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N.B. Cet ARTICLE remplace et amplifie "Cabildos de nation carabalí à Santiago de Cuba" mis en ligne le 11/12/2014.

Mis en ligne le 28/09/2023

LES COMPARSAS CARABALÍ DE LA PARTIE ORIENTALE DE CUBA

Un héritage des cabildos afro-cubains

Auteur : Daniel Mirabeau

Daniel Mirabeau : percussionniste, chanteur et saxophoniste, il s'est formé dans l'Oriente cubain aux traditions carnavalesques et aux cultures haïtiennes. Après quelques séjours à Cuba avec Ritmacuba (à Santiago) ou Trempolino (à La Havane), il effectue in situ son parcours personnel auprès de différents maîtres. Il enseigne les musiques cubaines et haïtiennes à l'Ecole Municipale de Musique de Pierre Bénite (Rhône) et lors de stages avec toutes sortes de publics (non-musiciens, enfants, scolaires).


illustration 1
Carabalí Olugo, Festival del Caribe 2013 © Daniel Chatelain

INDEX.

1. De l'esclavage et son expansion à Cuba

2. L'économie de plantation à Cuba au XVIII et XIXe siècle

3. Les nations d'esclaves issues de la traite transatlantique

4. La nation carabalí

5. Les barracones, palenques et cofradías, du lieu de vie des esclaves aux rassemblements illégaux.

6. Les cabildos de nation à Cuba

6.1. Les premiers cabildos

6.2. Qui au sein des cabildos : Noirs libres ? Esclaves ?

6.3. Hiérarchie, activités et patrimoine des cabildos

6.4. Cabildos et confréries, législation et mises en application locales

7. Situation des Noirs libres dans la société cubaine esclavagiste

8. Les Abakuá et Brikamo

9. Les cabildos de nation de la partie orientale de Cuba avant la loi sur les associations

10. Les cabildos de nation carabalí d'Oriente avant l'abolition de l'esclavage

11. Déclin des cabildos de nation et durcissement de la législation

12. Abolition de l'esclavage et les religions dans le Cuba moderne

13. Les comparsas carabalí encore en activité à l'époque moderne

13.1. La Carabalí Olugo

13.2 Le cabildo Isuama

13.3. Autres cabildos carabalí après l'indépendance de Cuba

14. Séquençage d'un défilé carabalí 

15. Costumes et artefacts

16. Instrumentarium musical des comparsas carabalí

17. Les chants des comparsas carabalí de Santiago

18. Bibliographie thématique

19. Discographie sélective

20. Sélection de vidéos

Remerciements

Notes


Dans les carnavals de l'Est de Cuba, les comparsas carabalí sont parmi les plus anciens groupes de défilé de l'île. Assister à une de leur prestation est un évènement qui ne laisse pas indifférent. Des chants au parfum d'Espagne sur des rythmes africains, des danses ressemblant à celles des cours royales européennes, un bien curieux mélange... Ces formations carabalí sont dites centenaires. Elles sont en réalité plus anciennes et se confondent avec l'histoire des premières manifestations carnavalesques et de l'esclavage à Cuba.

Avant d'aborder les défilés carabalí contemporain, il convient de les contextualiser sous l'angle de leur origine ethnique, en retracer l'histoire. Nous placerons notre étude sur la partie orientale de l'île de Cuba, là où subsistent encore des manifestations de ces comparsas carabalí.


1. De l'esclavage et son expansion à Cuba

Monument en hommage aux Nègres Marrons, Alberto Lescay, El Cobre (province De Santiago de Cuba)


On ne peut évoquer des éléments de culture africaine à Cuba sans aborder la question de l'esclavage. Les premiers esclaves africains sont débarqués d'Haïti vers Santiago de Cuba en 1521. Ils seront employés pour la plupart dans les mines de cuivre du Cobre[1] . 

Trois éléments déterminent le développement particulier de l'esclavage sur l'île : l'extermination des populations indiennes, des terres fertiles et accessibles, une politique de travail insulaire efficiente[2] . Détaillons quelque peu chacun de ces points.

La violence et la barbarie des conquistadores n'expliquent pas l'éradication des populations indigènes. La charge virale exogène des colons espagnols suffira à décimer les Indiens. Comme sur d'autres territoires de l'empire et face à une main d'œuvre en voie de disparition, les Espagnols vont contribuer au développement du trafic d'esclave transatlantique, de l'Afrique de l'Ouest en direction de leurs comptoirs et colonies.

L'essentiel des ressources à Cuba seront des terres fertiles favorables au développement de l'agriculture. Il y eût aussi des mines de cuivre dans la partie orientale, mais d'un faible intérêt au regard d'autres territoires de l'empire fournissant des métaux précieux pour la Couronne d'Espagne. C'est véritablement l'essor du marché du sucre qui va faire s'emballer le commerce négrier transatlantique à Cuba, à partir du XVIIIe siècle.

Coupe de la canne à sucre, Luis Patricio Landaluze, 1874, Musée des Beaux-Arts, La Havane


La troisième raison du développement considérable de l'esclavage à Cuba, c'est une organisation du travail insulaire très efficace et régie par le pouvoir colonial. Même si elle ne représente qu'une zone minuscule de l'empire espagnol, Cuba sera l'une des principales colonies importatrices d'esclaves. L'essentiel de la législation sera calqué sur le Code Noir français[3]. La couronne espagnole interdira à ses compagnies d'affréter des navires dédiés au transport d'esclaves. Cette cédule royale sera détournée de manière totalement hypocrite : les esclaves seront achetés tout d'abord aux portugais, puis aux anglais et hollandais. Des mesures libérales insulaires vont en ce sens favoriser l'aristocratie havanaise.


Chargement d'un navire négrier, auteur inconnu


Il est quasiment impossible de comptabiliser de manière définitive le nombre d'esclaves africains qui furent déportés vers Cuba, tant le trafic clandestin continua dans la zone caribéenne et des Amériques. Néanmoins, on peut comptabiliser un chiffre global de 1 318 000, du début de la traite légale jusqu'à 1873[4].

Cependant, du début de sa colonisation par les Espagnols jusqu'à la fin du XVIIIe s., Cuba demeure une destination minoritaire du commerce négrier caribéen : 32 000 esclaves en 1763, dix fois moins qu'en Jamaïque et vingt fois moins qu'à Saint-Domingue à la même date.

Volume et direction du trafic transatlantique d'esclaves © David Eltis & David Richardson


2. L'économie de plantation à Cuba au XVIII et XIXe siècle


La cédule royale de 1789[5] va marquer l'amorce d'un commerce d'esclaves à grande échelle, condition indispensable au développement de l'économie de plantation à Cuba.
D'immenses terres fertiles à proximité des côtes vont permettre l'expansion du commerce portuaire. Jusqu'au XIXe siècle, l'essentiel des exploitations agricoles se réduisait à de l'élevage bovin destiné à la boucherie et au trait, du tabac, les cultures de café et de sucre restaient encore confidentielles au regard de ce qu'elles deviendront au siècle suivant.


Culture sucrière à Cuba au XIXe s., auteur inconnu


Á la fin du XVIIIesiècle, les planteurs de Saint-Domingue fuient les révoltes d'esclaves et s'installent pour la plupart dans la partie orientale de Cuba. Leur savoir-faire agronomique va contribuer au boom économique grâce à l'industrie sucrière et dans une moindre mesure, celle du café.

Cuba devient alors la nouvelle "perle des Antilles", avec un négoce prospère et moderne nécessitant toujours plus d'esclaves. Malgré l'abolition de l'esclavage en 1880, le trafic négrier continuera illégalement jusqu'au début de la première guerre d'indépendance (1868)[6].

Le développement de l'économie sucrière pousse à la recherche constante de nouvelle main d'œuvre. Le fait que celle-ci soit esclave ou non importait finalement peu, pourvu qu'elle soit docile et bon marché. Après l'abolition, ce seront des blancs sans-terre et sans droits civiques, des Chinois sous contrat. Plus tard, ce seront des européens et des caribéens dans une moindre mesure[7]. La liberté ou non de ces travailleurs agricoles ne laisse présager en rien de leur traitement ou condition de vie.


3. Les nations d'esclaves issues de la traite transatlantique


Les populations africaines déportées à Cuba pour la traite étaient consignées dans des registres d'état. On les distinguait avec des toponymes et hydronymes qui les identifiaient en fonction de leur aire fluviale et maritimes de provenance. Dans une moindre mesure, les dénominations ethniques adoptées correspondaient à des filiations linguistiques[8].

La provenance et la quantité d'esclaves débarqués va varier selon les époques. Il y aura durant toute la période esclavagiste, c'est-à-dire jusqu'à 1886, un classement de ceux-ci par méta-ethnie, qui prédéterminera leur prix et leur fonctionnalité.

On dénombre donc huit méta-ethnies, chacune avec une multitude de subdivisions dont les appellations vont varier selon les époques[9] :

- Les arará, du Ghana, Bénin, Nigéria, Togo.

- Les carabalí (cf. chap. 2)

- Les congo[10] des zones actuelles du Zaïre, Congo Brazzaville, Ouganda, du Gabon, de l'Angola et de la Zambie. De loin la plus grande zone géographique de prélèvement d'esclaves.

- Les gangá, de Guinée Bissau, de Sierra Leone, de Guinée, du Liberia, du Sénégal, de la Gambie, du Mali, de la Mauritanie.

- Les lucumí du Nigéria et du Bénin. L'une des ethnies dont la culture est la plus visible à Cuba. Feront partie des dernières populations esclavagées sur l'île.

- Les mandinga de Sierra Leone, de Guinée, du Liberia, du Mali, de la Côte d'Ivoire, de la Gambie, du Sénégal, de Guinée-Bissau, du Nigeria (nord), du Cameroun (nord), du Niger, du Bénin (nord), du Cap-Vert, du Ghana, du Tchad, de Mauritanie ou du Togo.

- Les mina, du Ghana, du Liberia, du Sud du Maroc.


Ethnies africaines esclavagées à Cuba au XIXe s.



4. La nation carabalí

Les carabalí sont des populations originaires de la région sud-orientale du Nigéria actuel. Cette toponymie viendrait de la déformation du mot calbary[11] utilisé dans le jargon des marchands d'esclaves anglais pour désigner la multitude des esclaves commercialisés depuis la côte et sur les bords du fleuve Calabar[12].


Carte linguistique de la zone du Calabar et du delta du Niger

En effet, si ces populations étaient embarquées à destination de l'aire caribéenne dans les ports du Calabar, elles étaient originaires de nombreuses ethnies, comprenant :
-Les ekoi ou ejagham (Cameroun occidental et pointe orientale du Nigéria). Les sociétés masculines ekpe viennent de cette ethnie, à l'origine des confréries secrètes abakuá à Cuba.
-Les ibibio ou agbishera (Nigeria sud-oriental ; Cameroun et Guinée équatoriale en infime partie)
-Les igbo (ethnie principale de la partie Sud-Est du Nigeria et du Cameroun en infime partie),
-Les ijo ou ije (delta du Niger, de la partie sud-orientale du Nigeria et du Cameroun en infime partie)[13].

La traite de ces populations débute au XVIe s. avec les Portugais, essentiellement en direction du Brésil, puis les Anglais à partir de 1626. Elles feront partie des premières vagues d'esclaves.  À cette époque, les carabalí étaient acheminés majoritairement en direction des Antilles britanniques (Barbade, Antigua, Grenadines, Saint Kits, Dominique et dans une moindre mesure la Jamaïque), de Saint Domingue[14] et Porto Rico pour les possessions espagnoles. A Cuba, on ne recense que 336 esclaves du Calabar entre 1651 et 1675 pour 2741 dans le reste des Antilles espagnoles et 43 634 pour l'ensemble des possessions britanniques. L'arrivée des carabalí à Cuba est plus significative à partir de 1751.

Dans son ensemble, la traite cubaine connaîtra un pic de 122 957 personnes entre 1826 et 1850. Elle déclinera à partir de 1867, où la couronne espagnole met fin à la traite transatlantique. Elle continuera avec un trafic caribéen jusqu'à l'abolition de l'esclavage en 1886[15].

Un dicton connu à Cuba constitue un raccourci sur les racines africaines de ses habitants :
" Ici, celui qui n'est pas de sang congo est de sang carabalí" [16]. Le poème de Nicolás Guillén nous dit à peu près la même chose : « Yoruba je suis, je suis Lucumi, Mandingue, Congo, Carabali, Écoutez mes amis, c'est comme ça : Nous sommes ensemble de loin, jeunes, vieux, noirs et blancs, tous mélangés »[17].

L'achat d'esclaves, gravure, 1837, auteur inconnu


Entre 1823 et 1855, la région de Santiago de Cuba compte 27,1 % de carabalí, 35 % de bantú (congo), 16 % de mandinga (essentiellement du Sénégal et du Mali) et 28 % d'autres ethnies (lucumí, maní, indéfinis)

On va observer une baisse des carabalí dans la traite négrière sur la deuxième moitié du XIXe siècle. Ils deviennent minoritaires, au profit des congo, gangá et lucumí.  La présence peu marquée d'éléments carabalí dans la culture cubaine contemporaine s'explique par leur faible quantité d'importation dans la dernière période de la traite légale.



5. Les barracones, palenques et cofradías, du lieu de vie des esclaves au rassemblements illégaux.

Différents vocables et leurs nuances existaient à l'époque coloniale pour désigner des rassemblements de Noirs. Souvent la locution définissant le groupe humain est la même que celle désignant l'aire de pratique cultuelle, qu'elle soit à l'intérieur d'un édifice, ou en plein air. Cette diversité sémantique reflète la multiplicité de statut social de l'homme Noir dans la société, au travers l'histoire de l'esclavage à Cuba.


Barraquement d'esclaves à Sancti Spiritu © Oscar Alfonso
  

5.1. Le barracón


Signifie littéralement le 'baraquement', le lieu de vie ou quartier d'habitation des esclaves sur une propriété coloniale. Sur la plantation, nous parlerons également du batey, l'aire en terre battue au centre des baraquements d'esclaves. Certains planteurs autorisaient ou fermaient les yeux sur la vraie nature des rassemblements de leurs esclaves lors des jours chômés. Des dimanches, il n'y en avait parfois qu'un seul dans le mois, selon les besoins estimés par les contremaîtres pour les travaux agricoles. Ces rassemblements d'esclaves dans les baraquements ou sur le batey avaient souvent lieu pour des festivités religieuses et cultes africains. Des témoins européens nous les relatent dès le début du XIXe. s., en forçant le trait sur les aspects grotesques des danses et musiques[18].



Scène de plantation sucrière, esclaves devant un baraquement à Cuba, 1870 © E& H.T Anthony

Les activités des Noirs sur le batey ne sont soumises à un cadre juridique, mais à la seule loi du maître. La justice coloniale intervient parfois pour sanctionner la tenue de fêtes d'esclaves jugées scandaleuses. En 1817, le tribunal de Santiago de Cuba exige d'un planteur de s'acquitter d'une amende pour avoir autoriser une cérémonie vodou sur ses terres. Les principaux participants seront emprisonnés ou fouettés[19]. On peut supposer que certains barracones jouissaient d'un certain prestige hors de la plantation, mais il y avait peu de perméabilité de l'un à l'autre. Leurs activités et festivités restaient à destination des seuls esclaves de la propriété.

