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Santiago de Cuba - Juillet

- Documentation ritmacuba.com : Histoires de morceaux -

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HISTOIRE D'UN MORCEAU CUBAIN ET PLANÉTAIRE :

LA GUAJIRA GUANTANAMERA

La chanson mille-feuilles, feuille par feuille...

par Daniel Chatelain

Il existe un livre entier consacré à la seule Guantanamera, alias Guajira Guantanamera, chose peu commune pour une chanson. Par ailleurs, au moins trois CD lui doivent intégralement son contenu et son titre, ne regroupant pourtant qu’une minorité des versions répertoriées. Le nombre de ces versions dépasse allègrement la cinquantaine à Cuba et se compterait en centaine(s) si quelqu'un se donnait la tâche quelque peu insensée de dénombrer celles qui existent à travers le monde. Il y a même un film de fiction qui porte ce nom (mais dans ce cas l'allusion est dans le titre et se limite dans le contenu à la répétition de quelques notes). Ainsi qu'une marque de... cigares, apparue à Cuba au début du XXIe siècle. En 2014, une réalisation vidéo réunit 75 interprètes cubains, à Cuba et de par le monde, montrant la continuité  de la présence de la Guantanamera dans l'âme populaire cubaine (vidéo intégrée en bas de page).

CD Edenways
CD Edenways sous licence EGREM (épuisé)

C'est qu'il y a peut-être plus à dire sur cette chanson - qui résonne dans Cuba sous une forme ou une autre depuis plus de 80 ans et dans le monde entier depuis 50 ans - que sur n’importe quelle chanson cubaine. La Guantanamera se livre à nous comme un mille-feuilles, il y a l’apparence des choses et des couches inférieures à déguster, comme dans cette goûteuse pâtisserie.

Musique La Guantanamera par la Banda de Santiago de Cuba. Enregistrement public à Vienne (France). Inédit. Arrangement Ernesto Burgos.

45 T. de Peete Seeger

D’abord la première apparence. Le monde entier fredonne et écoute la Guantanamera grâce aux disques vinyles et à la radio dans les années ’60. Le groupe américain Sandpipers vend des millions de disques. Il reprend la version du protest-singer états-unien Pete Seeger, lequel l’a étrennée dans un concert très médiatisé - comme on ne disait pas encore - au Carnegie Hall de New-York, le 8 juin 1963 et enregistrée dans un album dont le titre est représentatif de la vague folk et de l'ambiance dite contestataire de l'époque : "We shall overcome" (Nous vaincrons). Son look de l'époque fait quelque peu penser aux engagés US de la Brigade Lincoln dans les troupes républicaines de la guerre civile espagnole. Sa Guantanamera restera longtemps sous ce curieux copyright : "Marti-Angulo-Seeger". Pete Seeger revendique lui-même avoir fait connaître la chanson dans 35 pays. Quant à la version au succès foudroyant des Sandpipers, elle est aujourd’hui bien oubliée…

Pete Seeger
Pete Seeger

Vidéo (audio) : Pete Seeger, jeune, présente José Marti & chante La Guantanamera à un public états-unien

Les Sandpipers

Avant d’être métamorphosés en Sandpipers par un producteur nommé Tommy LiPuma qui leur fit chanter la version de la Guantanamera de Peete Seeger, ce goupe de - et pour - teen agers jouait des thèmes folk-rock à la mode dans des clubs de la Sierra Nevada sous le nom de The Grads. Herb Alpert, propriétaire d’un label et par ailleurs célèbre trompettiste, vit en eux un filon commercial. A eux revint la charge d’envelopper sous un habillage pop une Guantanamera classée 22 semaines durant dans les 100 singles les plus écoutés aux USA, base du succès international. Ils ne retrouveront jamais un succès comparables, malgré dans une tentative pour les réanimer dans les années ‘70.

The Sandpipers
The Sandpipers - Jim Brady, Mike Piano, Richard Shoff

Vidéo (audio) : version Sandpipers

Guantanamera à la française

En France, la Guantanamera vint à point pour lancer la carrière de Joe Dassin (1938-1980), quand le fils du réalisateur américain Jules Dassin se réinstalle en France (que Joe avait déjà connu quand son père fuyait le Mac-Cartysme), à la fin de 1965.

Il grave deux singles pour CBS. Après les chansons brésiliennes du premier, qui laissent le public indifférent, le deuxième lui apporte doublement le succès, contenant " Bip, bip" sur une face et "la Guantanamera" sur l'autre face. Il s'agit d'une adaptation, faite pour "surfer" sur l'audience des Sandpipers et la vague naissante de la folk-music américaine, les paroles françaises, signées de Jean-Michel Rivat s'éloignent beaucoup des vers de José Marti :

"C'était un homme en déroute
C'était un frère sans doute
Il n'avait ni liens, ni place
Et sur les routes de l'exil
Sur les sentiers, sur les places
Il me parlait de sa ville Guantanamera
ma ville Guantanamera..."

Video (audio) : Version Joe Dassin

L' amie de Joe dasin Nana Mouskouri fait les chœurs sur le disque et s’empare aussi du titre en solo (elle le rendra à son habitude plus lénifiant). Les deux finiront par chanter en duo à sur l'unique chaîne de la télévision française.

Guantanamera Joe Dassin
45 T. de Joe Dassin - sa 2e version aussi reprise sur le LP "A New-York" (45T CBS SP 2449)

Vidéo (N & B) : version en public de Nana Mouskouri (document INA)

Vidéo : duo Joe Dassin & Nana Mouskouri

De leur côté, le groupe Los Machucambos, seul groupe de la période à faire son miel de tubes latinos, en général, cubains éventuellement, surfe aussi sur les ventes grâce à ce titre (machucambo est le nom d'un tatou dont la carapace sert de caisse de résonnance aux petites guitares andines charango). Leur version est lente, très harmonisée et un sens du rythme maîtrisé. C'est un des rares succès en espagnol en France en ce début des années '60, en pleine période yé-yé.

guantanamera Los Machucambos

Vidéo (audio) : Version Los Machucambos

Ces différentes versions commerciales avec une touche opportuniste plus ou moins prononcée, si elles ont contribué à faire connaître le morceau en France, nous éloignent quelque peu de l'authenticité de la Guantanamera...


