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Musique et Danse - Santiago de Cuba

- Documentation ritmacuba.com -

Lexique des instruments cubains

- Dossier tambours batas et maîtres tambours (Cuba)


Dernière modification : 17/11/2022

A. INTERVIEWS ET PORTRAITS


1. Deux articles publiés dans la revue PERCUSSIONS (nouvelle série) sous le titre général : "Tambours batas : rythmes, transe et religion". Chacun repose sur l'interview d'un maître-tambour reconnu (Milan Gali à Santiago de Cuba, Oderquis Revé à La Havane) qui ont joué tous les deux un rôle important dans la diffusion de ces tambours et la transmission de leurs rythmes. 

-1ère partie : interview de Mililián Galis (Gali), par Daniel Chatelain
revue PERCUSSIONS n°12 (nouvelle série).

Lire l'article de PERCUSSIONS n°12 
Portrait de l'interviewé : Lien    Playlist vidéo de Mililián Galis (batas : n°1,2, 3, 9, 10). Album photo facebook : Gali et ses tambours

- 2e partie : interview d'Oderquis Revé, par Daniel Chatelain, revue PERCUSSIONS n°14 (nouvelle série).
Lire l'article de PERCUSSIONS n°14

2. Tambours Batas à Camagüey : interview de Wilmer Ferran (omo aña, directeur de Rumbata) par Daniel Mirabeau.

3. France : Roger Fixy in memoriam


Trio de batas consacrés dans un temple de santería. Pour la cérémonie d'alimentation des tambours, seul cas où on peut voir des tambours consacrés ainsi posés à terre (copyright Daniel Chatelain). Page : cultes afro-cubains en image


N. B. : L'orthographe est batá (avec un accent tonique) à Cuba, bàtá en yoruba (avec une marque tonale grave et une aigüe). Les hispaniques ont tendance à accorder "batas" au pluriel, comme nous le proposons en français, à la suite de Michel Faligand et de la revue Percussions (mais ce n'aurait aucun sens en Yoruba). Pour orisha, nous suivons en français l'orthographe anglaise, le "sh" permetant de reconstituer la prononciation du S asocié à un signe diacritique en yoruba : un point sous le S. La tendance à prononcer "oritcha" est un hispanisme lié à l'orthographe cubaine oricha (bien qu'il ait été dit que certaines ethnies yoruba posséderaient ce son, ce n'est en tout cas pas le cas du yoruba standard).


Vidéo : final d'une cérémonie d'alimentation de tambours batá consacrés

L'entrée "tambours batas dans le lexique des instruments cubains"


B. CONTRIBUTION SUR LES NOMS DES TAMBOURS BATAS, LEUR DIVINITÉ AYAN ET CE QUE DIT LE CORPUS D'IFA SUR LES ORIGINES

Par Amósùn Babalola


LE NOM BÀTÁ

Il est généralement dit que "bàtá" serait à l'origine une onomatopée. Mais le corpus d'Ifá dit autre chose :
En yoruba:
bàtá : le personnage et le tambour qui lui est associé
(N. B. : bàtà = chaussure)

L'Olúwo* yorùbá Baba Kolapo Ifasina explique qu'originellement Bata était un personnage, un bègue. Lassé des moqueries de ses semblables, il confectionna un tambour et, se basant sur le language tritonal yoruba, il inventa un langage codé appelé enà, qui se repose sur "ijinlè yoruba" (culture profonde yoruba). Errant de village en villages, il rencontra Shango qui pratiquait "pidan", soit des démonstrations de pouvoir spirituel  (se couper la tête, un bras, apparaître à deux endroits simultanément, ingestion de charbons ardents etc...). Shango, intéressé par la musique de Bata, lui demanda de l'accompagner. Bata accepta d'entrer à son service et ils devinrent prospères tous deux. Ainsi, il s'agit bien d'Ilu (tambour) ti (de) Bata (le personnage), le tambour DE Bata ! : "ìlù ti bàtá" en yoruba (selon des enregistrements sonores faits par Amósùn Babalola).

