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en ligne de la page : le 10/01/21. Dernière actualisation le 05/02.
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Isabel
& Josefa "Fefa" Begué Belón (prénoms identidié par la famille
Belón lointaine en ...janvier 2001)
Ce jour de janvier 1993, les deux sœurs Begué
Belón, 82 et 84 ans m’accueillent dans leur salon d’une maison
centenaire de la ville de Guantanamo. Je suis loin de me douter
qu’elles vont me faire découvrir un pan méconnu des relations
franco-cubaines. En effet, ces deux sœurs qui ne sont jamais
sorties du pays, qui ne parlent pas français, ont été décorées par
la République Française (du moins c'est ainsi qu'elles l'on vécu)
après la seconde guerre mondiale… Comment est-ce possible ?
Leur père était né en France, héritier lui même d’un siècle de présence des Français à la suite des créations des plantations de café par les planteurs fuyant les troubles de Saint-Domingue et la création de la République Noire d’Haïti[1]. Premier indice de sa provenance métropolitaine, un baromètre rouillé de Bordeaux accroché à un pilier. Il est mort à la veille de la première guerre mondiale alors que ses filles n’ont que deux et quatre ans, trop tôt pour leur avoir transmis sa langue. De leur mère, de nom de famille Belón nous[3] n’apprendrons rien à ce moment sinon une ascendance locale, liée elle-même à cette présence des planteurs francophones qui ont créé l’économie à l’origine de la ville de Guantanamo, une des moins anciennes du pays…
D’emblée, la surprise de voir posé sur le piano qui trône dans le
salon un grand portrait du général de Gaulle, ici à 8.000 km de la
métropole. Sur le même piano le portrait d’un militaire français
de belle allure, le père. Devant notre surprise, comme pour
l’augmenter davantage, elles vont chercher une cocarde tricolore
portant la mention de la République française et l’aînée accroche
ce qui a les apparences d'une décoration sur son chemisier, prête
pour une photo. Elles commencent à nous expliquer une histoire
inouïe, au sens propre du terme.
Isabel
Bégué sur son perron, ville de Guantanamo
Au début des années ’40, ces cubaines typiques, telles qu’elles nous sont apparues sur leur perron, cousaient des uniformes… français. Des descendants de Français du monde des plantations des hauteurs entourant la ville, là même où on « dansait français », c’est à dire la tumba francesa, un peu partout, s’étaient constitués en réseau et le Consul de France de Santiago[4], en signe de rupture avec le régime de Vichy, venait les rassembler et les envoyait par bateau à Londres, à destination de la France Libre de De Gaulle. Le chroniqueur Emilio Bacardí Moreau[5], qui fut le premier maire républicain de la ville de Santiago écrivit que parfois, dans ces plantations on croisait le drapeau cubain et le drapeau français le 14 juillet. Quelle résonnance contemporaine, six décennies après que l’esclavagisme fondateur des plantations avait fini par être éradiqué et la prospérité économique du réseau des premiers planteurs mise à terre, à la suites des torches incendiaires venues à bout des plantations pendant la guerre d'indépendance! [6] Ce tout autre réseau constitué pendant la seconde guerre mondiale entre en écho avec le comité de la France Libre de la voisine Haïti, qui participa activement à la Résistance et à la Libération de la France (un de ses héros, Haïtien d’origine guadeloupéenne, fut fusillé par les nazis).
Mais y avait-il tant de Français à Guantanamo pour être le terreau
d’un tel réseau? Les caféières françaises avaient été incendiées
pour un grand nombre d’entre elles, certaines dès les débuts des
affrontements entre les espagnols et les insurgés
indépendantistes, selon une politique de la terre brûlée. La fin
définitive de l’esclavage en 1886 avait mis fin au système
économique dont ces plantations tiraient leur richesse. Des
départs des zones rurales vers des destinations diverses devaient
suivre, incluant la métropole française. Mais la correspondance
consulaire française révèle qu’il y avait encore 500 français dans
cette partie la plus orientale de Cuba en 1896 (un nombre
comparable à celui de la capitale cosmopolite et phare culturel La
Havane !). Quatre décennies après, un nombre significatif était
encore présent, bien que l’on soit passé d’une « colonie »
nombreuse du XIXe siècle à une région délaissée et
appauvrie par deux insurrections, la majorité des plantations
françaises de la région orientale étant détruites par la première
insurrection et les quelques unes qui avaient subsisté ont été
réduites à néant par la Guerre Hispano-américaine.