Tutorial de la Guantanamera pour deux guitares (très et guitare seraient plus proches de ses origines...)

 

La version Peete Seeger / Hector Angulo : les vers de José Martí

On ne saura que bien postérieurement à la vogue internationale de la "Guajira guantanamera" l’origine de l'association de la mélodie et du texte, de la version popularisée par Pete Seeger basée en l'occurence sur les premières strophes du poème « Versos Sencillos » (Vers Simples) de José Martí. (voir les vers de ce poème utilisés dans la version Pete Seeger en bas de page)

José Martiplaque à José Marti à Saragosse

Le poète national cubain José Martí, véritable fondateur de la nation, après avoir fait des études en Espagne (voir la plaque en illustration), avait vécu une grande partie de sa vie en exil aux USA et c’est un autre Cubain au destin d'exilé, le compositeur cubain Julian Orbón, qui eut l’idée d’adapter ce poème sur cet air que chaque cubain connaissait déjà, une idée germa lorsqu'il était déjà à Cuba. Et c’est grâce à un membre de la diaspora cubaine aux USA, exilé temporaire, que Peete Seeger écouta l'association de la musique de la Guantanamera avec des vers de José Marti : il en eut vent dans un camp de vacances progressiste du Nord de l'État de New-York par l'intermédiaire d'un compositeur nommé Hector Angulo, boursier à la Manhattan School of Music, qui était là pour un travail d'été d'étudiant. Angulo avait précisé l'intuition d'Orbón et choisi certaines strophes du long recueil des Versos Sencillos exaltant les valeurs de fraternité, rectitude et de courage d'un homme d'un peuple qu'il voulait fier (par exemple les premier vers de la stance 1, certaines lignes des stances 3, 23, 39 & 44). Il est bien possible que Seeger ait entendu cette combinaison par des élèves d'Angulo plutôt que par Angula directement. Toujours est-il qu'il repartit de son lieu de vacance avec un enregistrement texte et musique, et ne tarda pas à la jouer sur sa guitare et la chanter avec les répercussions que l'on sait…

Hector Angulo
Hector Angulo

Paradoxe : au moment où cette version circule aux USA et produit ce phénomène de reprise mondiale d'un air cubain popularisé par des États-uniens (suivis par quelques latino-américains exilés et des Européens) - à ce moment-même, les firmes de l’industrie musicale américaines mettent hors-circuit la musique venue de l’île en pleine Révolution, cette Révolution menée par le Commandante Fidel Castro qui a nationalisé les industries américaines et choisi les Russes en pleine guerre froide. Quelque part, cette Guantanamera prend pour un temps la place de la musique cubaine jouée sur l'île, qu'on entendra plus avant longtemps. Autre paradoxe : sans le vieux phénomène de l'exil cubain, la combinaison de ce texte et de cette mélodie, qui sont apparus comme la quintessence du Cuba de la Révolution, n'auraient sans doute jamais envahis le monde!

 

Julián Orbón... passe à autre chose

Une autre curiosité : le compositeur Julián Orbón, fondateur du Groupe de Renovation Musical (1942-1948), étroitement lié au groupe intélectuel d'avant-garde Orígenes, n'était pas en fait pas très satisfait de son idée, laquelle avait pourtant ravi divers lettrés cubains, comme Cintio Vitier (dés 1957) ou le jeune compositeur Anguló. Il ne trouvait pas que les vers s'accordaient finalement si bien à la mélodie popularisée à Cuba sous le nom de "Guajira Guantanamera" et finit par terminer son œuvre d'adaptation musicale du poème de Marti en s'appuyant sur une autre source : "la mélodie d'une jota de Teruel" (mélodie jusqu'ici non identifiée par nous). Selon lui, cette fois-ci la fusion fut parfaite. Selon les canons de la composition savante, il se peut qu'il eût raison, mais ce fut sa première idée, dont on peut dire qu'elle fut géniale, qui obtint le succés international, par le cheminement improbable précédemment décrit. Lui-même, malgré une œuvre prolixe resta quelque peu oublié dans son île natal, destinée fréquente des talents exilés cubains.(1)

Julian Orbon
Julian Orbón associa le premier les vers de José Marti à la Guajira Guantanamera

Curieusement, la tentative de Julian Orbán de faire se rencontrer des vers de José Marti et la Guajira Guantanamera ne fut pas la première. En effet, à la fin des années '50 El Indio Nabori inclut dans un disque de musique paysanne une Guajira Guantanamera avec, dans son cas, des vers de la "Niña de Guatemala" du poète national cubain. Une inspiration pour Orbón?


La Guantanamera et le habanero Joseito Fernandez

Une première question se pose : qu'est-ce ce qui était déjà connu à Cuba sous le nom de "Guajira Guantanamera" avant le succès à l'extérieur de l'île? Seconde question : ce morceau viendrait-il de la partie orientale de l’île, en l’occurrence de la partie extrême-orientale de l’île, celle de Guantánamo, comme pourrait le laisser croire son titre ? Les meilleurs spécialistes ont longtemps haussé les épaules à cette simple évocation. Et pourtant... Mais n'allons pas trop vite, restons au rythmes paisible de la guajira...

LP Joseito Fernandez

La Guantanamera rythme la vie quotidiennes des Cubains dans les années '40 et '50. En effet, depuis 1941 les Cubains écoutent chaque semaine de nouvelles versions de ce titre diffusées par une radio havanaise de la capitale cubaine, la CMQ. Plus exactement, depuis 1941 jusque bien avancé dans les années '50, l’air de la Guantanamera sert à commenter l’actualité dans un programme journalier de la station de radio CMQ (“ El suceso del día ”). Et tous les événements, des élections aux accidents de train et d’automobile sont « guantanamérisés », passés par la moulinette de José Fernández Díaz, connu par tous comme Joseito Fernández : "Du lundi au samedi et durant 28 minutes, des scènes tirées des faits divers - comme le mari outragé, les accidents mortels où les suicides par des problèmes économiques- se représentaient en guise de dramatisation. Les dizains chantés par Joseíto solidarisaient, en quelque sorte, les auditeurs avec les victimes." (Guille Vilar).