*Olúwo : rang supérieur dans le culte de Ifa.

SIGNIFICATION EN YORUBA DU NOM DES TAMBOURS BÀTÁ

A Cuba sont utilisés trois tambours bata (iya, Itotele ou omele, okonkolo). Au Nigeria ce nombre peut être actuellement augmenté d'instruments d’accompagnements (cf infra).

Les recherches personnelles d’Amósùn Babalola sur l’étymologie des tambours utilisés à Cuba aboutissent à cette conclusion :

« Iyaalu: tambour guide. Le terme Iya, même s'il renvoie au principe maternel, fait plutôt référence à un principe hiérarchique, celui là même que l'on retrouve dans les termes Iyalode (femme possédant une forte influence politique, à même de former un contre pouvoir important de par son influence sur une région donnée), Iyalé (première épouse d'un mariage polygame, elle administre la maison au sens large).

Itotele (à Cuba): J'ai redonné à ce mot son sens grâce à l'étude de la langue. Le mot se décompose comme suit: Eyi (celui) ti (qui) o (il) tele (suivre). Celui qui suit (Les directions imposées par Iyaalu).
Le mot utilisé pour cet instrument au Nigeria est Omele abo. A Cuba, le mot omele (tout court), quand il est employé, l’est plutôt entre participants d’un rituel concernant les tambours.

Okonkolo (Cuba): Là encore l'étude d'Ede Yoruba m'a permis de redonner sons sens à ce mot. Kololo est une forme contractée de ko ololo qui signifie bégayer, bafouiller. Ce terme se réfère à la manière dont le tambour de Bata "parle", par secousses. Akololo : celui qui bégaye. Okonkolo signifie : il bégaye. Néanmoins, le langage percussif reposant sur la répétition, on pourrait dire que tous les tambours bégaient. Ce qui pousse Tundé Adegbola, célèbre interprète du genre, à dire que "kololo" réfère à une dimension autre que la répétition de syllabes. c'est sur ce terrain que les savoirs d'un omo alayan
(tambourinaire assermenté) et un olubata (propriétaire d’un jeu consacré) n'ont pas la même portée ou profondeur. Les informations relatives à la consécration des tambours ne sont pas connues des omo alayan, sinon de leurs propriétaires.

La consécration du tambour est une cérémonie similaire à celle de "kariosha" (voir encadré), durant laquelle le tambour "naît" dans son rôle spirituel et social. Même si les omo alayan (omo oni ayan, enfants de celui qui possède Ayan) sont présent durant cette cérémonie, certains éléments ne leurs sont pas connus, ils ont été élaborés au préalable par les olu bata dans l'igbodu (chambre sacrée), ou "cuarto de santo" (chambre des saints).

Pour être encore plus précis sur kololo : selon Adegbola, linguiste réputé : kololo est un nom-verbe, tout en étant une élision de ko ololo, traduit en anglais comme "to stammer", bégayer, bafouiller. Il signale qu'il existe une traduction alternative: parler en staccato*...
ololo est traduit comme "bègue"
akololo est traduit comme "celui qui bégaye"

Notes de l’éditeur :

1.    Michka Sachnine signale un deuxième sens à kololo : « commencer à parler » (S’utilise pour un petit enfant qui ne parle pas encore bien). Dictionnaire usuel yorùbá-français (éd. Khartala-Ifra).

2.    il y a dans la tradition musicale yoruba une formule rythmique qui utilise okonkolo-konkolo pour reproduire —plutôt sur un agogo— la formule rythmique 12/8 (interafrican standard pattern), à supposer que son énonciation ait pu servir de modèle au nom okonkolo (au delà de la signification précitée), elle renverrait alors, aussi, à une notion de rythme basique...

* Dans son livre Ancient Text Message of the Yorùbá Bàtá Drum, Cracking the Code, Amanda Villepastour préfère la traduction "staccato" pour le terme terme kololo. En effet la réputation établie dans les années '50 du tambour bàtá comme tambour bègue a servi à prétendre que le tambour bàtá était inférieur aux tambours yoruba dùndún pour reproduire la langue yorùbá. Cette auteur entreprend la démonstration qu'il n'en est rien, mais que l'usage du bàtá par rapport à sa langue contextuelle nécessite un niveau de connaissance plus profond que la technique d'imitation du dùndún. Les bàtá codent la langue. pp 16-22 & 122. 2010. Ed. Ashgate.

