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Santiago de Cuba - Juillet |
Mise
en ligne de la page : le 22/01/21. Dernière actualisation le 20/06/22.
La page avec tous les textes du site
Après que les réfugiés français de Saint-Domingue créent les
premières plantations de café dans l’Est de Cuba tandis que se
déclare sans eux la nouvelle République d’Haïti, l'un d'entre eux,
l’entreprenant Casamajor (1763-1842), né à Sauveterre de Béarn,
qui a opté à Cuba pour la nationalité espagnole, est devenu un
personnage central de l’activité économique locale. Tout en étant
lié à des activités de traite négrière et de corsaires, il
délimite et vend des parcelles dans les montagnes encore vierges
de Yateras, dominant la rivière Guaso où se créera par la suite la
ville de Guantánamo, pour que s’installent ses compatriotes prêts
à se lancer dans cette prometteuse production. Il reproduit
l'expérience qu'il avait fait auparavant dans le massif de la Gran
Piedra, près de Santiago, dont la plantation-musée de la Isabelica
est un reste contemporain.
En 1876, le voyageur français Hippolyte Piron, lui-même né dans
une de ces plantations délimitées par Casamayor près de Santiago
de Cuba, écrit que beaucoup d’administrateurs des plantations de
café et d’indigo étaient béarnais. Il ne portait d’ailleurs pas
dans son cœur ces esclavagistes qu’il juge brutaux, lui-même
écrivant après l’abolition de 1848. A cette époque les
Basses-Pyrénées (aujourd’hui Pyrénées-Atlantiques) est le
département où se note le plus d’émigration vers Cuba, phénomène
plus marqué dans la partie béarnaise que dans la partie basque.
Quand je vais à la rencontre de René Bénégui Capdepon et de son épouse Lina née Mondet, en 1993, un 4x4 bien nécessaire me conduit pendant une trentaine de kilomètres sur la pente continue de Guantanamo à Felicidad de Yateras. Je passe, sans le connaître encore, devant le ranchón de Pipi Goulet haut lieu du changüi rural local ; et continue encore un peu plus haut, au nord-est. La vue d’une maison à balustrade de bois[1], d’un style plutôt montagnard français, mais tropicalisé, signale l’arrivée dans la plantation El Ermitaño (L‘Ermitage).
J’apprends que la famille Bénégui vient… du canton historique de
Sauveterre de Béarn, comme Casamayor deux siècles auparavant. René
a à ce moment 68 ans. Son père, Jean-Baptiste Bénégui était arrivé
en 1893[2]
à Cuba, mais il lui faudra 10 ans pour prendre la tête d'une la
plantation orientale El Infierno.
Laurent Bénégui nous conte en 2021, que, parti cette année-là à
l’aventure, sans le sou sur un bateau à destination de
l’Argentine, il ne remonte pas à bord à la fin de l’escale de La
Havane. Après avoir été ouvrier boulanger, il rencontre au fil du
temps le planteur Pierre/Pedro Bélon (localement transcrit Belón)[3],
qui vient lui aussi des Pyrénées-Atlantiques (né en 1852 dans la
commune de Saint-Boès). Celui-ci lui offre de participer à son
projet d’acheter de grandes surfaces de terre dans l'Est de Cuba,
en lui prêtant le montant qui l’aidera à s’établir. Au moment où
Pierre Belon lui tend ainsi la main, ce dernier, arrivé en homme
seul et sans famille (c'est un enfant trouvé) est déjà installé
dans une grande plantation, El Diamante. Il n'a d'ailleurspas créé
cette dernière, qui a déjà une histoire. Elle a appartenu à une
Mme Coureau, puis face aux dettes de cette dernière a été mise
sous séquestre par une banque. Belon a visiblement tiré parti de
la baisse de valeur d'El Diamante. Ensuite, ses affaires ont
tellement prospéré que, selon des dires familiaux, il a aussi pu
acheter une autre caféière, parmi les plus réputées de Yateras,
Monte Verde. Auparavant Monte Verde avait appartenu au plus
important propriétaire de Yateras, Federico Lescaille, qui y
possédait 146 esclaves, le chiffre le plus important dans toute la
juridiction de Guantanamo. Un moment favorable aux
indépendantistes, ce franc-maçon abrita ses intérêts par le choix
de la monarchie espagnole.
A cette époque d'avant la première guerre d'indépendance, le
voyageur états-unien Samuel Hasard décrit ainsi Monte Verde :
c'est "probablement la meilleure hacienda
de cette région, de grande dimension et très bien entretenue.