Selon Joseito Fernandez lui-même “de même que nous félicitions une jeune fille de Villa Clara, nous demandions la clémence pour un travailleurs licencié”. Ainsi, la "Guantanamera" se convertit rapidement en un moyen pour faire des commentaires amoureux, patriotiques, ironiques ou sociaux et, plus important se convertit en un succès au niveau national.

Disque de Joseito fernandez

Vidéo : La Guantanamera dans une version révolutionnaire de Joseito Fernandez dans le film cubain Lucia de 1968

Joseito Fernandez se charge lui-même de donner une postérité "cubano-cubaine" de son succès après le triomphe de la Révolution : "Dans la période du processus révolutionnaire, Joseíto Fernández fait de la Guajira Guantanamera une chronique chantée, inspirée d’événements tels que la Campagne d´Alphabétisation ou de sujets sur la santé et les nouvelles de l´étranger. L´admiration et l´affection que le peuple cubain éprouvait pour Joseíto à cette époque-là, s’est tellement accru qu´il est devenu proverbial. On l’attendait dans des émissions de télévision de grandes audiences, comme San Nicolás del Peladero ou Palmas y Cañas. À la fin des années 60, il a également animé durant un an toutes les soirées du Salon Rouge de l´Hôtel Capri". (Guille Vilar)

 


La dernière appartion de Joseito Fernandez, malade (atteint de la maladie de Parkinson) à la télévision cubaine.

Mais les Cubains ont eu l'occasion de connaître ce morceau avant lés débuts de l'émission de la CMQ en 1941, puisque Joseito Fernandez l'avait enregistré avec sa danzonera depuis 1940 sous les noms de "A mi madre" et "Mi biografia", la mention supplémentaire "Guajira Guantanamera" étant mise à l'emplacement où on indiquait d'ordinaire le style du morceau. Fait assez curieux car si la guajira était un style reconnu de la musique cubaine, il n'était pas reconnu de variante spécifique de la région de Guantanamo.

Et, en fait avant l'émission de la CMQ, il y eut une autre émission où Joseito Fernandez l'interprétait : à Radio Lavín vers la fin des années '30. Selon "La radio en Cuba" de Oscar Luis López , il l'inaugura à la radio, comme soliste de l'orchestre Riveiro, sur la station CMCO, en 1936 dit cet auteur (d'autres sources disent 1935 et Joseito lui-même "vers 1934" (dans une de ses versions changeantes sur la création par lui du morceau). Ainsi, il est clair que la popularisation de la Guantanamera est intimement liée à l’histoire de la radio cubaine et ses émissions où des musiciens et chanteurs interprétaient la musique populaire cubaine en direct.

le premier enregistrement de la Guantanamera
Premier enregistrement de la Guajira Guantanamera, une face B


(Audio) Mi biografia : une version de La Guantanamera par Joseito Fernandez antérieure à l'adoption des vers de José Marti (remastérisée)

Disque : Patria Querida

Une ancienne version enregistrée : sous le nom de "Querida Patria", le texte étant de Mario P. Castro (et non alors de Joseito Fernández)

Ecouter : Patria Querida (youtube)

Concernant les variations textuelles de Joseito Fernandez dans ses émissions de radio, elles se situent dans la tradition des improvisateurs de la musique cubaine, qui développaient habituellemet ce talent par des « controverses », avec leurs rimes appliquées en direct sur des dizains et des cuartetas pour faire l’éloge ou la critique vacharde du contradicteur ou compétiteur. Avec sa structure A-B-A-B (ou A-B-B-A), en vers octosyllabiques, la "Guantanamera" se prêtait aux improvisations (on peut la comparer sur ce plan à « La Bamba » mexicaine). Fernández utilisait la chanson pour commenter les nouvelles du jours dans le programme de la CMQ et dans tous les cas pour terminer celui-ci, comme un point culminant final. Si Joseito Fernandez fut définitivement associé à la Guantanamera, au point de déclarer « ma biographie, c’est la Guantanamera », il est juste d’ajouter que participa aussi à son émission de radio, une populaire chanteuse de musique campesina, Nela Cruz, « la Calandria », qui dpoit être classée aussi parmi les premiers interprètes du morceau. Ainsi qu'une autre chanteuse qui se joint à l'émission en 1950 : Coralia Fernández. A ce moment Coralia était déjà célèbre pour son duo à la CMQ avec son mari Ramón Veloz.

La calandria
Nela Cruz "La Calandria" (la calandria est un oiseau chanteur). Collection Roberto García.

Lien : Voix de la Calandria dans un punto cubano (en duo avec Clavelito)

Coralia Fernandez
Coralia Fernandez, chanteuse de musique campesina cubaine (Source : Ecured)

Lien : Coralia Fernandez dans une composition de Ramón Veloz

La guarija, une femme, un style

La musique paysanne cubaine est connue comme étant du style « guajira », et c’est bien sur le tempo lent de la guajira, propre à fixer l'auditeur sur les variations textuelles et les rimes malines, que le public cubain attend devant son poste de radio quel « événement du jour » va être choisi. La "guajira guantanamera" porte-t-elle son titre pour appartenir à ce style ? Tout en confirmant l’interpréter dans le style guajira (mais s'il faut être précis elle ressort du style composite guajira-son), Joseito Fernandez donne une autre explication : il trouvé son titre-refrain pour être tombé amoureux d’une belle jeune fille originaire de Guantanamó, donc du point de vue de quelqu’un de la Capitale, une « paysanne » (guajira, comme on aurait pu dire "provinciale" en France). Selon son récit, il travaillait dans une station de radio fréquentée aussi par une jeune femme originaire de Guantánamo. Celle-ci lui apportait un en-cas en guise de repas et restait ensuite pour parler avec lui, mais un jour elle le surprit avec une autre femme, et furieuse, lui arracha le sandwich qu’elle lui avait apporté. C’est alors qu’il prit le micro pour rattraper la situation et dédia le refrain à cette « guajira guantanamera ». Un récit trop réaliste pour être vrai?