*Kariosha : A propos du terme "kari osa"
Kari vient de ka ori. Avoir quelque chose en quantité suffisante pour tout le monde.
Kari vient aussi de ka (faire le tour de) ori (la tete, le destin). Nous nous intéresserons plus à ce second sens étant donné le contexte.
osa : lagune, faire le tour de la lagune

La tête physique est considéré un lieu sacré, demeure d'Ori. C'est le centre d'attention de la communauté officiant lors du rituel de consécration pour le nouvel initié. On en fait le tour, comme lorsque l'on dit "faire le tour du sujet". La lagune est une étendue d'eau séparée la mer par un cordon littoral. La lagune entretient avec l'océan un contact permanent, tout en ayant ses propres délimitations, sa propre existence. Sans l'océan la lagune n'existerait pas. Les écritures orales d'Ifa décrivent l'univers et l'espace qui nous entourent comme un océan dans lequel nous baignons.

sa : signifie choisir, sélectionner

La cérémonie de Kari Osa consiste a reconnecter la tête de l'initié avec l'Océan Primordial en passant par les Forces de la Nature appelées Orisa (Irunmole)


(explication d'Amósùn Babalola)


Le terme okonkolo n’est pas utilisé au Nigeria pour cet instrument, où il porte le nom de :

Omele ako


Abo et ako font respectivement référence à la douceur, souplesse, et à la dureté, rigidité. Ces mots ont leur origine dans les mythes de créations. Ogun fabriqua des corps souples (obinrin, femme) et des corps durs (okunrin, homme). Souple et dur font référence à des caractères moraux et non physiques*. Il est courant dans la langue yoruba d'observer des alternations dans l'emploi des préfixes. Parfois « a », parfois « o », et anciennement « i »comme on peut l'observer dans de nombreux mots utilisés à Cuba.

Enfin, historiquement, le tambour de Bata était un tambour de guerre utilisé pour stimuler les combattants. ce qui explique en partie la dureté et les conditions requises pour en jouer, la force de caractère et la détermination étant des valeurs fortement appréciées des Olubata, tant à Cuba qu'au Nigeria.

Ifapé ka rogun mo sa niyiokunrin :
Ifá dit que l'honneur d'un homme est celui de voir la guerre et de ne pas fuir
(un homme ne fuit pas ses responsabilités familiales et sociales et s'engage à les défendre au péril de sa vie).

De même qu'à Cuba les batas jouent selon les circonstances pour les orichas et les Egun (esprits des ancêtres), les bàtá africains jouent aussi pour les Egungun. Ils apparaissent dans des sories de masques agbegijo. Il y a un lien entre les deux : Ullo Beier rapporte que les porteurs de masques agbegijo forment groupe dans la société egungun.

Bata et masque
Tambours bàtá iyaalu et omele abo avec un masque Goguru. Goguru ne supporte pas la présence d'un autre masque. Photo Ulli Beier (collection Daniel Chatelain).

Aso nya leti orunkun, bata nya lese !
("Les danseurs Egungun font virevolter leur pagne autour de leur cou, et danser en rythme les chaussures") .


* abo et ako, termes faisant références aux principes mâles et femelles sur un  plan symbolique se retrouvent dans différents ensembles de tambours yoruba.

Notes de l’éditeur : glossaire sur les tambours batas sur ce lien, pp 32-33.


LE NOMBRE DE TAMBOURS BÀTÁ 

Du 15e au 19e siècle, tout indique que les tambours batas africains étaient au nombre de trois, et c'est ce qui a été transporté, ou plus exactement recréé à Cuba. En pays yoruba, le codage de cette langue dans un ensemble de tambours bàtá est réparti entre les deux tambours joués horizontalement des deux mains : iyaalu/iya'lu et omele abo.