Si les barracones ne sont pas soumis à une législation d'état, le code noir, ainsi que les arrêtés du gouverneur et des administrateurs des provinces vont encadrer la vie et le commerce des esclaves.

Danse de Noirs d'une plantation cubaine, publié dans le Harper's Weekly, 29 janv. 1859

5.2. Le palenque



Image du film Maluala, Sergio Giral, 1979. Maluala était l'un des principaux palenques de la partie orientale de Cuba

A la fin du XVIIIe s., la propension d'esclaves en fuite passe d'actes isolés à de véritables mouvements de rebellions dans plusieurs colonies de la zone caribéenne. Le marronage, acte de reprendre sa liberté, gagne toute l'île de Cuba. Ces esclaves fugitifs, ou cimarrones, mèneront une véritable guerre contre la société esclavagiste tout au long de la première moitié du XIXe s.[20]. Parmi les mouvements les plus importants dans la zone orientale, les esclaves des mines du Cobre se rebellent massivement dès 1731. A Bayamo, une conspiration est menée en 1795 par le cimarrón Nicola Morales qui s'allie avec des Créoles et des Blancs[21].

Certains cimarrones se regroupaient en communautés, que l'on désignait par le terme de palenque. A l'écart des routes, cachées dans la forêt vierge, c'était parfois de véritables villages fortifiés, clôturés de palissades, avec ses maisons d'habitations, réserves de nourriture et aires d'assemblée. Le palenque du Frijol, situé dans la Sierra Maestra à l'intersection des rivières Jaguaní et Toa, fût le plus connu et compta jusqu'à 200 habitations et 300 âmes. Après plusieurs tentatives infructueuses, il fut détruit et ses habitants massacrés par l'armée en 1816[22].

Le palenque désigne à la fois le village et la communauté. Par extension, il est aussi le mot désignant l'aire de culte et de festivités fréquentée par les cimarrones. Malgré la liberté à l'intérieur du village, les déménagements sont fréquents pour échapper aux chasseurs d'esclaves (rancheadores). 


El cimarrón, Luis Patricio Landaluze, circa 1860


Dans un témoignage recueilli en 1963 par l'historien Miguel Barnet, le cimarrón Esteban Montejo évoque la précarité de la vie dans les palenques, disant avoir préféré de loin vaquer seul dans la forêt, plutôt que de rejoindre un campement d'esclaves rebelles[23].

La signification du mot palenque évoluera avec le temps pour devenir l'aire des festivités cultuelles ou l'ensemble d'une communauté pratiquant librement une activité religieuse, sans l'assentiment des autorités coloniales. Elle désigne dans le sens commun actuel une aire de festivité afro-cubaine.

6. Les cabildos de nation à Cuba


Depuis 1578, existaient différents regroupements de Noirs à Cuba avec différentes visées : religieuses, récréatives, entraide, ou tout cela à la fois. A partir de 1758, le gouverneur met en application une cédule royale ordonnant la séparation ethnique au sein de ces groupements et interdit leur fréquentation par les Créoles. Les autorités coloniales cubaines reproduisent alors le modèle de ce qui se pratiquait déjà à Séville avant la découverte des Amériques. Les cabildos de nation à Cuba auront toujours deux tutelles, celles l'Etat et de l'Eglise.

Les autorités coloniales cubaines regroupèrent par ethnies les Noirs amenés d'Afrique en suivant le modèle de ce qui se pratiquait déjà à Séville avant la découverte des Amériques. Dans son sens premier, le mot cabildo définit une une institution civile espagnole incarnant le pouvoir local. Le second est celui d'une une réunion administrant un ordre religieux. Les cabildos de nation à Cuba auront toujours ces deux tutelles, l'Etat et l'Eglise. La définition du cabildo diffère selon les époques, juridictions et auteurs.       

Pour Esteban Pichardo, géographe et linguiste dominicain du XIXe s., le terme de cabildo désigne « une assemblée de Noirs d'Afrique de même nation, bruyante et festive sans véritable existence juridique »[24]. Au sens figuré, il la définit une « réunion inepte où règne le désordre »[25]. Cette vision superficielle et partiale du cabildo était vraisemblablement ancrée dans l'opinion générale de la société coloniale cubaine de l'époque.

Pour Pedro Deschamps Chapeaux, historien cubain contemporain, « c'est un regroupement de Noirs africains appartenant à la même nation ou tribu dont le rôle était l'entraide mutuelle, le secours en cas d'infirmité ou de mort, et de maintenir en vie le souvenir de la patrie lointaine et perdue au moyen de la pratique de sa propre religion, de l'usage de sa langue, les chants et la musique ».

Jusqu'en 1880, on va dénombrer 72 cabildos de nation dans les registres d'état pour toute l'île de Cuba.

Carte des principaux cabildos au XIXe s., CIDMUC, Atlas ethnographique de Cuba, 1998, Ed.Cubarte


6.1. Les premiers cabildos

On trouve la trace de ces cabildos de nation dès la colonisation de Cuba. Le premier de la partie occidentale aurait été fondé à La Havane en 1568. Certains le nomment Cabildo Shango, ce qui signifierait de nation lucumí, chose étonnante au regard des arrivages d'esclaves de l'époque. Un autre document de 1598 atteste de la naissance de la confrérie de gens de couleur mina zape, de nation mina, consacré à Nuestra Señora de Los Remedios[26]. Cependant l'existence des cabildos n'est attestée qu'en 1755 dans les documents de l'épiscopat havanais[27].

Pour la partie orientale, les registres épiscopaux parlent d'un cabildo congo en 1616 à Santiago de Cuba. Cependant, une trace antérieure existe dès 1535, avec une plainte de voisinage enregistrée sur une main courante de l'administration : une habitante vient protester du raffut qu'effectue le roi congo et les comparses de sa confrérie, avec force tambours et chants[28]. Ce cabildo congo est qualifié par Barcia de macro-cabildo, car il comprenait au XVIIIe s. plusieurs sites disséminés sur la ville. Il avait de l'importance dans la vie locale, le couronnement ou la mort de ses rois étant chroniqué par la presse. Le cabildo congo exerçait par ailleurs un pouvoir non officiel sur tous les autres. Le roi congo était le seul régulièrement consulté par les autorités pour entre autres l'organisation des sorties carnavalesques.

Il y avait également à La Havane, Matanzas et Camagüey des « cabildos de cinq nations ». Dans le cas de La Havane, ce macro-cabildo constituait une instance supérieure non enregistrée auprès des autorités, auprès de laquelle se tournaient les dirigeants des cabildos pour faire face à des problèmes communs et ériger des sanctions[29]. Á Matanzas le cabildo de cinq nations est officiel. Même si certains le nomment cabildos de cinq nations, le cas de Camagüey est encore différent, car réunissait uniquement des carabalí de différentes ethnies. Comme nous le verrons plus tard, cette situation ne durera pas et le cabildo sera scindé en deux face aux dissensions inter-ethniques.


Trône et artefacts de pouvoir du roi du cabildo congo, musée de Santiago de Cuba

6.2. Qui au sein des cabildos : Noirs libres ? Esclaves ?

Jusqu'au XIXe s., n'étaient acceptés dans les cabildos que les Noirs bossales[30], c'est-à-dire nés en Afrique, ce qui excluait les Créoles de la Caraïbe. Le terme de bossales ne présume pas qu'ils soient des hommes libres ou esclaves à Cuba, mais signifie leur venue comme esclave africain. La séparation obligatoire des ethnies par nation au sein des cabildos était un moyen de contrôle du pouvoir colonial. Il entretenait ainsi les rivalités déjà existantes en Afrique de peuples ennemis, par les guerres menées les uns contre les autres, ou par les haines attisées par le commerce négrier. En effet, des marchands européens hésitaient à s'aventurer dans les terres et payaient certains peuples africains pour obtenir des esclaves. 

A partir du XIXe s. et selon la zone géographique, il existe plus de permissivité concernant la mixité ethnique, en particulier avec les créoles[31]. En 1866, un roi congo de Santiago de Cuba proteste énergiquement auprès des autorités contre un cabildo mélangeant créoles et africains pour qu'ils n'entrent pas à l'église pour obtenir la bénédiction[32]. Le manque de permissivité n'est donc pas le fait uniquement des autorités coloniales, il en va des luttes de pouvoir entre cabildos et entre ethnies.

Quel était le statut des membres des cabildos? Esclaves ou hommes libres? Visiblement les deux étaient représentés, mais dans des quantités et des statuts qui diffèrent selon les époques et les régions. Dès le XVIIIe siècle, la présence d'esclaves y était marginale et mal perçue. Pour la plupart, les colons n'autorisaient pas à leurs esclaves fréquenter les cabildos. Dans la pratique, ils s'y glissaient à leur insu.

Dans tous les cas, c'était à l'individu de faire la demande d'intégrer un cabildo, cela n'avait rien d'obligatoire. L'examen des lois de la couronne espagnole nous donne des pistes. A Séville en 1526, une 'cédule royale' permet le rachat par l'esclave ou une tierce personne de sa liberté, en devenant affranchi[33]. Cette loi avait cours pour les cabildos du Sud de l'Espagne au XVIe, constitués d'anciens esclaves affranchis. Cette loi fût-elle appliquée à Cuba?

Carmen Barcía nous dit que « bien que légalement ses membres eussent à être africains libres, la plupart était arrivés comme des esclaves ; cette circonstance passée les compromettaient d'une certaine façon et aussi les encourageaient à procurer l'émancipation de leur amis ou parents qui restaient dans un état de servitude »[34]. Plus loin, « Dans les cabildos havanais, les esclaves apparaissent toujours comme des éléments subordonnés et manipulés par les différents groupes qui intégraient chaque société ».

Perrera Diaz propose une thèse similaire : « une participation des esclaves aux cabildos et la contribution de la part de tous ses membres à la manumission de ceux qui le nécessitaient »[35]. La manumission est un terme juridique qui date du moyen-âge. Il consistait pour un seigneur envers son serf, un père envers son fils, ou un maître envers son esclave, à poser les deux mains à plat sur la tête de ce dernier, qui se tenait à genoux devant lui, devant témoins. La personne était alors affranchie ou émancipée, un notaire l'attestait par un document écrit.

Parfois, les cabildos rachetaient la liberté de leurs membres les plus méritants. Ce sera le cas par exemple de Ramon Granda responsable du cabildo viví de Santiago, qui rachète la liberté de sept esclaves en 1824.

Pour Luisa Martinez O'Farill, concernant les cabildos havanais, seuls les esclaves domestiques avaient pour des raisons de proximité la possibilité de fréquenter les cabildos, tous situés en ville.

 À Santiago dès le XVIIIe s., la présence d'esclaves dans les cabildos était marginale et mal perçue. Les propriétaires n'autorisaient pas ouvertement leurs esclaves à les fréquenter[36]. Les membres des cabildos sont pour la plupart des d'hommes ayant retrouvés légalement leur liberté, ou directement nés libres[37]. Dans la pratique, des esclaves participaient non officiellement aux activités des cabildos, où ils étaient tolérés en fonction de leur couleur de peau. Les créoles et mulâtres en étaient exclus, ainsi que les Noirs d'autres ethnies.

Les spécificités de législation concernant le statut des membres des cabildos de nation dans les localités orientales de Cuba s'explique par la proximité avec Saint-Domingue et la Jamaïque. Les mouvements de lutte des marrons dans ces pays exerceront une influence particulière sur l'attitude des colons espagnols. Le produit d'une partie de la traite jamaïcaine est revendu aux propriétaires terriens cubains. A la Jamaïque, les Anglais concèdent en 1739 trois parties autonomes de l'île aux marroons. En Haïti, des mouvements de révolte importants malmènent les propriétaires terriens dès la fin du XVIIIe s., jusqu'à l'abolition de l'esclavage en 1793.

Dans la partie orientale, les colons n'étaient pas favorables à ce que les esclaves créoles et bossales ayant transité par la Jamaïque et Haïti viennent se mélanger aux libertos dans les cabildos, au risque de créer des foyers de sédition.

De manière générale, le statut d'esclave, celui d'homme libre, la mixité des deux et leur proportion dans les cabildos de nation reste à ce jour un sujet de polémiques et un terrain d'étude encore fécond sur lequel toutes les études ne s'accordent pas.

6.3. Hiérarchie, activités et patrimoine des cabildos

Les cabildos étaient organisés selon une hiérarchie en référence à la couronne espagnole. A la tête de la communauté était nommé un roi. C'était la plupart du temps le doyen du cabildo, ou une personne de rang royal ou de chefferie africaine, ou un dignitaire religieux dont la liberté avait pu être rachetée par la caisse du cabildo. Le roi était selon les cas, élu à vie (en Oriente) ou à l'issue d'un vote effectué tous les quatre ans sous le contrôle d'un fonctionnaire d'Etat (à La Havane). Il était également le référent et porte-parole pour les relations avec les autorités. Des contremaîtres (mayorales[38]) et majordomes organisaient les activités du cabildo. On notera que ces appellations correspondent à celle de la propriété coloniale, où le contremaître veille à l'organisation du travail des champs et le majordome à celle de l'activité domestique.

Dans certains cabildos, les femmes étaient admises et avaient également leur place dans l'organisation hiérarchique, avec une reine à leur tête. Les cabildos deviennent progressivement matriarcaux après 1880. Le titre de roi disparait au profit de la reine. L'assesseur des affaires noires du gouverneur de Santiago édicte un règlement en 1827 régissant les modalités électorales des postes à responsabilités des cabildos et les restrictions pour les esclaves à participer à leurs activités.

Les cabildos les plus anciens et les plus prospères possèdent un réel pouvoir économique : rachat de la liberté de ses membres, achats d'indulgences pour les fêtes, achats immobiliers, rôle dans la constitution de solares[39]. Pour exemple, un cabildo arará magino de La Havane achète en 1795 quatorze chambres dans un immeuble et s'y réserve une salle pour ses fêtes et cérémonies[40]. Certains membres des cabildos possèdent même des esclaves, des biens immobiliers. En 1870, Juan Bertault et sa femme, ex-esclaves, possèdent 30 921 pesos. Ils furent accusés de captation d'héritage au sein d'un cabildo, utilisant des faux-témoignages de ses subalternes[41].





Jour des rois, Luis Patricio Landaluze, circa 1870, musée des Beaux-Arts, La Havane

Si l'on ordonne les aspirations, de la plus officielle aux non-dits, elles étaient d'ordre sociale (entraide, secours), récréative, culturelle (préservation d'un patrimoine) et cultuelle. Le marqueur le plus pertinent pour caractériser un cabildo est sa pratique religieuse. A travers elle s'exprime son imaginaire, son histoire et son art. C'est pourtant l'aspect religieux qui sera le plus occulté dans les cabildos, pour échapper aux tensions avec l'église et à la politique répressive du pouvoir colonial. Les cultes africains devaient rester confidentiels, les services funèbres interdits hors du cadre de l'église.

