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HISTOIRES DE MORCEAUX
Succès cubains : paternité en morceaux

 

" EL BONNY " : UN SUCCES SIGNÉ DU SEUL DAVID CALZADO ET DONT LE CO-AUTEUR EST... ROBERTO "EL BONNY"

par Daniel Chatelain


Prologue : Je ne suis pas allé au dernier concert parisien de la Charanga Habanera. Outre que j'ai après tout passé l'âge d'aller voir un groupe d'orientation jeuniste (irai-je voir un boy's band français ?), je ressens un malaise vis-à-vis du morceau qui est le plus grand succès de la carrière de ce groupe, lui-même coqueluche de la jeunesse cubaine depuis une dizaine d'années. Vous lirez ci-dessous le pourquoi de cette réticence.
 

Tirade : La chanson cubaine est coutumière de contestation sur la paternité de ses paroles. On peut citer l'exemple de la paternité du changüí le plus connu (connu précisément à travers l'interprétation du groupe Los Van Van) : " Pastorita tiene Guararey ", traité sur ce même site. A l'origine des morceaux à la paternité contestée, il y a souvent une anecdote, un élément biographique qui permet de lever le doute. Avec le temps finit par se rétablir la vérité.
 
Personne n'a encore dit que la question se pose pour le morceau le plus célèbre du moment à Cuba : " El Bonny ", figurant sur le CD " Soy cubano, soy popular " de la Charanga Habanera. Avec ce morceau, accompagné du succés de moindre ampleur, " Soy cubano, soy popular ", ce groupe est redevenu numéro 1 à Cuba pour une durée exceptionnelle.
 
Les refrains du titre "El Bonny " (puisqu'il y en a plusieurs, comme c'est de mise dans la " timba " cubaine) sont sur toutes les lèvres à Cuba depuis deux ans. Un succès qui ne faiblit pas, à mon avis pour deux raisons : la qualité rythmique des refrains d'une part, le contenu des paroles d'autre part, rendant compte d'une réalité sociale : celle du jeune sans le sous (traduisez sans " dollars ") qui ne peut offrir à sa belle ce qui lui convient. Et on devine que ce qu'il ne peut pas offrir, il ne l'a pas pour lui-même. Un condensé de la situation de la masse de la jeunesse cubaine.
 
Le morceau " El Bonny " est signé par David Calzado, le directeur et fondateur de la Charanga Habanera. Nous pouvons dire que ce morceau a un co-auteur, nommé Duquende Torres de son nom de famille et Roberto de son prénom, bien que les gens de son quartier l'ont toujours connu sous le surnom d'El Bonny (il nous dit pourquoi dans son interview*). Cette chanson, El Bonny me l'a chanté bien avant qu'elle soit enregistrée et les membres les plus éloignés de sa famille l'ont entendue depuis des années. Quelle est la raison profonde de l'impact de cette chanson ? C'est du mal de vivre 100% vécu, qui rentre pour cette raison en résonnance avec son public.


 
El Bonny (© Daniel Chatelain)

El Bonny est un grand gaillard sympathique, à la peau bien noire, sans métier, mais dont la passion est la musique. Il connaît ce que chantent tous les groupes des dix dernières années. Il compose sans arrêt, sans avoir besoin de les mettre sur papier, des refrains facilement mémorisables, d'un sentiment rythmique impeccable et vient les chanter et les proposer aux étoiles du moment, dans les lieux à la mode où il réussit à rentrer gratuitement à force de faire partie du paysage, même s'il n'est pas habillé comme il conviendrait dans des lieux dollarisés comme la " Casa de Música " du Vedado, un quartier hautement résidentiel. Etant toujours là, il a fini par se rendre utile et est devenu un jour "utilero", " roadie " de la Charanga Habanera, pour être plus proche du groupe de timba qui lui plaisait le plus. Le morceau qui racontait sa propre vie, avec un minimum de licence poétique spontanée, il est venu de lui-même (poussé par un chanteur du groupe) le proposer à sa star, David Calzado, qui en a vu les qualités et a produit des arrangements à la hauteur. El Bonny s'est senti flatté. Bien. Mais pourquoi l'arrangeur a-t-il signé le morceau à lui tout seul ?
 
Certes, Roberto " El Bonny " ne remplit probablement aucune des conditions pour faire partie d'une société d'auteur. De plus, à part d'être un jeune prolétaire désoeuvré, c'est aussi un homme qui a ses problèmes intérieurs. Ce qui est certain, c'est qu'il lui a présenté une chanson entière, parole et mélodie, dans laquelle David Calzado a sélectionné ce qui lui convenait : l'idée générale, les paroles et la mélodie du refrain, élément dont on sait qu'il est la clé du succès dans le phénomène (timba). Ce morceau est peut-être le "blues" (en essence, l'apparence est ultra-cubaine et n'a rien de nord-américaine) cubain de la décennie, dissimulé derrière des cuivres chatoyants. Alors pourquoi ne plus montrer l'auteur de la version originale au public, ce que que David Calzado a fait une fois en reconnaissant à ce moment qu'El Bonny était le co-auteur du succès qui porte son nom. Elle Bonny, en tant que " fan " du groupe a dû en rêver souvent?
 
