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Chroniques : Méthodes

BATAS , CONGAS, MULTI-PERCUSSIONS ET BATTERIE, ...

 

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BATAS

flêche VOIR AUSI SUR CE SITE CAHIERS DE RYTHMES AFROCUBAINS n°1 à n°5 + 2 DVD de Mililian Galis, dit "Gali".


ALFONSO HERRERA Daniel. 2007. "El lenguaje del tambor. Bata rhythms & techniques from Matanzas. Cuba" – 2 DVD – Kabiosile 06672 (Import) – 5 heures

Disque 1 : durant 2 heures, nous assistons à un “oro seco” complet, comme si nous étions dans le Cabildo de Santa Teresa (Matanzas). Les prises de vues facilitent la visibilité de chacune des main des tambourinaires. Le disque se termine avec une interview sur le langage des batas (illustrations sonores), & (bonus) de quelques questions au légendaire percussionniste Esteban « Chacha » Vega Bacallao, un des premiers professeurs de Daniel. Le disque 2 dure 3 heures qui détaillent les techniques spécifiques de okónkolo, itótele & iyá, on peut préciser les positions, tambour par tambour, face & profil Le menu facitite la navigation. Les transcriptions sont celles – bien connues - de Bill Sommers, + 2 de Daniel. Michel Faligand, percu-info.

DESVERONNIÈRES, Jacky « Yaki ». 2003. Apprentissage des tambours bata. Learning how to play the bata drums. Vol. 1. + 2 CD. ISBN 2-9520506-0-0. Edition : Jacky « Yaki » Desveronnières. Distribution : ID Music, Courbevoie (92). 297x210, broché. 104 pages, bibliographie, cartes, discographie, musique, photos. Texte anglais et français.

Table des matières : 1. Présentation - 2. Préface (Ernesto Concha) - 3. Les tambours bata - 4. Légende et application - 5. Transcriptions des rythmes de salutations de l’Oru seco (Oru del Igbodu) - 6. Conclusion - 7. Bibliographie-Discographie - 8. Index disques 1 & 2 - 9. Curriculum vitae de Yaki. Prix : 34,50 €. www.yaki.info