L'effet que lui fit cette jeune fille dans cette station de radio aurait, selon son récit fixé le refrain en "Guantanamera, guajira guantanamera". Le refrain commençant par "Guantanamera..." était la référence, mais en pratique Joseito Fernandez se permettait des variantes au texte : il déclara à Santiago Moreaux Jardines et Iraida Sánchez Oliva qui le consignent dans leur livre : « Parfois c’était guajira guantanamera; d’autres fois, guajira de Vuelta Abajo, guajira de Holguín ou guajira de Camagüey ; mais je ne l’ai jamais chantée comme guajira de Santiago” (3).

timbre Joseito Fernandez

Malgré ce que certains aient pu affirmer, à l'instar d'une erreur manifeste du grand écrivain Guillermo Cabrera Infante dans un article de presse espagnol de 1993, rien d’oriental dans la personne de ce "Joseito" Fernandez du quartier de Los Sitios, qui a rarement quitté La Havane. Il affirma même longtemps n'en être jamais sorti, bien qu'une photo le montrerait bien au moins une fois en Oriente. Au début de l'émission de la CMQ, José Fernandez n’a que 33 ans (il est né en 1908). Il est passé par de nombreux métiers, comme beaucoup de chanteurs et musiciens de cette époque : cigaretier, cordonnier, apprenti maçon, chauffeur, avant de devenir apprenti à La Tijera de Oro de Don Leonel, tailleur situé dans la vieille Havane au coin des rues Neptuno et Consulado. Ce Don Leonel, Leonel Guzmán, était fier d'être le tailleur des musiciens les plus côtés de l’époque. A l’entrée de son établissement trônait une photo de Caruso qui lui avait commandé un costume dans un voyage havanais. Joseito Fernandez, ne tarda pas à se faire des relations utiles dans le monde de la musique et de la radio dans cette boutique de tailleur si bien fréquentée (selon Garcia Muralla. non daté). Elles l'aidèrent à participer à la vie musicale de la capitale dès les années '20. Si la Guantanamera fut "sa biographie" comme il l'affirmait, il est clair que Joseito Fernandez avait eu une carrière musicale antérieure à son interprétation de son morceau fétiche : "Membre du sexteto "Los DIOSES del AMOR" Joseíto débute sur les ondes de 2BX en 1925" (Patrick Dalmace, article "Joseito Fernandez" de montunocubano.com).

Joseito Fernandez a donné des versions bien différentes de la création de la chanson dont il a déposé la composition musicale et qui a fait sa gloire. Dont celle-ci, rapportée par un journaliste cubain où il attribue une paternité à la musique : “Et un jour, Facundo Rivero, notre pianiste, choisit de terminer le programme diffusé par la CMCO (...) par une guajira. (...) Il composa alors la Guajira Guantanamera. Et le succès nous surprit tous. (...) Ceci arriva vers l’année 1934” (4). Selon différentes interviews de Joseito Fernandez, la date de création de la Guantanamera varie : 1926, 1928, 1929, 1930 et 1934. Soit entre deux ans et neuf ans après ses débuts!

Joseito Fernandez jeune (LP)

En 1980, en répondant à une question d’un lecteur de la revue Bohemia invitant Joseito Fernandez à faire une réponse précise sur la date de création de La Guantanamera, l'anecdote diffère ce jour là quelque peu : la chanson naît cette fois-ci grâce à un pianiste à qui il demanda de jouer en style guajira en La majeur pour y placer un refrain facile et improviser à partir de là, mais cette fois-ci pas le nom du pianiste n'est pas indiqué et la scène se passe dans une fête, pas à la radio…(5). Une demi-douzaine de versions de la naissance de la chanson ont été revendiquées par J. Fernandez, qui ne convergent que sur un point : l'origine capitaline et "occidentale" du morceau, bien que le texte de celui-ci évoque pourtant avec insistance l'autre extrêmité, orientale, du pays. Ce dernier lieu serait-elle le point aveugle qui, si on le regarde enfin en face permettrait d'aller au-delà de la biographie de Joseito Fernandez et retrouver un moment de départ précis?

Avant d'explorer cette hypothèse, il faut déjà dire que Joseito Fernandez n’est pas le seul à donner du cachet à ce morceau. Son pianiste Ramón Dorka a revendiqué l’apport d’une première introduction, puis s'impose celle Pepesito Reyes, qui fut pianiste de Joseito Fernandez 17 ans durant, introduction qui devient un élément identificateur du titre : dès ses première notes chacun devine que va suivre "la" Guantanamera. Il lui donne aussi un nouveau final instrumental.

CD Pepesito Reyes
CD de Pepesito Reyes enregistré en 2002. Contient La Guantanamera.


La Guantanamera et le son : de la plaine havanaise ou de la montagne orientale?

Yavait-il une Guantanamera avant la guajira bien havanaise de Joseito Fernandez et Nela Cruz ? Y a-t-il des strates inférieures, celles-ci seraient-elles "orientales" ? Se présente alors la piste du son, ce style effectivement oriental amené dans la capitale dans la première décennie du vingtième siècle pour y être confronté à la clave de la rumba havanaise. "Il vient de la montagne (orientale) et se chante dans la plaine (la capitale)" disent des paroles bien connues de Miguel Matamoros à propos du son. Le musicologue Helio Orovio, dont les connaissances encyclopédiques sur la musique cubaine était telles qu’il lui consacra un dictionnaire, développa dans une émission de radio de la CMKS la thèse suivante : Cheo Marquetti aurait fait un arrangement qui a fait passer l’air de la Guantanamera du pur son au style mixte guajira-son.