La vie d'El Bonny n'est pas facile. A tout point de vue. Son chez lui, dans le quartier très périphérique et industrieux de San Miguel d'El Padrón, ne peut être appelé une pièce, c'est un recoin sans fenêtre où un lit de fer supportant un matelas de mousse sans toile échoué d'un hopital a été encastré à côté du jeu rituel de tambour palo, qu'il joue d'ailleurs avec le reste de la famille quand vient une cérémonie communautaire. Il est ainsi relégué parce que, dit-on, il est sujet à des crises pendant lesquelles ses proches ne peuvent le maîtriser et où il faut faire appel à des infirmiers. Ainsi, on évite la casse. Dans de telles conditions de vie, on ne sera pas étonné que son apparence corporelle laisse parfois à désirer. Mais la seule fois où El Bonny m'a demandé quelque chose, c'était un savon.
 
On lui a dit pour toute explication que c'était parce qu'il n'était pas assez "propre sur lui" qu'il a perdu son occupation de roadie de la Charanga Habanera et qu'ordre venant du leader du groupe a été donné aux vigiles de la casa de la Música et de la Tropical qu'il n'y entre plus. Il faut croire qu'El Bonny est plus encombrant que son morceau.
 
Pourtant, être l'auteur réel du morceau le plus en vogue de Cuba le remplit d'aise, " il n'a pas d'argent mais il a des millions d'amis ", c'est ainsi qu'il est " millionnaire " dit la chanson de manière prémonitoire. D'une manière, il a la gloire, la "fama" de la chanson, car son nom est chanté par toute la jeunesse cubaine, qui ne sait pourtant pas que derrière le personnage auquel elle s'identifie, il y a un être de chair et d'os, plus pauvre encore que dans sa ritournelle, de sentiments frustrés et de rire tonitruant. Un rire explosif qui a la politesse de ne pas être désespéré.
 
Les conditions de vie d'El Bonny n'ont pas changé en quoi que ce soit avec le succès de sa chanson éponyme, il n'en bénéficie d'aucune manière. Alors, quand viendra enfin un geste de David Calzado, musicien arrivé de carrière internationale, envers le pauvre gars des faubourgs enchanté de rythmes et de mélodies, qui a contribué à ce que celui qui était déjà "au top" accède à la plus haute marche et s'y maintienne ?
 
J'espère encore dans ma naïveté pouvoir écrire un (heureux) épilogue à la tirade qui précède.
 

© Daniel Chatelain

mars et septembre 2004


*L'origine du surnom est lié à la chanson pop nord-amèricaine. Ce nom n'a rien d'inconnu pour autant dans le peuple cubain : selon Fernando Ortiz " Bonny " ou " Boní " fait allusion à un africain provenant du territoire du même nom (Glossario de Afronagrismos). Boni est situé à l'Est du delta du Niger.


 
Voici en post-scriptum le texte d'" El Bonny " :
 

El Bonny
 

El Bonny esta palma'o
El Bonny esta palmiche

El Bonny es una pasta mamy
Pero palma'o pa'que te sirve

(" Le Bonny est 'sans un"
Le Bonny est sans le sous ")
El Bonny est un mec super, chérie
Mais s'il est fauché, il te sert à quoi?"

(3 fois)
 
Decia la muchacha de Quatro Camino
Después de siete cientos años viviendo conmigo
Que ya no era bueno ni en esto ni aquello
Que ya no tenia los ojos tan bellos
Pero yo sigo siendo el mismo muchacho
Que ella lucho por tener en sus brazos
Oh, No-o-o
 
Y ahora ya no me quieres mas
Dice que nada le puedo dar
Voy esperar su reaccion primera
Cuando me vea con la Habanera
Solo me sabe criticar
Pero yo sé que va lamentar
Cuando en la vida real me quiera recuperar
Y ya no pueda gritar

(2 fois)
Oh oh oh oh oh oh
 
El Bonny esta palma'o ¡Ay ataca'o!
El Bonny esta palmiche ïQue chisme!
El Bonny es una pasta mamy
Pero palma'o pa'que te sirve Mira si tu lo dices
No culpes a la noche
No culpes a la playa
No culpes a la lluvia
Di me que no me amas, interesada

1er refrain :
El Bonny esta palma'o…
 
Voy cruzando el rio
Sabes que te quiero
No Hay mucho dinero
La he pasado mal, muy mal, muy mal

 
1er refrain :
El Bonny esta palma'o...
 
Bueno
Voy cruzando el rio
Sabes que te quiero
No Hay mucho dinero
Pero hay algo que te encanta
Soy cien por ciento Charanga
Habanera
 
Mira, y con esta no hay quien pueda
Ay si mi palabra es la ley
Y yo siempre fui tu rey
Ahora que es charanguero
Como lo vas ofender
 
Con dinero y sin dinero
Y hago siempre lo que quiero
Pa' que el Bonny
Quiere money
Si es tremendo charanguero

 
2e refrain :
Yo soy el Bonny
Y no tengo money
Pero tengo fama
A mi no me tocan campana
(Ad lib.)
 
Ah ya se va el Bonny
Un millionario bonitillo y sencillo
Que no tiene money money caballero
Pero tiene un million de amigos
 
Voy cruzando el rio
Sabes que te quiero
No hay mucho dinero
No tengo nada que dar
Lo unico que tengo es amor para dar
 
Voy cruzando el rio
Sabes que te quiero
No hay mucho dinero
La he pasado mal, muy mal, muy mal
Malisimente mal
Pero hay algo que te encanta
Soy ciento por ciento Charanga


 - Egalement sur ritmacuba.com : Interview : Roberto "El Bonny" prépare sa réponse... à la chanson "EL BONNY


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