Cette méthode mérite un salut particulier. Entièrement centrée sur des techniques de bata, elle est – sauf erreur de ma part – une première, tant pour les anglophones que pour les francophones. Elle doit donc afficher d’autres ambitions et pratiquer d’autres vertus que les quelques exercices que la plupart des revues spécialisées ont cru devoir publier depuis que ces tambours sont devenus un phénomène de mode (avec le factice, le futile, la démagogie, les « perles » que cela suppose), disons une bonne dizaine d’années. Pour voir ce qu’il en est, suivons la table des matières. « Yaki » débute sa présentation ainsi : « L’objectif de cette méthode est de faire découvrir et permettre l’apprentissage des différents rythmes de salutations des tambours bata, à tous les musiciens […] désireux d’étendre leurs connaissances aux traditions musicales afro-cubaines. » En fait, le présent volume propose onze toques de l’Oru del Igbodu (1) « basés sur la tradition Cubaine Havanaise ». Il est bien dommage que l’auteur ne nomme pas ses professeurs, cela aurait été, pour lui, une belle occasion de les remercier. Peut-être même aurait-il pu en profiter pour justifier cette déclaration : « Passionné par la percussion et sa richesse polyrythmique, je suis parti à Cuba en 1997 apprendre les tambours Bata à l’Ecole Nationale des Arts de la Havane, dans le but de réaliser une méthode pour batteur-percussionniste. » (Batteur Magazine . 158 (mai 2003), page 16). Il aurait également dû nous donner une idée de son statut (choisi par lui ou non) face aux différents éléments de la santería. La préface « Rito, ritmo y movimiento », a été rédigée par Ernesto Concha Trujillo, « le [c’est moi qui souligne] spécialiste des musiques Latines et Caraïbes Hispaniques » ; même mieux traduite, la version française aurait quand même révélé des affirmations hasardeuses voire irréalistes. Qui plus est, Concha Trujillo et « Yaki » donnent des informations parfois discordantes. C’est bien dommage car ces manquements à la rigueur ternissent un texte qui n’est pas dénué d’intérêt. Le chapitre 3 était indispensable, il est de bonne tenue et dit l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour aborder les techniques de jeu ; les cartes seront utiles, les photos parlent d’elles-mêmes. Je suis assez réservé sur les transcriptions, pas sur les relevés eux-mêmes. Il me semble que le fait de reléguer les « commentaires et analyses relatifs aux transcriptions » après les cinquante pages de notes de musique occupées par celles-ci est une erreur pédagogique – erreur accentuée par le fait que les extraits sonores, jamais commentés par la voix du professeur (dont la bienveillante perspicacité aurait été encourageante), donnent l’impression d’être débités par une machine… quasiment carcérale. Je me mets à la place de l’apprenti aux prises avec (exemple Eleguá) : son instrument, la transcription (page 36), le commentaire (page 90), l’index du disque (page 97), la télécommande de son lecteur (s’il en a une !), voire la présentation « du spécialiste » (page 13) et je m’interroge. Il me semble aussi que notre professeur aurait dû présenter les onze transcriptions qu’il a choisies en précisant les raisons de son choix(2) et celles de l’ordre de présentation des toques dans sa méthode. Pour chaque transcription, la relation entre la structure musicale du toque et la « personnalité » de l’oricha (divinité de la santería) concerné ne pouvait-elle être mise en évidence brièvement, s’il y avait lieu ? Autre détail : « Yaki » n’aborde pas le problème de la clave dans les musiques de batas, pourquoi donc ? N’était-ce pas une introduction – une clé ! – obligée ? Reste la bibliographie et la discographie. Une bibliographie (articles, livres, livrets de CD) peut répondre à l’un de ces quatre objectifs : ou lister seulement les textes qu’on a consultés avant ou pendant la rédaction (« bibliographie consultée »), ou bien compiler tous les titres des textes se rapportant au sujet que l’on traite et dont on a eu connaissance (« bibliographie »), ou encore sélectionner, dans les deux précédentes listes, des titres qu’on tient à signaler aux lecteurs (« orientation bibliographique » ou « sélection bibliographique, ou « suggestions bibliographiques »), ou même réduire la liste à des textes écrits dans la même langue que celle du reste du livre (« bibliographie francophone »). Le choix du titre de la bibliographie dépend des intentions de son compilateur et des motivations supposées des lecteurs ; les premier, troisième et quatrième types font courir le risque d’oublis graves, le deuxième incline à des listes possiblement fastidieuses. L’avantage du premier est d’offrir la possibilité de commenter le contenu des textes référencés. Faut choisir ! La liste de « Yaki » me semble se référer à un cinquième objectif, demeuré indéfinissable pour moi d’ailleurs ; en tout cas, des documents essentiels, francophones et non épuisés manquent à l’appel ; « Yaki » en ignore-t-il l’existence ou a-t-il décidé que ses lecteurs devaient ignorer cette existence ? La discographie donne plus de quarante références, malheureusement sans indication des labels, des numéros d’édition, des dates d’enregistrement ou d’édition ; de plus, ces références témoignent d’un embrouillamini d’accents qui, lui aussi, incite à tourner la page : quel dommage ! Les références multimédiagraphiques sont absentes. Les deux cédés sont d’une indiscutable qualité acoustique. En résumé, « Yaki » et les personnes qui l’ont aidé ont fait un très gros travail que les côtés négatifs du volume 1 que je signale ne disqualifient pas irrévocablement. Mais – excusez-moi de radoter – tout percussionniste aussi doué soit-il pour la technique de son instrument n’est pas ipso facto un pédagogue de talent ; être un instrumentiste doué, doublé d’un enseignant performant, ne fait pas automatiquement de vous un rédacteur aux dispositions nécessaires à la maîtrise des problèmes posés par l’écriture d’un livre, surtout quand le thème de celui-ci exige une rigueur quasi ethnomusicologique. En l’occurrence, l’enthousiaste motivation et l’énergie qu’elle suscite, ajoutées aux apparentes facilités de l’informatique, ne donnent pas forcément le savoir et le savoir-faire indispensables à la rédaction et à la mise en page d’une méthode d’apprentissage pertinente. Ecrire, cela s’apprend aussi ! Transmettre une pédagogie sur le papier et par le disque, également !! Editer un livre, c’est pareil !!! Je dis cela car, en page 1, « Yaki »(3) revendique les responsabilités d’éditeur (publisher pour les anglophones, et non pas editor comme il est imprimé), producteur et metteur en page. Paraphrasant Gilbert Rouget, j’ai envie de dire que la musique est toujours plus que la musique. Je forme des vœux pour qu’une édition corrigée de la présente publication (dans laquelle le nombre de coquilles, l’abus des majuscules finissent par rendre la lecture irritante sinon désagréable) et la première édition du volume 2 connaissent le succès qu’elles mériteront alors. Tout le monde y gagnera(4) . [R++] © Michel Faligand (2003)*