Cheo Marquetti

Marquetti, havanais né en 1909 a souvent été comparé au plus grand nom masculin de la musique populaire cubaine, Benny Moré, pour des qualités vocales comparables. Pour Díaz Ayala, d'accord avec Rosendo Rosell, autre sommité, il est une des plus grands soneros cubains. Un des plus grand improvisateurs de cette musique. Réputé pour avoir combiné la guajira avec le son, ce qui lui valut le titre de "roi de la guajira son". Un livre de Mac Masters (p. 116) cite cette anecdote : En 1951 ou 52, Cheo chantait dans le cabaret Bremen de Mexico, quand arriva El Benny (Benny Moré), chanteur du moment de l’orchestre Antillana de Arturo Núñez, qui en avait justement fini avec cet orchestre cette nuit-là. De la porte, il cria au pianiste “guajira en la”, ce qui signifiait qu’il voulait improviser sur cette tonalité, bien haute, avec Cheo (Marquetti). “Nous allons faire plaisir à ce caballero. S'il vous plaît, Guantanamera dans le ton demandé par ce monsieur”... Après le salut protocolaire de bienvenue, et les deux se se plongèrent dans une controverse improvisée qui dura une heure et demie. Il n’y eut ni vainqueur ni vaincu. Et le jour suivant chacun commentait dans la capitale mexicaine l’affrontement des deux géants. (6) Cette anecdote laisse penser que la Guajira guantanamera faisait partie du répertoire de Marquetti, ce qui ne serait guère étonnant pour un roi de la guajira habitué à magnifier les femmes des diverses localités de l'île, mais surtout, elle est confirmé par Elio Orovio. La "guajira guantanamera" ne figure pas dans sa discographie, mais il est vrai que dans la période où il gagna la réputation de meilleur interprète de la guajira son, dans ces années 30 où il avait sa propre formation : Hatuey Camagüeyano, il n'avait pas encore enregistré. Les premiers enregistrements où sont identifiés la voix de Marquetti sont de 1937, avec le Sexteto Cauto (formation où, justement, passa également Bartolomé Maximiliani Moré, futur "El Benny"). A propos de guajira et son, on lui doit ce refrain qui parcourut le monde entier avec la vogue du Buena Vista "Guajira, el son te llama...". Pour Orovio, c’est bien la version de Marquetti de la Guantanamera, bien antérieure à ce duel homérique de chanteurs, qui fut le matériau de base de Joseito Fernandez, admirateur des guajiras chantées par Marquetti depuis l'époque où il travaillait comme aprenti tailleur.

Vidéo (audio) : une version à l'orchestration mambo de La Guantanamera par la Orquesta Riverside

Un duo comparable à l'anecdote précédente se réalisa postérieurement, mais cette fois c'est Joseito Fernandez lui-même qui donna la réplique à Benny Moré dans une "Guajira guantanamera" d'un disque édité au Mexique dans les années 70 : Benny Moré en vivo” (Lp Fotón 037), qui eut sa réédition en CD. Cet enregistrement est repris d'une émission Casino de la Alegría du 17 juillet 1959, selon les déductions de la chercheuse cubaine Adriana Orejuela.

Benny Moré : Duo

Vidéo (audio) : Sur Radio Progreso, Benny Moré & Joseito Fernandez improvisent tour à tour, chacun avec son orchestre, sur le thème de la Guajira Guantanamera

Mais, si on continue de suivre l'idée d'Orovio, qui donc aurait amené ce son dans la capitale cubaine, avant que Marquetti ne le transforme? La réponse pourrait bien être le très oriental Cuarteto Cubano ("Pipi" Corona, Juan Limonta, Rigoberto Hechavarría "Maduro" y Joaquín Garcia) descendu sur la capitale (en effet, si en France on monte dans la capitale, à Cuba on descend des montagnes vers la plaine de La Havane!). Cette Guantanamera en rythme de son aurait été leur thème de présentation. Mais aucun enregistrement pour le prouver, même si on est sûr de l'existence de ce cuarteto suivi postérieurement d'un trio sans Juan Limonta. Un membre de cette équipe, originaire de Guantanamo, le joueur de cuatro (8) cubain « Maduro » (fondateur plus tard du Cuarteto Patria) hantait encore la Casa de la Trova de Santiago de Cuba avec son instrument électrifié au début des années ’90, où l'auteur de ces lignes allait écouter le timbre surprenant de son instrument, mais, malheureusement, il ne semble pas qu’il ait été interviewé à temps à ce sujet, pas plus que les autres membres du Cuarteto Cubano à notre connaissance.

Maduro à la Casa de la Trova
Maduro à la Casa de la Trova de Santiago (détail) - D. R.

Le 22 mars 1939 "Pipi" Corona envoie de La Havane à ses parents à Guantanamo une photo dédicacée une photo du "Cuarteto" Cubano devenu à ce moment Trio Cubano où figurent à part lui (il est à droite) Maduro (à gauche) et Joaquín Garcia :


D.R., remerciements à Simon Borràs

Si Joseito Fernandez donna plusieurs versions de la naissance de la Guantanamera, la paternité du morceau lui fut contestée par... un Guantanamero (habitant de la ville de Guantanamo), Herminio Garcia Wilson. Lui, au contraire de Joseito, ne changea jamais une ligne à ses déclarations et, sûr de lui, fit un procès en justice pour faire reconnaître son antériorité. Ce tresero et guitariste déclara avoir composé le refrain, un son montuno, un mois de juillet 1929 à Guantánamo (soit quatre ans après les débuts musicaux de J. Fernandez). Ce jour, un groupe d’amis travaillait ensemble, tout en chantant au coin des rues Paseo et Carlos Manuel (alors connue comme La Castellana). Parmi eux, Herminio García Wilson, boulanger de profession connu localement sous le surnom d’El Diablo ("Le diable"). Le groupe vit passer une belle femme qui s’attira des compliments du trobador "Pipi" Corona, selon la coutume dite du « piropo », compliments qui, selon les dires de Wilson restèrent tout-à-fait courtois. Mais l'hommagée répondit sur un ton offensé, peut-être orné d'invectives, devant quoi l’un d’eux s’exclama "Eh, qu’est-ce qu’elle s’est imaginé cette paysanne (guajira) guantanamera ? ». Wilson chercha une musique pour accompagner l’exclamation de son ami et la joua la même nuit dans une fête de la maison d’un dénommé Silverio Bosch Dubois, dit "Toto" Bosch. On notera que cette version fait appel à une quantité de témoins par rapport à la version intimiste de la femme guantanamera jalouse de Joseito Fernandez… Parmi eux étaient Chito Latamblé, célèbre tresero de changüi et "Pipi Corona", ce membre du Cuarteto Cubano évoqué plus haut, qui, ayant été le premier à avoir chanté le refrain dans la fête chez "Toto", était bien placé pour la reprendre ensuite... Et c’est en effet une quantité de témoins de ce jour précis qui défila au procès intenté tardivement par Wilson, après le décès de Joseito Fernandez.