Pour autant, les activités de distraction et d'entraide était considérée avec bienveillance ou indifférence par les colons. Au même titre que d'autres cabildos de nation, les carabalí étaient autorisés à défiler le Jour des Rois (6 janvier) avec leurs costumes, leurs fétiches, tambours et danses. Les symboles ostentatoires d'africanité étaient proscrits, avec plus ou moins d'insistance selon la période.

À Santiago, les principaux jours de sortie étaient la veille de Noël, le Jour des Rois et le 26 juin (fête de Santiago Apostól, patron de la ville). À l'époque coloniale et dans les premières années de la république, on nommait ces fêtes populaires de carnaval mamarrachos. Le Jour des Rois[42], étaient reçus au palais du gouverneur tous les cabildos noirs de la ville. On honorait ce jour-là le Roi Melchior, leur représentant symbolique désigné pour l'année à venir[43]. Ces festivités du 6 janvier furent suspendues à partir de 1886.


6.4. Cabildos et confréries, législation et mises en application locales

Le fonctionnement des cabildos de nation étaient soumis à un contrôle strict des autorités coloniales. Selon les époques, la localisation et le type d'activité, la permissivité du pouvoir oscillait entre indifférence et répression.

En 1681, le gouverneur Fernandez de Cordoba interdit aux Noirs de se réunir dans les maisons "pour les activités de danse et de cabildos", l'autorisant seulement dans les rues, jusqu'à la cloche de l'angélus.

Une rupture s'établit entre les cabildos de La Havane et ceux du reste de l'île à la charnière du XVIIIe s. En 1792, une série de lois (ban gobierno) restreignent les activités des cabildos et les obligent à trouver refuge hors des murailles de la ville[44]. Ceux-ci seront éloignés des églises, en dehors des centres urbains et ségréguées[45].
La situation des cabildos n'était pas similaire à Matanzas malgré certaines tentatives de durcissements.

À Santiago, la situation reste identique jusque vers 1850, avec un rattachement des cabildos aux églises et l'autorisation de s'établir en centre-ville. 

À La Havane s'établit une démarcation très précise entre les cabildos de nation et les confréries d'hommes de couleur[46], pour mieux contrôler la population noire. Ces confréries étaient placées sous la protection d'un saint catholique et liées avec une paroisse. Leur raison sociale était l'entraide, le secours mutuel. Pour les colons espagnols, elles présentaient un cadre  accessible et familier. Ils connaissaient ces systèmes associatifs et ces structures organisationnelles depuis des siècles et les avaient exportées vers presque tous leurs domaines dans les Amériques.

Dans la Caraïbe de manière générale, les cofradías ont contribuées au processus de christianisation des populations africaines esclavagées et à leurs relations avec l'Église. Le cas de Cuba n'a pas été différent, ces structures ont reproduit celles qui existaient déjà dans la péninsule ibérique dès le milieu du XVes. L'Église avait des intérêts particuliers dans les Amériques et l'évangélisation, tant des Indiens que des Africains depuis l'implantation de l'esclavage, a joué un rôle central dans ses projets. Cela a rendu possible l'expansion et l'exportation du modèle des confréries, comme un moyen efficace et éprouvé d'évangéliser et d'enseigner la doctrine chrétienne.

Hormis les mêmes valeurs d'entraide déployées dans les confréries, les cabildos auront également pour vocation de faire vivre le patrimoine culturel et cultuel des groupes ethniques qu'ils représentent. Leurs signes d'africanité et leur propension d'émancipation sociale seront les principales raisons de la tendance coercitive du pouvoir colonial à leur égard. Les processions annuelles du foyer du cabildo jusqu'à l'église étaient parfois dispersées par la police et les artefacts africains détruits ou confisqués.



Pierre d'Elegua dans son chaudron métallique, foyer de la Carabalí Olugo (détail) © K. Wirtz


Mêlant des dénominations militaires et monarchiques, une hiérarchie existe au sein des cabildos de nation. Ils sont dirigés par un chef qui sera nommé roi (rey), majordome (mayordormo) ou contremaître (capataz). Ce chef a autorité dans un système hiérarchique calqué sur l'armée espagnole (hommes de rang, sergents, capitaines, commandants). La prédominance d'une direction masculine va basculer après la loi sur les associations[47]. Les femmes seront à l'honneur avec la reine et sa cour (princesses, duchesses...).



Conversation dans la rue  Luis Patricio Landaluze, 1889, musée des Beaux-Arts, La Havane


Les cabildos eurent avec les autorités coloniales des rapports ambivalent, parfois instrumentalisés. À La Havane, de nombreux cadres des cabildos étaient au service de l'armée au sein des Batallones de Pardos y Morenos[48]. Il s'agissait d'une milice qui joua un rôle capital aux côtés de l'armée dans la défense des intérêts de l'Empire espagnol : défense du territoire cubain contre la piraterie, soutien militaire lors de la guerre contre la France en 1809, participation à la chasse aux esclaves fugitifs.

Au XIXe s., les cabildos organisaient une procession le jour de la fête de leur saint patron. De manière générale, toutes les manifestations publiques des cabildos avaient lieu en fonction du calendrier de l'avent (Jour des Rois, Semaine Sainte...) et en accord avec l'épiscopat.

Dans les défilés de mamarrachos[49] et même plus tard sous la République, les symboles ostentatoires d'africanité étaient proscrits, avec plus ou moins de rigueur selon les périodes. Ces manifestations agissaient sur la population noire et créole comme une soupape de décompression. Cela s'inspirait du "Jour des Fous" du Moyen-âge où les puissants laissaient s'exprimer les critiques envers l'autorité pour acheter la paix sociale.

À Cuba, les défilés du Jour des Rois sont suspendus en 1886. Au XXe siècle suivront une série de restrictions et d'interdictions, dont en 1917 l'annulation des carnavals, jusqu'à leur retour vingt ans plus tard.

Fiesta de ñañigos, Miguel Puente,1878, Musée des Beaux Arts, La Havane

7. Situation des Noirs libres dans la société cubaine esclavagiste


Dès le XVIIe s., les Noirs libres sont suffisamment nombreux pour que l'on puisse les considérer comme véritable strate sociale intermédiaire, entre les colons et les esclaves. L'appellation « Noir libre » ne laisse en rien présager de leur couleur de peau, seulement de l'émancipation par rapport au statut d'esclave. La société coloniale cubaine vivait sous l'emprise du préjugé de couleur.

L'interdiction du mariage interracial est régie par une cédule royale en 1803, elle durera jusqu'en 1881[50]. Malgré les quelques prescriptions dans les ordonnances des gouverneurs successifs de Cuba, on ne peut pas véritablement parler de véritable code à l'égard des libertos. Ils furent néanmoins victimes de nombreuses déprédations, surtout pour ceux qui commençaient à prospérer financièrement. Les exactions des chasseurs d'esclaves[51] à leur égard deviennent si scandaleuses que Felipe IV édite une cédule royale en 1623 pour qu'elles cessent[52].


Scène de ville, Cuba colonial


La séparation des blancs et gens de couleurs intervient aussi dans les activités
sociétales et de loisir. Walter Goodman, peintre anglais qui séjourna à Santiago décrit une tombola de charité qui se déroulait sur la place d'armes en 1864. Les gens de couleur ne pouvaient y assister, se servant d'intermédiaires pour acheter des billets et y participer[53].

La petite bourgeoisie de couleur au XVIIIe s. imite les colons, n'hésitant pas parfois à être elle aussi esclavagiste. A Santiago, entre 1780 et 1803, 54% des Noirs libres étaient propriétaires d'esclaves[54]. Pour la majorité, ils en possèdent moins de cinq. Il y aura quelques exceptions, comme Elena Carrión qui en possédait douze, répartis entre ses affaires en ville et ses terres à San Luís.

Certains Noirs libres possèdent également des biens immobiliers, des exploitations agricoles, ou des élevages de chevaux. En milieu urbain, ils sont artisans ou petits commerçants, travaillent comme gens de maison chez les Blancs. Ces exemples dénotent de la multiplicité des conditions de vie et de statut social pour un Noir libre.


Cour intérieure à Santiago de Cuba, Joaquín Cuadras Blez, circa 1868, Musée des Beaux Arts, La Havane


La création et l'augmentation des cabildos peut s'expliquer en réaction des hommes noirs et mulâtres et ce quel que soit leur statut social, face aux ségrégations dont ils faisaient l'objet. Les uns, libertos se protégeant et secourant mutuellement au sein de ces sociétés, les autres esclaves s'en approchant et les intégrant avec l'espoir de meilleures conditions de vie, ou de se faire racheter leur liberté.



Iremé © Nicola Lo Calzo, années 2010, Regla, AF éditions



Un plante abakuá, années 2010 © Daniel Chatelain

8. Les abakuá et Brikamo

Les sociétés abakuá sont les seules ayant été transplantées à Cuba suivant le modèle des sociétés à masques ekpe africaines. Ces sociétés masculines au sein des ethnies ejagham[55], ibibio et igbo de la pointe orientale du Nigéria, pratiquaient un culte autour des ancêtres et de la divination, réputé parfois violent et sanguinaire[56]. Réunis en guildes, ils faisaient du négoce, en particulier sur le commerce d'esclaves, avec les marchands européens de Calabar City. Les membre des sociétés secrètes abakuá sont originaires de ces ethnies, de même que les membres de certains cabildos carabalí.

En 1836 est créée la première confrérie abakuá à Regla, dans la baie havanaise. Il y en aura 79 à La Havane et 33 dans la région de Matanzas pour tout le XIXe siècle[57]. Les sociétés abakuá étaient des foyers de marronnage et d'africanité revendicative, principale raison de leur illégalité. La solidarité unissant les initiés abakuá passait au-dessus des lois coloniales[58]. On ne trouva pas pendant longtemps chez eux de processus de syncrétisme religieux avec le catholicisme. Cependant, sous les menaces et la répression gouvernementale, le dignitaire abakuá Andrés Petit affirmera avoir rencontré le pape pour lui demander l'autorisation d'utiliser des symboles chrétiens dans sa confrérie. Il acceptera même les Blancs au sein de celle-ci, à partir de 1886. Ce que certains considérèrent comme une trahison fût peut-être une manière d'acheter un espace de liberté.

La répression à leur égard continua malgré cela : jusqu'en 1897, des centaines d'abakuá furent déportés dans des colonies espagnoles. Seront confisqués leurs artefacts et instruments de musique.

Certains sont visibles depuis au musée d'anthropologie de Madrid.


Itones, bâtons de pouvoir abakuá, Musée d'anthropologie de Madrid © D.Mirabeau



Tambours abakuá, Musée d'anthropologie de Madrid © D.Mirabeau

Erikundí, Musée d'anthropologie de Madrid © D.Mirabeau


En parallèle des sociétés abakuá, nous trouvons la présence de cabildos bríkamo à Cuba. Comme pour les abakuá, ils sont issus des ethnies ekoi de la pointe orientale du Nigéria. La fréquentation de ces cabildos à l’époque coloniale n’était pas limitative aux hommes, comme le sont les sociétés abakuá. Il est notable que les femmes seront majoritairement à la tête des cabildos bríkamo. Les seules zones où ils sont référencés sont La Havane et Matanzas. Celui de La Havane, le brikamo San José disparaîtra en 1887, ne souhaitant pas se soumettre à la nouvelle loi transformant les cabildos en associations (cf. chap.11). Le cabildo brikamo suama de Matanzas perdurera sous le patronage de l’Enfant Jesus. Ce cabildo aura une importance capitale dans la dissémination de la culture suama en particulier en direction de la partie orientale de l’île et Santiago de Cuba (cf. chap.13.2). Il connaîtra une période d’interruption dans les années 1950, avec le décès de Yeya Calle, sa doyenne. En 1974 rennaissent les fêtes du brikamo, qui se range alors sous la protection d’un saint patron plus créolisant, el Niño de Cañamaso.


9. Les cabildos de nation de la partie orientale de Cuba avant la loi sur les associations        

Le premier cabildo de nation d'Oriente aurait été créé à Santiago de Cuba en 1616. Il comportait 29 membres d'ethnie congo. Le roi qui le gouvernait sera nommé Melchior[59] et le patronage catholique était San Benito del Palermo[60]. Tous leurs membres étaient 'formellement" baptisés, savaient lire et écrire le castillan[61].

D'autres cabildo sont enregistrés au fur et à mesure que des groupes d'esclaves sont affranchis et toujours en respectant l'uniformité ethnique. Les autorités leur concèdent des espaces pour se réunir, en fonction de leurs moyens financiers[62].

Selon Olga Portuondo Zúñiga, la province de Santiago, comptait au début du XIXe s. 10 cabildo de nation[63] dont : 3 congo (brucamo, tiberé, cacanda), 3 carabalí (osese, elugo, viví), 1 canga (sous le patronage de Nuestra Señora de Loreto), 1 mina (l'autorisation de celui-ci fût refusée), 1 mandinga, 1 de tumba francesa (El Tivolí, sous le patronage de Nuestra Señora de Belén)[64]. Cette registration de l'archevêché de Santiago ne répond pas à la classification actuelle déterminant précisément l'origine de chaque ethnie. Si l'on se réfère aux classifications contemporaines d'Ortiz ou de Guanche : le cabildo cacanda serait à comprendre lucumí, le brucamo serait carabalí; le canga serait ganga dans une autre graphie.

A Camagüey, il est dit que les esclaves congo, carabalí et mandinga étaient prédominants en ville.
Il existait avant la loi de 1880, quatre cabildos, tous situés dans des quartiers périphériques de la ville.

Les congos, par une présence plus massive dans la population noire auront deux cabildos. De leur réputation de domesticité, ils bénéficieront de plus de prérogatives tant de l'église que du pouvoir colonial. Le cabildo congo de Santa Bárbara était le plus important. Le cabildo congo luango était constitué pour la plupart d'anciens serviteurs de riches réactionnaires de l'île. Les luango étaient connus pour le panache de leurs costumes. Il était courant lors des jours de fêtes du chapitre, que la reine soit accompagnée par des accords de la marche royale, quand elle se dirigeait vers le trône.

Le cabildo mandinga était sous le patronage de la Virgen de la Candelaria. Les mandingues étaient réputés très orgueilleux, de ceux qui s'étaient le plus suicidés pour échapper à l'esclavage, de sorte qu'il y avait plus de femmes que d'hommes dans le cabildo. Le chant des mandingues était accompagné de tambours, güiros et d'un marimba.

Le premier cabildo carabalí sera autorisé par l'évêque Santiago Echevarria en 1776, une sous le patronage de la Santíssima Trinidad. C'était visiblement une fraternité religieuse, avec des visées officielles d'évangélisation.

A partir de 1803, se créent de nouveaux cabildos de nation. Les troubles de la révolution sur l'île de Saint-Domingue et l'abolition de l'esclavage dans la jeune République d'Haïti entraînent un arrivage conjoint de rescapés Blancs, Métis et Noirs, esclaves ou libres, en particulier vers la partie orientale de Cuba. Les colons français exilés rachètent des terres et s'installent à Cuba avec leurs esclaves domestiques, à dominante dahoméenne. Ils achètent sur place de nouveaux « nègres de jardin » ou esclaves de production, en majorité des congos. La prospérité de leurs plantations, principalement du café, sera instable, puis connaîtra un effondrement pendant la guerre d'indépendance. Mais entretemps, une tradition culturelle spécifique syncrétisant divers héritages s'est créée chez les « Noirs français » des plantations.