"Il semblerait que ce dernier conflit ait été, en plus des
raisons économiques, l’une des principales causes du départ
massif des Français. En effet, l’insurrection des rebelles
cubains démarre en 1895 dans la province de Santiago de Cuba,
qui restera un important théâtre d’opérations. Emilio Bacardí
Moreau, Alcalde de Santiago de Cuba au moment de la Guerre
d’Indépendance, a été le témoin de la fuite des Français, menée
par le Consul de France en charge de l’agence santiaguera. Dans
les chroniques qu’il rédige au sujet de sa ville il relate le
vent de panique qui souffle dans la communauté française en
juillet 1898, trois mois après l’entrée en guerre des
Etats-Unis." (Nathalie Belrose)
Beaucoup de Français réunis d’abord à Santiago fuient la ville pour la localité d’El Caney où ils sont rassemblés en masse sans abri. Beaucoup partiront vers l’Ouest. Dans la région de Guantanamo, la majorité des caféières qui survivaient encore furent détruites et leurs propriétaires ruinés (il n’y eut aucune indemnisation après l’indépendance obtenue avec l’appui américain). En conséquence de tous ses événements la production de café de Cuba a chuté dramatiquement à la fin du XIXe siècle. Á tel point que ce pays, certes grand consommateur, mais surout grand exportateur dans la première moitié du XIXe siècle, devient, au début du XXe, la première destination pour le café de Porto Rico (où l'essor de cette production a aussi été liée à des Français, en particulier des Corses).
Cependant, à la charnière du début du XXe
siècle, d'autres Français s'installèrent à Cuba et certains
profitèrent des prix de la terre redevenus particulièrement bas dans
l'extrêmité Est de Cuba, autour de Guantanamo, pour se créeer de
nouvelles grandes propriétés.
Récemment, un coin de voile nous a donné un nouvel éclairage sur
notre anecdote. Le travail de thèse de Nathalie Belrose datant de
2012 sur «Les colonies françaises à Cuba » donne un exemple de
la relation entre les consuls et les agents consulaires, en
l’occurrence le consul de Santiago et l’agent consulaire de
Guantanamo :
« Les
fiches nominatives placées en annexe, et attestant de la
désignation d’un agent par le Consul général pour occuper un
poste, étaient transmises au Ministère des Affaires Étrangères
comme documents officiels, et souvent accompagnées de missives
dans lesquels le consul se chargeait de rapporter quelques
informations au sujet du candidat choisi. Le consul est dans
l’obligation «d’adresser (...) des notes confidentielles (...),
relatives au personnel placé sous [ses] ordres».
Ainsi, en 1908, le Consul de Santiago de Cuba, après avoir procédé à
la nomination de son nouvel agent en charge de l’agence de
Guantanamo, écrit au Ministre des Affaires Étrangères pour lui dire
que :
«M. Félix Bégué est français, agriculteur et dans une excellente position de fortune. Il est très honorablement connu et apprécié de tout le monde; et je me suis assuré que sa nomination serait très favorablement accueillie tant par ses compatriotes que par l’élément officiel et étranger de Guantanamo. (...)». Ces quelques mots au sujet de M. Bégué nous fournissent pratiquement tous les critères que recherchent les consuls chez leurs futurs agents : il faut être d’un niveau social assez élevé, avoir une certaine notoriété, ou à défaut une bonne réputation, en particulier auprès des notables de la région, qu’ils soient français ou non. Le niveau de fortune, les revenus que perçoivent les agents consulaires grâce à leurs professions respectives font l’objet de la plus grande attention de la part du consul dans la mesure où il semble que le titre d’agent consulaire ne soit pas synonyme de rémunération.»
