgs de
la capitale.
Des tournois
de pingué sont
organisés au
stade Sainte
Thérèse de
Pétionville
par une
association
locale visant
la
préservation
et la
reconnaissaince
publique de
telle
pratique. Nous
pouvons faire
des liens
entre cette
autre
acception du
mot pingué et
l'engagement
physique
nécéssaire
pour les
danses du gagá
pingué.
L'autre lien
est d'ordre
musical, car
ces combats de
pingué sont
accompagnés au
son des
troupes de ban
rara (selon le
témoignage de
Giovanna
Salomé,
anthropologue
italienne qui
mène un
travail de
terrain sur le
pingué en
Haïti).
Les chants de gagá sont brefs, le public peut aisément se les approprier en répondant en choeur au chanteur soliste. Les chants destinés au défilé sont majoritairement dans des tonalités majeures quand les textes traitent de faire la fête, et de couleur pentatonique pour ceux où le domaine religieux est cité. Les textes touchent tous les domaines (religieux, vie quotidienne, blague paillarde, politique, histoire). Tous les chants de gagá chay n'ont pas vocation à mettre en musique la déambulation. Une bonne partie traitent du domaine de la mort, laissant deviner qu'ils eurent un usage dans les offices religieux, en particulier pour les Guédé (cf. chap. 2.2.4). C'est aussi un procédé expiatoire ainsi qu'un jeu à se faire peur que de parler des diables et de la mort.
"
Rois-diable
avec leur
coiffe
(flèch), Gran
gagá du
Festival del
Caribe,
Santiago de
Cuba, 2012 ©
Daniel
Mirabeau
Contrairement à la tahona, autre musique de défilé issue des communautés haïtiennes, le gagá a su rester une tradition vivace. son ancrage dans le milieu rural du batey va lui assurer sa survie. Ce type de groupe était absent des défilés de mamarrachos des carnavals à la fin du XIXe et début du XXe siècle. Il va tardivement faire son apparition en ville : une comparsa haïtienne va défiler pendant le carnaval de Santiago de Cuba en 1963. Un groupe de Los Hoyos composé exclusivement d'Haïtiens, va déambuler au son du gagá en 1964. La même année, plusieurs bandes rará sont présentes au carnaval de Guantánamo, aux côtés des habituelles troupes de congas et paseos. La création du Ballet Folklórico de Oriente en 1959 va contribuer faire connaître les danses et musiques haïtiennes dans leur ensemble. Ce groupe va jouer pour la première fois du gagá à La Havane en 1972 remportant un certain succès auprès du public. D'autres compagnies artistiques comme Cutumba à Santiago ou Babúl à Guantánamo vont elles aussi l'adopter. La création du Festival del Caribe en 1981 va grandement contribuer à faire connaître ce genre : par les défilés, la fête du Gran Gagá ainsi que les spectacles donnés par les groupes folkloriques de la communauté haïtienne. Le gagá sera même repris régulièrement par le Conjunto Folklórico Nacional, qui nomme un assesseur responsable de la partie haïtienne dans les années '90.
Un exemple de chant de gagá pingué, transmis par Vicente Portuondo, du Conjunto Folklorico de Oriente : "Pinda maye bombo"
Créole cubain : Pinda [29] maye
bombo Plan
bande oye
permision Iye
permision, pu
danse gagá |
Créole haïtien : Pinga [29] mani
yè bon mo Plan
ban de o yè
pèmisyon Yè
pèmisyon, pou
dansé gaga |
Français : Attention
aux promesses
d'hier, aux
bons mots La
permission
hier nous
avons demandé Hier,
la permission
pour danser le
gaga |
Lien : partition du chant Pinda maye bombo, par D. Mirabeau (pdf)
Groupe " Flè nan inosan" (La fleur de l'innocence"). Ils sortent de la cai mama, le foyer de la reine du gagá. Batey de Ganamaca (Camagüey), 1966 © Pedro Alberto Diaz
Lien
vidéo 1 :
Gran
gagá du
Festival del Caribe 2014 (Santiago
de Cuba), captation Daniel
Mirabeau
Lien
vidéo 2 :
Gagá de Cai Dijé
(Camagüey), Festival del Caribe
2012 (Santiago de Cuba), captation
Daniel Chatelain
- Le trián : idiophone métallique. On peut utiliser un outil agraire détourné de sa fonction d'origine (houe, soc), une pièce mécanique, ou une simple plaque métallique percutée par un clou. L'étymologie sous-entend un triangle, mais l'usage de cet instrument a aujourd'hui disparu. Une autre piste étymologique serait la cellule rythmique généralement effectuée par cet instrument, une figure de trois coups que l'on nommera dans d'autres contextes cubains tresillo. Le trián a la même fonction que la clave dans d'autres musiques cubaines, donnant une assise sur laquelle s'appuie toute l'ossature de la polyrythmie de l'orchestre.
- La lata [30] : caisse métallique similaire au mini-brasero utilisé localement par les vendeurs de cacahuètes grillées. La caisse est accrochée par une ficelle autour du cou pour la déambulation, on la percute avec deux baguettes. Sera joué sur la lata un flot continu de cinq coups (cinquillo), assurant la régularité de la pulsation de tout l'orchestre.Lien : polyrythmie de Gagá, transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Groupe
Mecongo
(Palma Soriano). Debouts au
segond plan : joueurs de guamo
et de baksin,
années 2000 © Patricia Perche
-
La
Kanekela
La
kanekela est un genre musical
apparenté au gagá, né dans la zone
orientale de Cuba. Son invention
remonte peut-être à la période de
1905 à 1933, où les Etats-Unis
avaient la mainmise sur l'industrie
sucrière d'Haïti et Cuba. Beaucoup
d'Haïtiens on traversé pour venir
couper la canne à Cuba. La racine du
mot (kann) laisse apparaître
l'importance du champ sémantique de
la culture sucrière.
Il n'est plus que rarement joué
actuellement, mais on en trouve des
traces dans les vingts dernières
années à Holguín et Guantánamo.
L'instrumentation est identique au
gagá, mais sans baksin.
Instrumentarium: trián,
lata, trois parties
de tambujé, koni
Lien
: polyrythmie
de Kanekela,
transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Un
exemple de chant de Kanekela,
transmis par Rafael Cisnero Lescay
de Cutumba
(pour plus de détails sur ce chant,
cf. http://www.ritmacuba.com/Cancionero-haitiano-cubano_fr#22)
:
Version Créole cubain : De
Cabinda a
Kunene |
Créole haïtien : De Kabinda a KouneneDe Kabinda a Kounene De Kabinda a Kounene Manman mò de ta tou M'a jele Manman mò de ta tou Moun tou e fis nou la Fasil e fas ou Ae, fasil e fas ou manman M'ap bòde travay yo Manman mò de ta tou |
Français : De
Cabinda jusqu'à Kunene |
Lien : partition du chant , par D. Mirabeau (pdf)
Lien
vidéo :
Rythme
Kanekela
par des percussionnistes
de Cutumba &
invités. Captation Daniel
Mirabeau, 2012.
- Les voyages caribéens du cunyai [33]
Genre
musical joué par les troupes de gagá,
mais de manière statique, lors
d'une fête communautaire par
exemple. Il ressemble au gagá
pingué par sa vitesse
d'exécution élevée. Comme pour le
pingué, il ne fait pas
l'objet de pas de danse
particuliers, mais plutôt
d'actions spectaculaires, comme
marcher sur des tisons ardents.
Le mot vient du créole haïtien koudjay,
lui-même déformation du français
"coup de Diane". Les troupes
napoléoniennes étaient réveillées
par cette sonnerie de clairons et
tambours. L'expression était
encore usitée dans le monde
militaire au début du XXe
siècle. Au sens figuré, son usage
caractérise une musique
particulièrement bruyante. En
créole, l'emprunt au champ
sémantique des musiques militaires
est lié aux batailles pour
l'indépendance d'Haïti. Les ban
rara ont fait des emprunts
au vocabulaire des fanfares
militaires pour désigner leur
propres rythmes et
instrumentarium.
Allons du côté des Etats-Unis. Au
XIXe siècle, le coonjai
(variantes : coonjine,
conjaille) était dansé
par les esclaves noirs du Congo
Square de la Nouvelle Orléans et
du Missisipi. La Nouvelle Orléans
accueillit en ce début de siècle
une immigration massive d'exilés
français fuyant l'insurrection sur
l'île de Saint Domingue. En 1809,
ce sera ensuite le tour des
expulsés de l'Oriente cubain. Ces
colons arrivent aux Etats-Unis
avec leurs anciens esclaves
créoles qui dansaient déjà le koudjay.
La chorégraphie va alors se
transformer en une danse imitant
les gestes des dockers manipulant
les balles de coton sur les bords
du Missisipi. Par ailleurs, une
chanson citée par Herskovits
"Dancing the coonjale", parle de
Coonja, un esprit mauvais. Il y a
fort à parier que ce genre ai donc
influencé également le vodoo
états-uniens.
Pour la version cubaine du cunyai,
nous la rapprochons plutôt de la meringue
koundjay haïtienne, très
rapide, joué pour Mardi-Gras et
certains jours de carnaval. Le
cunyai n'est plus que rarement
joué à Cuba, on lui préfère le gaga
pingué. Il n'en demeure pas
moins remarquable par ses nombreux
allers-retours entre Cuba, Haïti
et les Etats-Unis.
Voici l'instrumentation que donne
Mililián Galis après son
collectage à Contramaestre
(village de la province de
Santiago de Cuba) : trián,
deux parties de tambours à une
membrane et de fort diamètre. Le
tambour aigu exécute un flot
continu à deux baguettes,
semblable à l'une des façons de
jouer la lata dans le gagá.
Le tambour le plus grave est
percuté par une baguette selon une
cellule rythmique continue, tout
en exécutant des variations
solistes.
Dancing
in Congo Square, gravure XIXe
siècle, Edward W. Kemble
(1861-1933), Etats-Unis. E. W.
Kemble n'a pas été un témoin
direct.