Au 20e siècle on constate l'usage d'un quatrième petit tambour, le kúdi, de taille comparable à l'omele ako, avec un ìda (fadela) sur la peau de frappe. Mais, en général, il est attaché à l'omelé ako et dans ce cas l'ensemble des deux fûts est simplement appelé omele ako (l'identité propre du kúdi disparaît alors). Cet instrument double est uniquement utilisé pour l'accompagnement.

Dans les années '50 a été inventé un ensemble avec un troisième tambour (deux avec idá, plus le kúdi), passé dans les enregistrements dans les années '70, ensemble très normalement appelé omele meta (meta = 3). Celui-ci à lui seul peut aussi reproduire à sa manière le langage tritonal yoruba, contrairement à l'omele ako à deux fûts. Mais il est important de signaler que c'est une innovation qui s'est faîte hors du contexte rituel (musique fuji etc.). D'ailleurs il est apparu à une même époque où des ensembles de deux ou trois tambours inspirés des tumbadoras cubaines (avec pour nom caractéristique akuba!) reproduisaient aussi à l'occasion les tons du yoruba, toujours dans la musique populaire... Il semble que omele meta et akuba aient été inspirés du jeu sur plusieurs congas à l'époque où des percussionnistes comme Patato le développent.

omele meta
omele meta (Source : Nigerian bulletin)

Peut apparaître encore un autre tambour en contexte profane, l'àdàmò (o ouvert), conique, de construction similaire à l'omele abo mais, lui, joué verticalement, avec une lanière de cuir bílàlà.

Pour les mélodies graves existe aussi un grand tambour batà joué de façon horizontale, l'èjìn, qui parle

1. parle sans intervention de l'iyaalu et de l'omele abo

2. appuie des temps forts dans les graves en complément du leader l'iya'lu

(dc)


AÑÁ / AYAN, LES ORISHA ET IFA

Ayan est la divinité associée en particulier aux tambours bata (et aussi à quelques autres, en pays yoruba et à Cuba, cf infra)

Ayan est l'orisha déposé dans les tambours consacrés, il est aussi le fondateur des lignées de tambourinaires Ayan chez les Yoruba, ces lignées portant ce nom comme partie de leur nom de famille.

Le nom complet de la divinité associée aux tambours (de) Bata est Ayanagalu. Ayanagalu vit et se propage dans l'air, c'est l'esprit de la vibration, il est forcément associé à Oro (esprit des mots, parole). Le tambour, le fût est son réceptacle.

Ayanagalu est considéré une technologie de communication dans une culture en permanente évolution.

Ayan est un Orisa "funfun", c'est-à-dire "blanc".


Notes de l'éditeur :

- Ayan est également le nom de l'arbre avec lequel on fait les batá (flamboyant du Gabon ou satinwood tree)

- Certains interviewés à Cuba relatent la prime ancienneté d'Añá (Ayan en yoruba, avec une prononciation très proche) sur les Orisha.



AYAN, ORISHA FUNFUN

Les Orisa "funfun", blancs, comprennent toute la lignée d'Oosanla ("nla" signifie "très grand") identifiable aux codes vestimentaires, aux éléments de sacrifice, aux tabous, etc, observés dans les cultes de ces divinités. Oosa, et même Orisa, est un terme réservé à Obatala, de même que les termes Iyalorisa et Babalorisa, qui désignent les dévots d'Obatala, en pays Yoruba bien sûr. Dans d'autres contextes, le terme Orisha se réfère aux autres divinités du panthéon Yoruba.

Ce sont :

- Obatala (Oba / Roi, ti / celui de, ala / rêve, lumière)
- Ogiyan (connu à Cuba comme Oshagriyan)
- Ayelala
- Oluorogbo
- Iwowu
- Oniki
- OrishaOko
- AlagemoTeere

et donc

- Ayan

Ces divinités trouvent leur origine dans les migrations des descendants d'Obatala à partir d'Ilé Ife. Ils peuvent avoir été envoyés par Olodumare pour répondre à un certain besoin, ou pour venir en aide à certaines populations. Plus tard, à leur retour au Ciel (Orun), le culte se perpétua. Ces cultes sont toujours vivants de nos jours en pays Yoruba.

