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Santiago de Cuba - Février & Juillet |
Prologue : Je ne suis
pas allé au dernier concert parisien de la Charanga Habanera. Outre
que j'ai après tout passé l'âge d'aller voir un groupe
d'orientation jeuniste (irai-je voir un boy's band français ?), je
ressens un malaise vis-à-vis du morceau qui est le plus grand succès
de la carrière de ce groupe, lui-même coqueluche de la jeunesse
cubaine depuis une dizaine d'années. Vous lirez ci-dessous le pourquoi
de cette réticence.
Tirade : La chanson cubaine est coutumière
de contestation sur la paternité de ses paroles. On peut citer l'exemple
de la paternité du changüí le plus connu (connu précisément
à travers l'interprétation du groupe Los Van Van) : " Pastorita
tiene Guararey ", traité sur ce même site. A l'origine des morceaux
à la paternité contestée, il y a souvent une anecdote,
un élément biographique qui permet de lever le doute. Avec le
temps finit par se rétablir la vérité.
Personne n'a encore dit que la question se pose pour le morceau le plus célèbre
du moment à Cuba : " El Bonny ", figurant sur le CD " Soy cubano, soy
popular " de la Charanga Habanera. Avec ce morceau, accompagné du succés
de moindre ampleur, " Soy cubano, soy popular ", ce groupe est redevenu numéro
1 à Cuba pour une durée exceptionnelle.
Les refrains du titre "El Bonny " (puisqu'il y en a plusieurs, comme c'est
de mise dans la " timba " cubaine) sont sur toutes les lèvres à
Cuba depuis deux ans. Un succès qui ne faiblit pas, à mon avis
pour deux raisons : la qualité rythmique des refrains d'une part, le
contenu des paroles d'autre part, rendant compte d'une réalité
sociale : celle du jeune sans le sous (traduisez sans " dollars ") qui ne
peut offrir à sa belle ce qui lui convient. Et on devine que ce qu'il
ne peut pas offrir, il ne l'a pas pour lui-même. Un condensé
de la situation de la masse de la jeunesse cubaine.
Le morceau " El Bonny " est signé par David Calzado, le directeur et
fondateur de la Charanga Habanera. Nous pouvons dire que ce morceau a un co-auteur,
nommé Duquende Torres de son nom de famille et Roberto de son prénom,
bien que les gens de son quartier l'ont toujours connu sous le surnom d'El
Bonny (il nous dit pourquoi dans son interview*). Cette chanson, El Bonny
me l'a chanté bien avant qu'elle soit enregistrée et les membres
les plus éloignés de sa famille l'ont entendue depuis des années.
Quelle est la raison profonde de l'impact de cette chanson ? C'est du mal
de vivre 100% vécu, qui rentre pour cette raison en résonnance
avec son public.
El Bonny (© Daniel Chatelain)
El Bonny est un grand gaillard sympathique, à
la peau bien noire, sans métier, mais dont la passion est la musique.
Il connaît ce que chantent tous les groupes des dix dernières
années. Il compose sans arrêt, sans avoir besoin de les mettre
sur papier, des refrains facilement mémorisables, d'un sentiment rythmique
impeccable et vient les chanter et les proposer aux étoiles du moment,
dans les lieux à la mode où il réussit à rentrer
gratuitement à force de faire partie du paysage, même s'il n'est
pas habillé comme il conviendrait dans des lieux dollarisés
comme la " Casa de Música " du Vedado, un quartier hautement résidentiel.
Etant toujours là, il a fini par se rendre utile et est devenu un jour
"utilero", " roadie " de la Charanga Habanera, pour être plus proche
du groupe de timba qui lui plaisait le plus. Le morceau qui racontait sa propre
vie, avec un minimum de licence poétique spontanée, il est venu
de lui-même (poussé par un chanteur du groupe) le proposer à
sa star, David Calzado, qui en a vu les qualités et a produit des arrangements
à la hauteur. El Bonny s'est senti flatté. Bien. Mais pourquoi
l'arrangeur a-t-il signé le morceau à lui tout seul ?
Certes, Roberto " El Bonny " ne remplit probablement aucune des conditions
pour faire partie d'une société d'auteur. De plus, à
part d'être un jeune prolétaire désoeuvré, c'est
aussi un homme qui a ses problèmes intérieurs. Ce qui est certain,
c'est qu'il lui a présenté une chanson entière, parole
et mélodie, dans laquelle David Calzado a sélectionné
ce qui lui convenait : l'idée générale, les paroles et
la mélodie du refrain, élément dont on sait qu'il est
la clé du succès dans le phénomène (timba). Ce
morceau est peut-être le "blues" (en essence, l'apparence est ultra-cubaine
et n'a rien de nord-américaine) cubain de la décennie, dissimulé
derrière des cuivres chatoyants. Alors pourquoi ne plus montrer l'auteur
de la version originale au public, ce que que David Calzado a fait une fois
en reconnaissant à ce moment qu'El Bonny était le co-auteur
du succès qui porte son nom. Elle Bonny, en tant que " fan " du groupe
a dû en rêver souvent?