Lien : polyrythmie de cunyai transcrite par Daniel Mirabeau (pdf)
Un exemple de chant de Cunyai, comme l'interprète Berta Armiñan sur le CD "Galibata", San pwel san pwel :
Version Créole cubain: Son
puel son puel, son puel
o
Sepa la sua son puel Puel son puel, son puel o Sepa la sua son puel Bombo bombo bombo bombo ina yo Bombo u Bombo ina de gallé Dia que a te a, bombo ina yo Bombo u Bombo ina de gallé E meme chua Bombo ina degallé Dia que a te a meme chua Bombo ina degallé Verite o dianga te Merite mue te Piti metal cote Verite o dianga te Merite mue te Piti metal cote |
Créole haïtien : Sanpwèl
sanpwèl,
sanpwèl o
Se pa la swa sanpwèl Pwèl son pwel, son pwèl o Se pa la swa sanpwèl Bon mo w bon bo bon mo, kon bo ini a yo Bon mo w Bon bo ini a degaje! Di a ke atè, kon bo ini a yo Bon mo w Bon bo ini a degaje! E menm mwen chwa Bon bo ini a degaje! Di a ke atè e menm mwen chwa Bon bo ini a degaje! Verite o di an gate Merite mwen te Pitit mèt ta li m'kote Verite o di an gate Merite mwen te Pitit mèt ta li m'kote |
Français : Sans-poils*
sans-poils, ô sans-poils
C'est le soir des sans-poils Poils, sans-poils, ô sans-poils C'est le soir des sans-poils Vos bons mots, bons baisers, bons mots Ils font les beaux, Rejoignez-nous! Vos bons mots, les frimeurs réunis, dégagez! Je dis qu'ici Ils font les beaux, Rejoignez-nous! Vos bons mots, les frimeurs réunis, dégagez! Et même si j'ai le choix Vous feriez bien de vous tirer Je dis qu'ici et même si j'ai le choix Vous feriez bien de vous tirer En vérité je le dis, les gâtés Je mérite d'être là Son fils lirait mon adresse En vérité je le dis, les gâtés Je mérite d'être là Son fils lirait mon adresse |
* Secte des "cochons sans-poils". Aurait été formée aux prémisses de la guerre d'indépendance, par le sacrifice de son fondateur au serment de Bois Caïman. Les sans-poils sont réputés sortir en bande le soir (eskwad, band a pye), faire du boucan, ou bien pire.
Lien
: partition du chant Son
puel, par D.
Mirabeau (pdf)
Notes de la partie 2.1
[27] Esclaves rebelles ou affranchis.
[28] Le pingué est dans l'Haïti actuel une lutte au corps à corps. Par extension, signifie dans le contexte par du gagá une danse avec de l'engagement physique. A suivre sur la lutte du pingué, les futures publications de l'anthropologue italienne Gianna Salomé. Voir : https://youtu.be/pRmXVhoD6VM
[29] Faux-ami du langage cubain, où il signifie une expression très grossière. Il est de ce fait prononcé pinda pour éviter tout contresens, mais perdant par cela toute signification en créole.
[30] Lata signifie littéralement tôle.
[32] cf. vidéo d'un groupe de gagá baksin en statique à Barranca sur la chaîne ritmacuba de youtube : https://youtu.be/V5SWHiE-yhI
[33] Congo Square, racines africaines de la Nouvelle-Orléans, Freddi Williams Evans. 2012 (traduction) (p. 154, 194,195). The drum and the hoe, Harold Courlander, Univesity of California Press, 1960 (p.133, 352). Un exemple de cunyai est présent dans le Cd "Galibata" (cf discographie).
Danseurs
de La Bèl Krèyol au Eva
Gaspar Festival (Ciego de
Avila), années 2000 © Grete
Viddal
- Masú. Ou masún, mazún, mazoune.
De tempo moyen à rapide, il est très proche rythmiquement du masón de la tumba francesa. Le mot vient d'une contraction d'amazone, rendant ainsi hommage à ces femmes guerrières du Dahomey (cf. Herskovits Life in a Haitian Valley, 1937, Henock Trouillot Introduction à une histoire du Vodou, Port-au-Prince, 1970). Elle met fin à la transe, chassant les esprits dont la présence se prolonge de trop.
En Haïti, le mazoun est une courte séquence transitionnelle lors d'une cérémonie vodou, associée aux Ogous (entités de défense et guerrière).
A Cuba, il est joué dans les parties récréatives des cérémonies de cérémonies et a perdu son caractère religieux.
Le masún est une danse de couple avec de forts mouvements du bassin de la part de la danseuse. Les chansons sont souvent très licencieuses et à ne pas mettre dans toutes les oreilles.
Instrumentarium : trián, lata, 2 tambujés (un troisième peut doubler la partie de lata).
Lien : polyrythmie de Masún, transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Quelques strophes de masu A la ou bel bua m', transmis par Santa Martinez Martinez du groupe Lokosia
Créole cubain: A
la u bel bua m' peye
de sua
Madam marie Tan contan case caban la Madam marie |
Créole haïtien : A
la ou bèl bwa'm pèye
de swa
Madanm marye Tan kontan kase kaban la Madam marye |
Français : D'un
beau bois, je vous
ai payé ces deux
soirs |
Lien : partition du chant Ala ou bel bua, par D. Mirabeau (pdf)
Lien
vidéo :
Piti
Dansé (Las Tunas),
2017, captation Daniel
Mirabeau
-
Masún pilé
Le masún
pilé est un genre
aujourd'hui disparu. Il fût
mentionné et cartographié dans
les années '90, lors du
travail de collectage de la
fondation Juan Marinello et
l'édition de l'atlas
ethnographique qui s'en
suivit. Des traces étaient
alors présentes dans le centre
du pays et la région de
Camagüey. Ce collectage situe
les textes de masún pilé
comme des chants de travail,
tels que pouvaient l'être
également le djouba matinik,
le maíz ou
le savoné. Nous
n'avons pas trouvé de textes
répondant à ce champ
sémantique, mais plutôt au
domaine de la mort et des
esprits Guédé. La
danse devait effectivement
répondre à des mouvements liés
au travaux collectifs des
champs. Dans la polyrythmie,
la présence d'accents appuyant
la pulsation laisse imaginer
quelle pouvait être la
chorégraphie; la dénomination
de masún pilé donne
une autre indication. Il
s'agit certainement d'une
danse en ligne où toute la
colonne marque vigoureusement
le pas au même moment, de même
que pour la danse ibo
par exemple.
Le rythme, tel qu'il nous a été transmis par Ramón Marques de Cutumba, est tel que lui-même l'a appris auprès de Xavier Spret, l'une des figures emblématiques de la culture créole à Cuba.
Popurrí
de masún pilé par
Daniel Mirabeau, à la
percussion et au chant
Lien : polyrythmie de masún pilé transcrite par Daniel Mirabeau
- Djouba Matinik
Cette appellation est haïtienne, et fait référence à un genre musical martiniquais que l'on nomme là-bas lino bèlè. Le bèlè est un genre rural né dans les montagnes martiniquaises, durant les luttes d'émancipation ayant conduit à l'abolition de l'esclavage sur les territoires français en 1848. Le tambour principal, que l'on désigne par bèlè ou djouba a une membrane unique, de fort diamètre, avec une sonorité grave et sourde. C'est la plupart du temps un tonneau sur lequel on a tendu une peau de mouton ou par défaut une peau de cabri. Le tambourinaire joue assis sur le fût du tambour, lui-même couché à terre, la peau touchant le sol. C'est pour faire référence à cette position de jeu, mais aussi à ces traditions martiniquaises que les Haïtiens ont nommé leur genre musical djouba matinik. La symbolique de coucher le tambour pour jouer est de nourrir au plus près la terre par la musique. C'est pour cette raison également que le djouba matinik s'exécute à l'intérieur des cérémonies vodou pour Azaka Mède, ministre de l'agriculture. A Cuba, sa pratique dans les communautés haïtiennes a quasiment disparue. Des traces subsistent pourtant avec la tumba francesa, où sur l'une des séquences, le yuba, on joue également à cheval sur le tambour (cf. chap. tumba francesa).
Un exemple de chant de djouba matinik, transmis par Ramón Hilmo Samdi de Piti Dansé (Las Tunas) :
Créole
haïtien |
Français |
Se
malad, mwen
malad o |
Je
suis malade, ô
je suis malade |
Avant d'aborder les spécificités des musiques et danses du vodou, il convient d'en donner quelques définitions générales.
En fon [35], le mot vodun symbolise la relation entre le monde des vivants, des esprits et des ancêtres.
Originaire d'Afrique occidentale et de la zone du Dahomey, cette religion suivra la route de l'esclavage. Elle se développera avec des spécificités régionales dans la Caraïbe selon le pays où les ethnies du royaume d'Abomey seront esclavisées. Cependant, dans l'espace caribéen, on ne parle véritablement de vodou qu'à propos des cultes nés sur l'île de Saint-Domingue. Si le vodou est présent dans plusieurs pays de la zone, c'est par la diaspora des Haïtiens et Dominicains à partir du XIXe siècle. On le retrouve donc également au Surinam, en Guyane française, au Guyana et à Cuba, mais aussi aux Etats-Unis (Louisiane, Floride, New York) et au Canada.
Concernant le mot vodou, nous trouvons plusieurs orthographes possibles, selon les époques, le pays ou la langue du locuteur. Je vous proposerais d'utiliser ici "vodou", graphie actuelle et se rapprochant de ce qui se pratique en créole. "Vaudoux" était une version archaïque du mot relevant des premiers ouvrages en langue française (XIXe s.). "Vaudou" est encore utilisé dans les Antilles françaises, mais il est de forme un peu ancienne (cf. ouvrages de Jacques Roumain). "Vodú" est la version espagnole du mot, telle que l'on l'écrit à Cuba. "Voodoo" ou "vodoo" sont les graphies anglophones.
Le vodou, une
religion source de
fantasmes
mortifères
Le patrimoine des cultes africains au travers de l'animisme donne à voir pour un Européen une image très dégradée. Les adeptes du vodou sont considérés la plupart du temps comme esclaves de rites relevant de la sorcellerie. La connaissance populaire du vodou porte plus sur ce que l'on s'imagine sur les zombis ou les sacrifices humains que sur la spiritualité de la religion. Cette mauvaise image s'est développée pour différentes raisons :
- religieuse : impossibilité pour un colon européen de mettre sur un pied d'égalité le monothéisme du christianisme et le polythéisme du vodou.
- philosophique : jusqu'au XXe siècle, l'ethnocentrisme domine la pensée occidentale. L'homme blanc se doit (au meilleur des cas) d'éduquer les africains et leurs descendants. Ils sont vus comme des enfants, sans connaissances, morale, ni éducation.
- politique et économique : les raisons cités auparavant sont en fait les prétextes derrière lesquels on tentera de justifier la traite négrière, plus tard les politiques coloniales, l'ingérance et les mises sous tutelle politique.
- culturelle : depuis les premiers ouvrages sur Haïti, on parle d'une religion de "dégénérés" sans morale, ni ordre social (cf. Description topographique de l'île de Saint Domingue, de Moreau de St Méry de 1797 et Nouveau voyage aux îles de l'Amérique du Père Labat de 1722). Le pire est à venir avec Les Vaudoux de Gustave Aymard (1885, Paris). Cet auteur fût rendu célèbre grâce à ce roman qui contribuera à la mauvaise réputation du vaudou, de son côté sanguinaire et morbide. Cela continuera à se développer avec l'arrivée du cinématographe, média de culture de masse avide de sensationnel. Le "voodoo" version Hollywood est un genre sensationnaliste à lui tout seul, qui n'a pas besoin de se rattacher à une réalité...