 Vidéo : témoignages à propos de la revendication de Wilson recueillis par Simon Borras (et Wilson lui-même). Non sous-titré.

Trobadores de Guantanamo et Rafael Inciarte
Trobadores de Guantanamo entourant l'intellectuel et chercheur guantanamero Rafael Inciarte. D. R.

Ce serait le thème de Wilson, selon l’historien guantanamero Tati Borges, qui aurait été popularisé dans la ville proche de Santiago par Miguel Angel González, connu comme le « guajirito (le petit paysan) de l’Éden » dans un programme de CMKW qui accaparait le matin l’audience de toute la région orientale, ce programme pouvant être à son tour le vecteur d'une diffusion sonera du thème de Santiago vers la capitale. Dans son livre « La musique à Cuba », paru au Mexique en 1946, Alejo Carpentier avalise l’origine orientale de la chanson (10). S’interrogeant à propos de ce passage de Carpentier, le prestigieux intellectuel Juan Marinello le rejoint dans un article de 1967 (11). Bien curieusement, Joseito Fernandez ne réagira pas aux écrits successifs des écrivains de poids Carpentier & Marinello, qui contredisaient sa (ou plutôt ses) version(s).

Wilson n’obtint jamais le tête-à-tête qu’il voulait avoir avec Joseito Fernandez. Il ne demandait finalement pas grand’chose, qu’on lui reconnaisse la paternité du refrain, sans pour autant minimiser les apport du havanais concernant la structure melodico-rythmique, comme l’originalité de son inflexion vocale et son rôle important pour donner au thème une identification nationale. Mais il est vrai que depuis que la musique populaire cubaine existe et jusqu’aujourd’hui, du son montuno jusqu’à la timba, un succès prend grâce à son refrain. Lui reconnaître ce peu de chose lui aurait donné un rôle de fait central dans l'histoire de cette chanson d'envergure nationale puis internationale. Il est probable qu'un Joseito Fernandez exposé dans la pleine lumière de la popularité n'aurait pu accepter qu'un provincial inconnu fasse quelque peu d'ombre à sa légende. Peut-être même les dates les plus anciennes dans ses différentes déclarations sur sa création du morceau (1926 et 1928) ont eu pour fonction d'éliminer toute prétention rivale, lui qui n'aurait pu connaître le thème qu'après 1929 si on s'appuie sur les dires de Wilson et ses témoins.

José Fernandez avait inscrit La Guantanamera à la société des auteurs en 1944. Il dénia à Peete Seeger, les droits que celui-ci touchait sur la chanson à la suite de son succès planétaire. Le protest-singer Peete Seeger finit par venir à La Havane en 1971 et un accord amiable, attestant l’antériorité cubaine du morceau, intervint entre les deux. A la suite de quoi Joseito Fernandez, qui avait chanté d’inombrables versions de la chanson, se mit à interpréter systématiquement et enregistrer... la version popularisée par Pete Seeger et limita ses improvisations. Ironie de cette histoire, la version avec les vers de Martí, transmise aux USA, devint aussi celle de référence à Cuba. Pete Seeger s'en tira avec les honneurs, au sens propre, puisqu'en mai 1999, il reçoit une distinction cubaine de haut niveau, l´Ordre Félix Varela pour la Culture Nationale, décerné par le Conseil d´Etat et des Ministres.

portrait du "Diablo" Wilson

El "diablo" Wilson, chez lui à Guantanamo. Extrait du livre de photos "Son de Cuba" de Tomàs Casademunt, ed. Focal, Barcelone.1995.

Le procès de Wilson de réclamation des droits d’auteur n’eut lieu qu’en 1993, alors que Joseito Fernández s’était éteint en octobre 1979. La famille de ce dernier ne vint pas le représenter. Wilson fut débouté. Mais il faut dire que la sanction du procès fut des plus contestables, car, comme le reconnut ensuite l’un des juges, la décision fut rendue non sur les bases du droit d’auteur, mais sur les délais de réclamation bien plus courts exigés dans la loi cubaine pour une revendication de propriété sur des biens... matériels. Alors qu'on est dans l'immatériel. D'un autre côté, ses quatre mesures en sol mineur n'auraient pas été acceptées par la société d'auteur cubaine, qui exigeait seize mesures à l'époque où il composa ce refrain (ce pourquoi les lettrés de Guantanamo Inciarte et Morlotte découragèrent son élan pour la déclarer à cette société vers 1930). Il eut du moins la satisfaction de convaincre, entre autres, le grand spécialiste Helio Orovio (auteur d'un dictionnaire de la musique cubaine), à l'origine de la photo ci-dessous. El Diablo put par la suite déposer d'autres compositions, des sones, mais aussi des : boléros, guarachas, danzones, valses & changüis. Il maintint une activité musicale jusqu'en 1985 et accompagna, ne serait-ce qu'occasionellement, des figures nationales de la musique cubaine (Panchito Riset, “El Niño” Rivera et même Antonio Machín...). Il mourut en 1998, cinq ans après le procès.

Wilson

Etant donné le grand âge de Wilson au moment du procès, il eut un représentant :  Santiago Moreaux, un profond connaisseur de la musique orientale en générale et guantanamera en particulier (cf ce lien). Un énième paradoxe de cette histoire est que, en tant que co-auteur du livre La Guantanamera, Santiago Moreaux avait défendu jusque là la thèse de la paternité du morceau auto-développée par Joseito Fernandez, comme avant et après lui beaucoup d’autres, tous en toute bonne foi. Mais il avait finit par modifier son avis. Laissons-lui le mot de la fin : « ça m’a fait beaucoup de peine ce qui s’est passé, mais c’est que ce fut si difficile… Si on me demande la vérité, la vérité… Joseito était une figure nationale, je n’ai pas voulu le détruire, mais cette chanson est collective. Pour moi, le plus juste est de reconnaître El Diablo comme auteur initial, Joseito pour ses apports et la popularisation au plan national et Pete Seeger en lui donnant une dimension universelle et une dimension contemporaine avec les vers de Marti inclus par Julián Orbón. ». Le scénario reconstitué de son côté par Helio Orovio est compatible, tout en introduisant Cheo Marquetti : “La Guantanamera arrive à La Havane, Cheo Marquetti l'écoute et la convertit en guajira-son : première partie guajira et deuxième partie le montuno de son créé par Herminio García Wilson […] La guajira commence à être chantée par Joseíto Fernández en la radio; il incorpore des éléments dans l'aspect mélodique et dans l'inflexion vocale, dans la structure mélodicorythmique il fait aussi quelques apports […]” (12).