(...) La maison d'habitation est grande et jolie, avec un charmant
jardin à l'arrière. Les terrains de caféiers et autres productions
végétales sont amples et beaux".
À la suite du désastre subi par les caféières dans les guerres
d’indépendance et du départ de nombreux colons français à partir
des années 1860 (cf
le 1er volet sur les sœurs Bégué Bélon) le prix des
terres, dans cette région sont redevenues très basses.
Ainsi l’apparente continuité entre le Béarnais du début du XXe
siècle et Casamayor (et plusieurs de ses associés) passé du Béarn
à Saint-Domingue puis Cuba est moins évidente qu’au premier abord.
Ce qui est commun est la continuité du Béarn comme terre
d’émigration avec le Nouveau Monde (Saint-Domingue, Cuba,
Argentine..). Pour Jean-Baptiste Bénégui le passé des planteurs
français dans la région et une présence continuelle de cette
communauté, devait tout de même résonner, en plus du calcul
économique. Pedro Belón, qui a acheté dans les années 1880 El
Diamante, a eu, lui, une fréquentation des rescapés de
l’émigration plus ancienne, en particulier la famille Bégué.
Jean-Baptiste, qui fera de nombreux voyages en France, embarque au
Havre en 1907 en compagnie des compatriotes Pierre
« Bègue » ou plutôt Bégué (autre béarnais) et Charles
Dérivet (1877-1935), qui n’a que quinze ans (et épousera par la
suite une fille de Pierre Belon, Chiquita).
Dans l’Infierno,
René nous affirme que son père travaillait avec le chiffre
étonnant de deux cents Haïtiens, avec eux la machete
à la main, tient-il à préciser et leur parlant créole. La même
chose se passait dans les autres caféières. En effet, son arrivée
à Cuba correspond au moment où il y avait le plus de travailleurs
haïtiens à Cuba, bientôt chiffrés en centaines de milliers.
Le municipio de Yateras où Jean-Baptiste s’installe non loin de
son ami propriétaire est celui où les plantations de café des
Français ont été les plus nombreuses de la province de Guantanamo.[4]
Il constitue l'extrêmité Est d'un axe où se disséminent de
nombreuses autres plantations de Français : Bayate, Monte Rus,
Monte Libano...
Sur la photo que montre René
Bénégui, il y aurait son père et les deux personnes qui l'ont
aidé à s'installer par un prêt (une serait appelée Soler).
Le nom de Bénégui vient s’ajouter à des noms français plus
anciens localement : Lescaille/Lescay[5],
Casamajor / Casamayor,
Daudinot[6],
Lestapié, Lafargue, Simon, Prévost, Duvergel, Dubois, Moreau,
Vignot, Rousseau / Rosseaux, Vinent, Préval, Sabourin, Riveaux,
Girard, Manet, Révé etc [7].
Beaucoup sont béarnais. La liste de noms serait bien plus
nombreuse si on ajoutait ceux du foyer initial de la culture du
café, Santiago.
Jean-Baptiste et son épouse Aurélie, née Capdepon (une payse qu’il
est allé retrouver et ramenée en France) donnent naissance à deux
fils, l’aîné Jean René (appelé de fait simplement René) en 1926[8]
à Guantanamo et Robert, qui naît lui à Araujuzon, dans un des
multiples voyages en France des parents. Une terre et une
sociabilité qu'Aurélie avait particulièrement du plaisir à
retrouver. René rejoint la France à l’âge de 6 ans pour y faire
ses études. Son frère y étudie également. A 23 ans, René vient
rejoindre son père. Décidé à s’installer dans la grande île, il
repart deux ans plus tard au pays de ses ancêtres uniquement pour
se marier à une fille d'Araujuzon, à quelques kilomètres d'Orion,
Line Mondet, qui est du même âge que lui et accepte de le
rejoindre dans son aventure cubaine.
René affirme son indépendance par rapport à son père en s'installant sur une nouvelle terre qu'il va mettre en plantation de café, El Ermitaño où il lui restera à reproduire les techniques connues à El Infierno.[9] Deux prêteurs lui permettent de réaliser son projet.
Le roman « Retour à Cuba de Laurent Bénégui nous permet d’ajouter d’autres précisions familiales concernant les Bénégui (cf note 9). Robert, bien qu’étant le cadet avait repris El Infierno avec son épouse Marinette, la confiscation des terres au début des années ‘60 les décideront à revenir en France. Un peu après Jean-Baptiste Bénégui, lequeli était revenu y finir ses jours, à 83 ans, après maints allers et retours de cet homme fortuné, préoccupé du bien être de sa nombreuse famille béarnaise comme de ses fils. Ces allers et retours s’étaient concrétisés par des achats immobiliers sur son terroir d’origine.