Parmi les premiers réalisateurs de pellicules fantastiques se servant de l'imagerie du vodou : Victor Halperin (White zombie, Revolt of the zombies, Jacques Tourneur (Vaudou)
Affiche
du film White Zombie
de Victor Halperin
(USA, 1932)
Il y a aussi une mauvaise réputation du vodou qui est liée à l'histoire de la République d'Haïti. De nombreux chefs d'état s'en sont servis pour asseoir leur autorité, justifiant leurs exactions sous couvert de sombres nécessités rituelles. Le rejet du vodou va croître après la chute de François Duvalier et les campagnes de dechoukage, où l'on va brûler les temples et massacrer des vodouisant.
Entrons maintenant un peu dans le détail sur les cérémonies et le spirituel.
Se rajoute à la partie animiste du vodou une part de rites chrétiens. Ce syncrétisme est fréquent concernant les religions afro-caribéennes (à l'exemple de la santería[37]). Sous couvert de rendre hommage à un saint catholique, en utilisant l'artefact d'une chromolithographie de Saint-Jacques par exemple, le vodouisant en appellera en fait à Ogou Badagri, esprit créole.
Lien vidéo : Groupe vodú de Pilón de Cautó, Santiago de Cuba, 2016, captation Daniel Mirabeau
Comme évoqué précédemment, les différents offices et cultes vodou ont connu à Cuba les mêmes affres de persécution que sur l'île de Saint Domingue. Le syncrétisme avec le catholicisme lui achetait un semblant de bienséance. Les autorités coloniales fermaient les yeux sur ces pratiques, du moment qu'elles n'engendraient pas émancipation ou revendication sociale. Il n'en demeure pas moins que le vodou reste un sujet de fantasme et répulsion dans l'imaginaire collectif cubain.
Les principales entités du catholicisme sont un héritage colonial profondément ancré dans la pratique du vodou. La plupart des cérémonies débutent par des cantiques à Notre Père, Saint Esprit, Marie ou Marie Madeleine. Ces chants sont exécutés généralement sans accompagnement, ou avec quelques roulements de tambours venant ponctuer la litanie. Nous n'avons trouvé qu'une seule exception, avec la "marche à Marie" (cf. fichier son plus loin) où les tambours jouent un rythme lent, proche de certaines marches militaires.
Il
n'y a pas de danses sur
l'ouverture de
cérémonie, l'ambiance
est plus au
recueillement et à
l'intériorité. A la
suite des cantiques, le
hougan peut
alors appeler les
esprits créoles et ceux
de Guinée.
Hormis ce préambule
syncrétique chrétien,
une cérémonie entière
peut être consacrée à
Sainte Marie ou Ezili
lua blanch. On dresse un
autel avec une nappe
d'un blanc immaculé et
des fleurs blanches. Les
offrandes sont des
verres d'eau, du vin
blanc et des nourritures
végétales ou à base
d'?uf. On effectue en
préambule une série de
prières chrétiennes en
français, tirées de la
Bible ou de manuels
paroissiaux haïtiens en
usage au début du XXe
siècle (exemples
: Manuel
paroissial à l'usage
de la province
ecclésiastique d'Haïti,
H. Riou Reuze, Later
édition, Rennes, 1949 ou
L'Ange conducteur
des âmes dévotes,
Jacques Goret, Mame
édition, Port au Prince,
1921). A la suite
de ces prières
sont chantés les
cantiques, puis se clôt
la cérémonie. Le cas
échéant, vient alors une
partie récréative ou
seront exécutés une
série de chants et
danses du répertoire
vodou, à la convenance
du hougan et de
l'assemblée.
Chant : Début de cérémonie vodou, avec Pablo Milanes (hougan) et sa congrégation de Pilon de Cauto à Veraco (province de Santiago de Cuba) le 07 juillet 2012
Créole
cubain
La lo la lo la lo la lo (........) Di vision Mari cola woy woy Di vision Mari cola woy woy Di vision Mari cola Woy woy woy woy Di mare nu pale nu Se la Guine Se si a fe mare nu rua yo Si a si a Santa Maria Si a si a Santa Maria Se la Guine Se si a fe mare nu rua yo Sent Mari Madelen prie pu lua yo A ladan sone agüe Mue di gra pu lesen ayo A ladan sone agüe |
Créole
haïtien : La lo la lo la lo la lo (........) Di visyon Mari ko la woy woy Di visyon Mari ko la woy woy Di visyon Mari ko la Woy woy woy woy Di mare nou pale nou Se la Ginen Se si a fè mare nou wa yo Si a si a Santa Maria Si a si a Santa Maria Se la Ginen Se si a fè mare nou wa yo Sent Mari Madelèn prye pou lwa yo A ladan sonnen n' agwe Mwen di gras pu lesèn a yo A ladan sone agwe |
Français
: La lo la lo la lo la lo (........) Donnes nous tes vision Marie, nous sommes là, woy woy Donnes nous tes vision Marie, nous sommes là, woy woy Donnes nous tes vision Marie, nous sommes là Woy woy woy woy Je dis attache-nous, parle-nous C'est la Guinée Si cela doit être fait Attachés nous serons, Seigneur Merci Sainte Marie C'est la Guinée, si cela est fait Ici pour vous Seigneur Saint Marie Madeleine, priez pour nos esprits Ici même, nous vous appelons Je dis les grâces pour vos saints Ici même, nous vous appelons |
Début de cérémonie vodou, avec Pablo Milanes (hougan) et sa congrégation de Pilon de Cauto. Enregistré à Veraco (province de Santiago de Cuba) le 07 juillet 2012.
En Haïti, on dénombre symboliquement 101 nations [38] ou esprits. Les principales familles sont les radá, guédé, simbi, djouba, ibo, nago, congo. Chacune a une origine ethnique africaine précise. Parfois elles sont nées sur l'île de Saint-Domingue (c'est le cas des rites petró ou zobop).
Le vodou cubain connaît des particularités, influencé par la culture de sa nouvelle terre d'adoption, tout en restant intimement lié à l'île d'Haïti. Les immigrés haïtiens connaissant les difficultés de l'exil et la xénophobie vont par exemple beaucoup développer à Cuba le culte d'Ogun, esprit guerrier et de défense. Ce dernier est beaucoup moins présent dans les pratiques religieuses en Haïti.
Le
hougan Tato
Milanes Fuente et son
groupe Pilon del
Cautó au 4e
Festival del Caribe,
Lors d'un office vodou,
la danse et la musique
tiennent un rôle
essentiel. Une partie
d'entre elles a pour
vocation de provoquer
les transes des fidèles
pour rentrer en
communication avec les
esprits (lwa en
créole haïtien ou
luaces en créole
cubain). D'autres
musiques ont un rôle
transitoire ou
récréatif, lors des
différentes phases
rituelles.
Nous pourrions dénombrer
presque autant de
rythmes et de danses que
d'esprits. En effet,
chacun a ses attributs,
son rituel. La danse
exige de la précision
dans sa gestique
(position des pieds, des
mains, en fonction de la
musique). La
reproduction de la
symbolique adéquate
engage la réussite ou
non d'un rituel,
obéissant à des
nécessités religieuses
plus que musicales. Nous
pouvons tout de même
dégager de grandes
tendances et observer
que le même rythme ou
danse seront exécutés
pour tel ou tel panthéon
d'esprits.
Les chapitres qui
suivent tenteront de
déterminer les
spécificités rituelles,
de danse et de musique
de chacune des grandes
nations dans la pratique
du vodou à Cuba et en
Haïti. Les
différenciations sont
parfois ténues et peu
rigides, car le vodou
procède d'une fusion de
pratiques culturelles.
Lokosia,
groupe vodou de
Guantanamo, local de
la tumba francesa,
1993 © Daniel
Chatelain
Lien
vidéo : Piti
Dansé (Las
Tunas), 2017, captation
Daniel Mirabeau
Dans les rituels à Cuba,
les tambours radá sont
utilisés désormais pour la
majorité des cultes vodou.
Nous verrons par la suite
que chacune des familles
d'esprits avaient un
instrumentarium musical
spécifique. On utilisait
des essences de bois et
des peaux différentes
selon que l'on
confectionnait un tambour
pour les radá ou les
petró. La déforestation et
la dureté de la vie
quotidienne en Haïti ont
de plus en plus raison de
ces spécificités
ancestrales. A Cuba, la
culture haïtienne se noit
peu à peu dans la cubaine.
Il n'est pas rare qu'une
ou plusieurs congas soient
jouées à défaut des
tambours autrefois
adéquats.
L' instrumentarium
radá
est composé de :
- asson
ou chachá
: hochet constitué d'une
petite calebasse entourée
d'un maillage de perles de
porcelaine ou de vertèbres
de serpent. C'est un objet
sacré et rituel que l'on
dit être la langue de
Danbala [39],
le fait d'utiliser des os
de serpent dans sa facture
n'y est pas étranger.
Considéré comme faisant
partie des percussions
mineures, il est un
élément central dans les
cérémonies, à la fois par
sa symbolique et par son
omniprésence. C'est
généralement le prêtre ou
le chanteur soliste qui le
manipule, donnant le
balancement de la
pulsation aux tambours ou
au ch?ur.
- ogán
ou trián
: idiophone constitué
d'une pièce plate
métallique percutée par
une batte. Le trián
effectue une figure autour
de laquelle va s'articuler
toute la polyrythmie. En
Haïti, on utilisait une
cloche appelée ogan,
similaire à l'ekon
d'Afrique, usage qui s'est
perdu peu à peu. Le joueur
d'ogan se nomme
l'oganteyé.
L'appellation de trián
(ou triyang)
vient de l'idiophone du
même nom qui était utilisé
en Haïti, en particulier
dans les musiques
populaires.
- 3 tambours
unimembranophones,
de forme cylindrique ou
conique, à la peau tendue
à l'aide d'un système de
cordage et de coins en
bois chevillés dans le
tube. La peau animale
originellement utilisée en
Haïti était du veau [41].
A Cuba, on utilise de la
peau de chèvre
[42]. On
privilégie des essences de
bois durs pour
confectionner le fût,
comme le gommier (almácigo
en espagnol cubain), le
bois-trompette (diagruma)
ou le mombin (jóbo).