(Selon Amósùn Babalola)


LE MYTHE : CE QUE DIT IFA

Voici, dans la tradition du Nigeria ce qu'en dit Ifa lui même, source du savoir géomantique des babalawo (babalao à Cuba) dans un verset (ese ifa) d'Oturupon Ogunda :

Jogede
Gbagede
A difa fun Oosaala Oseeremogbo (Obatala)
Nijo ti ntorun bo walé ayé
Ebo n won ni o se
Jogede
Gbagede
A difa fun Okankenu Irunmole
Nijo ti won ntorun bo walé ayé
Bi Sango ti to un
Ko rilu jo !
Jogede
Gbagede

N. B. : les signes diacritiques yoruba, tonaux ou pas, ne sont pas reproduits

 

Traduction:

Jogede
Gbagede
Ifa fut lancé pour Oosaala Oseeremogbo (Obatala)
Le jour ou il descendit du Ciel vers la Terre
On lui conseilla d'offrir sacrifice
Jogede
Gbagede
Déclaration d'Ifa pour les divinités innombrables
Le jour ou elles vinrent du Ciel vers la Terre
On leur recommanda d'offrir sacrifice
Malgré sa grandeur
Shango ne trouva pas de tambour pour danser
Jogede
Gbagede


Orunmila était le seul à posséder un "ìlù", tambour (amené du Ciel ou conçu sur Terre, cela n'est pas précisé). Obatala et les autres Orisha vinrent consulter Ifa afin d'obtenir a leur tour un tambour personnalisé. Orunmila leur recommanda d'offrir la peau d'un animal. Seul Oosa (Osha) offrit sacrifice. S'ensuivit un festival au cours duquel Obatala fut le seul à se présenter avec son tambour, les autres chantant, claquant des mains, mais sans tambour. Par la suite tous offrirent sacrifice afin d'avoir leur propre tambour :

- Igbin pour Obatala

- Agere pour Ogun (Osoosi est reincarnation d'Ogun, tout comme Erinle)

- bàtá pour Shango

- Aran pour Ifa

(Sans compter l'idiophone...)

- Agogo (cloches) pour bon nombre d'Orisha ainsi qu'Ifa.

Une fois réalisée cette diversité de tambours, il falut les régir. Une divinité fut ainsi envoyée par Olodumare pour la lignée des tambourinaires : Ayan, diminutif d'Aluyanda. On entend aussi le terme Ayanagalu. Ayan est un Orisa "funfun", c'est-à-dire "blanc"."

Source : Ayo Salami Yoruba Theology and Tradition.
Cité et traduit par  Amósùn Babalola.


 LES ENSEMBLES DE TAMBOURS YORUBA


Le mythe précédent invite à lister brièvements les ensembles de tambours yoruba. On estime qu'il en existait plusieurs centaines avant la colonisation. Sont actuellement répertoriés :

- dans les tambours à deux peaux joués horizontalement, outre les bàtá, les talking drums dùndùn et gangan (en forme de chlepsydre).

gangan
gangan (Source : Nigerian bulletin)

- autre tambour portatif, le koso. 1.En forme de chlepsydre joué sur une seule peau avec insertion périphérique de clochettes, qui remonte à Ajaka, frère de Shango et aurait été joué pour la première fois aux funérailles du fondateur d'Oyo, Oranmiyan. 2. Koso de l'Alafin d'Oyo, de forme courte, avec une base et les clochettes proches de la base;  quand il est joué aucun autre instrument ne l'est.

Darius Thieme distingue 5 types de tension dans les tambours yoruba avec peau chevillée. Les ensembles de tambours verticaux en bois posés au sol sont :

Ipese pour Ifa (appellation plus courante que Aran utilisé dans le mythe précédent. Les ensembles Ipese ont des différences entre Ede et Ifé, les appellations des tambours ne sont pas identiques. A Ede ils sont joué avec deux baguettes, à Ifè avec les mains.