Au moment de sa prise de fonction d’agent consulaire il a déjà 53
ans (d'après un autre document consulaire) et des filles en bas âge.
J'ai supposé dans un premier temps que Félix, personnage-clé des
Français de Guantanamo au début du 20e siècle était le
père de nos deux sœurs, mais il n'en est rien.
A partir de
l'existence de Félix, les recherches généalogiques font apparaître
(en 2021!) un frère, Pierre. Pierre s'est marié avec Emilia Belón.
voici les parents de nos deux sœurs!
Nous pouvons ensuite remonter l'arbre de la famille Belón : la maman
Emilia et sa sœur Inés (née à El Diamante en 1888) étaient les
filles de Pierre / Pedro Belón (propriétaire de la plantation El
Diamante) et de Magdalena Chibás, d'ascendance afro-cubaine. Pierre
Bélon venait des actuelles Pyrénées-Atlantiques (commune de Ger), le
nom se transformera en Belón dans l'usage cubain. Inés, en épousant
Charles Dérivet, originaire de Haute-Saône, introduit ce patronyme
dans la descendance de Pierre Belón (lequel patronyme qui arrivera à
Miami en 1960). Un Pedro Belón Jr, appelé dans la famille Pedrito
hérita de El Diamante. Mais en fait, il redonna des sommes
importantes à ses sœurs, de manière que toute cette génération Belón
s'installa dans de nouvelles plantations. Aujourd'hui El Diamante
n'existe plus, devenue zone militaire.
Pour
Pierre Bégué, nous savons qu'il voyage de Le Havre à Cuba en 1903
aux côtés du fondateur de la famille Bénégui à Cuba, Jean-Baptiste
et du jeune
Charles Dérivet (1877-1935), qui n’a alors que quinze ans.
Il est probable que Pierre Bégué soit devenu officier français
avant ce voyage.
Selon les dates à notre portée, Mr Pierre Bégué aurait décédé en
1912 ou 1913 juste avant la première guerre mondiale. Mais sa
relation particulière avec la France et la communauté ont été
suffisamment puissante pour maintenir chez ses filles un lien
particulier avec la France, bien qu’elles n’aient pas eu accès à un
enseignement de la langue du père.
Nous
savons désormais grâce à Laurent Bénégui[7],
que lui survivra un autre Bégué de cette province nommé
Francisco Bégué, de la même génération que Félix et Pierre, prospère
homme d’affaires de Guantanamo associé en affaire et familialement à
Pedro / Pedrito Belón. Ce dernier se maria à une Bégué. Que de liens
entre ces deux familles!
Pour continuer à propos de Félix Bégué : il est né dans la commune
béarnaise d'Athos-Aspis en 1874. Nous avons aussi appris qu'il
était marié à une native de Tiguabos, l'agglomération de
l'extrême-Est de Cuba qui a précédé dans ses activités Guantanamo et
comportant des dizaines de propriétaires français : Marie/Maria
Bouly (un nom toujours porté à Cuba), de famille originaire de la
commune béarnaise de Barzun a 16 ans de plus que lui. Elle termine
ses jours à Santiago de Cuba (1916). En 1894, Félix avait été porté
déserteur, pour être déjà à Cuba, parti rejoindre son grand-père
(cf. paragraphe suivant). Félix
voyage avec sa femme dans son terroir d'origine autour de 1900, ils
y règlent à Pau l'héritage du père de Marie. Il avait donc dû
arranger sa situation avec les autorités militaires. Mais en 1917 il
est porté à nouveau déserteur (mais était-il seulement encore
vivant?).
La famille Bégué est d'origine béarnaise, établie de longue date à
Guantanamo tout en maintenant les liens avec la France. Les frères
Félix et Pierre ont laissé en France une sœur, Marie Catherine
(mariée à un Hontarrède de Pau).