. Les tambours sont nommés
:
- leguedé
: le plus petit des 3
tambours. Il est joué avec
2 baguettes. Son nom est
une onomatopée donnant la
cellule rythmique qu'il
effectue. Il assure un
flot continu tout en
assurant la régularité de
la pulsation.
- segón (le segond), suguó (sous le gros, sous- entendu le tambour le plus grave), ou wompi : tambour joué avec une seule baguette. Il assure un rythme continu avec peu de variations. En Haïti, on utilisait deux baguettes pour le segón, comme cela se pratiquait déjà en Afrique. Cet usage a quasiment disparu. La deuxième baguette ayant la particularité d'être en forme d'arc ou de demi-lune. On retrouve sa représentation graphique dans le traçage du vèvè pour les tambourinaires (un vèvè est un dessin effectué à même le sol, généralement avec de la farine ou de la cendre, symbolisant l'esprit ou la séquence qui va être interprété dans la cérémonie). Dans certains groupes, comme chez Cai Dijé (Camagüey) ou Lokosia (Guantanamo), une conga est adjointe comme deuxième partie de segón. Elle ne double pas ce dernier, mais joue une partie rythmique complémentaire sans variations.
- manmanié ou radá, ou manman tambú : tambour ayant plus fort diamètre des trois. Il est joué en position debout, attaché à la taille. On le frappe avec une baguette. Sa sonorité grave en fait l'instrument soliste, de même que dans le jeu des tambours en Afrique subsaharienne. Cette différence est notable car dans bien des musiques cubaines, le tambour soliste est le plus aigu.
Tambourinaire
soliste et tambours radá
de Imias (Province de
Guantánamo) © Daniel
Chatelain
- l'assoto [43] ou assotor : de même confection que les autres tambours radá, il mesure entre 1,30 et 2 mètres de haut. l'esprit lui correspondant est Assoto Micho, ainsi que tout un répertoire de chants. En Haïti, il est joué successivement par plusieurs hounsi (novices) lors de grandes fêtes pour les esprits radá. Son usage a quasiment disparu en Haïti depuis des campagnes anti-vodou [44]. A Cuba, il n'est pas joué de manière religieuse; ses fonctions rituelles sont remplacées par le ou les interventions solistes des tambours radá. Un assoto servant à des fins de spectacle existe dans le foyer du ballet Cutumba à Santiago de Cuba.
Tambour Sato peint
dans la cour du Palais
Royal de Porto Novo (R.
du Bénin), 1997 © Daniel
Chatelain |
Danse du tambour Sato à
Ede (Nigeria) © Prince
Adewole Laoyé
- le chant : c'est l'ougenikon qui mène le chant soliste sous la responsabilité du ou de la maîtresse de cérémonie [45]. C'est généralement une personne ayant une connaissance approfondie des chants et rythmes, la qualité de la cérémonie lui incombe en grande partie. La succession des différentes séquences d'une cérémonie est intimement liée avec le chant. Le soliste décide de la répétition des strophes en fonction de l'effet recherché et du passage d'un esprit à l'autre, en entonnant le chant correspondant. Les mélodies sont majoritairement pentaphoniques ou octophoniques; le demi-ton y est généralement proscrit, comme pour beaucoup de musiques religieuses d'origine africaine [46]. Le chant est antiphonal : le ch?ur de l'assemblée reprend la mélodie et le texte exposé par le soliste. Les textes sont généralement courts pour être rapidement mémorisés et chantés par les fidèles. Nous retrouverons cette manière de procéder pour tous les rites vodou, avec des différences mélodiques en fonction des familles de esprits.
-
Yanvalú, daomé et
maisepol
Les trois rythmes suivants font partie de la même famille des rythmes radá à Cuba. Très proches, on les dénomment souvent par vodou, sans faire de distinction précise.
- Yanvalú ou Jean Balu ou Dan Balu. En langue africaine fon, « ni avalu » signifie rendre hommage. Certains groupes comme Lokosia n'utilisent pas cette appellation, mais vodú kasé.
Rythme et danse au tempo médium. Intimement lié au dieu dahoméen Dan, serpent python, symbole de l'arc-en-ciel. Le Yanvalú se danse voûté en avant, les genoux fléchis, avec des ondulations qui remontent dans le dos. Ce mouvement serpentin est propre à l'évocation des esprits radá, vivant dans l'air et dans l'eau (Ayida, Dambala).
En Oriente, on le joue principalement en début d'une cérémonie, pour « payer son tribut » aux esprits, et en particulier à Papa Leba, qui permet de communiquer avec tous les autres.
En Haïti, c'est une séquence qui servira à appeler quasiment tous les esprits (sauf Sen Jak Majè et Ogoun Bagadri). Elle appelle à la transe de l'un des fidèles, qui sera alors chevauché par un esprit. On mettra fin à cette séquence et à la possession à l'aide d'un rythme plus rapide et paroxystique (mayi, nago cho, zèpol).
Lien : polyrythmie de Yanvalú, transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Quelques strophes de yanvalú transmises par Rafael Cisnero Lescay de Cutumba (Santiago de Cuba) :
LEBA PALE LAGUIO
Créole
cubain |
Créole
haïtien |
Français |
Legba
pale laguio Granbua
Ile Ile Akasuo
jele o Papa
Atibon Leba ago |
Leba
pale la ki o Ganbwa
Ile Ile |
Leba,
parle maintenant
Grand Bois Ile
Ile* |
*Grand Bois Ile : esprit sylvestre du panthéon petro, très répandu à Cuba
** Zili: diminutif d' Èzili, esprit féminin de la beauté
Rythme Yanvalu et rezo (cantique) à Papa Leba (mp3). Cutumba enregistré au Teatro Marti à Santiago de Cuba, août 2011
- Daomé
Le mot daomé fait référence étymologiquement à l'ancien royaume du Dahomey [47] au sud-ouest de l'actuel Bénin. C'est l'un des berceaux du vodou, une région mythique pour ses adeptes caribéens. Un rite en Haïti porte ce nom (dawonmen) avec son panthéon d'esprits. Les principaux sont les serpents masculin (Danbala) et féminin (Ayisan), mais également Èzili (esprit de la beauté féminine), Loko (esprit du vent). A Cuba, à l'instar des traditions arará [48], on donne le daomé en cérémonie pour les esprits radá originaires du Dahomey.Lien : polyrythmie de Daomé, transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Quelques strophes de daomé [49] transmises par Rafael Cisnero Lescay de Cutumba :
Ercili Freda brindale
Créole cubain: Ercili
ubelo Ercili
Freda brindale
la cae [50]
mue
la cae pru ale Asosie
benu benu u Asosie
pafe musa a |
Créole haïtien : Èzili
ou bèel o Èzili
Freda brital e la
kay [50]
mwen
la kay mwen prale Asosyé
vèe nou, vèe nou Asosyé
pa fèé nou sa |
Ercili,
ô tu es belle Ercili
Freda, un sacré
temple sera le
mien quand je
l'aurais Associé,
(levons) nos
verres, nos verres
Associé,
ne nous fait pas
cela |
*racine ou igname : au sens d'éponge
- Maisepol : du point de vue étymologique, contraction de deux mots du créole haïtien : mayi (mahi) et zepol.
Le mayi joué en Haïti est extrêmement rapide et sert à mettre fin à la possession. Les mahi sont un peuple du nord du Dahomey, envahis à diverses reprises par les royaumes nago ou dahomey.
Le zèpol (ou z'épaules) est une danse originaire d'Afrique de l'ouest (ethnie adja) où les mouvements des épaules ont un rôle prédominant.
A Cuba, il n'y a pas de distinction entre ces deux genres haïtiens. Le maisepol est un rythme très rapide joué principalement pour les Ogous (esprits guerriers). Dans certaines zones comme Camagüey, il est simplement nommé de manière générique, vodú.
La danse du maisepol est individuelle, face au tambours. Des mouvements amples et des épaules la caractérise. Le danseur effectue des pas courts et rapides, avec de brusques saillies sur le côté ou en avant. Le tambourinaire soliste suit la chorégraphie en la soulignant et amène des contrepoints; une véritable interaction s'installe ici entre ces deux protagonistes. Si le danseur est possédé, il rajoutera à sa chorégraphie une théâtralité par des gestes et attitudes qui caractérisent l'esprit qui l'habite. A la fin de sa danse soliste, si plusieurs danseurs souhaitent se succéder, un passage de relais s'effectue. Le deuxième se présente au premier; ils se prennent par le bras et effectuent un mouvement giratoire à droite puis à gauche.
Maisepol à Ercili (mp3). Houmfo de Pablo et Tato Milanes de Pilon de Cauto. Cérémonie enregistrée à Veraco, petit village de plage de la province de Santiago de Cuba, juillet 2012
Lien : polyrythmie de Maisepol, transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Quelques strophes de maisepol, par Rafael Cisnero Lescay de Cutumba :
Créole cubain : Ye
o Pye Danbala [51]
Dambala
Güedo, Dambala
Veneno[53] Pracaldima
se mue prale Güayo
quiba guaisa Elu
maya* e meta bo
Elu
maya e tambor de
yagüe
|
Créole haïtien : Ye
o Pye Danbala Dambala
Wèdo, Dambala
Veneno Menm
mwen soley o apre
pase, ganga lyen? Pran
kalm dimansyon
mwen prale Lwa
yo, Ki ba kay
ayisan Aloumandia*
è, mèt abò Aloumandja
e mwen sa
|
Français : O
Pye Danbala Dambala
Wedo, Dambala
Veneno Même
si le soleil au
zénith est passé,
la ganga nous
relie-t-elle? Prends
la mesure de qui
je suis O
leurs esprits, ma
maison cubaine en
feuilles de
palmier Aloumandia*,
maître à bord,
c'est l'heure C'est
mon Aloumandia |
*Aloumandia : Esprit vivant dans le lit de la rivière Artibonite. On dit que son chagrin fait parfois déborder le fleuve.
**Ti Gazon : surnom de Gède Nibo, protecteur de la vie et de la mort. Esprit qui peut être terrible, on en parle parfois comme d'un enfant. Représenté avec une bouteille de rhum épicé (tafyia) d'une main et un bâton à frapper (kòkò makak) de l'autre.
Tambours
petro et porte-drapeaux,
Haïti, 1952 © Milo
Rigaud
Les esprits petró ou petwo font partie des principales nations du vodou. On les confond souvent avec les congo de part leur mêmes racines africaines (Congo, Angola). Ils sont nés en Haïti d'une société secrète fondée en 1768 par Don Petwo, grand prêtre vodou [55]. Cette secte était l'une de celles à l'origine des révoltes d'esclaves. Les esprits petró sont réputés « chauds », séditieux et agressifs. On les célèbre en faisant claquer le fouet, parfois en faisant sauter de petites charges explosives, et en buvant à leur santé du clairin mélangé à de la poudre à fusil [56].