Avec l'indépendance et la fin de l'esclavage ils rejoignent les villes de Santiago et Guantánamo (créée grâce à ces plantations). Ce seront des Noirs libres (souvent fils adultérins de maîtres) et seront artisans ou commerçants. Ils seront à l'origine de la création des cabildos de tumba francesa[65] axés sur l'entr'aide, la convivialité et les danses de salons, mais aussi adaptant à la ville les défilés de tahona (qui furent d'abord rurales), en distinguant bien les deux activités. Ces cabildos deviendront sosyété avec la loi sur les associations[66].


10. Les cabildos de nation carabalí d'Oriente avant l'abolition de l'esclavage


A Camagüey, la vie des cabildos carabalí connaîtra diverses situations administratives, du XVIIIe s.jusqu'à l'abolition de l'esclavage. Comme nous l'avons vu précédemment, nous avons trace d'un cabildo carabalí dès 1776[67]. Il comprend de multiples ethnies du Calabar dont la cohabitation ne se fait pas sans difficultés. En 1841, pour mettre fin aux troubles et dissensions, le gouverneur de Puerto Principe[68] le divise en deux sociétés : l'une regroupait les carabalí d'ethnie ubre, l'autre ceux d'ethnies viví, isuama, osese et ano.

A la fin du 19e s., se dernier prend le nom de Cabildo de la Santíssima Trinidad. Le dimanche de Pentecôte, ses membres assistaient à la messe dans la grande cathédrale, la reine portant le symbole du cabildo, une colombe posée sur un globe doré. Ils dansaient le rigodon et le quadrille une fois avoir regagné leur foyer. Ce cabildo était apprécié par les habitants de Camagüey pour la qualité de ses prestations musicales. On y jouait des maracas, une flûte rudimentaire, des tambours dont l'un en bambou, de presque un mètre de hauteur.

A Guantanamo, hormis quelques références dans les registres paroissiaux, peu de traces des cabildos en général. Marta Esquenazi en liste deux dans cette province, l'un à Songo l'autre à Manuel Tames[69]. Les recherches sont rendues difficiles depuis l'incendie du bâtiment des archives municipales de Guantanamo dans les années 1930.

José Sanchez, historien de la ville cite une Comparsa Carabalí del Tiguabito dès 1844[70]. On parle d'un cabildo carabalí dans la presse locale en 1865. Ce dernier défilait dans les mamarrachos, les carnavals de l'époque coloniale. Reinaldo Videau, respectable doyen de la carabalí de Guantanamo[71] disait en 2015 ne pas avoir connaissance qu'il y ait eu un cabildo de nation carabalí à proprement parler en ville. Néanmoins, de nombreux habitants de la région avaient goût à se rassembler pour danser et jouer ces traditions. [72]

Pour Santiago de Cuba, on trouve trace d'une communauté carabalí déclarée en 1783 par Marcos Caballero, son fondateur. Elle sera enregistrée comme Cofradia de los Negros Carabalí. Elle était composée des nations ibibio (zone côtière du Calabar) dont les elugo et les viví, mais aussi des suama de la nation igbo (plus au Nord dans les terres). 

Echapper à la dénomination cabildo fut le moyen que trouva le fondateur de la carabalí, pour éviter un procès avec Francisco Verdecia, roi du cabildo congo. Ce dernier se considérait d'une caste supérieure à qui les carabalí auraient dû allégeance. Verdecia possédait un rôle charismatique sur tous les esclaves, les congo étant étaient encore majoritaires à l'époque en Oriente parmi les populations noires[73]. De plus, il était le seul responsable de cabildo à entretenir des relations régulières avec les autorités.

La composition multiethnique de la Cofradia de los Negros Carabalí rejoint le principe de ce qui fût pratiqué au début XIXes. à Camagüey, avec des problèmes de luttes intestines similaires. Marcos Caballero règnera sur la Cofradia de los Negros Carabali pendant plus de trente ans, puis au travers de ses successeurs qu'il s'arrange à faire nommer, exclusivement d'origine elugo. Cette hégémonie des elugo motive les membres des nations viví puis plus tard les osese et les isuama à quitter la Cofradia pour créer leur propre cabildo.

Roi de la Carabalí Isuama © Nicola Lo Calzo, années 2010, Regla, AF éditions


La Carabali Viví sera fondée en 1797, par Ramon Garvey, Nicola Rigores, Antonio Mozo et José Ramon Granda Garcia. Son foyer se trouvait dans l'actuel quartier de Los Hoyos. Il est stipulé sur son règlement officiel l'obligation pour ses membres d'être des Noirs libres. La majorité travaillaient dans le monde agricole comme ouvriers, métayers, petits propriétaires terriens, cultivant le tabac aux alentours de Santiago. Le cabildo sera rebaptisé Club San Salvador de Horta à l'indépendance de Cuba et survivra jusqu'en 1909, où il sera dissous.

Les membres de l'ethnie osese de la Cofradia de los Negros Carabali
s'autonomisent également dans la première moitié du XIXes., en créant le Cabildo Osese, sous le patronage de Nuestra Señora de Santa Barbara. Nous supposons qu'il dura jusqu'à l'orée du siècle car nous ne trouvons plus sa trace dans les documents officiels ni la presse après cette période. Il est également possible qu'il ait perduré quelques temps sous un nouveau nom.

Les membres de l'ethnie isuama s'autonomisent en 1824, marquant ainsi la fin de l'hégémonie de Caballero et de ses successeurs sur les carabalí de Santiago[74].

Yeya, doyenne de la Carabali Izuama (99 ans à l'époque de la photo), qui a dû connaître l'esclavage.Circa 1952 © Panchito Cano, coll. Vicki Gold Levi.


11. Déclin des cabildos de nation et durcissement de la législation


Au milieu du XIXe s. commence le déclin des cabildos, le marronage et les mouvements d'émancipation des esclaves gagnent du terrain. En effet, la proximité avec la jeune république d'hommes libres d'Haïti et la Jamaïque, qui abolira l'esclavage en 1836, amènent de nouvelles populations à Cuba, principalement dans sa partie orientale. L'ensemble de la société coloniale est sollicité dans l'effort de guerre contre les marrons. Dans la région orientale, à partir de 1815, après l'échec cuisant de l'armée sur le palenque d'El Frijol, les contributions financières affluent en réponse, venant de toutes les personnes libres, des notables aux petites gens[75]. Au regard de cette situation et à l'orée de l'abolition définitive de l'esclavage à Cuba[76], la réglementation et le contrôle des cabildos de durcissent.

Les artefacts africains sont parfois saisis et détruits. Les plus révoltés et perturbateurs contre le pouvoir colonial sont emprisonnés puis déportés. Ces déportations politiques des Noirs émancipés ont été monnaie courante de 1862 à 1897. Ils furent envoyés dans des colonies pénitentiaires espagnoles : Fernando Poo (île en face du delta de la Cross River, au Nigéria), Chafarinas (îles proches du Maroc, vers la frontière avec l'Algérie) et Ceuta (en face de Gibraltar en Méditerranée). Le groupe le plus touché par ces déportations fût les abakuá. Ils seront environ 600 à faire le voyage transatlantique. Il y eut un certais cynisme du gouvernement espagnol à les envoyant essentiellement à Fernando Poo, l'île se trouvant face à la terre de leurs ancêtres, le Calabar. 


Insurgés cubains conduits sur l'île de Fernando Poo, 1869, Gaston, Le Monde Illustré 


En 1883, les autorités de La Havane exigent que la licence des cabildos soit réexaminée chaque année, que soit observée la séparation entre Africains de naissance et Créoles, et que leurs activités tendent vers des caractères récréatifs. En 1884, les défilés des cabildos sont interdits, puis toutes leurs activités, sauf s'ils se soumettent à la nouvelle législation des sociétés de gens de couleur à caractère culturel et d'entraide. Les cabildos doivent adopter le patronage d'un saint catholique et sont rattachés à une paroisse. Leurs biens deviennent alors propriété du clergé en cas de dissolution du cabildo.

En 1887 est promulguée la loi sur les associations. Sont alors déclarés officiels à Santiago de Cuba en 1888, le Club Juan Gongora (partie de l'ancien cabildo congo), la Sociedad el Tibere (autre partie de l'ancien cabildo congo), le Cabildo Santa Barbara[77] (ancien cabildo carabalí osese), le Club San Salvador de Horta (ancien cabildo carabalí vivi), la Sociedad Nuestra Señora del Carmen (ancien cabildo carabalí elugo) et la Sociedad Carabali Izuama (ancien cabildo Isuama), le Cabildo Cocoyé (société de tumba francesa du Tivolí, regroupant des congos et des créoles).


12. Abolition de l'esclavage et les religions dans le Cuba moderne



Ñañigos en fiesta, Luis Patricio Landaluze, circa 1880, musée des Beaux-Arts, La Havane

Jusqu'au XXe s., l'ethnocentrisme domine la pensée occidentale et justifiera des siècles de traite négrière. Considérer les hommes Noirs et Créoles comme inférieurs, à peine humains, a servi les intérêts économiques du vieux continent et de la colonisation par les Amériques. 

Le Noir se devait, dans le meilleur des cas, être éduqué, élevé vers des principes moraux, dans la lumière du christianisme. Les pratiques animistes étaient considérées comme relevant de la sorcellerie ou signe d'attardement civilisationnel. De nos jours, et malgré le métissage, les cérémonies et cultes afro-cubains souffrent encore de cette imagerie de malfaisance barbare dans l'inconscient collectif.



Un acte abolitionniste pour lever des fonds et libérer des esclaves à Madrid, 1868, auteur inconnu


En 1888, avec l'abolition de l'esclavage, les cabildos disparaissent en faveur des sociétés de gens de couleurs, revêtant un "caractère récréatif et de secours mutuel"[78]. Les nañigos[79]et autres éléments séditieux en sont exclus. A la différence des anciens cabildos, les sociétés acceptent la mixité ethnique, mais gardent une continuité culturelle en n'exécutant que les traditions propres à l'ethnie de l'ancien cabildo[80]. Les pratiques religieuses subsistent en secret dans les sociétés, malgré la défaveur des autorités[81].

Dès 1880 avec la nouvelle loi sur les associations, la plupart des cabildos ne se sont pas reconnus par les autorités. Ils maintiendront illégalement leur organisation à partir des réseaux familiaux et parentaux, formant ainsi des casas-templos et cofradias où sont pratiqués divers cultes d'origine africaine ou caribéenne (santería, palo, abakuá, arará, vodou, spiritisme). Ces initiatives privées donneront lieu à des persécutions du gouvernement jusqu'à la nouvelle constitution de 1940, autorisant la liberté de culte.

Avec la révolution de 1959, le nouveau régime appelle à en finir avec les discriminations raciales et religieuses, prônant l'unité du peuple dans le marxisme. Cela ne se fait pas sans difficultés ni paradoxes idéologiques. Le catholicisme en particulier, car pratiqué par le plus grand nombre, est considéré comme un frein à l'évolution vers le socialisme. Ainsi les religions chrétiennes seront séparées du domaine culturel afro-cubain considéré comme superstitieux et archaïques. Ceci n'empêchera pas le développement des formations folkloriques afro-cubaines sur toute l'île[82], les tournées des groupes à l'étranger et leur participation aux carnavals. Vers la fin des années '80, la lutte idéologique contre les religions s'estompe, l'industrie touristique contribuant indirectement à l'essor des cultures africaines.

En 1992, la liberté de culte est inscrite à la constitution et l'Etat déclaré laïc. L'église catholique du fait de son organisation internationale et son implantation locale continue à jouer un rôle de contre-pouvoir ou de médiation, en particulier dans les affaires de libération de prisonniers politiques[83].


13. Les comparsas carabalí encore en activité à l'époque moderne

13.1. La Carabali Olugo

Le premier cabildo carabalí dénommé Elugo ou Olugo date de 1783, c'était l'appellation non-officielle de la Cofradia de los Negros Carabalí fondé par Marcos Caballero. En 1877, on relate une sortie de la Comparsa Carabali Olugo, pour commémorer le neuvième anniversaire du « Grito de Yara »[84]. Le fait que certains héros de l'armée de libération (le général Antonio Maceo Grajales et le brigadier Flor Crombet) furent très proches du cabildo Olugo n'y est pas étranger.

Les registres de l'évêché de Santiago témoignent de l'existence du cabildo carabalí Elugo en 1889 dans le quartier français du Tivolí. Il fut enregistré comme congrégation catholique sous le patronage de Nuestra Señora del Carmén. La même année, ils se déplacent jusqu'au campement des mambis (armée de libération), dans le lieu-dit El tablón, proche de San Luis. Les activités musicales et de danse du cabildo feront partie des distractions du campement, quand les soldats ne seront pas au combat.



Défilé des enfants de la Carabalí Olugo, carnaval de Santiago © Kristina Wirtz


On trouve des traces écrites de la participation de la comparsa[85] Olugo aux défilés de carnaval dès 1880, sous le nom de Comparsa de los Negros Carabalí.  Après la loi sur les associations, elle défile en 1894 sous le nom de Carabalí Oluggo. Cette Carabalí Olug(g)o participe cette année-là parallèlement à la comparsa de la Carabalí Izuama.

Ces comparsas sont composées de danseurs, musiciens et portes drapeaux et défilent lors de de diverses fêtes catholiques, nationales ou municipales. Ces deux carabalí répondront à l'appel des mouvements révolutionnaires contre les Espagnols et connaîtront les affres de la répression.

En 1902, le maire de Santiago supprime les défilés des comparsas carabalí pendant le carnaval, celles-ci "évoquant le triste passé de l'esclavage". La Olugo brave l'interdit et effectue un court défilé, avec des bannières représentant des noirs crépus en guise de protestation[86].



Roi & reine Olugo © Nicola Lo Calzo, années 2010, Regla, AF éditions


Le premier document municipal date une naissance officielle de l'association cabildo en 1913, sous le nom de Olugo ou Orugo. Cet ethnonyme fait référence à un dialecte africain du Calabar. La raison sociale du cabildo est une « société d'entraide et de secours mutuel ». Malgré l'origine ethnique carabalí de la Olugo, on trouve dans son foyer une représentation d'Eleguá, esprit protecteur africain d'origine yoruba. Ce symbole récent témoigne d'une revendication de l'africanité au travers du culte yoruba, standard cultuel le plus répandu à Cuba de nos jours[87].

En 1919, le président Mario García Menocal obtient le soutien militaire des Etats-Unis pour protéger les intérêts des centrales sucrières américaines, victimes de mouvements sociaux sur le territoire. Lors du carnaval, la carabalí Olugo va entonner un chant contre l'interventionnisme américain[88]. Elle sera à la suite de cela interdite et condamnée à une activité clandestine.
Nous retrouvons la trace en 1939 d'une nouvelle participation de la Olugo au carnaval, mais face à l'absence de soutien, voire des mesures répressives, le cabildo est dissout en 1940.