La vie d'El Bonny n'est pas facile. A tout point de vue. Son chez lui, dans
le quartier très périphérique et industrieux de San Miguel
d'El Padrón, ne peut être appelé une pièce, c'est
un recoin sans fenêtre où un lit de fer supportant un matelas
de mousse sans toile échoué d'un hopital a été
encastré à côté du jeu rituel de tambour palo,
qu'il joue d'ailleurs avec le reste de la famille quand vient une cérémonie
communautaire. Il est ainsi relégué parce que, dit-on, il est
sujet à des crises pendant lesquelles ses proches ne peuvent le maîtriser
et où il faut faire appel à des infirmiers. Ainsi, on évite
la casse. Dans de telles conditions de vie, on ne sera pas étonné
que son apparence corporelle laisse parfois à désirer. Mais
la seule fois où El Bonny m'a demandé quelque chose, c'était
un savon.
On lui a dit pour toute explication que c'était parce qu'il n'était
pas assez "propre sur lui" qu'il a perdu son occupation de roadie
de la Charanga Habanera et qu'ordre venant du leader du groupe a été
donné aux vigiles de la casa de la Música et de la Tropical
qu'il n'y entre plus. Il faut croire qu'El Bonny est plus encombrant que son
morceau.
Pourtant, être l'auteur réel du morceau le plus en vogue de Cuba
le remplit d'aise, " il n'a pas d'argent mais il a des millions d'amis ",
c'est ainsi qu'il est " millionnaire " dit la chanson de manière prémonitoire.
D'une manière, il a la gloire, la "fama" de la chanson, car son nom
est chanté par toute la jeunesse cubaine, qui ne sait pourtant pas
que derrière le personnage auquel elle s'identifie, il y a un être
de chair et d'os, plus pauvre encore que dans sa ritournelle, de sentiments
frustrés et de rire tonitruant. Un rire explosif qui a la politesse
de ne pas être désespéré.
Les conditions de vie d'El Bonny n'ont pas changé en quoi que ce soit
avec le succès de sa chanson éponyme, il n'en bénéficie
d'aucune manière. Alors, quand viendra enfin un geste de David Calzado,
musicien arrivé de carrière internationale, envers le pauvre
gars des faubourgs enchanté de rythmes et de mélodies, qui a
contribué à ce que celui qui était déjà
"au top" accède à la plus haute marche et s'y maintienne ?
J'espère encore dans ma naïveté pouvoir écrire un
(heureux) épilogue à la tirade qui précède.
mars et septembre 2004
*L'origine du surnom est lié à la chanson pop nord-amèricaine.
Ce nom n'a rien d'inconnu pour autant dans le peuple cubain : selon Fernando
Ortiz " Bonny " ou " Boní " fait allusion à un africain provenant
du territoire du même nom (Glossario de Afronagrismos). Boni est situé
à l'Est du delta du Niger.
Voici en post-scriptum le texte d'" El Bonny " :
(" Le Bonny est 'sans un"
Le Bonny est sans le sous ")
El Bonny est un mec super, chérie
Mais s'il est fauché, il te sert à quoi?"
(3 fois)
Decia la muchacha de Quatro Camino
Después de siete cientos años viviendo conmigo
Que ya no era bueno ni en esto ni aquello
Que ya no tenia los ojos tan bellos
Pero yo sigo siendo el mismo muchacho
Que ella lucho por tener en sus brazos
Oh, No-o-o
Y ahora ya no me quieres mas
Dice que nada le puedo dar
Voy esperar su reaccion primera
Cuando me vea con la Habanera
Solo me sabe criticar
Pero yo sé que va lamentar
Cuando en la vida real me quiera recuperar
Y ya no pueda gritar
(2 fois)
Oh oh oh oh oh oh
El Bonny esta palma'o ¡Ay ataca'o!
El Bonny esta palmiche ïQue chisme!
El Bonny es una pasta mamy
Pero palma'o pa'que te sirve Mira si tu lo dices
No culpes a la noche
No culpes a la playa
No culpes a la lluvia
Di me que no me amas, interesada
1er refrain :
El Bonny esta palma'o…
Voy cruzando el rio
Sabes que te quiero
No Hay mucho dinero
La he pasado mal, muy mal, muy mal
1er refrain :
El Bonny esta palma'o...
Bueno
Voy cruzando el rio
Sabes que te quiero
No Hay mucho dinero
Pero hay algo que te encanta
Soy cien por ciento Charanga
Habanera
Mira, y con esta no hay quien pueda
Ay si mi palabra es la ley
Y yo siempre fui tu rey
Ahora que es charanguero
Como lo vas ofender
Con dinero y sin dinero
Y hago siempre lo que quiero
Pa' que el Bonny
Quiere money
Si es tremendo charanguero
2e refrain :
Yo soy el Bonny
Y no tengo money
Pero tengo fama
A mi no me tocan campana
(Ad lib.)
Ah ya se va el Bonny
Un millionario bonitillo y sencillo
Que no tiene money money caballero
Pero tiene un million de amigos
Voy cruzando el rio
Sabes que te quiero
No hay mucho dinero
No tengo nada que dar
Lo unico que tengo es amor para dar
Voy cruzando el rio
Sabes que te quiero
No hay mucho dinero
La he pasado mal, muy mal, muy mal
Malisimente mal
Pero hay algo que te encanta
Soy ciento por ciento Charanga
- Egalement sur ritmacuba.com :
Interview : Roberto "El Bonny" prépare
sa réponse... à la chanson "EL BONNY
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