Instrumentarium
:
- Coua-coua : nom donné au hochet de cérémonie dans les rites petró. Il est de facture équivalente à l'assón du culte radá.
- Ogan ou trián : idiophone métallique constitué d'une pièce plate percutée par une batte. Milo Rigaud [57] distingue les deux en usages précis. Lors de son travail de terrain en 1952, on utilisait véritablement un idiophone métallique à trois côtés, usage disparu de nos jours. Le nom de trián est resté et désigne par extension la cloche ou la plaque métallique tenant la base rythmique dans toutes les musiques haitiano-cubaines.
-
Tambours :
Au nombre de deux, les
tambours utilisés pour
les cérémonies petró
sont de petite taille,
dont l'unique peau est
tendue en
« Y » par un
système de cordage. La
peau animale utilisée
traditionnellement est
de la chèvre
[58]. On
privilégie des essences
de bois tendre pour
confectionner le fût. Le
plus gros des tambours
est appelé manman
ou gwo baka;
l'autre piti
ou ti baka.
Même si les petró sont invoqués lors de cérémonies à Cuba, on ne leur dédie plus de tambours spécifiques. En effet, au cours du même office, des esprits de diverses nations peuvent être apparaitre, d'où l'utilisation d'un instrumentarium générique. Cependant, les Cubains dédient un office entier à Gran Búa [59]. Le manyé luá est une cérémonie d'alimentation du dieu. Les tambours y joueront des rythmes à différentes vitesses, en fonction des phases de la cérémonie et de la possession des fidèles. En effet, même si l'on parle souvent de rythmes et danses extêmement rapides pour les petró, on y distingue des danses tragiques plus lentes (symbolisant la douleur), et des danses comiques enlevées (symbolisant la joie), en fonction du chemin emprunté par Gran Buá. Parmi leur différentes dénominations, on parle de petwo mají, kita (mouyé et sek), bamboula, boulalemba.
Lien
: polyrythmie
petró
transcrite par
Daniel Mirabeau
Un chant pour Gran Bua, Bua tonbe transmis par Nancy Aviles Lopez de La Bel Kreyol, sur rythme ternaire de vodou ou maisepol :
Créole cubain
:
Bua tonbe, me bua tonbe Li kite rasino, me bua tonbe Bua tonbe, me bua tonbe Li kite rasino, me bua tonbe Me bua tonbe vre Li kite rasino, me bua tonbe |
Créole
haïtien :
Bwa tonbe, me Bwa tonbe Li kite rasino, me Bwa tonbe Bwa tonbe, me Bwa tonbe Li kite rasino, me Bwa tonbe Me Bwatonbe vre Li kite rasino, me Bwa tonbe |
Français : Bois arrive, mon Bois tombe Il quitte ses pénates, il tombe Bois arrive, mon Bois tombe Il quitte ses pénates, il tombe C'est vrai, il tombe! Il quitte ses pénates, il arrive |
Lien : partition du chant Bua tonbe, par D. Mirabeau (pdf)
Les
esprits Guédé
sont les
gardiens des
choses de la
vie et de la
mort, donc
officiant
aussi bien
dans les
invocations de
fertilité que
dans les
services
funéraires.
Entre autres,
on danse les Guédé
en Haïti sur
le rythme banda.
Plusieurs
chorégraphies
sont exécutées
sur cette
musique : une
danse de
combat (kalenda),
une danse de
couple et des
danses
individuelles
de possession.
Un autre
rythme, le maskawon
sert pour un
genre musical
de défilé
proche du
gagá. Il
est joué
principalement
pour la
Toussaint où
l'on célèbre
les défunts.
Guédé et zombis
y sont
représentés. La
recherche du
sensationnel
est présente
dans les
chants de
maskawon,
pour se
railler de la
mort, tout en
se faisant
peur.
Il
n'y a pas de
tambours
spécifiques
pour les Guédé
en Haïti. Si
l'on effectue
un maskawon
en
déambulation,
seront
utilisés les
tambours
suivant :
zizipan,
boula, baka
. En jeu
statique ou
sédentaire,
les tambours petro
o djouba
seront
préférés. On
utilise
parfois la
conque marine
(lambí)
dans les
veillées
funéraires et
le sifflet
pour le maskawon.
Comme du côté
haïtien, il
n'y a pas de
tambours
spécifiques
pour les Guédé
à Cuba. Selon
la
circonstance
et les moyens
des groupes,
ils
utiliseront
différents
instruments.
On joue pour
les Guédé
comme en
Haïti, dans
les offices
aux défunts et
la fête des
morts. Parmi
les principaux
genres qui
seront
exécutés lors
d'une fête Guédé
: gagá chay, maisepol, masún, masún pile, contredanse. On
convient ici
que la
frontière
entre les
genres
musicaux
profanes et
sacrés est
parfois ténue.
Ce sont
parfois les
circonstances
qui
déterminent si
la
fonctionnalité
est religieuse
ou profane.
On peut convenir d'un champ sémantique général dans les chants pour les Guédé. Les histoires se déroulent souvent au cimetière, parlent des morts, des esprits et des actions religieuses qui leur sont dédiées. Il y a également des récits d'un aspect plus jovial et débridé où l'on vante ses performances sexuelles et sa capacité à faire la fête.
Un exemple de chant pour les Guédé, transmis par Vicente Portuondo Hechevaria
Créole cubain :
Am bele titon mayawe |
Créole haïtien : Nanm
bèl e tit nonm maji a wè |
Français : Ton
âme est belle petit homme,
la magie tu vas voir |
* Fait référence aux âmes errantes dans les cimetières. Dans le vodou, l'âme du défunt ne passe pas immédiatement l'au-delà, mais après une cérémonie neuf jours après le décès.
Par Vicente Portuondo Hechevaria
Artefact
de Ibo, casa templo de Piti Dansé,
Las Tunas, 2017 © Daniel Mirabeau
Les igbo sont des ethnies du sud-est du Nigéria. Par
extension, le mot désigne aussi les
esprits qui leur sont afférents. Les
esclaves de cette région sont nommés
à Cuba carabali. C'est nom
de leur zone d'embarquement
(Calabar, delta de la Cross River),
beaucoup d'entre eux peuvent venir
de beaucoup plus loin dans les
terres.
Dans
son acception haïtienne, les esprits
ibo sont les gardiens de la
mémoire des grands hommes
(l'empereur Dessalines par exemple).
Ils sont par là même en contact
étroit avec les ancêtres. Ce sont
souvent des esprits terribles et
craints (Ayagman Ibo Lele, Ibo
Ye Rouj). Ils sont aussi
présents dans les sociétés secrètes
(bizango, zobop, vlibiding).
Dans le Nord d'Haïti, les ibo
sont invoqués lors d'un rite
funéraire. Pour autant, il ne faut
pas les confondre avec les guédé,
gardiens du domaine de la
mort. A l'issue de funérailles a
lieu la cérémonie du kase kanari
(casser la jarre) où l'on invoque
les ibo pour libérer l'âme du
défunt.
En Haïti, il existait des tambours
spécifiques pour ibo,
dont l'usage à quasiment disparu. Ce
furent des tambours à deux
membranes, de fût cylindrique,
s'apparentant par leur taille aux
tambours petró. Ils en
différaient par le système d'attache
à boutonnière de la membrane de
frappe, les peaux utilisées étant
exclusivement de mouton. Dans les
cérémonies du nord de l'île, on
substitue parfois les tambours par
de grosses calebasses, frappées par
les doigts munis de dés à coudre.
Comme dans le culte petró,
le hochet de cérémonie est appelé kwa
kwa.
En
Haïti, ibo se danse avec deux
pas chassés à droite, suivis par
deux pas chassés à gauche. De chacun
des côtés, le danseur se doit de
frapper le sol avec le pied. C'est
souvent une danse collective en
ligne qui n'est pas sans rappeler
les colonnes d'esclaves.
Dans
son acception cubaine, les esprits
ibo sont solitaires et
capricieux et reprennent la plupart
des caractéristiques haïtiennes.
Pour la cérémonie du manyé luá
(manje
lwa en créole haïtien), on fait des libations et offrandes de
nourriture pour les ibo dans
un coin à part. Un syncrétisme
s'opère entre les
esprits
ibo et les chemins de Changó
de la santería. Par
extension, un ibo signifie
aussi une situation périlleuse,
conflictuelle ou problématique. Dans
certains villages d'Oriente, on
utilisait des instruments
spécifiques pour les ibo,
proches du bongo del monte
utilisés dans le changüi [62]. Ils sont plus couramment remplacés par les tambours de la
batterie radá. Sont jouées
trois parties de tambours, parfois
une quatrième accompagnées par le catá
et le trián. La danse ibo
cubaine est similaire à
celle produite en Haïti.
Lien : polyrythmie de Ibo (Province de Santiago de Cuba), transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Vevé ibo. Sont représentés, dans le
traçage du vèvè, un kanari (jarre en
terre cuite), des branches de
prunier et les étendards des troupes
révolutionnaires
Un chant ibo transmis par Manolo El Duque :
Créole cubain : Ma
ele ea dandalo ibo loa Ayagba
ibo lele [63],
ibo lele Ayagba ibo lele Ibo
la sido Ibo
me ekwe, ibo me ekwe A
la ibo cho frutone |
Créole haïtien : M'a
ere ea, dam dan dlo, Ibo lwa Ayanman
Ibo lele, Ibo lele Ibo
la si dlo Ibo
me eklè, Ibo me eklè A
la Ibo cho o fou tonen |
Français : Je
suis content, Dame dans
l'eau, cet esprit Ibo Ayanman
ibo lele Ibo Lele Apporte
moi de l'eau Ibo
m'éclaire, Ibo m'éclaire il
fait chaud là, tonnerre de
fou |
* Volonté du traducteur de garder l'hispanisme de la version cubaine "quemar" (brûler)
Deux tambours d'un
ensemble de trois
construits par
Mililian Galis et
exposés comme
tambours de congo
layé (laçage type
petro et kongo).
Exposition pour le
Festival del
Caribe Santiago de
Cuba, années 2010
© Daniel Chatelain
Lien vidéo : La Bèl Krèyol (Camagüey), 2016, captation Daniel Mirabeau
L'ensemble méta-ethnique congo ou bantou comprend une multitude de peuples sur une zone géographique très étendue. Les congo sont présent sur les côtes atlantiques d'Afrique entre les actuelles République du Congo (Pointe Noire), République Démocratique du Congo (Bandudu), une partie de l'Angola (Luanda), le Gabon, le Cameroun et un certain nombre de pays d'Afrique orientale dont le Mozambique et le Zimbabwe. On retrouve les premières traces des peuples bantous à la fin du XIVe siècle sur les territoires actuels du Nigeria et du Cameroun. Ils ont ensuite émigrés en direction du centre et de l'Afrique Australe.