Et Santiago Moreaux de conclure : « Je ne crois pas que ça enlève de la gloire à Joseito, mais l’auteur des quatre premières mesures – le plus important en définitive, parce qu’il y a beaucoup de façons de chanter La Guantanamera – c’est « El Diablo » Wilson » (13).

© Daniel Chatelain (mars - octobre 2013. Dernière révision du texte : 20/06/2022)

Notes :

(1) "He cantado el poema que trato (Para Aragón, en España), con la tonada de la Guantanamera; claro que la fusión es enorme; sin embargo, un día percibí que algo faltaba, la música no acababa de identificarse con los versos; sí se producía ese extraño y gozoso coincidir que –al unir la tonada americana con lo remoto del verso- también ocurre si cantamos con la misma Guantanamera cualquier romance, Fontefrida, el Conde Arnaldos, etc.; de cualquier manera, algo estaba ausente. Canté entonces los versos con la melodía de una jota de Teruel: la fusión fue absoluta.", in "Julián Orbón, José Martí: poesía y realidad". Revista Exilio Nos. 16-17, New York, invierno-primavera de 1971. Extrait de: En la esencia de los estilos y otros ensayos. (España: Editorial Colibrí, 2000) p. 119. Cité par Antonio Gómez Sotologo. La série de 40 émissions de Marcel Quillévéré diffusée en 2017 redonne toute sa place à Julián Orbón dans la musique classique et contemporaine cubaine... http://www.francemusique.fr/emissions/carrefour-des-ameriques

(2) Site Ecured.

(3) “...unas veces era guajira guantanamera; otras, guajira vueltabajera, guajira holguinera o guajira camagüeyana; pero no la canté nunca como guajira santiaguera”.

(4) Cité dans la revue Bohemia du 30 novembre 1979. “Y un día, a Facundo Rivero, nuestro pianista, se le ocurrió que al terminar el programa que radiábamos por la CMCO (...) lo hiciéramos con una guajira. (...) Entonces compuse la Guajira Guantanamera. Y el éxito nos sorprendió a todos. (...) Esto ocurría allá por el año 1934”.

(5) 9 mai1980, section Correspondance de la revue Bohemia.

(6) En “1951 ó 52, estaba cantando Cheo en el cabaret Bremen de México, cuando llegó el Benny, a la sazón cantante de la orquesta Antillana de Arturo Núñez, pero que ya había terminado aquella noche. De la puerta le gritó al pianista “guajira en la”, lo que significaba que quería improvisar en ese tono, que es alto, con el Cheo.", respondio Marquetti : “Vamos a darle gusto al caballero.  Por favor, Guantanamera en el tono que pidió el señor”...  "Según las costumbres que ya no se respetan, el cantor “anfitrión”, por decirlo de alguna manera, tenía que dar la bienvenida al visitante mediante un saludo en verso. Después entraba el coro.  Luego a Moré le correspondió agradecerle el recibimiento.  Era como en una pelea de boxeo, después de trabar los guantes la cosa iba en serio.(...) Este le hizo el protocolar saludo de bienvenida, y se enfrascaron en una histórica controversia improvisatoria que duró hora y media. No hubo vencedor ni vencido. Y al día siguiente, todo el mundo en la mera capital, comentaba el encuentro de los dos colosos… "

(7) Herminio García Wilson explique dans une émission de radio: “En la propia década del treinta, un cuarteto formado por Pipi Corona, Joaquín García, Juan Limonta y Rigoberto Hechavarria, hizo una gira por Santiago, Palma Soriano, Bayamo y también La Habana, y según me ha contado Pipi, incluyeron La Guantanamera”. Dans l'hypothèse de la création du thème par Wilson, outre Pipi Corona, Rigoberto Hechavarria "Maduro" pourrait être un passeur vers le reste de l'île, car ce santiaguero né en 1914, devenu musicien très jeune, passa une grande partie des années '20 à Guantánamo. Il fonda un éphémère groupe sexteto CMKR (donc jouant à la radio) à Santiago de Cuba en 1936.

(8) Le cuatro (version cubaine) est une petite guitare à cordes doublés (quatre fois deux cordes) se substituant parfois au trés (trois fois deux cordes), instrument lié à la naissance du son oriental et du changüi. Maduro transforma toutefois son instrument en "cuatro simple", de seulement quatre cordes.

(9)«...hace poco una estación de radio de La Habana obtuvo un gran éxito de popularidad con una canción de buen corte campesino, titulada La Guantanamera, que había sido traída a la capital por auténticos cantadores orientales ».

(10) "¿Dónde se origina esta creación melancólica y dominadora que hoy recorre el mundo?, se dice, y debe ser cierto cuando lo afirma Alejo Carpentier (...) ¿Cómo pasó el canto oriental de los límites insulares al ancho escenario universal que hoy domina?", Revista Bohemia, 10 de mars 1967.

(11) Propos cités par Karina Rodriguez, journaliste de l’hebdomadaire Venceremos (Guantánamo). Source : Juventud Rebelde, 07/09/04 "La Guantanamera : historia conclusa?"

(12) “La Guantanamera llega a la Habana, la escucha Cheo Marquetti y la convierte en guajira-son, primera parte guajira, y segunda, el montuno de son creado por Herminio García Wilson […] Esta guajira comienza a cantarse por Joseíto Fernández en la radio; él le hace incorporaciones en el aspecto melódico, en la inflexión vocal, en la estructura melódico-rítmica le hace algunas aportaciones[…]”. Emission de radio "El reclamo del diablo" de la CMKS (Guantanamo). Segond prix national de radio de 1993.