- Igbin pour Obatala (sculptés ou non, longues baguettes fines)

- Apinti (en forme de bol avec une base) religieux à l'origine, que le Timi de Ede rapprochait des Igbin (mais il existe des tambours apinti ou proches d'apinti avec d'autres types de tension et de forme, sans chevilles).

-  tambours royaux ogboni, liés aux sociétés ogboni.

- Agere (Ogún et sociétés de chasseurs)

- ensemble gbedu (signifie "royauté") ou agba (royal). Tambours sculptés avec des représentations de divinités.

gbedu
gbedu (facture moderne)
. Source : Nigerian bulletin

En bois en forme de timbale :

- gudududu, petit tambour d'accompagnement utilisé avec baguettes.

Construction atypique :

- ensembles Kete des Egba, qui combinent calebasse et bois, joués au moins par trois (avec deux tambours de bois accompagnants : omele ako et omele kenkele ou omele abo).

Tambours lacés à doubles peaux en forme de caisse, munis de timbres de résonnance :

- bembe. Joués pour Oshun en ensemble de trois en pays Ilesha, à Abeokuta à 2 ou 3 tambours. Aussi en pays Egba (pour les orisha locaux, les mascarades, enterrements et diverses circonstances). Inclus dans certains ensembles royaux (Iwo...). Les ensembles de tambours bembés peuvent atteindre ou dépasser cinq tambours.

En poterie :

- Les tambours d'Omolu, consacrés à la divinité de la variole, comportent trois tambours de poterie (iya'lu, jagede et Ipese) et deux tambours de bois cylindriques (omele abo et omele ako).

(dc)


organigramme
Place des tambourinaires añá dans une communauté religieuse de santería
(Source : Antoine Revert, master ethnomusicologie, Université Paris 8)

 

  

 C. LES BATAS CUBAINS : L'ORIGINE YORUBA DANS LE DÉTAIL

par Daniel Chatelain

Les composantes organologique des tambours batas à Cuba ont en général une appellation yoruba qui double des termes espagnols.

Par exemple :

- la peau la plus grande du tambour est boca en espagnol, qui traduit l'autre appellation enú * (du yoruba enu, bouche, qui parle).

- la peau la plus petite est appelée culata en espagnol (qui s'oppose à boca), tandis qu'est courant pour les tambourinaires le terme chachá. En yoruba sháshá signifie "encore et encore", le terme chachá est donc cohérent avec un rythme régulier et répétitif habituellement frappé sur cette peau.

- les peaux des tambours, cuero, sont aussi appelées auo, correspondant à awo (terme yoruba, avec in "o" ouvert, qui signifie bien "peau").

- le corps du tambour est dénommé casco ("la coque) mais aussi igi ("le bois" en yoruba). Igi ou Iggui est aussi un terme qui désigne le maillet (en bois) qui sert à accorder les peaux avant de jouer.

- les tirants, tirantes en espagnol sont aussi appelés tina malú (qui correspond au terme yoruba de cette signification :  ti.ná.màlúù).

- le chaworo, ceinture de clochettes métalliques ajoutée à l'enu sur l'iyá et éventuellement l'itotelé quand ils jouent pour les orichas vient du terme de même signification en yoruba : shaworo.

- Un emplâtre cireux utilisé pour renforcer les graves des enu des batá, la fadela est aussi appelée ida. En yoruba ìda veut dire cire et on l'emploie pour le même type d'emplâtre (en concurrence avec "iro"). Il est en général admis que fadela est un mot créole, allusif à un médicament. Pourtant il est étonnant de constater que les trois syllabes de fadela font sens en yoruba avec trois verbes en série, de façon très descriptive : : être bien élastique - (voyelle ouverte comme"ê" en français) : être mou, se ramollir, : diluer, mélanger!

- En situation de cérémonie les batas cubains sont recouverts d'un châle orné de perles aux couleurs de certains orishas. Il s'agit de l'ibanté, mot ayant évolué aussi en "bandel". L'orthographe yoruba est bànté (avec un signe diacritique sur le é pour une prononciation "ê"), d'où "oní.bànté..." une louange à Shàngó pour son châle royal orné de perles).