Sur la route de l'esclavage caribéen, les Noirs débarqués à Cuba donneront naissance à la regla de palo, religion très présente particulièrement en Oriente. Ceux débarqués en Haïti donneront naissance à la nation kongo (graphie haïtienne) dans les rites vodou. Les rites kongo se confondent souvent avec les rites petró de par l'immédiateté de leurs résultats et la violence de leurs rituels. Deux branches sont parfois identifiées dans le panthéon kongo haïtien: les kongo fran (ou congos francs, purs) et les kongo savann (ou congos de la campagne). L'amalgame est souvent fait entre les kongo et les petró, ce dernier étant symboliquement de racine africaine, même si ce culte est né sur l'île de Saint-Domingue. Chacun des panthéons comporte des esprits particuliers et il n'y a pas d'échanges de l'un à l'autre.
Parmi les danses kongo en Haïti, on distinguait fran, siyé, payèt, mazoune, laroz, savann. La tendance actuelle serait à la disparition de ces particularités chorégraphiques au profit d'une seule danse kongo où se mêlent des éléments de chacune. Néanmoins, se distingue le congo payèt, une danse de fertilité sexuellement très suggestive où les hommes et femmes dansent en lignes opposées.
A Cuba, seules deux danses étaient exécutées : congo fra et congo sel (graphies cubaines). Elles sont désormais désignées en un seul vocable, congo [65].C'est une danse peu rapide, sans accélérations. L'une des figures marquantes est d'effectuer de temps en temps de multiples tours sur soi-même.
Pour la dénomination cubaine du rythme, on parle de congo, ou congo layé qui sont deux façons de parler de la même polyrythmie. Le vocable layé peut avoir deux acceptions étymologiques: en bantou, l'une des langues d'Afrique australe de la zone congo, layé signifie "danser". La deuxième acception est un accessoire pour le danseur. En créole haïtien, un layé est un tamis en fibres végétales, servant à séparer la paille du grain. Le congo layé est de vélocité moyenne. On le joue dans une cérémonie vodou, mais pas nécessairement en exclusive à ce panthéon. L'auteur a déjà entendu Ercili lua blanch (panthéon daomé) réclamer son congo au travers de la parole d'un fidèle possédé. Le congo layé est aussi joué de manière profane, pour le spectacle dans les troupes folkloriques.
Instrumentarium
haïtien : tacha-tcha
(hochet), ogan (cloche
percutée). Les tambours
utilisés pour les offices kongo
et petró sont les
mêmes, avec l'adjonction d'un
troisième tambour aigü dans le
cas du kongo. Ils sont
dénommés traditionnellement,
du grave au plus aigü : manman
(ou gwo baka), ti
congo (ou ti baka)
et timebal (ou katabou).
Le timebal est
un petit tambour à deux
membranes joué avec deux
baguettes qui assure un flot
continu, de même manière que
le leguedé des
tambours radá.
Instrumentarium cubain : asson (hochet), trián (pièce métallique percutée), catá (tube de bambou percuté), 3 parties de tambours. Les tambours congo ne sont plus joués à Cuba ; ils ont étés remplacés par les tambours radá, mais sont nommés différemment en cas de jeu du rythme congo layé. De l'aigu au grave : congoni (leguedé), ensula (suguó), tamborí (joué sur une tamborita, ou un manmanié radá).
La troisième partie est jouée
traditionnellement par un
tambour bi-membranophone
semblable à la petite grosse
caisse (tamborita)
du mason dans la tumba
francesa. On joue en
position assise, le tambour
incliné entre les jambes.
Seule une peau sera percutée
à l'aide de deux baguettes.
De manière similaire à
l'arrangement musical des
tambours dans la zone congo
d'Afrique de l'Ouest, c'est
le plus grave qui "sort" et
exécute les phrases
solistes. L'usage de cette
petite grosse caisse se perd
peu à peu. Mililián Galis
la
repère
à Contramaestre, Marta
Esquenazi à Camagüey (cf.
bibliographie). Les compagnies
de ballet Cutumba et
Folclórico de Oriente
(Santiago de Cuba) l'utilise
encore volontiers si un congo
layé est joué.
Une majorité des chants de congo cubains sont dans des tonalités mineures, empreint de nostalgie ou tristesse. Les textes parlent volontiers du marronnage, des guerres d'indépendance en Haïti et de l'éden africain perdu. Dans le cas du jeu lors d'une phase récréative de cérémonie, on privilégiera les sujets plus légers ayant attrait au bien dansé ou à la vie quotidienne.
Chant congo : Bonsoa e Congo [66] :
Créole cubain : Bonsoa
bonsoa e congo
Bonie mama bonie papa
Lagre
Congo preten mucho a
la mama Congo
o ea congo yo Oka
yo oka yo Naguine
ae, naguine ae El
congo, congo llover |
Créole haïtien : Bonswa
bonswa e kongo Larènn*
Kongo prete'm mouchwa o,
aye manman Kongo
o ea kongo yo O
kay** yo, o kay yo
Nan guine ae, nan guine
ae, nan guine ae, En
kongo inyon we |
Français : Bonsoir,
bonsoir eh toi, le
Congo Larenn
Kongo laisses-moi
t'emprunter ton
mouchoir, ah maman! Ils
sont congos, ils sont
congos O
mon foyer, ô mon foyer Vers
la Guinée aé, Un
peuple congo congo nous
unit |
Lien : Partition et paroles du chant congo Layé "Bonsoa e congo", transcrits par D. Mirabeau (pdf)
Lien : polyrythmie de Congo Layé transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Lien
vidéo : Rythme
de Congo Layé par
des percussionnistes de
Cutumba et Invités, 2012.
Captation Daniel Mirabeau.
Tambours nago,
construits par Mililian Galis
et exposés pour le Festival
del Caribe Santiago de Cuba,
années 2010 © Daniel Chatelain
Lien
vidéo : Misterios
del vodú, La Havane,
2016, captation Daniel
Mirabeau
Les nago sont les populations d'un grand ensemble ethnique originaire d'Afrique occidentale (Soudan, Nigeria, Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, du Ghana, de la Guinée et du Togo). Parmi eux, les Anago yoruba sont le peuple vivant sur les côtes du golfe de Guinée et sur la rive droite du fleuve Niger, à cheval entre le Bénin et le Nigeria. On leur prête souvent la même identité culturelle que les yoruba. Même s'ils commercent avec ceux-ci, élèvent des chevaux, ils restent des cultivateurs avec une mentalité plus traditionnelle.
En raison de leur proximité côtière,
les Anago yoruba furent
parmi les premières victimes de
l'esclavage transatlantique
d'Afrique de l'ouest. On les
retrouve dans la plupart des
colonies de la Caraïbe, qu'elles
soient françaises, espagnoles ou
anglaises.
En Haïti, la séquence
nago est un rite
vodou où sont représentées de
multiples familles d'esprits
(Ogou, Èzili, Pye, Leba,
Afrekete). Dans les communautés
haïtiennes de Cuba, on rend
hommage au peuple nago
au travers de plusieurs
panthéons d'esprits, plutôt que
d'avoir conservé un rite qui
leur sont particuliers. Il n'en
demeure pas moins présent dans
la liturgie du vodú
cubain, au travers des esprits
guerriers, de ceux manipulant le
feu et s'emportant facilement.
Quand l'on dit que l'on va
exécuter une séquence de nago,
c'est que les esprits les plus
chauds vont être invoqués (Towo,
Criminel, Ogun Batala, Elumaya,
...).
En Haïti, il n'y a pas d'instrumentarium particulier aux nago. La batterie des tambours radá est employée lors des rites nago. De part leur importance à Cuba, les nago ont eût leur propre batterie de tambours dont l'usage a aujourd'hui disparu au profit des tambours radá. Plus petits que ces derniers, les tambours nago étaient eux aussi à une membrane et à piquets. Comme pour les tambours batá consacrés de la santería, les tambours nago étaient stockés accrochés au mur ou posés sur une chaise, jamais à même le sol.
A la différence du jeu habituel sur les tambours radá, on joue le rythme nago à mains nues.
Les trois tambours sont nommés ainsi, du plus
aigu au plus grave :
-
Peti pa :
il exécute des phrases solistes
suivant ou provoquant les pas du
danseur.
- Cupé
ou bula :
il accompagne, au moyen
d'une une figure rythmique avec
quelques variations.
- Grondé :
exécute un continuum de basses
sourdes, avec quelques saillies
en sons ouverts
La danse nago haïtienne se divise en
deux catégories: nago
grankou et nago cho.
La première est de vitesse
moyenne et sert à accueillir un
esprit, tandis que la deuxième
est exécutée pour clore sa
venue. Le nago cho mime
les mouvements des soldats sur
le champ de bataille, sur un
rythme très rapide. Les figures
sont athlétiques d'avant en
arrière, avec le buste qui se
brise contre un obstacle
invisible.
La danse nago cubaine
est inspirée du nago
cho. Elle est
individuelle et guerrière, avec
de brusques poussées
musculaires, proche de la rumba
columbia (pas courts et
pressés, des pirouettes et les
épaules tremblantes). Les bras y
sont plus sollicités que les
jambes.
Lien : polyrythmie de nago, transcrite par D. Mirabeau (pdf)
Lien
vidéo :
Rythme nago
par des percussionnistes
de Cutumba & Invités,
2012. Captation Daniel
Mirabeau
Chant "Nago ye bien chea"
Créole cubain: Nago
yembe chea Nago
bien che lele
[67] Si
mue cote danse loa |
Créole haïtien : Nago
ye byen che la Nago
byen che le
[67]
ile Si
mwen kote danse lwa |
Français : Mes
bien chers Nago sont là Mes
bien chers Nago belle
est votre maison Si
j'ai où danser, mes
esprits |
Lien : partition du chant "Nago ye bien chea", par D. Mirabeau (pdf)
Le
genre musical et de danse
propre aux esprits simbi est
nommé fey dans la
région de Camagüey. Même si
les chants de cette région
se retrouvent dans d'autres
zones provinces de Cuba, ils
n'y sont pas utilisés à
notre connaissance à des
fins religieuses.
Les esprits simbi sont
gardiens des sources,
fontaines et lacs. Ils sont
invoqués lors d'office qui
leur sont entièrement
dédiées.
La danse cérémoniale simbi
est nommée pile fey.
L'une de ses
caractéristiques est
d'imiter le geste de piler
des feuilles avec les pieds
(d'où le nom fey,
ou feuilles en français).