Leurs
parents Jean Begué (Athos-Aspis, 1842) et Marie Joseph Begué, dite
Joséphine (Saltadero, 1845 - Athos-Aspis 1894), il y a du cousinage
dans ce patronyme commun. Ce bourg de Saltadero donnera ensuite
naissance à la ville de Guantanamo. Ils se sont mariés à
Athos-Aspis, Basses-Pyrénées en 1867.
Leur
mère Marie Joseph Begué a elle-même un père nommé aussi Jean Begué,
le fondateur de la famille Bégué de l'Est de Cuba (né en 1809 à
Osserain-Rivareyte, une commune à cheval entre la langue basque et
le béarnais, mais d'origine béarnaise, décédé à Guantanamo en 1867)
et une mère nommée Louise Faure. Rien n'est connu de certain sur
Louise Faure, tout juste apparaît le même nom de famille dans les
propriétaires de l'Est de Cuba en1843 (Joseph Faure, sur une
caféière de bonne taille nommée Hermon).
Une
fois éclairci tout ceci, nous découvrons un deuxième Félix Bégué
Bégué de la même génération, ce qui pourrait porte à confusion. Un
célibataire de 25 ans né en France et qui s'engage dans l'armée
indépendantiste de Cuba en 1896. Il mourra sous l'uniforme l'année
suivante pris de fièvres dans les marais de la Ciénaga de Zapata
(actuelle province de Matanzas). Magré des arbres généalogiques
comportant des dizaines de Bégué en France et à Cuba, nous n'avons
pas à ce jour d'indication de son ascendance.
UN HÉROS MYSTÉRIEUX Notre
recherche sur la famille Bégué à Cuba a en effet fait
apparaître un parfait homonyme de Félix
Begué Begué, l'agent consulaire de France à Guantanamo et
frère de Pierre Bégué (père de nos deux aïeules).
En effet, parmi les vint-trois enrôlés venus de France dans la guerre d'indépendance de 1995-98 répertoriés dans des documents inédits en notre possession nous rencontrons un deuxième Félix Bégué Bégué. Il est décrit ainsi : Français de 25 ans, célibataire, Incorporé à l'armée de libération cubaine le 20 avril 1896 comme simple soldat (Corps 1, Légion 4, Exp. 86), mort le 5 août 1897. Il est mort de fièvres à Hondones, dans la Ciénaga de Zapata. Il fait partie des huit volontaires venus de France dont la mort a été enregistrée dans cette guerre. Son nom le rattache à la nombreuse famille béarnaise des Begué, où la double descendance paternelle et maternelle Begué n'est pas une rareté et où l'émigration "en cascade" vers Cuba se poursuit sur des dizaines d'années. Rien ne permet jusqu'ici de connaître ses attaches précises, familiales ou autres avec ce pays. L'enracinement de la famille Bégué et sa prospérité avant la guerre n'est pour l'instant qu'un indice. |
Francisco
Bégué cité plus haut, est d'une autre lignée Bégué que les frères
Félix et Pierre. Francisco, est né Jean-François Bégué-Rousseau(x)à
Guantanamo en 1873 : ses parents sont Jean Bégué, d'Athos-Espis,
1840 et Justine Rouseau, 1850 ; il a un frère, Octavio Bégué
Rousseaux né en 1870 à Guantanamo). Le nom Rousseau est par ailleurs
connu comme étant celui d'une famille de planteurs (qui a eu
précédemment des liens avec Casamajor).
Et
en 1885 et 1886, respectivement émigrent vers Cuba les jeunes hommes
Gustave Justin Bégué et Joseph Bégué, tous les deux nés à
Athos-Aspis comme Jean Bégué.Leurs liens avec les autres Bégué ne
sont pas encore établis.
Isabel
Bégué vec l'insigne patrotique.