(1) On trouve aussi souvent la graphie « oro de igbodu»

(2) Milan Gali – dont le Centre Juan Marinello (La Havane) éditera (en 2005)* deux fascicules consacrés aux batas (technique de jeu – fabrication) extraits d’un volumineuse méthode – déclare que le nombre de rythmes de batas « dépasse la centaine entre La Havane et Matanzas. » cf. Daniel CHATELAIN. « Tambours batas : rythmes, transes, religion, Milan Gali (1) ». Percussions . 12 (juin 2003) : 24-33 et Percussions . 14 (mars 2004) qui livre l’entretien de Daniel avec Oderquis Revé sur le même sujet, pages 16 à 18. Ces deux textes sont indispensables.

*Note du webmaster (mai 2007) : L'ouvrage de Milan Gali sur les tambours batas, prévu finalement en un seul volume, a vu sa parution retardée et est espéré (sans certitude) pour la fin de l'année 2007.

(3) « Yaki » est également l’auteur de Batuk-Bata. Méthode ayant pour but de faire découvrir aux batteurs et percussionnistes les différents rythmes des tambours bata par leur application à deux batteries. Clermont-Ferrand (63) : Alfonce Production, A.44001.P.

(4) Pendant quatre années, Marcel Roy, instrumentiste, arrangeur, pédagogue et fabricant-inventeur d’instruments, a vécu à Santiago de Cuba. Durant cette période et depuis son retour à Melun (77), il a rédigé et expérimenté une volumineuse méthode sur le rythme avec prolongements pour l’apprentissage des instruments et le travail des différents genres musicaux qui les utilisent. Tel que je connais le bonhomme, tout le monde aurait aussi à gagner à ce que cet ouvrage trouve rapidement un éditeur.

*Michel Faligand est le fondateur de la revue PERCUSSIONS et webmaster du site www.mespercussions.org et de son bulletin Percu-info.


 

CONGAS

BOISSIERE Jean-Paul. 2006. Les rythmes du conguero et du batteur / The conguero & drummers rythm, volume 3. Livre + CD. ISBN 88-507-1097-6. Carish-Musicom (Paris)– Relié – 220x280 – 156 pages, musiq, discographie, vidéographie. Prix 23,90€. www.Carish.com

Volumes précédents : El conguero volume 1 : technique fondamentale - Les rythmes du conguero : ryhtmes et indépendance.