Le simbi ou fey est exécuté
également à des fins de
distraction, en particulier
en dehors de cette zone de
Camagüey. Quelques
compagnies, dont Cutumba,
l'ont repris à des fins
artistiques.
Les
esprits simbi en Haïti
sont célébrés au travers
des rites kongo, petwo
et rada. Ils
vivent dans les eaux
douces où ils sont les
gardiens des sources et
des fontaines. On n'offre
pas d'alcool aux simbi,
seulement de l'eau
potable, ou à la rigueur
un vin blanc ou du cola.
Dans une cérémonie, lors
d'une transe avec un
esprit simbi, le possédé
réclamera sans cesse de
l'eau, la terre ferme
n'étant pas son habitat
naturel. Les cérémonies
pour les simbi ne
s'effectuent pas dans le hounfo
(temple), mais en
extérieur, au pied d'une
source d'eau. Comme les
simbi sont trans-genres,
ils n'ont pas
d'instrumentarium
particulier, aussi bien en
Haïti qu'à Cuba. Pour eux,
on utilise le plus
fréquemment les
tambours rada.
A Cuba, une cérémonie leur
est consacrée, le pile
fey. Elle consiste
en partie à fouler des
plantes mélangées à de
l'eau avec les pieds,
étape dans la préparation
d'un liquide magique.
Selon les régions, comme dans l'exemple des environs de Camagüey, on les nomme simplement fey. Dans d'autres, à l'instar de Santiago de Cuba ou Guantanamo, ont les désignera par le nom de l'esprit, simbi.
En cérémonie et dans le
cas d'une crise de
possession, le possédé
dansera le simbi avec
les attributs gestuels de
l'esprit qui l'habite.
C'est également une danse
collective d'ordre
récréative dont l'une des
caractéristiques est de
reproduire le geste de
piler avec les pied.
La polyrythmie du simbi
comprend trois parties de
tambours : deux exécutent
des cellules rythmique
similaires et
responsorielles, le
troisième intervient en
soliste et remplit les
interstices laissés au
milieu du chant.
Le simbi est aussi donné de manière profane pour le spectacle par les compagnies folkloriques. Le champ sémantique des textes sort alors du cadre religieux, pour aller vers toutes sortes de contextes, du tragique au comique.
Instrumentarium : trián, 2 parties de tambours (peti pa, bas ou basse).
Les tambours de cérémonie simbi utilisés autrefois, sont aujourd'hui remplacés par des « congas» [34] , des tambujés ou des tambours radá.
Lien : polyrythmie de Simbi transcrite par Daniel Mirabeau (pdf)
Chant : Un chant de simbi, SAMBA UNSAYO MONTE, transmis par Rafael Cisnero Lescay de Cutumba
Créole cubain : Samba
unsayo monte |
Créole haïtien : Sanba
oun sa yo monte |
Français : Samba*
vous laissez
faire la transe |
* Le samba est le musicien, chanteur ou danseur qui est habilité à ouvrir les portes avec l'au-delà lors des cérémonies.
Notes de la partie 2.3
[34] Dans le sens des tambours à une membrane les plus courants utilisés dans la musique populaire.
[35] Langue véhiculaire utilisée au Bénin, Nigeria et Togo.
[36] Ancien nom de l'île d'Haïti et de la République Dominicaine.
[37]
Religion
aux racines africaines, la plus
répandue à Cuba, originaire
d'Afrique de l'Ouest.
[38] Nanchón en créole. Le chiffre 101 est une forme symbolique pour dire beaucoup ou un grand nombre en langue yoruba.
[39] Danbala Wedo, le dieu serpent.
[41] po bèf (kreyol), peau de boeuf.
[42]
Les restrictions d'État
règlementent la consommation du
veau à Cuba. L'élevage bovin étant
surtout consacré au lait, peu de
consommation de viande.
[43] Asoto, vocable dérivé du mot fon sato signifiant « Appel aux ancêtres ».
[44] A partir de 1942, le clergé mène une campagne « anti-superstitieuse » à laquelle s'opposent entre autres, Jacques Roumain, Jean Price Mars (romanciers et journalistes), François Duvallier (ethnologue et futur dictateur de l'île). Sous l'occupation américaine, entre 1916 et 1934, les dirigeants combattent le "vaudouisme". Milo Rigaud (cf. bibliographie) relate un tambour assoto confisqué par les autorités, en place du Champ de Mars à Port au Prince. Se mettant à gronder sans qu'aucune main ni baguette ne l'ai effleuré, il fut rendu en définitif à son temple.
[45] Le hougan et la mambo.
[46] cf. santería, palo monte, arará.
[47] Ou Danhomen en langue fon. Ancien royaume africain au sud-est de l'actuel Bénin.
[48]
Les arará sont issus de l'ancien
royaume africain du Dahomey, dont
sont originaires une partie des
esclaves de la traite négrière
caribéenne (Cuba, Haïti, Porto
Rico, Grenadines). A Cuba, la
culture arará s'est un peu noyée
au milieu d'autres, en particulier
la santería. Elle est encore
tangible dans la région de
Matanzas avec des groupes musicaux
et des pratiques religieuses.
[49] Avec le concours de Maud Marie Evans (mambo à Boston), Patrick Sylvain (linguiste à Harvard University) et Grete Viddal (ethnologue à Harvard University).
[50] Kay : le foyer domestique ou le temple.
[51] Pye Danbala : comme Danbala le maître suprême, il vit dans un étang. Fait partie du cortège de la flotte de Gède Nibo. Les Pye (Pierre) sont principalement des esprits de l'Artibonite (réf. : " La légende des lwas, vodou Haïtien", Déita, Bibliothèque Nationale d'Haïti, 1993, Port au Prince).
[52] Souvent associée à Danbala, car faisant partie des esprits principaux. Epouse de Loko.
[53] Deux des facettes du même esprit. Danbala Wedo : premier dieu crée avec Ayida Wedo son épouse. Danbala Veneno : version petró du même esprit, plus colérique.
[54] Chaudron métallique, instrument de culte congo. Réceptacle dans lequel sont entreposé différents attributs religieux. Par extension, signifie force et puissance magique. Cf. la ganga du palo monte.
[55] ou Dom Pèdre ou Dompète . Le nom est mystérieux et est cité dans l'un des premiers ouvrages sur Hispaniola (Description de Saint Domingue, Moreau de Saint Méry, 1797). Une des seules traces tangibles de cet homme du Petit Goave, qui en 1768 "abusait de la crédulité des nègres par des pratiques supertistieuses". Il est ensuite déifié en Don Pèdre, esprit majeur du panthéon petró.
[56] Rhum rustique et peu raffiné.
[57] Voir bibliographie.
[58] Po kabri (kreyol).
[59] Grand Bois.
[60] Surnom de Gédé Nibo. Protecteur de la vie et de la mort. Esprit qui peut être terrible, on en parle comme un enfant. Parfois représenté avec une bouteille de tafyia (clairin épicé d'une main et un bâton à frapper (koko makak) de l'autre.
[61] Surnom de Grande Brigitte, ou Mademoiselle Brigitte. Dans la famille de guédé, c'est l'épouse de Baron Samedi. Elle a autorité sur les cimetières.
[62] De profondeur de fût un peu plus importante que les bongos utilisés dans le son cubain, la peau est directement cloutée sur le fût.
[63] Ayanman Ibo Lele : chemin d'Ibo (variante : Ayagba Ibo Lele). Lele : chanter en dialecte Ibo. Terme utilisé seulement dans les chants pour les Ibo. Aganman : caméléon. Ayanman Ibo Lele est un esprit féminin indépendant, ambitieux et distant. On la dit aussi la déesse du language. Ceux qui en sont possédés parlent par monosyllabes ; on dit aussi qu'ils geignent, qu'ils pleurent.
[64]
Fait référence à la mort de
François Macandal, esclave rebelle
et hougan, brûlé vif en 1758 pour
avoir fait empoisonné les sources
de propriétés coloniales en Haïti.
Macandal fait partie des héros
légendaires du soulèvement contre
l'esclavage, comme plus tard
Boukman, héros de la révolte de
Bois Caïman (14 août 1791).
[65] Tel que l'on peut le constater avec le répertoire du groupe Cai Dijé de Camagüey.
[66] Traduction avec le concours de Maud Marie Evans (mambo à Boston), Patrick Sylvain (linguiste à Harvard University) et Grete Viddal (ethnologue à la Tulane University).
[67] Beau, belle en lucumí (langue yoruba telle qu'utilisée à Cuba).
[68] Maison, foyer, temple en lucumí.
Nancy
Áviles López, chanteuse de La Bel
Kreyol
Orlando Aramis Brugal Suarez,
chanteur du groupe Babúl de
Guantanamo
Rafael Cisnero Lescay, el
Duque, chanteur de Cutumba
Mililián Galis Riverí, Gali,
maître tambour, fondateur de
Galibata
Ramón Hilmo Samdi, chanteur de
Piti Dansé de Las Tunas
Ramón Marques Dominguez,
percussionniste de Cutumba
Santa Martinez Martinez, chanteuse
du groupe Lokosia de Guantanamo
Eyèsen Morales Peña,
percussionniste du groupe Lokosia
de Guantanamo
Andres López Hodelín, Mesye,
chanteur du groupe Agüe de
Guantanamo
Vicente Portuondo Hechevaria,
percussionniste du Conjunto
Folklorico de Oriente
Queli Figueroa Quiala, chorégraphe
et percussionniste de la société
de tumba francesa la
Caridad de Oriente.
Pour
leurs échanges et
collaboration :
Alexis
Alarcon, Casa del
Caribe, Santiago de
Cuba, ethnologue
Heidy Cepero
Recoder, Universidad
de Camagüey,
ethnomusicologue
Antonio Mellas
Limonta, ethnologue,
Casa del Caribe
Serafina María Ronda
Infante, ethnologue
et philosophe,
Universidad de Las
Tunas
Giovanna Salomé,
anthropologue,
Institut
d'ethnologie,
Université de
Strasbourg
Grete Viddal,
ethnologue, Stone
Center for Latin
American Studies,
Tulane University
Pour
ses conseils,
relectures,
adaptation web
et soutien :
Daniel Chatelain, Université Paris VIII, ethnomusicologue
Vèvè
des ountoki
(tambourinaires),
auteur inconnu
Ouvrages et articles consultés
Cultures haïtiennes à Cuba, interacions caribéennes
- Caidije, una comunidad haitano-cubana, D.Moreno & J.Guanche, Editorial de Oriente, 1988, Santiago de Cuba.
- Cuban festivals, a century of afro-cuban culture, Judith Bettelheim, 2001, Ian Randle Publ. Irene. 2008.