Il faudra attendre 1961 pour qu'il renaisse, avec 31 membres, puis l'année suivante pour assister à son défilé lors du carnaval. En 1962, le conseil municipal de culture de Santiago lui octroie une récompense, le considérant comme l'un des groupes traditionnels qui comptent pour le carnaval, au même titre que la Isuama, ou la tahona de la société de tumba francesa.

En 1981, après le ravage de son foyer par un ouragan, la Carabalí Olugo se déplace du Tivolí au quartier de Veguita del Galo où elle se trouve toujours.


Comparsa caranbalí Olugo, carnaval de Santiago de Cuba, années 90

13.2 Le cabildo Isuama

Comme nous l'avons vu précédemment, des membres de l'ethnie isuama de la Cofradia de los Negros Carabalí s'émancipent et créent leur propre cabildo en 1824[89]. Les isuama sont un sous-groupe de l'ethnie igbo, au Nord-Ouest de la Cross River au Nigéria.Le peu de sources disponibles ne nous permet pas d'affirmer une continuité ni une filiation directe avec la Comparsa Carabalí Isuama dont nous parlerons plus loin.

Un témoignage cite l'existence du Carabalí Izuana, ou Carabalí zona de Santa Lucia, très populaire auprès des santiagueros dans les années 1884-87. Il était question d'un groupe de défilé remarqué pour ses tenues vestimentaires et le nombre de ses participants[90]. Santa Lucia était le nom de la paroisse auquel il était rattaché et où résidait la patronne du cabildo.

Le premier document officiel en mairie de Santiago date la naissance de la Comparsa Cabildo Isuama en 1894, continuant à utiliser par tradition le terme cabildo[91]. La presse de l'époque fait état de sa première sortie pour la fête de San Juan, le 24 juin 1894. Manuel Palacios Estrada vante la sortie d'un cortège d'au moins 700 personnes lors du carnaval[92]. Cela paraît exagéré, ce comptage approximatif comprenait les adhérents de la Isuama et la foule des sympathisants qui s'étaient insérée à la comparsa. Cette forte popularité nous donne un indice sur l'antériorité du cabildo. Il parait peu vraisemblable qu'il ait remporté autant de succès dès sa première année d'existence.



Reine et membres de la Carabalí Isuama, carnaval de Santiago de Cuba, 1989 © Judith Bettelheim

Le Cabildo Isuama dans sa version officielle de 1894 fût fondée par les frères Nápoles, dits "Baracoa". L'origine de cette fratrie est obscure et les sources diffèrent. Leur berceau familial était visiblement à Matanzas, où la plupart des sept frères étaient investis dans les activités de sociétés secrètes abakuá, mais également dans le cabildo carabalí brícamo Suama. La famille déménagea dans un village proche de Baracoa, où elle y gagnera son surnom, puis à Santiago où ils fonderont le Cabildo Isuama en référence à celui de Matanzas. Les frères Nápoles exerceront en ville des métiers d'artisan (tailleur, cordonnier, cigarier, etc).

Le cabildo sera sous les auspices de San Juan Nepomuceno[93], dont l'autel se trouve dans l'église de San Francisco. La célébration de ce saint catholique cachait celle d'un esprit carabalí appelé Pa Bonú. Les détails sur ce culte aujourd'hui disparu se sont perdus dans les méandres d'une pratique rendue secrète, pour éviter la répression des autorités.

Le foyer de la Isuama prendra place dans le quartier de Los Hoyos, où elle réside toujours, sur le bas de la rue Carniceria. En 1894, le cabildo comptait essentiellement des artisans et petits commerçants.

Mambis, guerre d'indépendance de Cuba


La Isuama va jouer un rôle important dans les mouvements insurrectionnels contre les colons espagnols et dans les préparatifs de la guerre d'indépendance. Le général indépendantiste Guillermón Moncada était très lié avec les frères Nápoles lequels s'engagèrent dans l'armée de libération. Pendant la guerre de 10 ans, la carabalí profitait des sorties de sa comparsa pour faire transiter des armes et médicaments dans ses tambours. Certaines strophes narrant les faits d'armes de cette époque résonnent encore aujourd'hui dans les défilés des comparsas carabalí[94].

Certainement lié à ces mouvements insurrectionnels, mais aussi avec des mesures répressives contre les pratiques de cultes africains, des membres des cabildos carabalí furent déportés. Ce fût le cas pour Fernando Nápoles, l'un des fondateurs de la Isuama qui fût déporté sur l'île de Ceuta en Méditerranée. De sa condition de vie sur place des plus précaires, il contractera la tuberculose. Il sera rapatrié à Cuba où il finira sa vie quelques mois avant le déclenchement de la Guerre des Dix Ans (1868-78). 

Déportés cubains à Figueras, 1867

  Malgré l'implication des Isuama et Olugo dans la libération de Santiago, les élites blanches vont observer un certain rejet de leurs activités jusque dans les années 1950. Il faut clairement y voir là une forme de racisme. La situation des Noirs va se détériorer dès la sortie des guerres d'indépendance. Le « péril Noir », fantasme hérité de la révolution haïtienne est encore présent dans les idées reçues des blancs, ainsi que le traumatisme des guerres de marronage. Au tournant des deux siècles, s'y ajoutera la naissance du Parti des Indépendants de Couleurs. 3000 de ses membres seront massacrés par l'armée en 1912.

Au lieu de fréquenter ces cabildo-comparsas, ou des sociétés aux racines africaines marquées, les mulâtres les plus élevés socialement et économiquement préfèreront rejoindre des associations comme La Luz de Oriente ou le Casino Cuba[95].

Des membres de la Isuama joueront cependant un rôle politique dans la vie municipale de Santiago, même si la place des Noirs dans l'administration et la politique locale restera très minoritaire jusque dans les années 30. 


Danseuse au foyer de la Isuama © Irene Cruz Gilbert, années 2010

Les fonctions cultuelles des cabildos s'estompent avec les années et sont abolies définitivement en 1960, où ils sont convertis par le Conseil National de Culture en groupes folkloriques. Dans quelques cas exceptionnels, la carabalí jouera encore un rôle cultuel. Adrian H. Hearn témoigne en 2008 d'avoir assisté aux obsèques d'une dignitaire de la Carabalí Isuama. La défunte étant fille d'Oyá (déesse des cimetières dans la santería), les tambours rythmeront la messe dans l'église puis le cortège jusqu'au cimetière de Sainte Iphigénie. Nous retrouvons des manifestations du même type lors de funérailles nationales et religieuses pour des grandes figures de la culture cubaine (Lázaro Ros à la fin des années 90, Merceditas Valdés).


Comparsa Isuama au carnaval de Santiago de Cuba © Irene Cruz Gilbert, années 2010

mp3 : percussions de la carabami Isuama (extrait)


13.3. Autres cabildos carabalí après l'indépendance de Cuba

L'analyse des règlements officiels des carnavals et la presse locale au XIXe et XXes. montre les difficultés d'exister pour toutes les comparsas noires[96]. Des interdictions à défiler aux mesures restrictives, ou à leur autorisation sans véritable soutien des élites, tout ceci n'a pas favorisé le développement des comparsas caranbalí.

A Santiago de Cuba, en 1909 et 1911, la presse se fait écho d'un Carabalí de la Plaza de Marte, participant au carnaval, en plus des Olugo et Isuama habituelles. En 1919, le quartier de Los Hoyos présente deux comparsas carabalí lors du carnaval, la Isuama et la Bata Amarilla. Cette dernière connût une courte existence.

Comme pour les comparsas de conga ou les sosyétés de tumba francesa, la concurrence était mieux venue d'un quartier à l'autre. Dans les années 1930, sortait en plus de la Isuama, la carabalí de Victoriana Vitué du quartier de Mejiquito[97].

Au carnaval de Santiago de 1938 vont défiler la Carabalí Macumba del Edén et la Carabalí de la Reina Salomé. Cependant, dès les années 1940, seule la Carabalí Izuama apparait sur les comptes-rendus de carnavals, au point d'être identifiée populairement comme LA Carabalí.

Dans les années '30 et '40, beaucoup d'entreprises retirèrent leur soutien financier aux comparsas. La situation économique du pays laissait peu de place au développement de nouveaux groupes de défilé. Seuls quelques grands sponsors tel que les alcools Bacardí ou les cigares Edén apportaient encore leur soutien. D'autres part, la discrimination sociétale et les luttes intestines n'ont pas permis aux nouvelles comparsas carabalí de se pérenniser.

Les seules comparsas carabalí qui subsistent actuellement sur l'île sont la Isuama et la Olugo à Santiago, ainsi que la Carabalí de Guantanamo.


Défilé de la Comparsa Carabali de Guantanamo, années 2020 © Miguel Angel García Velasco



14. Séquençage d'un défilé carabalí


Une fête de défilé débutait par la moyugbación, un salut aux fondateurs de la carabalí. Les noms et grades de chacun d'entre eux étaient déclamés, accompagnés par le bruissement des chachas (hochets en osier) et le trémolo des tambours.

Il continuait avec le rythme et la chorégraphie de la obbia, dont les chants rendent hommage aux dignitaires et aux ancêtres. Cette séquence fût religieuse, comme tout ce qui touche aux défunts. Il est intéressant de noter en ce sens la similitude avec la obia ou obeah pratiquée dans les îles caribéennes anglophones[98]. Selon les témoignages que j'ai pu recueillir, la obbia de carabali est maintenant exécutée lors de la rencontre de comparsas carabalí et manifeste plutôt une volonté de défi mutuel, en effectuant la meilleure prestation possible. Cet aspect guerrier de la obbia rejoint celui du culte obeah des communautés cimarón du Surinam[99]



Défilé de la Isuama, carnaval de Santiago de Cuba, © Irene Cruz Gilbert, années 2010

Après l'exécution de la obbia, commence le cortège, au son du paso de calle ou paso de camino, à la vélocité modérée. Toute trace d'africanité dans la chorégraphie a disparue ; encore un témoignage criant sur l'asservissement et la machine à oublier, lourd tribut d'une époque coloniale pas si lointaine. La chorégraphie du paso de calle est gracieuse et mesurée, à la manière des danses de cour européennes du 18e s.

Lorsque le cortège s'arrêtait, il pouvait arriver que soit exécutée une contredanse, ou un quadrille à la française. Les danseurs en couple se doivent d'un port altier, les avant-bras suspendus et surtout se tenir à distance l'un de l'autre.

Une autre séquence, tombée en désuétude était le concours du rapto de la reina.
Après décision du jury, la formation s'étant le mieux mise en valeur, avait l'autorisation d'emmener plusieurs jours durant la reine la carabalí adverse dans son foyer. Elle participait alors aux activités domestiques du cabildo jusqu'à la fin des festivités du carnaval. Nous retrouvons la même coutume dans la tahona et sa partie hechacorral (litt. "faire courrir"). Cette séquestration devait être d'ordre symbolique ; nous imaginons difficilement une reine, femme de tête, accepter docilement cette soumission.
  

La Isuama au théâtre Martí, Santiago de Cuba, © Irene Cruz Gilbert, années 2020


A la fin du défilé, une moyugbación similaire à celle de préambule était alors déclamée, ainsi qu'une obbia finale[100].

Dans les défilés contemporains des Isuama et Olugo, seules les séquences de la obbia et du paso de camino sont encore exécutées. La Carabalí de Guantanamo ne joue plus pour sa part que le paso de camino.


15. Costumes et artefacts


Les cortèges des comparsas carabalí arborent des tenues aux couleurs unies et soutenues, comme la plupart des troupes de carnaval. Il faut que le groupe puisse être identifié de loin et fasse de l'effet. Les couleurs criardes ne laissent présager en rien du raffinement du costume. Dentelles, rubans et broderies sont des éléments indispensables à l'habillage d'une robe ou d'une jaquette.


Danseuse de la comparsa infantile Isuama, © Irene Cruz Gilbert, années 2010

Danseuse de la Carabali de Guantanamo, années 2020 © Miguel Angel García Velasco


Les femmes portent des jupons et de longues robes larges et bouffantes à liserés colorés. Souvent leurs tenues sont bicolores, avec une base blanche ornée de soieries colorées. Elles rangent leurs cheveux sous des foulards savamment noués, portent des bijoux et leurs colliers de religion[101] de manière ostentatoire.



Danseuse Isuama © Judith Bettelheim, années 80


Les hommes sont vêtus de pantalons courts arrivant à la cheville, des bas blancs et une chemise à jabot couverte d'une jaquette brodée. Ils portent diverses formes de couvre-chefs, du bicorne au bonnet de santería[102], ou au chapeau de paille.

Le fantasme de la distinction des cours européennes est à l'œuvre à travers ces tenues vestimentaires, la retenue étant  manifeste dans la manière de se mouvoir et de danser.

Les porte-drapeaux arborent les couleurs de la carabalí, ainsi que des slogans ou maximes du moment.

Selon le grade de chacun à l'intérieur de l'organisation du cabildo, (vassal, consul, duc, roi) des accessoires les identifient : canne à pommeau, bicorne, épaulettes en passementeries, couronne. Le costume auquel on porte le plus de soin et de fastes est celui de la reine. Elle est vêtue d'une robe de tissu moiré ou constellé de perles et une couronne en verroterie. La reine était secondée dans les années 1940 et '50 par une princesse, rôle qui pouvait être tenu par un homme[103].

Bousculer l'ordre social et politique est l'apanage des jours de carnaval. Le travestissement, la transgression sexuelle dans les codes vestimentaires et l'attitude corporelle était autorisé dans ce cadre festif. Il n'empêche que cette tradition de princesse travesti n'a pas duré, le machisme de l'inconscient collectif cubain ayant repris le dessus.




Danseuse et porteuse de poupée, foyer de la Isuama, anées 90 © Daniel Chatelain



Danseuse et porteuse de poupée, foyer de la Olugo ©
Irene Cruz Gibert

Nous ne trouvons plus de symboles religieux dans les défilés actuels de caranbalís, mais quelques marqueurs d'africanité. En effet, la reine porte toujours à la main une poupée représentant les ancêtres du cabildo, même type de poupée que nous retrouvons sur les autels dans les cultes afro-cubains[104]. Autre marqueur commun à d'autres comparsas est la symbolique des couleurs unies dans les costumes de défilé, désignant des orishas de la santeria ou leur saint catholique correspondant (Ochún et La Virgen del Cobre pour le jaune, Babalu Ayé et San Lázaro pour le violet, etc.). Les symboles carabalí d'origine se sont depuis longtemps effacés, au profit de ceux du culte lucumí, standard largement adopté sur toute l'île comme marqueur de culture africaine.

Carabalí Olugo - Défilé du Festival del Fuego, Santiago de Cuba © José Millet



16. Instrumentarium musical des comparsas carabalí


La cloche

Joueur d'ekón, caranbalí Olugo © K. Wirtz


Cloche sans battant intérieur, frappée par une batte métallique. Elle est de forme similaire à des cloches d'Afrique de l'Ouest, ainsi que celle jouée dans les confréries abakuá. On la nomme ekón ou muela, ou pico arado[ 105]. La cloche africaine utilisée d'origine, est remplacée parfois par un soc de charrue, ou toute autre pièce métallique aux mêmes propriétés. La cloche va battre la pulsation en produisant deux sons, l'un grave et l'autre aigu. Elle donne ainsi le cadre rythmique général auquel tous vont se référer.

