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Santiago de Cuba - Juillet |
Mise
en ligne de la page : le 23/02/21. Actualisé le 27/05.
La page avec tous les textes du site
L’approche de la
finca isolée des Lautelnau, dans la zone de San Ramón
de Las Yaguas fait forte impression. Une zone relativement
éloignée de Santiago, qui a été de celles qui ont pris le relai
quand les cafières les plus anciennes proches de Santiago
voyaient leurs rendements s’épuiser. La caféière la plus connue
et la mieux préservée de cette zone est La Fraternidad, mais
nous sommes là encore plus loin.
Seul
un 4x4 a permis d’arriver jusque là. Nous sommes en pleine
Période Spéciale, le carburant est rare et il n'a pas été facile
d'accéder à ce véhicule. Nous nous retrouvons face à
d’imposantes murailles soutenant d’anciens séchoirs à café,
elles donnent un peu la fausse impression de constructions
précolombiennes. En les remontant et les contournant, on finit
par apercevoir une petite construction de planches surmontant
les divers degrés de terrasses. C’est une construction de
planches, assez précaire faîte en lieu et place de la demeure de
maître des Lautelnau, laquelle n’a pas résisté à un tremblement
de terre.
En attendant le retour du père de
famille parti pour ses travaux de la journée sur une endroit
éloigné de la propriété, nous découvrons la maison. Les planches
sont doublées de papier journal. Pas un meuble digne d’être
mentionné en dehors des couchages. Mais à l’entrée, du côté
extérieur un imposant chaudron en bon état. Il est daté du 19e
siècle et le premier des Lautelnau
l’aurait ramené de Bordeaux.
Le chaudron ancestral venu de Bordeaux |
Mr Lautelnau sur sa monture |
Le café offert en bienvenue est un nectar tel qu’il me semble
n’avoir jamais goûté auparavant avec une telle saveur. Du coup
je ne m’aperçois pas qu’il n’a pas été sucré. Nous abordons ce
thème. Nous sommes dans cette période en effet très spéciale où
les produits manquants selon les endroits peuvent dérouter. Il
me dit que ça doit faire sept ans que le sucre n’est pas remonté
« d’en-bas ».
Conversation avec notre hôte |
Portrait en tenue de travail des champs |
Il nous propose de traverser cette
partie supérieure de la propriété où, à l’autre extrêmité de
séchoirs se trouvent les ruines des anciens baraquements des
esclaves.
Au milieu d’une des
petites ruines juxtaposées, un solide tombe de pierre taillée.
Nous comprenons qu’il s’agit de son ancêtre venu de France,
celui du chaudron, Jacques (ou Santiago pour le voisinage)
Lautelnau, mort en 1912. La tombe est construite au milieu d’une
ruine. Ce type d’enterrement dans la propriété était commun chez
ces Français des montagnes cubaines. Notre hôte précise qu’il
s’agit d’un des anciens baraquements des esclaves. Et que dans
un de ces baraquements a grandi celle qui gagna sa liberté et
devint la compagne de l’ancêtre Lautelnau et la mère de ses
enfants. Un type d’alliance que se permettaient certains des
Français et les faisaient mal voir des bonnes familles
espagnoles.
Comme souvent l’installation dans cette plantation s’explique
par des liens familiaux. Elle aurait appartenu auparavant à un
oncle nommé Vignot. Un nom toujours présent dans la province
de Santiago.
Au
moins il apparaît que les Vignot ou Vignaud seraient arrivés de
Saint-Domingue dès 1791 selon notre accompagnateur Rafaël
Duharte, ce qui établit un fil avec les arrivées les plus
anciennes, celle des premiers réfugiés de Saint-Domingue.[1]
Nous continuons notre périple vers certaines caféières du temps colonial ou plutôt leurs belles ruines : le jardin à la française suspendu (en maçonnerie !) avec ses bancs de pierre Pierre de San Juan de Escocias, ayant appartenu à la famille Dumois, puis le batardeau et l’aqueduc de San Luis de Jaca, avant de retrouver les beaux restes de la cafetal La Fraternidad, alors très loin de sa rénovation actuelle.
Texte (février 2021) et Photos (1993) Daniel Chatelain © ritmacuba.com
[1]
Historien et chercheur de
Santiago de Cuba. Le
nom de famille n’est pourtant pas mentionné dans l’index
d’Agnès Renault (op. cit. 2012), qui ne signale qu’un
Vignaud médecin. Il peut pourtant s'agir de la même
famille...