- "Cultura y identidad en el Oriente de Cuba", Revista Batey N°4, 2013, Contramaestre, http://www.revista-batey.com/index.php/batey/issue/view/5
- Del areito y otros sones, Martha Esquenazi Pérez, Ediciones Adagio, 2007, La Habana.
- El gagá de Barrancas, J. Berenguer Cala, Ediciones Santiago, 2006, Santiago de Cuba.
- El gaga, religion y sociedad de un culto dominicano, June Rosenberg, Collecion historia y sociedad N°57, 1979, Santo Domingo
- El vodú en Cuba, J. James, A. Alarcon, J. Millet, Editorial Oriente, 2007, Santiago de Cuba.
- "El vodu en Cuba", Raimundo Gomez Navia, 2006, http://voduencuba.blogspot.fr/
- « Guanamaca, una comunidad haitiana », Alberto Pedro Diaz, Etnologia y folklore N°1, Academia de Ciencias de Cuba, 1966, La Habana.
- "Haitian traditions in Cuba", Zobeyda Ramos Venero, article dans Music in Latin America, An Encyclopedic History vol.2, University of Texas Press, 2004.
- "Haitianos y descendientes en Guantanamo", Osvaldo Barrios Montes, Catauro N°9, 2007, La Havane
- "Je ne veux pas mourir en pensant que la tumba francesa n'existera plus" Interview de Gaudiosia Venet Danger, "Yoya", reine de tumba francesa" par Laura Cruz, traduit de l'espagnol (publication en espagnol : 1997, en français : 2005) interview sur ritmacuba.com (mis en ligne en 2008)
- La cultura popular tradicional, conceptos y terminos basícos, Margarita Mejuto & Jesus Guanche, Consejo Nacional de Casas de Cultura, 2008, La Habana.
- La Música de las Sociedades de Tumba Francesa en Cuba, Alén, Olavo. Editorial Casa de las Américas. 1986, La Habana.
- La musica del Grupo Caidijé en las ceremonias de vodú haitiano, Heidi Cepero Recoder, 2012, ouvrage de maîtrise, Universidad de Camagüey.
- La percusión en los ritmos afrocubanos y haitiano-cubanos, Mililián Galis Riverí, 2017, Ediciones Caserón, Santiago de Cuba.
- « La semana santa haitiano cubana », Alberto Pedro Diaz, Etnologia y folklore, Academia de Ciencias de Cuba, 1967, La Habana.
- La Tahona : "Buscando los guerrilleros" en el Carnaval, Casero Rossello Aurelio, Cruz Guibert, 2008 www.santiago.cultstgo.cult.cu/
- "La Tumba francesa", Daniel Chatelain, Percussions n°45 & 46, 1996. Mis en ligne sur ritmacuba.com avec une nouvelle iconographie : La Tumba Francesa (50 p.).
- "La tumba francesa, un parcours de coeur et une empreinte familiale" Interview d'Emilio Castillo Guzman Chi Chi à Guantanamo, par Daniel Mirabeau, juillet 2015 (pdf.), ritmacuba.com
- Livret du disque "Tumba francesa" (LP puis CD) du Coffret Antologia de la musica afrocubana, texte de Olavo Alén. Traduction française de Daniel Chatelain .
- "La spécificité, l'évolution et la visibilité du vodú d'origine haïtienne à Cuba". Interview d'Alexis Alarcón par Daniel Mirabeau, juillet 2012 (pdf, 7 p.), ritmacuba.com
- "Maintenir les traditions". Interview d'Orlando Aramis, chanteur de la compagnie Babúl de Guantanamo par Daniel Mirabeau, juillet 2015 (pdf.), ritmacuba.com
- "Musiques haïtiennes à Cuba", Daniel Chatelain, Africultures n°58, 2004, Paris. Lire l'article (site Africultures)
- Santiago de Cuba, teatro en la calle, Giuseppe lo Bartolo, Editorial José Martí, 1994, La Habana.
- Une vie de folkloriste". Interview de Rafael Cisnero Lescay de Cutumba, faîte à Santiago de Cuba par Daniel Mirabeau, juillet 2012 (pdf, 5 p.)
- "Vodu chic : Haitian Religion and the Folkloric Imaginary in Socialist Cuba", Grete Viddal, New West Indian Journal, 2013
- Merengué and Dominican identity, Julie A.Sellers, 2004, Mc Farland Pub., North Carolina
- Pasión danzaria, Darío Tejada, 2000, Academia de Ciencias de la República Dominicana
Transcriptions de rythmes et danses cubaines
- Cahiers de rythmes afro-cubains, vol. 1 à 3, Mililian Galis, Transrythmes, 2009, Saint-Denis
-
Guía de estudio del
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Graciela Chao Carbonero &
Sara Lameran, Editorial pueblo
y educación, 1979, La Habana.
- La
percusión en los ritmos
afrocubanos y
haitiano-cubanos,
Mililián Galis Riverí, 2017,
Ediciones Caserón, Santiago de
Cuba.
- Ritmos de Santiago de Cuba, Juan Bauste & Mark Collazo, Drum percussion, 2011
Haïti,
musiques, danses et
religion
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- Histoire du style musical d'Haïti, Claude Dauphin, Mémoire d'encrier, 2014, Montréal.
- "Haitian Vodou and its Music", Gerdès Fleurant, in Music in Latin America, An Encyclopedic History vol.2, University of Texas Press, 2004
- "Haiti", Gerdès Fleurant, in Music in Latin America, An Encyclopedic History vol.2, University of Texas Press, 2004
- "Haiti", Gage Averill & Lois Wilcken, The Garland handbook of latin american music, Routeledge publ, 2008
- Kanaval, vodou, politics and revolution on the streets of Haiti, Leah Gordon, Soul Jazz Publ, 2010
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- Le sacrifice du tambour assotor, Jacques Roumain, Imprimerie d'Etat, 1943, Port-au-Prince.
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- Le vaudou haïtien, entre mythes et constructions savantes, Lewis Ampidu Clorméus, Riveneuve éditions, 2015, Paris.
- Les danses haïtiennes, Claude Carré, http://claudecarre.com/publication.php
- Les danses folkloriques haïtiennes, Michel Lamartinière Honorat, Imprimerie de l'Etat, Port au Prince.
- Les mystères du vaudou, Laënnec Hurbon, Gallimard Découvertes, 1993, Paris.
- Life in an haitian valley, Melville J. Herskovits, A.Knopf Inc., 1937
- " Musique du rara, note de synthèse du colloque Men Rara", Pascale Jaunay, 2014, inédit, Port au Prince.
- The Drum and the Hoe, Harold Courlander, University of California Press, 1960
- Vaudou, Michel le Bris, éd Hoëbeke, 2003
- "Vodou! Un tambour pour les anges", L. Hurbon, D. Damoison, Ph. Dalembert, Editions Autrement, 2003,
- "Vodou d'Afrique en Amérique", revue Histoire et Religions N°10, Faton éditions, 2013.
- Vodou Songs, Benjamin Hebblethwaite, Temple University Press, 2012
- Zombis : enquête sur les morts-vivants, Philippe Charlier, Taillandier 2015, Paris.
Linguistique
- Inventaire étymologique des termes créoles des Caraïbes d'origine africaine, Pierre Anglade, L'Harmattan, 1998, Paris.
- Le créole de Saint-Domingue français dans les tumbas francesas de Cuba , in Créoles de la Caraïbe, Alain Yacou, Khartala, 1996, Paris.
Cuba
Conexión, vol.1, 2, 3, Escuela de baile, Folklórico de Oriente, Egrem
Cutumba, vol.1, 2, 3, Academy of Cuban Folklore Dance Label, de 2005 à 2012
Desandann "Descendants", 1997, Bembé Records CD 2022-2
Galibata : Cantos y Toques Egrem S-0010 (Diffusion ACI-Transrythmes). Note de l'éditeur : contient entre autres une interprétation des rythmes Cunyai, Masú, Congo Layé, Ibbo, Vodú (Guantanamo)
Sabor al guaso, Ban Rara, Mayuli enterprise, 2002, Los Angeles.
The Creole choir of Cuba (anciennement Desandann), "Tande la", Realworld Rec 2010
The Creole choir of Cuba (anciennement Desandann), "Santiman", Realworld Rec 2013
Haïti
"3 Reines", Wawa & Racine Kanga, Geronimo rec., 2009
Pierre Cheriza : Les 101 nations du vaudou - Haïti Musiques du vaudou. Buda rec. 122, 1986
Pierre Cheriza : Tambour Mystère - Haïti, Musiques du vaudou.Buda rec. 92731-2
Danto, Racine Figuier, Geronimo rec., 1999
Drum jam, Grupo Exploracion, Bembe rec, 2000
Guédé sans limite, Mambo Diela, Geronimo rec., 1996.
Haitian Vodou, the spirit of life : music of Haïti, Soul Jazz Rec., SRJ CD 105, 2005
Haïti vodou, ritual music from the fist black republic, 2016, Frémeaux & Associés, Paris
Jou a rive, Boukan Ginen, Green Linnet, 2011
Lakou Myzik, Wa di yo, 2016, Cumbancha, Port au Prince
Maya Deren vodou's recordings, 1947-54, UFDC, Miami
Myzik tradisyonèl Hayiti, Solèy Rasin Plis, Crowing Rooster Arts, 2003
Rara in Haïti, Soul jazz records, SRJ CD230, 2010
Rara in Haïti & Gaga in the Dominican Republic, 1978, Ethnic Folkways rec, New York City
Rara Foula, Rights workshops rec., 2009
Rasin Mapou de Azor, Geronimo Rec., 2008
"Regleman", Erol Josué, High Times rec., 2007
Revolisyon, Boukman Esperyans, Tropical music, 2004
- Album photo évolutif sur la tumba francesa par Daniel Chatelain (picasa, Google photos)
© Daniel Mirabeau & ritmacuba.com
Egalement sur ritmacuba.com :
Cahiers de rythmes afro-cubains, Mililian Galis. Entre autres transcription des rythmes : - Toque de la Tumba Francesa (Masón) - Toque de la Tajona (Golpé Camino) - Toque de la Tajona (Golpé Tajona) - Toque Lianset (Holguín) - Toque Leté (Guantanamo) - Toque Masú (Las Tunas) - Toque Vodú (Guantanamo) - Toque Vodú (Las Tunas) - Toque Vodú (Palma, Camagüey) - Toque Ibo (Las Tunas) - Toque Kunyai - Toque Yambalú - Toque Gagá (Pingé) - Toque Gagá (Bak sín) - Toque Ibó
Vidéos de Tumba Francesa & Tahona
Vidéos Afro-cubaines arara, yoruba, bembé, congo, haitiano-cubain.
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