On connaît le ralliement immédiat des pêcheurs de l’Ile de Sein à la
France Libre, on oublie trop souvent la contribution d’un réseau
haïtien à la Résistance et à la Libération, mais ce fait méconnu
d’une assistance cubaine de descendants de Français, s’il ne fut
jamais connu du public en France, n’a pas été ignoré des Gaullistes
de Londres et des Libérateurs. Deux ans après la Libération, si la
mémoire de leur récit ne nous fait pas défaut, un émissaire, venu de
France peut-être, passé par le Consulat en tout cas, frappa à leur
porte et les décora de la fameuse cocarde. Pour les sœurs Bégué,
elle avait toutes les apparences d'une décoration officielle. Selon
les informations obtenues du Musée de la Résistance, il n'en était
rien. C'est une insigne patriotique que l'officiel venu de loin
apposa sur les corsages de ces filles de Français. Plus précisément
l'insigne du "comité cubain
de soutien à la France libre", que nous découvrons par cette même
occasion et qui soulève des pans oubliés de l'Histoire.
Robert Belot (cf bibliographie) informe, après Jacques Soustelle, que le comité de Cuba a été « l’un des premiers au monde ». Les gaullistes créent à La Havane, dès la fin 1941, une « délégation du Comité national français auprès des Républiques de Cuba et d’Haïti » (qui deviendra en 1943 « Délégation du Comité français de la Libération nationale ») imaginée à Londres. Ces efforts conjugués reçoivent une oreille favorable de l'Etat cubain : dès avril 1942, Cuba fut le premier pays à reconnaître la France Libre. La plupart des pays d'Amérique latine suivent cet exemple. Comme le comité cubain ils adoptent la devise de la République "Liberté Egalité Fraternité", parfois-même avant que de Gaulle éclaircisse le caractère républicain de son projet. Les membres actifs du comité cubain sont 84, 34 ont la nationalité française.
Les activités pendant la guerre des sœurs Begué Belón sont bien
répertoriées dans le descriptif des activités du comité cubain :
"dès mai 1943, à l’initiative de Philippe Grousset,
représentant du CNF, la création d’une section d’anciens combattants
à Cuba est envisagée, qui comprendra aussi les engagés volontaires
dans les forces françaises libres, manière de souligner la
solidarité qui unit « les générations ». La présidence
échoit au capitaine Charles Kaufman, croix de guerre. Les comités
participent à des œuvres françaises : collèges, ouvroirs. Des
groupes féminins se constituent pour fabriquer des pièces de
lingerie et des vêtements destinés aux prisonniers. Un
« vestiaire de la Libération » a été créé." (R. Bellot).
En même temps que le comité cubain reconnu ont
lieu d'autres initiatives : "À Cuba, la France n’est pas
représentée que par le comité France Libre et le délégué du CNF. Il
existe des associations et des organisations françaises sur
lesquelles on sait très peu, mais que le comité entend associer à
son œuvre : Comité démocratique français, Comité
France-Amérique, Société française de bienfaisance (que le comité
France Libre finance), Circulo
social progresista Frances, French progressist Movement,
Chambre de commerce française de La Havane (qui offre un local
au comité de la France Libre dès décembre 1941)." (id.)
Le président du comité de Cuba a tendance à se considérer "comme dépositaire d’une autorité publique qui lui permet de taxer ses compatriotes et de les solliciter fortement au titre d’un impôt révolutionnaire : « Certes, ces impôts ne sont chiffrés sur aucun rôle de contributions établi par un contrôleur des finances. Pour chiffrer leur importance, il est simplement fait appel à la conscience de chacun de nous. Aussi, chaque mois, en un examen de conscience intime, demandons-nous : ai-je été généreux, juste, ou mesquin dans l’établissement de ma feuille d’impôt ? » Cette technique a été efficace : en 1942 c’est plus de 34 000 dollars qui ont pu être récoltés, et en 1943 près de 50 000 dollars". (id.)
Pour un "Noël des volontaires français", le comité de La Havane
est le quatrième donateur, après le comité américain, le Venezuela
et le Brésil...."Outre l’argent, le comité envoie à la Société
d’Entraide Française des vêtements et objets de lingerie (souvent
confectionnés par la section féminine), des confitures, du tabac, du
sucre, des boîtes de corned
beef, du lait en poudre, des savons « sunlight »,
des caisses de rhum et, vers la fin de la guerre, des médicaments".