 

EGGER, Uwe. 2002. Ritmos Cubanos : Traditionelle und populäre Rhythmen aus Cuba für Congas und cubanische Rhythmus Instrumente. Geschichte, Formen, Noten / Traditional and popular rythms from Cuba and Cuban Rythm Instruments. History, Forms, Music. ISBN 3-921729-77-7. Francfort (Allemagne) : Musikverlag Zimmermann, ZM 33670 – Relié – 305x230 – 120 pages, dess, musiq, photos, carte, tableaux. Texte en allemand et anglais. Prix 24,95 €. www.Zimmermann-frankfurt.de

Table of contents : Introduction – I. The Instruments – II. Rythmic Basics and Exercises – III. Música Popular – IV. Género Comparsa – V. Música Tradicional – VI. Advanced Conga Technique – Appendix - Tables – Books.


Cette méthode impressionne d’entrée de jeu par son étendue : l’ensemble des percussions usuelles de la musique cubaine (claves, cloches, maracas, güiro, cata, bongo, congas, timbalès, bata, chékérés et instruments des polyrythmies abakuá). Les tambours de certaines polyrythmies afo-cubaines (arara, bantu) sont quant à eux adaptés aux congas. L’ouvrage se singularise en collant au plus près des sources cubaines déployées dans toute leur diversité, puisées in situ ou ex situ auprès des meilleurs noms (tout au moins certains parmi les meilleurs) ; sans pour autant laisser de côté d’autres répertoires caraïbes : merengue, calypso, cumbia ou tumba (de Curaçao). Le nombre des styles abordés - j’en ai dénombré vint-huit ! (certains de ces styles, comme la rumba ou d’autres catégories afro-cubaines, contenant en fait plusieurs rythmes) - est un indice de la valeur informative de l’ensemble.

Certes, ce panorama n’atteint pas l’exhaustivité (qui serait d’ailleurs quelque peu chimérique) : pas de conga orientale, pas de style de Matanzas dans le guaguancó … (mais par contre, en rumba, de bonnes surprises : un style de Santiago dans la rumba Columbia ou un peu connu ñongo). Pour les batas, il ne peut s’agir que d’exemples, vu leur vaste répertoire rythmique, mais ils sont bien choisis et développés. Un bon point est que la dimension collective de la percussion cubaine est systématiquement en avant dans les différents exemples rythmiques. Le système de notation choisie est dans l’influence de l’édition musicale anglo-saxonne, avec, pour les précisions de frappe, l’utilisation de la lettre initiale du mot anglais correspondant. Aucun nom d’instrument ne reste énigmatique, grâce à un tableau ou apparaît leur mise en relation avec leur fonction musicale dans les différents styles. Une fois exposés les rythmes traditionnels, un chapitre dense permet de s’exercer aux techniques modernes de conga. Quelques flottement orthographiques ou coquilles résiduelles sont un défaut mineur. Étonnent l’absence dans la bibliographie du fondamental Atlas de los instrumentos de la música folklórica-popular de Cuba (CIDMUC, La Havane) ou le manque de référence aux vidéos existantes… L’introduction insiste justement sur l’importance de lier l’usage de la méthode à un professeur, qu’aucun livre ne saurait remplacer, ce qui constitue un signe, parmi d’autres, du sérieux de la démarche de l’auteur à l’opposé de toute démagogie commerciale.

La valeur pédagogique de cet ouvrage est de tout premier rang, malgré l’absence surprenante de CD. Ce livre très complet et bien pensé mérite largement la dépense. [R+++] © Daniel Chatelain.

 

 


 

MULTI-PERCUSSIONS ET BATTERIE


HERNANDEZ, « El Negro » Horacio. Conversations in Clave. The Ultimate Technical Study of Four-Way Independence in Afro-Cubans Rhythms. 2000. Miami (USA) : Warner Bros. Publications – Relié – 305x230 – 136 p. : musiq, texte (anglais). + CD. Prix : 24,95 $ (USA).