A Guantanamo, la Carabalí utilise une llanta[106], comme dans les congas de carnaval.


Les cha-chas

Joueur de cha-cha, carabalí Olugo © K. Wirtz

Cha-cha, détail © K. Wirtz


Appelés également chanchaes ou marugas.

Hochets de forte dimension en fibres végétales remplis de sonnailles. Sont joués en paires, un hochet dans chaque main. On utilise les fibres d'une liane grimpante commune, comme la bejuco de cañasta ou bejuco de guanikí[107] pour la confection du hochet. Ses fibres sont réputées pour leur flexibilité et robustesse et utilisées en vannerie. On remplira le hochet de pièces métalliques, comme des capsules de bouteilles.

Hormis leur forte dimension, les cha-chas sont très proches des erikundí utilisés dans les confréries abakuá.

Deux joueurs de cha-chas sont nécessaires à la polyrythmie au sein d'une comparsa carabalí, chacun avec une paire de hochets.
La Carabalí de Guantanamo ne joue pas les cha-chas, mais utilise un autre système de sonnailles : un gros cylindre métallique rempli de graines et une paire de mini-haltères remplies de sable.



Percussionnistes de la Carabali de Guantanamo, années 2020 © Miguel Angel García Velasco


Les tambours


Percussionnistes de la Carabali Izuama, auteur inconnu, années '70. Juan Medina Duany (sous-directeur) au centre, Hechevarria à la droite


Ce seront tous des bi-membranophones de taille différente, selon le rôle qui leur est imparti à l'intérieur de la polyrythmie. Elles sont frappées à l'aide d'une batte en bois d'une main, l'autre servant à étouffer la peau opposée. Selon les comparsas, seront présente de quatre à six grosses caisses. A Guantanamo, seront jouée quatre parties différentes. Dans la Olugo et la Isuama ce sont actuellement cinq parties.

Les voici ordonnées de la plus aigüe à la plus grave :

- La repicadora : ou repartidora. Elle joue un rôle de soliste avec beaucoup de variations dans un système de conversations avec la respondedora. On l'appelle également quinto, comme avec d'autres groupes où le tambour aigu joue un rôle de soliste.

- La tambora: petite grosse caisse, semblable à la tambora ou bimba dans la tumba francesa. On l'appelle également par sa fonction, fondo salidor. Elle exécute un rythme linéaire avec peu de variation. Selon l'expression d'usage, elle remplit de bruit (llena de ruido)

- La respondedora : de registre medium. Le placement de ses « sons-clés » crée un dialogue avec la repicadora. En fonction des appels de cette dernière, le joueur de respondedora exécute des réponses, selon son inspiration.

- La tragualegua : littéralement "transporter sur des lieues". Ce nom date de la guerre d'indépendance. Grâce à sa forte dimension, on y cachait alors des armes et médicaments. Une sortie de la comparsa était un prétexte pour aller livrer des rebelles à l'extérieur de la ville. De même que la pilonera, elle joue une base sobre.

- La pilonera : grosse caisse au diamètre imposant dont la caisse de résonance est peu profonde. Elle joue une figure rythmique sur laquelle va se poser le dialogue de deux autres grosses caisses au registre plus aigu (repicadora et respondedora).

-La quitapesares :
le tambour de taille la plus imposante. N'est plus utilisée. Cette grosse caisse n'était jouée que pour des circonstances exceptionnelles, lors d'une visite d'une carabalí concurrente, ou pour concurrencer une conga de carnaval trop bruyante. On la disait posséder des pouvoirs spéciaux. Son caractère sacré la fait reposer accrochée au mur, de même que les tambours batá de fundamento dans la santería. Cet usage est rituel en même temps que pratique, à fin d'éloigner le tambour de l'impureté et de l'humidité du sol, afin que ses peaux restent bien tendues. 

mp3 : polyrythmie de cabildo caranbalí


Percussionnistes de la Olugo © K. Wirtz


La flûte :
  aérophone en bambou à trois ou quatre trous. On la signale à Camagüey et à Santiago dans la Isuama. Ce type de flûte fut également joué dans certaines confréries abakuá, où elle prenait le nom de biabanga[108]. Son usage a aujourd'hui disparu et aucune trace phonographique n'en témoigne. Nous pouvons supposer qu'elle amenait des éléments de contrepoint mélodique au chant, ainsi que des interventions solistes. Au regard des possibilités réduites de notes, elle ne pouvait pas jouer les mélodies chantées ensuite par le chœur, comme le ferait la corneta china dans les congas de carnaval. La faible puissance sonore de l'instrument confronté au volume dégagé par l'ensemble de la percussion a dû signer son déclin. Aux premiers temps de la Carabalí Isuama, elle par Joaquín Infante, l'un des fondateurs du groupe.

Une chanson de la Isuama atteste de l'utilisation de la flûte dans les défilés caranbalí :


Castillan de Cuba

Français

Toca la flauta caliente
Pa'que Mayumbo baila
Al golpe de mi tambora
To'el mundo, to'el mundo baila
Camará, camará, camará
[109]

 

Joues de la flûte avec brio
Pour que Mayumbo danse
Au son de mon tambour
Tout le monde, tout le monde danse
Quelle empoignade, quelle empoignade !


Vidéo : Répétition de la Carabali Olugo, Santiago de Cuba, 2009 © D.Mirabeau

Vidéo : Répétition de la Carabali de Guantanamo, 2016 © D.Mirabeau


Liens pdf : Partition de la polyrythmie de la caranbalí Isuama

Partition de la polyrythmie de la caranbalí de Guantanamo


17. Les chants des comparsas carabalí de Santiago



Chanteuses de la Carabali de Guantanamo © Miguel Angel García Velasco


Les chansons font partie des éléments essentiels d'un groupe de défilé. La qualité de l'exécution des mélodies par les musiciens, le goût et de la capacité du public à se les approprier, sont les facteurs d'une prestation réussie. On entend dans les formations de carnaval les fragments des airs populaires du moment, des dernières nouveautés aux standards favoris des urbains. Ce n'est pas le cas pour les carabalí qui possèdent un répertoire de chants originaux. A l'époque moderne, peu ou pas nouveautés d'un carnaval à l'autre, le principal objectif des comparsas carabalí étant de préserver les traditions. Certains airs sont très anciens et remontent à la création des comparsas carabalí. Comme nous le verrons par la suite, les chansons de l'époque étaient en résonnance avec l'actualité. De nos jours, il s'agit plus de maintenir un répertoire ancré dans l'histoire. Les seuls chants en connexion avec l'époque moderne sont ceux à la gloire du socialisme et de Fidel Castro Ruz.

Les chansons comprennent des formats variés, de quelques strophes, à de longues histoires comparables aux épopées et chansons de gestes du moyen-âge. Durant leur arrêt face à la tribune des officiels, les carabalí bénéficiaient d'un temps de passage qui leur permettaient de développer des chants et des évolutions chorégraphiques conséquentes. Ce n'est plus le cas avec la montée en puissance des congas, la multiplication des groupes et l'évolution des carnavals. Pour contenter toutes les formations, quelques minutes de prestation sont accordées à chacune. Les anciens textes sont depuis remaniés, au profit de formats plus courts.

Les seuls chants qui nous sont parvenus sont ceux du registre profane, utilisés pour les sorties des comparsas. Ceux du domaine religieux ont tellement été occultés pour ne pas attirer l'attention des autorités à l'époque coloniale qu'ils se sont perdus. La majorité des textes sont en castillan, seule langue autorisée quand les carabalís chantaient lors de leurs sorties dans les mamarrachos. Quelques mots de racine africaine ont subsisté malgré tout.

Orlando Aramis, chef du chœur de la Carabalí de Guantanamo, a réafricanisé les chants. Orlando est membre d'une confrérie abakuá de Matanzas et chanteur professionnel. Il percevait une urgence à faire ressurgir l'efik dans son milieu d'origine, quelque soient les critiques et les difficultés. Mais ceci n'a vraisemblablement duré que sur le temps de la direction d'Orlando[110]. Les choristes se plaignaient de ne rien comprendre à ce qu'ils chantaient et la présidente de l'association essuyant les quolibets du public.

Pour les chansons de la Olugo et de la Isuama, elles sont pour la plupart dans le mode majeur, quelques-unes en mineur. Aucune n'utilise d'échelle pentatonique tels que dans d'autres répertoires afro-cubains. Les airs ont l'aspect gracieux des romances espagnoles et des contredanses européennes du XIXe s. La juxtaposition avec les polyrythmies africaines leur donne cette saveur si particulière Nous pouvons supposer qu'avant la création de la Isuama, les cabildos de nación carabalí défilaient avec des airs plus ancrés mélodiquement avec l'Afrique. Des vagues d'interdictions et de répressions ont fait disparaitre les signes d'africanité au chœur même les mélodies. Seule la carabalí de Guantanamo chante sur des échelles pentatoniques, avec des mélodies rappelant celles des confréries abakuá.

Vidéo : Florilège de chants de la Carabali Isuama par Daniel Mirabeau, avec accompagnement rythmique. Collectage effectué en 2010, pendant les défilés du carnaval de Santiago de Cuba


Analyse des textes des chansons

Certains textes des chants des carabalí font parfois référence à l'histoire du cabildo, d'autres à des évènements dans la vie politique, ainsi que des litanies d'ordre religieux. Les citations de l'Afrique sont également nombreuses. Elles l'évoquent comme un éden perdu et sont une manière de revendiquer son origine ethnique.

Parmi les chansons les plus anciennes qui nous sont parvenues, la suivante est interprétée pendant la obbia. Sont citées dans le texte les saintes patronnes protectrices du cabildo. Pendant un carnaval du début des années '80, la chanteuse soliste serait entrée en transe à vouloir l'exécuter[111]. Cela témoigne son engagement spirituel et de son implication dans la tradition par rapport à un texte pouvant paraître anodin pour un novice.

Castillan de Cuba

Français

Yo soy congo, carabalí
Que del África llegué
Vengo tocando una tumba
Una muela y un chachá

Allá viene Ma' Francisca[112]
Filomena y Nicolasa
Con un paño en la cabeza
Y la bemba ya pintá
Nicolasa tu tiene callo en lo pie

Je suis congo, carabalí
De l'Afrique je suis arrivé
J'arrive en jouant un tambour,
Une cloche et un chachá

Là-bas arrivent Ma ' Francisca 
Filomena et Nicolasa
Avec un foulard sur la tête
Et les lèvres toutes maquillées
Nicolasa tu as un les pieds calleux


Les deux strophes suivantes témoignent de l'importance de nommer ses racines africaines. Nous noterons l'hétérogénéité des populations africaines citées dans les paroles. Elle s'explique au regard de la fin des cabildos de nación et de leur transformation en « sociétés d'entraide mutuelle ».

Castillan de Cuba

Français

Yo soy africana pariente de lucumí
Solo me tra' pa Cuba a bailar carabalí

E, e
Carabalí soy brimí, soy gangá
Olugo me llama
Sara ye yeo

Africanos
Africanos de nación
Vengan todos a este cabildo
A entonare esta canción

Je suis africaine parente de lucumí
Il m'ont amené à Cuba seulement pour danser le carabalí

E, e 
Carabalí je suis brimí
[113], je suis gangá
Olugo m'apelle
Sara ye yeo

Africains
Africains de nation
Venez tous à ce cabildo
Pour entonner cette chanson


Parfois des strophes entières sont dans une langue incompréhensible proche de dialectes africains. La prononciation originelle a été transformée au crible du castillan, opacifiant la compréhension. Ce sont des extraits de liturgies, dont l'emploi a pour but d'être un marqueur d'africanité. Extrait d'un chant de la Isuama.

Iyá samfaramfa
Iyá takilao
[114]

Ceremi ceremi
Guarandabia ceremi
[115]
Aniba barroco
Ekuenté monina
Aniba barroco
[116]

Comme évoqué précédemment, la Carabalí de Guantanamo interprétait encore ces dernières années des chants aux racines africaines très marquées. La majorité du vocabulaire est en efik, langue du Calabar, encore utilisée dans les potencias abakuá à Cuba.

Nous ne proposerons pas de traduction pour le texte suivant. Peu de mots en castillan. Tous ceux en efik font référence aux mythes fondateurs des abakuá, aux secrets, aux instruments de musique, artefacts de pouvoir et religieux. Le texte est d'Orlando Aramis Brugal Suarez.

Oleya, oleya
Golpe a golpe de mi ritmo espiritual

Oleya, oleya bonkó
Golpe a golpe de mi tumbo espiritual, brícamo!

Oleya carabalí, oleya enchemiya
Golpe a golpe de mi ritmo espiritual

Carabalí soy yo, carabalí soy yo
Carabalí brícamo, carabalí soy yo
Carabalí mayenefík, carabalí brícamo
Carabalí mayenefo, carabalí soy yo


Abasi abasi, si kuane kua sika
Si caney kua sika, si kuane kua sika
Si caney kuasi nganga, si kuane kua sika


E liba liba enkamá, si kuane kua sika
E oro viví, o nganga viví, si kuane kua sika
E liban ngang o bongo meta e, si kuane kua sika


Ekwe ta ya bonkó, ekwe ta ya bonkó
Yeye yeye men kamá, ekwe ta ya bonkó
Abasiango me abasien kwame
Yayo yayo mahe, ekwe ta ya bonkó
Abasi yayo mahe, ekwe ta ya bonkó


E kuenda ya bonkó, e kuenda ya bonkó
Bricamo yayo, yayo ma e, e kuenda ya bonkó
E wa yo, wa yo ma e, e kuenda ya bonkó
Ba liba, ba liba ba liba venga ma, e kuenda ya bonkó
E liba ngangando así kane kwa, e kuenda ya bonkó
E odua apapa condo mina me fe, e kuenda ya bonkó


Yambao eluman viene, eluman viene
Eluman viene, eluman viene
Ekó bio elu, eluman viene
Elo viví, eluman viene
E ibibio, eluman viene
Bricamo mayene, eluman viene
Eye me fi, eluma viene
E me kwama, eluma viene
E iréme, eluma viene
Carabalí, eluma viene


La chanson qui suit parle à mots couverts de l'esclavage et de l'importance de se divertir pour échapper un temps à ses conditions de vie difficiles. Transmise par Yailín Durán González responsable de la Isuama Infantíl.