René développe son exploitation à un moment où étaient restés de
nombreux Haïtiens dans le Centre et l’Est de Cuba pour le travail
dans les centrales sucrières. Chaque année, une fois terminée
l’intense zafra (coupe
de la canne) cette main d’œuvre mouvante cherche à s’employer dans
les caféières d’Oriente, au cycle de cueillette différent. Ainsi
René défriche, plante et construit ses séchoirs à café à l’aide de
ces Haïtiens qui ensuite feront la récolte. Il perfectionne à leur
contact sa pratique du créole, déjà familier dés son enfance sur
la ferme de son père, créole qui fut, me précisa-t-il la langue de
travail de sa plantation[10].
Le français restant toute leur vie, naturellement, la langue de la
maison. Une vie retirée, comme sur une île montagnarde, avec un
noyau de population spécifique…
René construit une nouvelle maison et différents corps de ferme à l'Ermitaño en 1945. Le tout à belle allure et sera bien conservé jusqu'aujourd'hui. Cette plantation a eu auparavant une histoire dont la mémoire s'était perdue. Un volume de photos de plantations de Yateras retrouvé sur un marché aux puces parisiens a permis de retrouver d'excellentes photos des plantations de Français existant à la veille de la guerre d'Indépendance, entre 1892 et 1894. A cetté époque, deux photographes originaires de Bayonne, se sont installés à Cuba, Maurice Hargous à La Havane et son frère Paul qui ouvre un petit studio photographique à Guantanamo. Les deux réalisent cet album, visiblement financé par les planteurs et on retouve dans la douzaine de plantations mises en image, celle qui s'appelle encore, à la française, l'Hermitage, alors en possession d'un Henri Lescaille. Peu après, ils s'installeront en Haïti, où ils participent aux premières séances de cinéma dans ce pays et seront à l'écart de la troisième guerre d'indépendance cubaine commencée en 1895 qui va considérablement bouleverser et endommager les plantations prospères qu'ils viennent d'immortaliser (cf Bella Vista de Jean Begué dans la partie 1, dont il ne reste rien aujourd'hui).
Mais la Révolution s’annonce, un officier rebelle confisque pour
une offensive la jeep des Bénégui, contre une attestation en bonne
et due forme pour une future restitution (mais en 1993, montrant
l’ordre de réquisition, ils attendaient toujours le nécessaire
véhicule et devaient envisager le trajet à cheval vers l’hôpital
en cas de problème de santé de l’une ou de l’autre…).
Avec la Révolution, des Cubains sans terre sont installés sur les
anciennes terres à café des Bénégui pour y cultiver, en
coopératives, divers citriques. Il restera à la famille de René la
maison, les corps de ferme et les parcelles contenant les anciens
séchoirs à café.[11]
Cependant, René Bénégui avait déjà opéré une reconversion dans les
années ’50. Comme d’autres le faisaient en France à la même époque
il avait créé un élevage en stabulation de vaches laitières, une
cinquantaine ai-je retenu, le lait étant assuré du débouché de la
capitale provinciale dans la vallée. Visiblement, cette initiative
ne fut pas jugée à sa juste valeur par le nouveau régime. René
connaissait aussi l’élevage, son père ayant été à la tête de
milliers de bovins à viande outre les caféiers, sans compter les
agrumes et l'arboriculture (les vastes dimensions des terres
paternelles permettaient des productions différentes simultanées).
Mais il s’agissait là d’une nouvelle orientation.
Je n’ai certes pas les moyens d’évaluer les résultats économiques
produits par les cultures de citriques destinés à l’exportation
qui avait été choisies au début des années '60. Mais au
moment où je visitais El Ermitaño (1993), les fruits des
récoltes pourrissaient sur le sol. On était en pleine Période
Spéciale, il n’y avait pas de transports pour acheminer cette
production. Pendant ce temps le lait, souvent d’importation, était
rationné et de toute façon réservé aux enfants de moins de six ans
sur l’île (réduit à trois ans par la suite). Cinquante ans après
la tentative de reconversion laitière de J. R. Bénégui, je lisais
dans las presse locale « qu’on allait expérimenter la
distribution de proximité du lait dans la Province ».
Cinquante ans de perdus ?