En matière de méthodes sur les rythmes cubains, percussionnistes et batteurs étaient traditionnellement tenus de pratiquer un grand écart. D’un côté l’étude des schémas rythmiques spécifiques, de l’autre le recours à de méthodes généralistes pour travailler l’indépendance. En effet une fois abordés les fameux « plans », on est encore loin de quoi savoir en faire : développer une liberté de parcours, varier ; loin de ce qu’est réellement cette musique avec ses rythmes entrecroisés, avec ses mélodies dans les instruments ryhtmiques et ses rythmes à « pêcher » dans le jeu du piano, de la voix, de la guitare, de la basse, etc. Un recours providentiel pour les batteurs et timbaleros qui essayaient de faire la synthèse des rythmes traditionnel cubains sur un seul instrument, ou simplement des solos créatifs, était le détour par la méthode de Jim Chapin « Four-Way Coordination ». Génial pour la coordination, mais aucun rapport direct avec la musique clavée…


Dans son parcours personnel, le passionnant batteur Horacio « El Negro » Hernandez, amené à circuler librement entre les rythmes cubains traditionnels de son pays natal (Cuba), les développement du latin jazz dans la scène havanaise des années '80 (marquée Enrique Pla dans Irakere et Changuito au sein des Van Van) et les expériences sans frontières de sa longue collaboration à jeu égal avec l’exigeant pianiste Gonzalo Rubalcaba, était bien placé résorber ce douloureux écart. Le savoir-faire d’El Negro est devenu plus éclectique encore depuis qu’il vit aux État-Unis (1993) où il a côtoyé tous les grands noms présents de la percussion latine et du latin jazz ou du jazz tout court, obtenu un « Grammy » avec le « Crisoul Band » de Roy Hargrove et collaborant y compris à un autre Grammy, le « Supernatural » de Santana. Il s’y est fait une réputation, outre celle d’un des meilleurs batteurs au monde, de pédagogue, réputation que confirme cette méthode. Avec elle, la bible de Jim Chapin peut enfin trouver une version… latine.« El Negro » y conseille sagement de rester « collé » à toute la famille des instruments de percussion traditionnelle (tumbadora, bongo, paila, güiro, maracas, clave, campana, bata), qui ont précédé l’existence même de la batterie, tout en utilisant parallèlement ses propositions pour l’éxécution simultanée de leurs rythmes et la liberté de jeu rythmique et mélodique sur la clave.

Par choix personnel, qu’il argumente, la méthode est centrée sur les exercices à partir de la clave rumba. La cascara binaire et la clave 6/8 n’est pas pour autant délaissée pour mieux appréhender, par des exercices innovants, les diverses combinaisons binaires-ternaires qui ravissent l’auteur. Nombre d’exercices sont, bien entendu, adaptables en clave de son. Les transcriptions des styles cubains ne sont abordés qu’en approchant la page 100, comme pour mieux insister sur la nécessité du travail de fond.

Je gage que ceux qui joueront le jeu anti-démagogique et pro-pédagogique proposé par cette méthode seront largement récompensés de leurs efforts. Se rendront même-t-ils comptent de leur bonheur d’être aussi bien éclairés pour se tracer eux- mêmes une voie dans une jungle où ne manquaient pas - avant le troisième millénaire - les zones d’ombre et les chemins sans issue? ! ! ! Par contre, ceux qui aborderaient ce domaine en ignorant cet ouvrage pourraient, eux, courrir les risques suivants : ou de se cantonner dans un "prêt-à-porter" peu signifiant… ou de peiner inutilement. [R+++] © Daniel Chatelain.

 

 


LAMY Laurent. 2005. Les rythmes du folklore afro-cubain. Livre + DVD. ISBN : ? Edition : Connection / PDG Music Publishing. 219x293, broché. 110 pages, discographie, bibliographie, vidéographie, musique, photos. Prix non marqué (29€ sur le site de l’éditeur). http://www.play-music.com

Table des matières : 1. Introduction 2. Notations et dénominations. 3. Les Rythmes Yoruba 4. Le Cycle Congo 5. Les Rythmes Arara 6. Les Rythmes Abakua. 7. Le Cycle de la Rumba 8. Les Rythmes du Carnaval 9. Le Travail du Quinto 10. Discographie 11. Bibliographie Vidéographie 12. Remerciements 13. A propos de l'auteur.