 

Castillan de Cuba

Français

Coge el golpe a mi tambora
Ah ah ah, ah ah, ah ah, ah ah
Yo soy la negra carabalí

La negra del congo se va a coronar
Y a todo sus hijo' lo manda a buscar
Cha cha cha, cha cha cha
Carabela
Oigan el hierro sonar

Yo soy la negra
La mas bailaora
Que cuando siento mi tambora
Me llama el golpe
Se agito el cuero camara

Yo soy carabalí
No lo puedo negar
Camará, camará
Eso tiempo pasado ya ve?
Trabajé para el Ingles  

Il donne des coups à ma tambora
Ah ah ah, ah ah, ah ah, ah ah
Je suis la négresse carabalí            

La négresse du congo s'en va se faire couronner
Et tous ses fils elle envoie chercher
Cha cha cha, cha cha cha,
De la caravelle[117]
Entendez le fer sonner[118]

Je suis la négresse
De loin la meilleure danseuse
Et quand je sens mon tambour
Le rythme m'appelle
S'agite le cuir, camarade

Je suis carabalí
Je ne peux le nier
Camarade, camarade
Ce temps jadis je l'ai vécu
J'ai travaillé pour l'Américain[119]


Le chant de obbia suivant est exécuté pour clore un défilé, après la moyugbación, où sont cités tous les membres fondateurs du cabildo. Pendant cette obbia, la Carabalí salue le public en s'éloignant. Nous noterons l'emploi de vocables issus du champ lexical lucumí mêlé au castillan.

Castillan de Cuba

Français

Ekó[120]mi tambor
Ekó mi chanchae
Carabalí ya se acabó
Carabalí ya no vuelve mas
Ekó, ekó, ekó
Agayú Solá
[121]
Ekó mi guaguancó
[122]
Ekó, ekó, ekó
Ay, mi nieto, mira bien a tu abuela
Como va baila
Carabalí ya se acabó
Carabalí ya no vuelve mas

Ekó, ekó, ekó
Señores nos retiramos
Al compas de este vaivén
Saludando a este auditorio

Y para la Isuama también

Eko, mon tambour vous salue
Eko, mes chanchaes vous saluent
La Carabalí a fini
La Carabalí ne reviendra plus maintenant
Nous vous saluons, saluons, saluons
Agayú Sola
Avec notre danse nous vous saluons
Nous vous saluons, saluons, saluons
Ah mon gars, veilles bien à l'ancêtre
Comment elle danse !
La Carabalí a fini
La Carabalí ne reviendra plus maintenant

Nous vous saluons, saluons, saluons
Messieurs nous nous retirons
Au son de ce va-et-vient
En saluant cet auditoire
Et ceux de la Isuama également[123]


Si le contenu des chants de carabalí relate les traditions et les évènements historiques passés dans les défilés contemporains, ce ne fût pas toujours le cas. Dans les premières années des cabildos Isuama et Olugo, ils étaient ancrés dans le quotidien de l'époque. Le peuple des petites gens, dont sont issus les cabildos, ne ménageait pas les gouvernements dans leurs chansons.  Les manifestations carnavalesques ont toujours été un espace d'expression de la parole populaire, une « catharsis des opprimés[124], donnant lieu ensuite à des mesures répressives. L'engagement des carabalí dans les guerres de libération, laisse supposer également leur liberté de ton. Cette fronde verbale continuera à s'exprimer pendant la pseudorépublique[125].

Les strophes suivantes font référence à la dérégulation des salaires de 1902, autorisée par le président Tomás Estrada Palma, peu après la proclamation d'indépendance et du sentiment du peuple de s'être fait avoir, après avoir lutté pour la liberté.

Castillan de Cuba

Français

Cuba, Cuba lo cubano
Blancos lo vendé
Los blancos de Cuba
Na'ma' que escupir blandé

Tu dices que sabe
Y no sabe na'
Y aquél no sabe
No pue' disfrutar
Ahora que me hago
Camará, camará

Cuba, Cuba, les Cubains
Les Blancs l'ont vendue
Les blancs de Cuba
Rien de plus que nous d'abreuver d'injures ils firent

Tu dis que tu sais
Et tu ne sais rien
Et celui qui ne sait pas
Ne peux profiter
Maintenant que je me fais (avoir)
Quel bordel


 
Comme beaucoup de chants de carnaval crées juste après la révolution castriste, ceux des carabalís sont des relais de propagande à la gloire du nouveau régime politique. La parole publique est alors entièrement sous contrôle. Les deux paragraphes suivants narrent les exploits de Fidel Castro (la caserne de Moncada en 1953), sa capacité à mener le peuple à la révolution et au changement de régime en 1959.

Castillan de Cuba

Français

Hay un cubano coloso
Que en Cuba se destaco
El dia ventiseis de julio
Del año cincuenta y tres
Y en la provincia de Oriente
Que viva Fidel
Que vivan los cubanos
Que luchamos juntos a él

Cuba e, e e

Cuba Cuba y yo
Cuba Cuba libre
Fidel la liberó

Il y a un colosse cubain
Qui à Cuba s'est distingué
Le 26 juin
De l'année 1953
Dans la province d'Oriente
Vive Fidel
Vive les Cubains
Luttons ensemble avec lui

Cuba hé, hé hé
Cuba Cuba et moi
Cuba Cuba est libre
Fidel l'a libéré



18. Bibliographie thématique


Cabildos et comparsas carabalí
- Cabildos transnacionales: Rituales en Movimiento y Experiencias Procesionales en Cuba y Puerto Rico del Siglo XXI, José Manuel González-Cruz, 2018, Université de Brasilia
- Comparsa Carabalí à Guantanamo, Daniel Mirabeau, 2016, Ritmacuba,
http://www.ritmacuba.com/comparsa-caranbalí-Guantanamo.html
- El cabildo Carabalí Isuama, Nancy Perez Rodriguez, Editorial Oriente, 1982, Santiago de Cuba
- El cabildo Carabalí Viví, allianzas y conflictos por el derecho a la libertad, Santiago de Cuba. (1824-1864), María de los Ángeles Meriño Fuentes y Aisnara Perera Díaz, Instituto de Investigaciones de la Cultura Cubana Juan Marinello, 2010, La Habana
- El cabildo Carabalí Viví de Santiago de Cuba (1797-1909), María de los Ángeles Meriño Fuentes y Aisnara Perera Díaz, Editorial de Oriente, 2014, Santiago de Cuba.

Carnaval à Cuba
- Cuban festivals, a century of afro-cuban culture, Judith Bettelheim, I.Randle Publ.
- El carnaval santiaguero
, Nancy Perez Rodriguez vol.1 & 2, Editorial Oriente, 1988, Santiago de Cuba
- Le Carnaval à Cuba, Patrice Banchereau, 2012, éd. La Meca.
http://www.lameca.org/publications-numeriques/dossiers-et-articles/le-carnaval-a-cuba/
- Los grupos folklóricos de Santiago de Cuba, José Millet & Rafael Brea, Editorial Oriente, 1989, Santiago de Cuba
- Performing Afro Cuba, Kristina Wirtz, Chicago press, 2014
- Répertoire chanté du carnaval cubain, Daniel Mirabeau, 2014, Ritmacuba,
http://www.ritmacuba.com/Cancionero-carnaval-Cuba.html
- Solo con Los Hoyos, Conga Music and Re-Membering Community in the African Diaspora, Alexandra P. Gelbard, Michigan State University, 2013

Aspects musicaux des
comparsas carabalí
- Del areito y otros sones, p.118. Marta Esquenazi, 2007, Ed. Adagio
- Diccionario enciclopedico de la musica en Cuba, Radames Giro, Letras Cubanas, 2009, Santiago de Cuba
- Discursos músico-sociales e identidad: tipos genéricos en la música popular festiva de dos cabildos santiagueros, Yianela Pérez Cuza, Instituto Cubano de la Música, 2012
- Instrumentos de la Música Folclórico-popular de Cuba, 1997, CIDMUC
- La percusión en los ritmos cubanos, Mililian Galis Riverí, 2017, Ed de Oriente
- Musiques cubaines, Maya Roy, Actes Sud, 1998
- Ritmos de Santiago de Cuba, Juan Bauste/Mark Collazo, Bongo Shop, 2009, Frankfurt

Les confréries abakuá et les sociétés Brikamo
- Presencia de la sociedad abakuá en Fernando Poo a finales del siglo XIX, Isabela de Aranzadi, 2014, Batey  N°5
- The voice of the leopard, african and secret societies in Cuba, Ivor Miller, Missisipi University Press, 2009
- Dialogos imaginarios, Rogelio Martinez Furé, 2016, Letras Cubanas
  en ligne Imaginary Dialogs : Rogelio Martínez Furé. English translation (Barry Cox) : Bríkamo  Site ritmacuba.com


     Les cabildos de nation à Cuba
- Del cabildo de nación a la casa de santo, María del Carmén Barcía Zequeira, Fondation F.Ortiz, 2012
- Diccionario provincial casi razonado de voze y frases cubanas, Esteban Pichardo, 1836, Santiago de Cuba
- El Cabildo congo de Santiago de Cuba, Elsa Isabel Malaguer Andreu, thèse de maîtrise, Université d'Oriente, 2010.
- La sociedad colonial de Santiago de Cuba (1780-1803), José Luis Postigo Belmonte, Memorias N°2, 2010, Colombia
- La Tumba Francesa, Daniel Chatelain, Revue Percussions N°46 & 47, 1996, Chailly en Bière.
http://www.ritmacuba.com/La-tumba-francesa-D_Chatelain.pdf
- Los cabildos africanos y sus descendientes en Matanzas, Marta Silvia Escalona, 2008, Matanzas
- Los cabildos africanos en Camagüey desde el siglo XVII al XIX, Consuelo A. Sánchez Viamontes.
http://www.pprincipe.cult.cu/los-cabildos-africanos-en-camaguey/
- Los cabildos negros santiagueros, Olga Portuondo Zúñiga, Del Caribe N°32, 2000, Santiago de Cuba
- Los cabildos y la fiesta afrocubana del Día de Reyes, Fernando Ortiz, ed. Ciencias Sociales, 1921, La Habana
- Los Ilustres apellidos : negros en La Habana colonial, María del Carmen Barcia, ed. Boloñas Sciencias Sociales, 2009, La Habana.
- Yo soy el otro, los Cabildos de Nación en La Habana, Luisa M. Martínez O'Farrill, Instituto Cubano de Antropología, 2008, La Habana

    L'économie de plantation à Cuba
- Cuba, terre et esclaves, Sidney W.Mintz, Études rurales N°48, éd. Persée, 1972, Paris
- El ingenio, complejo económico social cubano del azúcar, Moreno Fraginals, 2001, Ed.Crítica
- Esclavage et économie de plantation à Cuba, Esla Capron, 2014, PUF


Traite transatlantique, esclavage à Cuba
- Atlas des esclavages, Marcel Dorigny & Bernard Gainot, éd. Autrement, 2013, Paris
- Esclave à Cuba, Miguel Barnet, Gallimard, 1967, Paris
- Esclavage et modernité à Cuba, la réception du traité de législation de Charles Comte, Karim Ghorbal, 2014, PUB
- Les routes de l'esclavage, Catherine Coquery Vidrovitch, 2018, Albin Michel
- El monto de la inmigración forzada en el siglo XIX, La Habana, J.Pérez de la Riva,  E. De Siencias Sociales, 1979
- La sociedad colonial de Santiago de Cuba, José Luis Belmonte, 2005, Universidad del Norte
- The Kongolese Saint Anthony : Dona Beatriz Kimpa Vita and the Antonian Movement, 1684-1706, Thornton, John K., Cambridge University Press, 1998.
- Una aproximación a la trata esclavista en Cuba 1789-1820, José Manuel Fernandez, 2001, Asociación Española de Americanistas


Cuba à l'époque coloniale
- Biografía de la pirueta santiaguera, Manuel Palacios Estrada, 1946, Santiago de Cuba, Inédit
- D'une île rebelle à une île fidèle, Agnès Renault, PURH, 2012
- L'île de Cuba, Hippolyte Piron, 1876
 
- Pearl of The Antilles or An Artist in Cuba, Walter Goodman, Londres, H.S.King & Co. 1873

Mouvements d'émancipation et guerres d'indépendance
- Cimarronaje y rebeldia, Rafael Duharte, Del Caribe N°3, 1984.
- La longue guerre des nègres marrons à Cuba, Alain Yacou, éd. Karthala, 2009, Paris

Les Noirs et Créoles à Cuba
- Cuba en couleur, Cuba en Noir et Blanc, Didier Laurencin, 2015, Inédit
- El ascenco social del negro en la Cuba colonial, Rafael Duharte Gimenez, Buletin Americanista N°38, 1988, Barcelona
- Les Noirs à Cuba au début du XXe siècle, Marc Séfil, 2010, L'Harmattan
- Pardos y morenos esclavos y libres en Cuba y su instituciones en el Caribe Hispano, Rafael Lopez L.Valdés, C. in Estudio Avanzado de Puerto Rico y el Caribe, 2007, San Juan
- Résistance et mémoire des esclavages, Didier Laurencin, Olivier Leservoisier, Khartala, éd, 2014, Paris
- Sobre prejuicios, dependencias e integracion. El liberto en la sociedad santiaguera. 1780-1803., José Luis Belmonte, Memorias N°2, Colombie.

- Una temprana cofradía vodú
en Santiago de Cuba, Olga Portuondo Zuñiga, 2011, Del Caribe N°55.

Les racines ethniques africaines à Cuba
- Atlas etnográfico de Cuba, Collectif, 1999, Fond. Juan Marinello, La Havane
- Africanidad y etnicidad en Cuba, Jesus Guanche, Editorial de Sciencias Sociales, 2011, La Habana
- Glosario de afronegrismos, Fernando Ortiz, 1924

19. Discographie sélective


- Carnaval en Santiago, LP Siboney 212, 1959, LP
- Carnaval in Cuba, LP Ethnic Folkways FE4065, 1981, LP
- El ritmo tradicional de Cuba, Orquesta Típica de Santiago de Cuba, Academia Royal, 2013, CD
- La musica del pueblo de Cuba : "Canto funeral (Carabalí Izuama)", enregistrement in situ 1964, Areito LD-3440/1,1974, double LP.
- Ritmos cubafricanos vol.1, Cutumba, Academy of Cuban Folklore and Dance, 2005, CD



"Canto funeral (Carabalí Izuama)" - LP Areito



20. Sélection de vidéos

- Carabalí Isuama, Miguel Noa Mendez
http://youtu.be/zrSJ1AK0waA
- Carabalí Olugo, Jean François Chalut
http://youtu.be/m34Ux2PvhLo
- Carabalí Olugo, Festival del Fuego 2014, Daniel Mirabeau
https://youtu.be/-PkYpetwonM
- Carabalí Olugo, Carnaval de Santiago 2014, Daniel Chatelain
http://youtu.be/wH_USNu0E90


Remerciements

    A Daniel Chatelain pour sa relecture, conseils, suggestions et critiques.
A Patrice Banchereau pour ses traductions de chants en efik et ses conseils
Aux membres de la Isuama, particulièrement Yailín Durán González, directrice de la Comparsa infantíl
Aux membres de la Carabalí de Guantanamo, particulièrement Orlando Aramis Brugal Suarez
A Kristina Wirtz, Irene Cruz Gilbert, Miguel Angel García Velasco, ethnologues, pour le prêt de leurs photos.




[1] Gelbard, p. 8

[2] Mintz, p.136-137

[3] Premier édit en 1685, à destination de la Martinique et la Guadeloupe.

[4] J.Pérez de la Riva, El monto de la inmigración forzada en el siglo XIX, La Habana, E. De Siencias Sociales, 1979

[5] Real Cédula de 28 de febrero de 1789, por la que se ortoga la libertad de comercios de esclavos, Bibl.José Martí, La Havane

[6] Dorigny & Gainot, p.52

[7] Au début du XXe siècle, l'immigration caribéenne des créoles et Noirs est en baisse. Seront préférés des travailleurs de type caucasien venus d'Espagne ou d'Irlande.