En général les dons sont acheminés par New York. "Pour le convoi de
décembre 1944, le trésorier du comité de Cuba a réussi à
obtenir la gratuité du fret Havane/New York, l’exonération de la
taxe de quai, et la gratuité des services de l’agent en douane. Une
négociation est conduite relative à la taxe d’exportation. Le comité
a dû assumer les assurances". Le comité cubain publie un bulletin
hebdomadaire en espagnol : Francia
Libre. Comite de la Habana. Boletin oficial. (id.) Des
émissions de radio sont la voix de la France Libre à Cuba.
Revenons aux sœurs Begué Belón, qui ont pris place au centre des
activités féminine du comité à Guantanamo. Probable que le portrait
du Général vint par la même occasion que l'insigne patriotique. Y
eût-il délivrance d'autres insignes honorifiques? nous n’en avons
pas mention, pas plus que le nom de l'officiel, le Consul, avions
nous compris.
Il manque encore des pans entiers de cette histoire, la visite ne
fut malheureusement pas renouvelée, plus de 30 ans ont passé, nous
n’avons pas retrouvé jusqu'ici le prénom des deux sœurs.
Espérons que des guantanameros complètent ces informations, que les archives parlent
un jour et rendent justice et confirmation de leur récit à ces
dignes aïeules cubaines…
La survivance d’un patriotisme chez les descendants de Français à
Cuba et même sa puissance peut être mesurée par un document
étonnant, une feuille dactylographiée rédigée à Santiago de Cuba en
1948 par un Louis Vidaud
Despaigne, de longue ascendance à Cuba, tant du côté des Despaigne
que des Vidaud, adressée à sa fille Cybèle Eugénie afin qu’elle
n’oublie pas l’hymne français, la langue et les valeurs
républicaines de ses ancêtres[8] :
Merci à Raymond Puentes, Bertrand Monraisse, Lili Casassus
(contributions généalogiques), à Daniel Mirabeau et au Musée de
la Résistance en ligne.
ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES :
Deuxième fragment mémoriel :
Troisième et dernier :
[1] Nous en dirons plus là dessus dans notre deuxième
volet autour de René et
Lina Bénégui.
[2]
Note supprimée. Concernant la famille Belón, voir plus loin dans
le texte.
[3] Cette visite a eu lieu en commun avec Séverine
Deluc, alors étudiante en cinéma à l’université Paris 8, où je
travaillais, pour un projet de film sur la présence française à
Cuba pour lequel j’étais son informateur et conseiller. Projet que
la future assistante-réalisatrice ne concrétisa pas.
[4] Ce consulat disparaîtra par la suite.
Au moment de la création de l’Alliance Française de
Santiago de Cuba au début des années ’90, renaîtra une
représentation consulaire en la personne du directeur ou de la
directrice de l’Alliance.
[5] Maire de la capitale de la Province d’Oriente
partir de 1902, patriote cubain d’ascendance paternelle catalane
et maternelle française, marié successivement à deux descendantes
de Français, auteur de deux romans sur les plantations des
Français.
[6]
Nous reviendrons dans le deuxième
volet sur la différence de nature entre la première colonie
française du XIXe siècle, initiée par les réfugiés de
la colonie de Saint-Domingue et les émigrés ruraux des dernières
années du XIXe siècle et des premières décennies du XXe
siècle.
[7]
Laurent Bénégui. Retour à Cuba.
Ed. Julliard. Paris 2021.
[8]
Source : Blog tenu par un
descendant Vidaud Caignet aux États-Unis
https://robertissimus.wordpress.com Il est précisé que Louis Despaigne Vidaud est né à El
Cobre, près d’une plantation de café et de cacao attribuée à la
famille Vidaud Caignet, La Réunion, et que son père s’appelait
Severo (Sévère) Vidaud Caignet. Les Vidaud Caignet ont quitté
Santiago de Cuba, dans laquelle ils s’étaient bourgeoisement
installés, pour les États-Unis, à la suite de la victoire de
Fidel Castro.