(13) "A mí me pesa mucho lo que pasó pero es que fue tan difícil... Si me preguntan la verdad, la verdad... Joseíto era y es una figura internacional, no se le quiso destruir, pero esa canción es colectiva. Para mí lo más justo es reconocer al Diablo como autor inicial, Joseíto con aportaciones y popularizándola nacionalmente y Pete Seeger, universalizándola y contemporaneizándola con los versos de Martí que incluyó Julián Orbón."... "No creo que esto le quite gloria a Joseíto, pero el autor de los cuatro primeros compases —lo más importante, al fin y al cabo, porque hay muchas formas de cantar La Guantanamera— es El Diablo Wilson".

 

Les extrait des Versos Sencillos utilisés dans la version popularisée par Pete Seeger :

Yo soy un hombre sincero
De donde crece la palma
Y antes de morirme quiero
Echar mis versos del alma.

Tiene el leopardo un abrigo
En su monte seco y pardo
Yo tengo mas que el leopardo
Porque tengo un buen amigo

Yo quiero salir del mundo
Por la puerta natural
En un carro de hojas verdes
A morir me han de llevar.

No me pongan en el oscuro
A morir como un traidor
Yo soy bueno y como bueno
Moriré de cara al sol

 

LP Perez Prado

 

DE A à Z. Parmi les artistes qui ont enregistré la Guantanamera il y a, pour le meilleur... et pour le pire :

- Paulina Álvarez - Amina
- Joan Baez - Banda Municipal de Santiago de Cuba - Abelardo Barroso - Miriam Bayard y Habana son - Leo Brouwer
- Conjunto Caney - Jorge Luis Chicoy - Dúo Confluencias - Coro Nacional de Cuba - Richard Clayderman - Celia Cruz - Compay Segundo - Xavier Cugat


Celia Cruz Con La Fania Guantanamera au Zaïre.1974

- Dan Den - Joe Dassin - Plácido Domingo
- Carlos Embale, Estrellas de Areito
- Fania All Stars - José Feliciano - The Fugees
- Los Guantanameros
- India de Oriente - Grupo Ismaelillo - Julio Iglesias
- Wyclef Jean
- Libertad Lamarque - Michel Legrand - Lucrecia & Andy Garcia) - Trini López
- The Mambo Kings - Nana Mouskouri - Paul Mauriat - Benny Moré (en duo avec Joseito Fernández)
- NG La Banda
- Orquesta Aragón - Orquesta Moderna de Música Cubana - Orquestas Original de Manzanillo
- Guillermo Portabales - Perez Prado
- Demis Rousos - Ñico Rojas
- La Sonora Guantanamera
- Trío Taicuba
- Chucho Valdés & El Indio Naborí - Ramón Veloz y Coralia Fernández
- Roger Williams
- You Know Who
- Zucchero (en 2012)

Wycleef-Jean
Une version de 1997

 

BIBLIOGRAPHIE ÉVOLUTIVE

- Revue Bohemia. La Havane

- Reinaldo Cedeño Pineda “La Guantanamera en la Tierra del Diablo", 14 décembre 2007. Blog La espina y la isla.

- Reinaldo Cedeño Pineda "La verdadera historia de La GUANTANAMERA. ¿Joseíto Fernández es su autor?" http://lapolemicacontinua.blogspot.fr/2008/06/la-verdadera-histoiria-de-la.html

- Cristóbal Díaz Ayala, Enciclopedia Discográfica de la Música Cubana 1925-1960.

- Site Ecured

- Emir Garcia Meralla "All you Want to Know About the Guajira Guantanamera" (web)

- Antonio Gómez Sotologo."Tientos y diferencias de La Guantanamera compuesta por Julián Orbón" (web)

- "Guajira de Joseíto Fernández - Les différentes versions de Guantanamera" (français, 2012). Blog Blue Country Mag consacré à Joe Dassin. http://bluecountrymag.blogspot.fr/2012/11/guajira-de-joseito-fernandez-les.html

- "Joseito Fernandez (La Havane 1908-1979)" http://www.montunocubano.com/Tumbao/biographies/fernandez,%20joseito.html

- Juventud Rebelde, 07/09/04, La Havane "La Guantanamera : historia conclusa ?"

- Helio Orovio. Diccionario de la Música cubana. Ed. Letras Cubanas 1981. La Havane

- Linares María Teresa. "Joseíto y el contexto de la Guantanamera". Rev. Clave, No 11, 1988. La Havane

- Víctor Hugo Purón Fonseca. "La Guantanamera: un mito en tierra de nadie" Blog Adriel BC 21 février 2012.

- Santiago Moreaux Jardines & Iraida Sánchez Oliva. La Guantanamera Editorial Jose Marti 1999. La Havane.

- Lázaro Sarmiento "Como conocio Pete Seeger la Guantanamera". http://lazarosarmiento.blogspot.fr/2009/05/como-conocio-pete-seeger-la.html

- Guille Villar : "Pete Seeger: Cette nuit-là « avec les pauvres de la terre" http://www.cubarte-francais.cult.cu/paginas/actualidad/opinion.detalle.php?id=22243&tabla=articulos&seccion=El%20Portal%20Cubarte%20Le%20Sugiere (8 juin 2013)

Egalement : Entrevues de l'auteur avec Santiago Moreaux et Ramón Gómez Blanco, musicien, historien et chercheur à Guantánamo à l'occasion des trois premiers festival de changúi.

compilation Guantanamera

 

SÉLECTION DISCOGRAPHIQUE


         - CD A la découverte de « Guantanamera », 18 versions originales EGREM-Edenways 1996.

- CD Guantanamera 20 versions BuschFunk Vertriebs GmbH / Berlin 2009.

- CD Guantanamera Version Originale,16 versions, La Cumbancha.

- "Benny Moré en vivo”. Lp Fotón 037.

- “El gran Benny Moré a dúo con”. 1997. Mojito Records CD-12022.

- CD “Paulina Álvarez y Joseíto Fernández: La Dama y El Caballero” (Cubanacán 1709)

 



75 interprètes cubains de par le monde réunis dans cette version! (2014)

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