La réussite que représentait la publication en 1999 de la méthode « Congas, rythmes et développements » par Laurent Lamy, réussite plutôt rare dans l’hexagone à propos des instruments cubains, nous a fait regarder l’arrivée de ce nouvel ouvrage avec sympathie. D’autant qu’il aborde un domaine qui non seulement nous est cher, mais où les lacunes informatives subsistant encore – sinon un accès peu évident de celles existantes - justifient a priori l’existence d’un tel ouvrage. #Sympathie visiblement réciproque, car les articles de votre revue préférée dans le domaine affirment leur présence dans la bibliographie.#
Il n’est sans doute pas facile d’éditer un tel outil pédagogique en France en 2005 (1). Ce type d’édition suppose une vraie rencontre entre un auteur et un éditeur. Disons tout de suite la lecture de l’ouvrage éclaire - du moins finit par éclairer - sur les volontés de l’auteur et la somme considérable de travail qu’il a réalisé, mais laisse sceptique sur le travail de l’éditeur.
Non que la présentation laisse à désirer, au contraire : dessins originaux réalistes en couverture (œuvre d’un graphiste percussionniste !), lisibilité de la musique, mise en relation des exemples musicaux avec le DVD… Certes, les illustrations internes sont rares et avec des problèmes de reproduction, mais ce n’est pas bien grave.

Revenons au début : dans l’introduction, l’ouvrage se refuse à être une méthode. Et en effet les indications pédagogiques qui seraient dans ce cas nécessaires ne sont pas au rendez-vous. Alors qu’est-il ? Un recueil de rythmes avec des choix subjectifs, un collectage systématique ? S’agit-il ou non de l’ensemble du domaine afro-cubain ? On se perd un peu en conjectures.

La table des matières montre bien l’ampleur réelle (et la réelle ampleur) du projet. Sont englobés une large partie du domaine afro-cubain traditionnel et le « cycle de la rumba » qu’il n’est pas simple, en effet, de séparer du premier. Implicitement, sont traités les rythmes où peut intervenir la tumbadora, que les non-cubains préfèrent appeler conga. Mais aussi des rythmes où celle-ci peut substituer d’autres instruments (comme les rythmes abakuá, iyesa). D’autres instruments sont présentés, comme les chékérés, bien mis en valeur aussi dans la couverture, mais quasi-absents des exemples musicaux. A la lecture des rythmes yorubas, on s’aperçoit que les tambours batas sont évités pour traiter exclusivement les rythmes bembés (qui ne les nécessitent pas). Ce choix est jouable, mais rien ne l’explicite, à part l’absence des batas dans les instruments cités dans la quatrième de couverture. Mais, puisque ce choix est tel, pourquoi une discographie où les CD de tambours batas occupent la moitié de la place ?

Les rythmes cubano-haïtiens ou ou haïtiano-cubains, comme on voudra, de la moitié Est de l’île ne sont pas traités dans la table des matières ; rien à redire à cela, il y aurait de quoi faire un ouvrage entier (je connais d’ailleurs un manuscrit cubain qui ferait référence, mais il n’a pas trouvé d’éditeur jusqu’ici). Mais contradiction encore, les instruments spécifiques – assez nombreux - aptes à produire ces rythmes occupent une bonne place dans un tableau des instruments cubains placé au début de l’ouvrage (je l’aurais d’ailleurs plutôt vu à la fin).