- Un élément du système de tension à proximité du cha chá, la cadaneta est une innovation technique cubaine, elle est ausi appelée gangá à Matanzas. Terme dont on peut constater, en dehors d'autres occurences cubaines, qu'il ressemble au nom d'un tambour yoruba type talking drum en chlepsydre, le gángan, sans qu'on puisse toutefois en retirer de conclusion définitive...

En revanche, nous ne connaissons pas de termes d'origine yoruba utilisé pour la faja ("corset" de lanières de cuir ou corde), la cintura (étranglement sur les batas caractéristique de la facture type La Havane).

En résumé; l'origine purement yoruba des tambours batas est confirmé dans les moindres détails de leur "anatomie" et de leur usage, conservée par la tradition orale liée aux rituels, sur une siècle et demi. Certaines évolutions de ces tambours propres à Cuba ont même pu recevoir de nouvelles appellations propres à cette langue dans la communauté d'origine yorubaphone cubaine crée par l'esclavagisme.

Mentionnons pour finir l'accessoire chancleta ("savate") la palette de cuir employée sur les chachá à Matanzas, qui y a pris la forme de trois doigts. Il correspond à la lanière bílàlà utilisée par les Yorouba sur les sha-sha et les petits tambours d'accompagnement. Gilbert Rouget, on le sait, est le premier à avoir signalé que cette caractéristique de Matanzas regardée jusque là comme une bizarrerie est un trait d'africanité...

* les yoruba utilisent actuellement ojú òjò plutôt que enu, mais la traduction de cette métaphore serait en définitive de même sens : "le visage qui parle beaucoup".

(adaptation d'une illustration commentée en conférence)


D. LE LIVRE VIRTUEL HISTOIRE DES TAMBOURS BATÁ DE CUBA

Par Patrice Banchereau


Le livre-article sur l'Histoire des tambours batá à Cuba de Patrice Banchereau est une somme sans équivalent (toutes langues confondues) :



OSCAR VALDES a introduit les batas dans le cuban jazz. 

Lien : Femmes et tambours batas à Cuba (partie finale de la page)

album photo "afro-cubain" (archivé)


D. Autres éléments bibliographiques relationnés au site ritmacuba.com et/ou à la revue PERCUSSIONS (nombreux liens dans la page textes-textos.html)

2004. "Tambours batas : rythmes, transe et religion" (2e partie) : interview d'Oderquis Revé", par Daniel Chatelain, revue PERCUSSIONS n°14 (nouvelle série).

2003. "Tambours batas : rythmes, transe et religion" (1ére partie) : interview de Milan Gali", par Daniel Chatelain
revue PERCUSSIONS n°12 (nouvelle série) éditée par l'Afpercu (Association Française des percussionnistes). Rubrique traditions.

2003. "Des dieux, des maîtres : les tambours afro-cubains de Wemileré", par Daniel Chatelain. Cités Musique, trimestriel édité par la Cité de la Musique. Cet article est publié sur ritmacuba.com dans une version plus longue que celle parue dans Cités Musique.

2002. "Tambours des Noirs, Tambours des Blancs" ou "La transculturation blanche des tambours des Noirs" de Fernando Ortiz (1952), traduction et avant propos : Daniel Chatelain. PERCUSSIONS n° 9 (nouvelle série). Rubrique traditions : 4-15 et PERCUSSIONS n°10 : 4-14. éditée par l'Afpercu (Association Française des percussionnistes). www.afpercu.com. Réédition en brochure Ritmacuba en cours (2006).

2000.- "Historical Chart of the Styles of Popular Cuban Music" in Tito Puente's Drumming with the Mambo King de Tito Puente et Jim Payne. Hudson Music. www.hudsonmusic.com. Version anglophone et révisée de 1996. "Tableau généalogique des styles de la musique cubaine".