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Il est difficile de se représenter l'isolement qui ressort du
témoignage de François Cartier, la crainte de ne pas pouvoir
descendre en ville à temps en cas de problème de santé s'il faut
le faire à cheval (faute de Jeep!). Près de dix ans après cette
visite, je me retrouve quelques kilomètres plus bas avec un groupe
dans le ranchón de Pipi Goulet pour une fête de changüi
où rôti un cochon grillé qui va être disposé sur des feuilles de
bananier. Le bus qui nous a amené s'est mis à faire de la fumée
dans la montée, le moteur est cramé, il faut appeler Santiago en
urgence pour en faire venir un autre. Pour ce faire, il faut
descendre sur la route sur un plateau de tracteur jusqu'au "Zoologico
de Piedra", ce lieu proprement fantastique où un
sculpteur a transformé les rochers de la montagne en animaux
fabuleux. Là il y a enfin un téléphone, je découvre héberlué que
l'usage du téléphone à manivelle existe toujours dans les années
2000! "Allo, opératrice de
Guantanamo, pouvez-vous me communiquer avec Santiago?"...
Aujourd'hui tout a changé, certes le téléphone mobile ne passe
pas, mais il y a le recours précieux d'un service internet dans le
village de Felicidad...
L'anecdote des bérêts rapportés par René Bénégui du Béarn nous
amène à une autre, celle du bérêt porté par Che Guevara, dont il a
été établi récemment qu'il venait d'un fabricant de Laulère,
d'Oloron, en pays béarnais. Ainsi René Bénégui a porté bien avant
le Che le bérêt rendu célèbre mondialement, mais loin des
appareils photos et des caméras!
Les époux Bénégui, qui avaient subi des confiscations de terre à
La Révolution, de méme que le frère de René à l'Infierno ou
le cousin de Bayate avaient choisi de rester sur place. Mais les
autres Bénégui quittèrentt le pays dans les années '70. René et
Lina avaient fait un voyage au Béarn peu d’années avant que je les
rencontre. Pour constater que les liens personnels qui les
rattachaient à leur petit pays étaient devenus trop faibles pour
envisager de s’y réinstaller. Ils décidèrent de finir leurs jours
à Cuba, dans ce coin de terre auquel ils étaient très attachés.[12]
Après le décès de René Bénégui en 2009 et le départ vers la ville
de Guantanamo de son épouse, il n'y a plus de planteur français à
Cuba. Mais toujours des descendants, bien que le nom lui-même
risque de disparaître à Cuba, René et Lina n'ayant pas eu de
petit-fils...
Mais pour autant El Ermitaño est loin d'être déserté. C'est
toujours la maison du fils Juan José même s'il passe beaucoup de
temps en ville en temps ordinaire. Sa fille aînée vient y résider.
Certes le temps des plantations est terminé. Mais la famille aime
y pratiquer un maraîchage à usage familial, ce type de production
qui manque tellement souvent à Cuba pour son autonomie
alimentaire. Et à l'eau de source! comme nous savons grâce à
François Cartier. Et en temps de covid 19 la ferme éloignée est
redevenu un refuge sain et salutaire pour les descendants Bénégui
et pour la nonagénaire Lina Bénégui qui avait pourtant ces
dernières années bénéficié des avantages des soins médicaux en
ville. C'est ainsi que Lina Bénégui à fêté ses 95 ans, puis ses 96
ans, en avril, sur la propriété familiale.
Le nom de Bénégui m’a intrigué dès les premiers temps où je l’ai
entendu (en 1993). Bien que n’étant pas féru dans les variantes de
la langue occitane, j’avais une certaine sensibilité en ce domaine
depuis l’époque où j’avais co-écrit un livre sur les questions de
culture identitaire dans l’hexagone [13].
Laurent Bénégui dans son roman donne la clé pour résoudre ce qui
me chiffonnait dans ce nom qui ne sonnait pas si béarnais que ça.
Jean-Baptiste portait à sa naissance le nom de Bénégiu, un nom qui
se révéla peu évident pour les hispanophones, une fois installé à
Cuba. Lorsqu’il a fait fortune, il a changé ce nom en Bénégui en
déplaçant des jambages et en faisant glisser le point du i et
l’influence de ce patriarche dans sa famille a été telle qu’après
lui, tant en France qu’à Cuba il n’y eut plus que des
Bénégui !
©
Daniel Chatelain / ritmacuba
El
Ermitaño en 2019. Photo Osmany Miguel Pérez Sánchez
Source
iniciale :
— Entrevue de René et Line Bénégui en février 1993 à El Ermitaño.
Sources
complémentaires :
—
« Los
Cafetales franceses de Guantánamo » par Martha Reyes Noa (qui
a visité les Bénégui en 2009 et qui, dans cet article, confirme
les informations récoltées dans notre entrevue sur plusieurs
points).
28 août 2014, Guantánamo.