Collectage ? On pourrait le croire car l’auteur cite parfois ses sources. Cela pourrait rendre l’ouvrage très intéressant et particulièrement fiable. Mais malheureusement ce n’est pas systématique. Il n’y a pas non plus une présentation indexée des percussionnistes cités pour avoir donné les modèles de ces rythmes à l’auteur au cours de sa progression personnelle, ce qui rend leur mention parfois énigmatique (tout le monde n’a pas la célébrité d’Orlando Poléo, un des noms figurant comme source).
Comme dans tout type d’ouvrage de ce type, l’abondance des mots non français (désignation des rythmes et de techniques de jeu, instruments etc.) oblige à des choix orthographiques, comme le respect ou non des accents originaux entre autres. Et en disant cela nous ne voulons obliger personne à une orthodoxie. La question est que l’auteur a choisi de ne pas vraiment choisir, les mêmes noms s’écrivent différemment dans un titre que dans le corps du texte, où là aussi des variantes apparaissent à l’occasion : accents parfois présents, ou absents ou passant de l’aigu au grave pour des raisons mystérieuses. Ces signifiants fluctuants pour nommer un même signifié créent une tension – bien dispensable - chez le lecteur attentif. Là, c’est l’absence de responsabilité éditoriale que j’incriminerais. Comment publier un tel ouvrage, si technique soit-il, sans des relectures croisées de spécialistes en divers domaines (organologie, espagnol, français, édition, graphie musicale et typographie, etc.) ?

La présence d’un DVD apparaît comme un atout, d’ailleurs bien mis en valeur dans la présentation de ce package. Mais elle peut susciter de fausses espérances, car ce DVD ne contient en fait ni vidéo ni photos documentaires. Par rapport à un CD musical, son intérêt ne réside « que », si je puis dire, dans une durée d’enregistrement plus longue qu’un CD et dans le choix des exemples musicaux au travers de menus hiérarchisés. En ce qui concerne cet outil - d’intérêt uniquement sonore donc - on serait déçu si on en attendait une fidélité de restitution des timbres utilisés, car il s’agit apparemment de musique programmée et non d’un enregistrement acoustique (il aurait été mieux de jouer carte sur table en étant là aussi explicite). Les différentes parties des instruments jouant simultanément ne sont d’ailleurs pas très faciles à distinguer pour l’auditeur musicien voulant y intégrer sa partie et il faut une oreille exercée pour en tirer le meilleur usage (rien que pour cela, l’ouvrage s’adresse à des percussionnistes de niveau avancé). Cette nature mécanique de l’enregistrement m’a personnellement gêné dans l’écoute des polyrythmies. Quelle que soit la justesse du relevé, je ne conseillerais pas de se faire une idée de l’effet psycho-acoustique très particulier d’une conga orientale – pour prendre un exemple certes caricatural – à travers la programmation idoine présente sur le DVD ! (2)

L’impression d’ensemble est que les carences éditoriales n’ont pas permis de mettre en valeur comme il se devait les talents de l’auteur. Peut-être faute d’exigences suffisantes de son partenaire - éditeur, les efforts fournis par lui dans la phase de finalisation du travail n’ont-ils pas été portés au même niveau que celui des phases préalables.

Relativisons cependant les critiques ici portées, car, finalement, on retrouve ici des défauts communs à mes yeux à bien des ouvrages de publication antérieure, tandis que la densité informative musicale dans celui-ci est peu commune. Mais pour lui donner toute sa portée, une nouvelle édition mieux finalisée serait à notre avis nécessaire. [R++]© Daniel Chatelain (2006 pour Pages Percussives).

(1) Sans pourtant oublier que dans le domaine des difficultés, tout est relatif, puisque des maîtres cubains de référence vivants sur l’île et pouvant prétendre à l’exhaustivité de ces rythmes n’ont pas encore vu (2007) le début de la publication espérée de leurs œuvres.
(2) Je sors peut-être du sujet dans cette dernière remarque, mais – pour continuer cet exemple - comment bien s’insérer efficacement dans un ensemble rythmique par nature si dynamique en n’ayant pas la présence sonore de cette pulsion irrépressible qui, sur place, pousse en avant même ceux qui manifestaient l’instant auparavant l’intention de ne pas faire le moindre pas?

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