1999. "Discographie des musiques afro-cubaines". Daniel Chatelain. PERCUSSIONS n° 60 (première série). Rubrique documentation.. Percussions Sans Frontières.
Deuxième partie : cycle de la rumba, congas/comparsas, hommages et actualisations.

1998. "Discographie des musiques afro-cubaines". Daniel Chatelain. PERCUSSIONS n° 59 (première série). Rubrique documentation.
Première partie. Présentation historique et thématique. Panoramas et anthologies, styles afro-cubains traditionnels : Musique de tradition yoruba (Lucumí - Santería). Autres traditions.

1998. Danser avec les entités, danser avec les autres : du rapport danse-transe-musique dans la religión à La Havane (Cuba) par Kali Argyriadis. Pdf. Réédition de PERCUSSIONS n°58 première série, pp.17-26. 1998.

Même auteur (2006) : Les Batá deux fois sacrés : la construction de la tradition musicale et chorégraphique afro-cubaine


1998. "De Changó aux tambours". Daniel Chatelain. PERCUSSIONS n° 58 : 54-61 (première série). Rubrique documentation.
Deuxième partie. Eléments de bibliographie thématique des manifestations artistiques issues des religions afro-cubaines.

1998. "De Changó aux tambours". Daniel Chatelain. PERCUSSIONS n° 57 : 35-50 (première série). Rubrique documentation.
Première partie. Bibliographie thématique afro-cubaine avec plusieurs centaines de références. Cette première partie, portant sur les cultes afro-cubains, présente aussi l'ensemble de la thématique abordée dans les deux parties.

1996. "Le tambour roi. Chronique cubaine". Daniel Chatelain. PERCUSSIONS n° 47 (première série). Rubrique Documentation.
Analyse de parutions et hommage à Merceditas Valdés. Les chroniques sont ré-éditées dans les Chroniques Livres et CD de ritmacuba.com.

1996. "Cuba : les racines sont profondes". Daniel Chatelain. PERCUSSIONS n° 44 (première série). Rubrique Documentation.
A propos de parutions importantes sur les religions et les musiques afrocubaines. Disques de musique afrocubaine et de musique populaire cubaine.Chroniques rééditées sur www.ritmacuba.com.

1996. "Tableau généalogique des styles de la musique cubaine". Daniel Chatelain et Michel Faligand. PERCUSSIONS N° 43 (première série). Rubrique Documentation.

1996. "La migration transatlantique des tambours bàtá". Isabelle Leymarie. PERCUSSIONS n° 45 (première série) : 11-19. Les tambours bàtá yoruba en Afrique et au Nouveau Monde; les bàtá à Cuba; les premiers enregistrements cubains des bàtá et leur diffusion à l'étranger; les bàtá dans le latin jazz et la Salsa. Bibliographie. Rubrique Traditions.

1994 : "Jouer les batas sacrés". Daniel Chatelain. PERCUSSIONS n° 36 : 25-28 (première série). Rubrique Traditions.
La terminologie concernant les batas "de fundamento" rituels et ceux qui en jouent (légitimement). La sortie des batas hors du contexte religieux à partir de 1936. Prolonge l'article du n° ci-dessous.

1994. "Questions au maître Orlando Poleo". Interview par Daniel Chatelain. PERCUSSIONS n°35 (première série). Rubrique Traditions.
Le virtuose des tumbadoras aborde l'apprentissage de la percussion au Vénezuela, de "la rue" à l'enseignement institutionnel; ses rencontres musicales marquantes et les grands tamboreros; sa relation particulière aux tambours batas, aux rythmes afro-vénezueliens; le rythme au-delà de la couleur de la peau ; le lien de la percussion et de la danse.

1994. CUBA. Tambours Bata : Hommage à Yemayá et Ochún. Notes du CD de ILUYENKORI (dir. Roger Fixy). Daniel Chatelain (anglais et français). Playasound PS 65138.

N.B. : Toute la collection de Percussions 1ére série est reliée et disponible à la Bibliotèque de la Cité de la Musique, Paris 19e.
PERCUSSIONS est actuellement édité par l'Afpercu (Association Française des percussionnistes). www.afpercu.com


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