—
« Ruinas
patrimoniales aceleran su deterioro » par Jorge Luis Merencio
Cautín. Granma, 4 juin 2008. Año 12 / Número 156. La Havane.
— « Retour à Cuba », roman par Laurent Bénégui. 2021, Julliard.
— Correspondance avec Juan José
Bénégui et sa compagne Magdelín et avec Laurent Bénégui.
[1]
Construite en 1952.
[2]
Martha Reyes Noa donne la date de 1907. Cette année
serait plutôt celle d'un retour à Cuba après un voyage en
France et postérieure à l’installation en El Infierno. Laurent
Bénégui a retenu la date de 1893.
[3]
Ce dernier était installé à El Diamante,
aujourd'hui disparue.
[4]
L’ancienne province d’Oriente, dont la capitale était Santiago
de Cuba a été divisée en plusieurs provinces, dont la province
de Guantanamo. Sur celle-ci on dénombre une trentaine de
ruines des anciennes plantations françaises. Une dans le
municipio (un équivalent de canton) de Niceto
Pérez, quatre a Guantanamo, six à El Salvador et 19 dans le municipio
de Yateras. D’autres encore sont à peu de distance au Nord,
dansr l’actuelle province d’Holguín, sur l’autre versant de la
chaîne de sierras. Mais les anciennes plantations
sont plus nombreuses dans l’actuelle province de Santiago
(environ 140).
[5]
Frédéric Lescaille fonde la plantation Monte Verde en 1800.
[6]
Cf Daniel Chatelain
« Banza Créole », 2020. http://www.ritmacuba.com/Banza
creole.html
[7]
L’usage local était de donner le nom de famille du maître aux
esclaves de la plantation. Ces noms ont pu être transmis soit
familialement, soit par ce biais (de l’ordre de 10 fois plus).
Dans certains cas le nom est resté tandis que les familles des
maîtres ont rejoint la France (par ex. les Heredia Girard,
Dufourcq...). Pour au moins un patronyme, il a été donné
malgré le caractère absentéiste du propriétaire (Lestapi pour
les négociants bordelais Lestapis).
[8]
Ou 1925.
[9]
Léopold « Polito » Bénégui, neveu choisi par de
Jean-Baptiste pour gérer l’Infierno pendant qu’il
allait chercher une payse pour se marier, fonda finalement une
troisième caféière, près de Bayate (actuel Municipio El
Salvador), nommée Santo Domingo, et à bonne distance de
Yateras nous apprend Laurent Bénégui dans son roman familial.
Mais il mourut jeune et sa veuve et leurs six enfants durent
revenir en France. Selon le vœu du patriarche Jean-Baptiste,
un fils de « Polito » devait un jour revenir de
France pour revitaliser cette exploitation et payer de retour
l’aide financière qu’il avait fournit à « Polito ».
Ce fut Jean « Pipo » Bénégui et sa femme
d’origine basque Marie Louise « Louisette » à qui
revint ce rôle, en 1948. Ils quittèrent finalement Cuba en
1977. Mais auparavant René ne fréquenta pas ce cousin, trop
aidé par son père au détriment de ses fils, à
son goût. Le romancier, scénariste et réalisateur
Laurent Bénégui est petit-fils de « Polito ».
[10]
Par une curieuse continuité, la langue de travail des
plantations du début du 19e siècle à Cuba, était
déjà du créole, celui né dans le contexte de la Saint-Domingue
originelle, qui sera continué dans les chants de tumba
francesa. Sur ce créole, voir Daniel Chatelain « Banza
créole, op. cit., Daniel Chatelain et Daniel Mirabeau,
2017/2019 « Les Chants de tumba francesa » http://www.ritmacuba.com/Chants-de-tumba-francesa.html
[11]
René, lui pourtant né à Cuba, me
sortira cette phrase surréelle avec son accent béarnais :
« les Cubains, on les a vu tard dans la région »
comme quoi la montagne peut provoquer un sentiment « à
part » d’isolement comparable à l‘isolement îlien.
[12]
René Bénégui est décédé en 2009. Son épouse lui a survécu… Ils
ont eu un fils, Jean Joseph ou Jean Jo (Juan José à
l’Etat-civil), qui ne s’était pas consacré à la culture sur
les terres familiales, mais El Ermitaño est toujours sa
maison. Jean Joseph, aujourd’hui retraité, dit ne pas parler
français, a deux filles et vit habituellement avec sa mère
Line /Lina et son épouse dans la ville de Guantánamo.
[13]
Daniel Chatelain et
Pierre Tafani « Qu’est-ce qui fait courir les
autonomistes » Stock 2, 1977.