[8] Africanía y etnicidad en Cuba, Jesus Guanche, E. De Ciencias Sociales, 2009

[9] La liste suivante est inspirée des travaux de Fernando Ortiz. Elle correspond en partie aux graphies utilisées pour désigner les ethnies des esclaves dans les registres des bateaux négriers.

[10]  Nous adoptons ici une graphie en castillan pour dénommer ces ethnies africaines sur le territoire cubain

[11] Fernando Ortiz, Glosario de afronegrismos, 1924

[12]  Le Calabar désigne par extension l'ensemble de la région bordant ce fleuve, dénommé Cross River dans l'appellation moderne utilisée au Nigeria.

[13]   Selon la classification de Jesus Guanche dans Africanidad y etnicidad en Cuba, p.110.

[14] Appelés carabi à Saint Domingue

[15] Aisnara Perera Diaz, p.52.

[16] "Aquí el que no tiene de congo, tiene de carabalí".

[17] « Yoruba soy, soy lucumí / Mandinga, congo, carabalí / Atiendan amigos mi son, que sigue así:/ Estamos juntos desde muy lejos, jóvenes / Viejos, negros y blancos, todo mezclado ». Nicolás Guillén. En Mi son entero. Son N°6. Obra poética Tome I, La Havane, Editorial Letras Cubanas, 1972.

[18] Lîle de Cuba, Hippolyte Piron, 1876 : « Treize femmes virent former une ronde. L'une d'entre elles pris un tambourin et le frappa avec fureur. Aussitôt une jeune fille se dépouilla de ses vêtements. Je n'eusse pas le temps de plaindre sa maigreur car elle bondit en une danse effrénée ». « Tout d'un coup une couleuvre enlaça la jeune sorcière. L'attention de l'assemblée redoubla. Après un trépignement fébrile, elle tomba en proie à une forte attaque d'épilepsie. Je n'en pu supporter davantage ; je m'enfuis avec horreur ».

[19] Cf. Una temprana cofradía vodú en Santiago de Cuba, Olga Portuondo Zuñiga, 2011, Del Caribe N°55.

[20] Alain Yacou, p.17.

[21] Cimarronaje y rebeldia, Rafael Duharte, Del Caribe N°3, 1984.

[22]  Alain Yacou, p. 409.

[23]  Esclave à Cuba, Miguel Barnet, Gallimard, 1967.

[24]  Diccionario provincial casi razonado de voze y frases cubanas. Définition de cabildo p.114, Esteban Pichardo.

[25] Pichardo a vécu pour l'essentiel à Cuba, sa famille immigrant à La Havane après la perte de Santo Domingo par l'Espagne.

[26] Barcía p .161

[27] Banchereau, Le Carnaval à Cuba

[28] Barcia p. 42

[29] P.28, Del cabildo de nación a la casa de santo, María del Carmén Barcía Zequeira, Fondation F.Ortiz, 2012

[30] Bozal au singulier

[31] Barcia, p. 135 'La participation des esclaves et des créoles dans les cabildos s'observe le plus fréquemment dans des villes comme Matanzas, Camagüey ou Santiago de Cuba'.

[32] cf. Olga Portuondo

[33] Barcía, p. 55-56

[34] Barcía p. 90

[35] Perrera Diaz, p. 101

[36] Belmonte, La sociedad colonial de Santiago de Cuba

[37] Belmonte parle de libertos.

[38] Désigne aussi le maire ou par extension le représentant de l'état.

[39] Logements urbains collectifs à bas coût.

[40]  Barcía p. 90

[41]  Barcía, p. 116

[42] Ou Epiphanie, le 6 janvier.

[43] Didier Laurencin, Résistance et mémoire des esclavages, p.150

[44]  Banchereau, Histoire du Carnaval à Cuba, chap. Permissivités et interdictions

[45]  Lopez Valdés, p. 194

[46] Cofradías de pardos y morenos

[47] 1880

[48] Bataillons de Noirs et Mulâtres

[49] Manifestations de carnaval de l'époque coloniale.

[50] P. 90-91, D'une île rebelle à une île fidèle, Agnès Renault, PURH, 2012                

[51] Rancheadores

[52]  Duharte Jimenez, p.32

[53] Pearl of The Antilles or An Artist in Cuba, Walter Goodman, Londres, H.S.King & Co. 1873

[54] Comptage effectué par José Luis Belmonte Postigo à la lecture des actes notariés, dans son étude Sobre prejuicios, dependencias e integracion. El liberto en la sociedad santiaguera. 1780-1803. Memorias N°2, Colombie.

[55] Ou ekoi

[56]  Pérez Diaz, p. 21 "La société ekon exigeait pour admettre un nouveau membre, le sacrifice d'une esclave d'un autre hameau."

[57] Recensement du CIDMUC dans Instrumentos de la Música Folclórico-popular de Cuba, 1997

[58] Banchereau, Le carnaval à Cuba, chap. Les Cabildos carabalí et la société secrète abakuá.

[59] Le nom de baptême du roi fait référence à l'un des rois mages, car la sortie du cabildo s'effectuait le Jour des Rois (6 janvier). Habituellement le roi Noir est Balthazar et non Melchior.

[60] El Cabildo congo de Santiago de Cuba, Elsa Isabel Malaguer Andreu, thèse de maîtrise, Université d'Oriente, 2010.

[61] Concernant le baptême des esclaves congo, il était effectué en Afrique avant qu'ils ne montent à bord des caravelles à destination de la Caraïbe. Cela permettait à ceux à qui profitait du commerce d'esclaves d'acheter une conscience. Les esclaves qui périssaient durant la traversée pouvaient ainsi gagner le paradis. Cf. Thornton, John K. The Kongolese Saint Anthony : Dona Beatriz Kimpa Vita and the Antonian Movement, 1684-1706, Cambridge University Press, 1998.

[62] Sur les documents officiels, des solares ou logements urbains à tarif modique, sont accordés aux congo en 1731 et aux mina en 1735.

[63] Olga Portuondo Zúñiga, Los Cabildos negros santiagueros, Del Caribe N°32, 2000.

[64] Constitué à l'origine de créoles venus d'Haïti. Il sera connu plus tard sous le nom de Cocoyé et sous l'appellation de société.

[65] Daniel Chatelain, dans son article de 1996 sur la Tumba Francesa, met en valeur que pour la première fois ces cabildos ne reposent pas sur une origine ethnique "mais sur une tradition culturelle et communauté de destin".

[66] Promulguée le 3 janvier 1887.

[67] Los cabildos africanos en Camagüey desde el siglo XVII al XIX, Consuelo A. Sánchez Viamontes. http://www.pprincipe.cult.cu/los-cabildos-africanos-en-camaguey/

[68] Ancien nom de Camagüey à l'époque coloniale

[69] Del areito y otros sones, p.118. Marta Esquenazi, 2007, Ed.Adagio

[70] Ancien nom de l'actuel quartier surnommé la loma del chivo, dans le centre de Guantanamo.

[71] Reinaldo Videau (1932-2016)

[72] Lire l'entretien avec Reinaldo Videau en 2015 : http://www.ritmacuba.com/comparsa-carabali-Guantanamo.html . Ses réponses nous amènent sur une thématique plus globale, traitant des rapport ville-campagne dans la région de Guantanamo, au regard de multiples traditions culturelles, souvent pratiquées par les mêmes personnes.

[73] Peirera Diaz, p.117.

[74] Peirera Diaz, p. 120-21.

[75] Yacou, p. 350.

[76] La loi est promulguée en 1880 et mise en application en 1886.

[77] L'emploi de la graphie persistante de cabildo est étonnant dans ce cas. La loi sur les associations est promulguée en 1884 et préconise le changement de nom en sociedad ou club.

[78] Sociedad de Socorros Mutuos, Instrucción y Recreo (registres gouvernementaux de 1909).

[79] Abakuá.

[80] Des textes officiels de la fin du XIXe s. attestent d'une volonté gouvernementale à autoriser une certaine mesure de mixité ethnique. Dans la pratique, un Noir africain était difficilement accepté dans une société métisse, ou dans un cabildo ne correspondant pas à sa condition sociale et ethnique. Cette nouvelle politique gouvernementale devait malgré tout contenir les mouvements d'émancipation ethniques trop marqués.

[81] Cette culture du secret a persisté au XXe s. dans les cabildos Isuama et Olugo. Certains artefacts, symboles et signification des textes sont occultés pour qui n'est pas haut dignitaire de la société.

[82] Conjunto Folklórico Nacional et les conjuntos folklórico par région.

[83] Le rôle à jouer de l'église catholique divise les dissidents, entre le radicalisme de ceux de l'étranger et le dialogue politique que prône les locaux.

[84] Début de la guerre des Dix Ans (1868-1878)

[85] Groupe de défilé, avec musiciens et danseurs.

[86] Nancy Perez, El carnaval Santiaguero vol.1, p. 166.

[87] Nous trouvons le même type de pierre d'Eleguá au foyer de la conga de Los Hoyos.

[88] Des chants de conga attestent également de railleries contre Menocal (La Chambelona, Tumbando la caña)

[89] Perrera Diaz, p. 121.

[90] Biografía de la pirueta santiaguera, Manuel Palacios Estrada

[91] Registres du ban gobierno

[92] Biografía de la pirueta santiaguera, Manuel Palacios Estrada

[93] Juan Nepomuceno Prieto était un sergent mulâtre de La Havane, prêtre du cabildo lucumí Elló (Eyó). Il fût arrêté puis passé par les armes avec deux de ses compères en 1835 pour avoir fomenté une insurrection. Il est étonnant de le retrouver canonisé si rapidement, puis toléré comme référence par les autorités au vu de son parcours.

[94] Une chanson de Simón Nápoles, La invasión, relate la marche de 1895 de l'armée de libération à travers le pays pour chasser les Espagnols. Elle est encore chantée par la Carabalí Olugo :
« Me mires en diferente porque soy carabalí / De la guerra noventa y cinco / Yo fui mambí/ Y en sesenta y ocho


A la invasion tambien yo fui/ A defender mi patria / Donde nací/ Yo se lo ve camara / El negro carabalí / Eligio con su libertad / Salimos de Camagüey / Cruzamos la trocha brava/ Derrotando a los españoles/ Llegamos hasta a Santa Clara / Derrotando a los españoles »

[95] Wirtz, p. 188.

[96] Nancy Perez Rodriguez, El carnaval santiaguero, vol.1 & 2, Editorial Oriente, 1988, Santiago de Cuba

[97] La Olugo était à cette époque proscrite. Cf. Chap sur la Olugo

[98] En Jamaïque et à Trinidad, c'est un culte qui fût interdit par les Anglais, considéré comme de la sorcellerie ou de la magie noire.

[99] Cf. Terry Agerkop, Del Caribe N°3, p. 111

[100] Nancy Perez, p.55. Nous reprenons l'intégralité du texte de celle-ci dans le chap.

[101] Ces colliers portés par les deux sexes affichent l'appartenance religieuse aux cultes lucumí et congo.

[102] Bonnet de cérémonie du culte lucumí.

[103] Wirtz, p. 178-79.

[104] Ces poupées comme artefact religieux sont présentes également dans les traditions afro-brésiliennes. Lors des défilés des candomblés de l'état du Pernambouc, la reine porte également une poupée nommée calunga ou boneca, représentant une reine défunte ou une déité. Cette tradition viendrait d'Afrique ; dans le cas cité, d'Angola, d'où viennent la majorité des esclaves du Nordeste.

[105] Bec labouré

[106] Jante ou mâchoire de frein de camion, détournée à des fins musicales

[107] Trichostigma octandrum, famille des Phytolaccacées. Lianes principalement des régions subtropicales à tropicales.

[108] Esquenazi p.118

[109] Terme de l'argot carcéral, signifiant empoignade ou situation confuse et désordonnée. Syn. Camará hungará

[110] Qui a quitté ses fonctions de chef de chœur en 2018.

[111] Tipos genéricos en la música popular festiva de dos cabildos santiaguero, Yanela Perez Cuza, p.10.

[112] Esprit d'une 'Africaine', présente dans le spiritisme et le palo monte.

[113] Cette graphie n'apparait pas dans les classifications ethniques d'Ortiz ou de Guanche. Il doit s'agir d'une
transformation de viví (sous-groupe ethnique des Ibibio, de l'ensemble multi-ethnique Carabalí)


[114]Iyá est un phonème africain commun a de multiples langues : il fait référence à la mère.
Zamfara est une rivière au nord du Nigeria, correspondant au groupe linguistique des Hausa. Eloigné de plus de 500 kms de la zone carabalí, il est probable que l'emprunt de ce mot soit récent. Le mélange de multiples références africaines est le fait de chansons modernes.
« La mère s'épuise, il faut qu'elle rentre
La mère vous salue ». Traduction de Patrice Banchereau


[115] Dans une graphie cubanisée : "Seré yo, guarandabia seré yo". Traduction : " Ce sera moi, la (le) plus populaire, ce sera moi". Guarandabia est un mot de vieil argot cubain.
Dans une graphie proche de l'efik:  "Seré yo seré yo, awarandabia  seré yo. Traduction : " ce sera moi, l'awarandabia ce sera moi". Awarandaria ou awarandabia est un grade d'ireme dans la confrérie abakua. Un refrain liturgique dit : " Awarandabia kunsu ndabia ireme aweremi". (Pour cette version : Patrice Banchereau).


[116] Version proche de l'efik et explication de Patrice Banchereau :  Andiba baroko, Ékue nte monina, andiba baroko. "Au bord de la rivière, nous ferons la fête, mes frères de Ékue".

[117] Référence à une même appartenance ethnique. Les congos entre eux se reconnaissent comme caravela, c'est à dire arrivés d'Afrique sur le même type de bateau.

[118] Le fer et plus loin le cuir sont à double sens. Le premier est purement musical, faisant référence à la cloche et au peaux des tambours. Le deuxième parle des fers et du fouet en cuir du contremaître.

[119] Terme du langage courant pour désigner les Ètats-uniens, de même locution que les Anglais. Les Etats-Unis ont occupé militairement Cuba à plusieurs reprises au début du XXe s.  Il faut comprendre dans cette strophe une contestation de cette occupation.

[120] E Kó ìròlé: phrase de salut utilisée pour la fin d'après-midi en lucumí. Le phonème ekó contextualisé dans la strophe est utilisé comme une forme générale de salut.

[121] Déclinaison d'Agayú, déité du panthéon yoruba.

[122] Ensemble musical et de danse faisant partie du cycle de la rumba.

[123]  La strophe peut paraître obscure, mais ce sont les esprits des ancêtres qui parlent, saluant le public et la Isuama. Ceci se confirme par la place de ce chant en final après le rezo.

[124] Expression d'Odilio Urfé, cité par Didier Laurencin dans Résistance et mémoire des esclavages.

[125] Ou Seudorepública. C'est sous ce nom que l'on parle de la jeune République cubaine, dès ses débuts sous le contrôle des Etats-Unis.
   


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